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Le Troubadour portugais

Le Troubadour portugais, mélodrame en trois actes, à spectacle, de C. P. de Kock et Théodore [d'Hargeville], musique de Quaisain et Renat fils, ballets de Millot, 15 novembre 1815.

On associe également Varez à l'écriture de ce mélodrame : dans la Bibliothèque dramatique de Monsieur de Soleinne, tome 2, p. 294, Annuaire dramatique de la Belgique pour 1839, p. 179, Catalogue général des œuvres dramatiques et lyriques faisant partie du répertoire de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques [1863], p. 364, etc.

Théâtre de l’Ambigu-Comique.

Titre :

Troubadour portugais (le)

Genre :

mélodrame à spectacle

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en prose

Musique :

oui

Date de création :

15 novembre 1815

Théâtre :

Théâtre de l’Ambigu-Comique

Auteur(s) des paroles :

C. P. Dekock et Théodore [d’Hargeville]

Compositeur(s) :

Quaisain et Renat fils

Chorégraphe(s) :

Millot

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Fages, 1815 :

Le Troubadour portugais, mélodrame en trois actes, à spectacle, Par MM. C. P. Dekock et Théodore ; Musique de MM. Quaisain et Renat fils ; Ballets de M. Millot. Représenté sur le Théâtre de l’Ambigu-Comique, le 7 novembre 1815.

Théodore, c’est Théodore d’Hargeville, si on en croit les Supercheries littéraires dévoilées, tome III, 2me partie, de J.-M. Quérard (Paris, 1871), p. 781.

La date donnée par la brochure ne coïncide pas avec celle que donne le Journal des débats politiques et littéraires du 15 novembre.

Journal de Paris, n° 320 du 16 novembre 1815, p. 2-3 :

[Ayant à rendre compte d’un mélodrame, « ce genre bâtard », le critique commence par prendre ses distances avec une forme qui à ses yeux ne se renouvelle plus, et use toujours des mêmes procédés dont il donne non sans ironie une sorte de liste. Il souligne tout de même une évolution récente, la relative raréfaction des meurtres sur scène. Un exemple emprunté à un drame allemand permet de montrer à quels excès on pouvait se laisser aller. Le Troubadour portugais, la pièce du jour, présente bien le canevas habituel des mélodrames, fondé sur l’opposition d’une héroïne vertueuse et d’un scélérat. Le critique entreprend la rude tâche de résumer avec précision une intrigue conforme en tout point à celle des autres mélodrames. Ce résumé n’est pas dénué d’ironie, par exemple quand il s’agit de justifier un improbable mariage par une convention exigeant qu’il y ait un mariage dans une pièce. Le résumé s’achève par une précaution : il n’est pas très sûr que, dans le brouhaha il ait bien entendu, et que d’autre part sa mémoire soitfidèle : la tâche n’est pas simple. Le jugement porté ensuite est assez perfide : le critique a reconnu bien des sources aux diverses scènes du mélodrame, ce qui ne lui évite pourtant pas les sifflets. Et il met ironiquement en garde les auteurs de mélodrame : leurs terribles moyens ne font plus peur à personne, et il arrive que le parterre rie de ce qui devrait le terrifier, ou relève « quelques expressions ridicules » (mais le critique ne donne pas d'exemple). La tentative de nommer les auteurs a été rendue très difficile. La conclusion de l’article souligne, toujours ironiquement, qu’il est difficile de juger un mélodrame, parce qu’il manque pour les mélodrames les corpus de règles dont le critique dispose pour les autres genres dramatiques, tragédie ou comédie. Il faudrait que les auteurs de mélodrames comblent cette insupportable lacune.]

THÉATRE DE L’AMBIGU-COMIQUE.

Première représentation du Troubadour portugais, mélodrame en trois actes.

Depuis long-temps on ne fait plus de mélodrames nouveaux : il paraît que les premiers créateurs de ce genre bâtard ont épuisé eux-mêmes toutes les sources de l’intérêt et de la niaiserie. Leurs imitateurs ne font plus que tourner autour du même pivot ; ils nous présentent toujours des gens vertueux, passablement sots, aux prises avec des coquins passablement intrigans. L’innocence persécutée est sur le point d’être immolée, et cette lutte inégale du crime et de la vertu se termine par un coup du ciel. Dans le monde, la vertu prospère rarement ; au boulevard elle est toujours triomphante ; le scélérat y est même puni avec sévérité ; il est souvent question de l’enfermer dans une tour, ou comme dans Geneviève de Brabant, de le faire écarteler par quatre taureaux sauvages : jamais le crime ne peut transiger avec un auteur de mélodrame.

Il faut être juste, la scène n’est plus si fréquemment ensanglantée qu’autrefois. On avait par trop imité les drames de nos voisins. Je me souviens d’avoir vu représenter en Allemagne une pièce intitulée les Templiers ; après trois assassinats et deux empoisonnemens qui avaient égayé le cours de la représentation, on exécutait le grand-maître Jacques de Molay, et une vingtaine de chevaliers sur le théâtre ; et le grand-maître, avant d’expirer, ayant dit comme celui de M. Raynouard :

L’arrêt qui nous condamne est un arrêt injuste .
Mais il est dans le ciel un tribunal auguste,
Que le faible opprimé jamais n’implore en vain ;
Et j’ose t’y citer, ô pontife romain !
Encor
quarante jours !.... je t’y vois comparaître,

le pape, un quart-d’heure après le supplice des Templiers, se voyait, on ne sait trop pourquoi, pendu à l’aîle d’un moulin à vent.

En donnant l’analyse du Troubadour portugais, on va peut-être croire que je me plais à reproduire toujours le même canevas, et qu’à l’aide de quelques noms nouveaux, j’ai, comme l’auteur, la prétention d'annoncer une pièce nouvelle. Soit modestie, impuissance, ou plutôt l’effet que produit naturellement sur un cœur bien né, les sentimens d’innocence qui sont l’apanage de sa vertueuse héroïne, le père du Troubadour portugais aurait été inconsolable, si on lui eût dit qu’il avait désolé nos neveux. C’est un homme qui ne veut faire tort à qui que ce soit dans le monde. Si dans sa pièce il y a un scélérat, il l’a fait parler à peu près comme Racine, d’ailleurs si doux de caractère, fit parler un Néron ou Aman.

Alméida est donc le scélérat en question. A la suite des troubles politiques qui agitèrent le Portugal, il avait reçu l’ordre de s’éloigner, et arrive en Espagne, où je crois que la scène se passe. La marquise de Villareas, riche veuve, du rang de simple secrétaire, le fait monter à celui d’intendant-général attaché à son service. Le duc de Medinez, en mourant, avait, par testament, donné tous ses biens au feu marquis de Villareas, sous la condition que le fils ce ce seigneur, appelé Rodrigue, prendrait le nom du duc, et que, dans le cas où cet enfant mourrait, la fortune immense qui lui était léguée passerait à une branche de la famille.

C’est dans de vieux papiers de famille qu’Alméida a trouvé tous ces renseignemens, qui suffiraient à composer le premier volume du roman le mieux conditionné. Le petit Rodrigue qu’on a mis en nourrice chez la femme d’un nommé Vélasco, meurt en effet, et Alméida lui substitue aussitôt le fils de cet homme. Personne ne sait cela, comme de raison, si ce n’est le coupable et le père nourricier.

Alméida n’est pas encore content, il convoite les grands biens de la marquise de Villareas, et veut l’amener à l'épouser : si elle refuse, qu’elle tremble ; il découvrira l'échange qui a été fait, et dira à qui voudra l’entendre que c’est par ordre de la marquise qu’il a agi. Cependant Velasco s’avise de mourir, et en mourant, ce coquin-là révèle le secret à sa femme, dont Alméida redoute singulièrement l’indiscrétion. Celle-ci promet de garder le silence : alors Alméida fait ses grands aveux à la marquise qui lui fait sentir la distance qui les sépare. Le fourbe, qui a toujours la manie de fureter dans des papiers de famille, a par hasard dans les mains ceux des Castellos, dont le dernier rejeton a péri dans une émeute au Portugal. Voilà donc Alméida qui se fait passer aux yeux de la marquise pour le comte de Castellos. Il a mis dans ses intérêts un troubadour, personnage mystérieux, qui vient, on ne sait d’où, qui dit on ne sait quoi, et qui vit on ne sait comment.

Ce troubadour doit remettre à Alméida (qui s’est concerté avec lui) la cassette qui renferme les titres de la famille Castellos, et lui dire devant tout le monde qu’il le cherchait depuis long-temps. Mais ce diable de troubadour est précisément le comte de Castellos lui-même, qui, muni de sa cassette, confond l’imposteur. Le fils de la nourrice est adopté et marié à une jeune personne nommée Isabelle, parce qu’il est convenu qu’une pièce de théâtre n’aurait pas le sens commun, si elle ne comportait pas un mariage.

Si ma mémoire est fidèle, et surtout si les sifflets qui ont accompagné les dernières scènes m’ont permis de bien saisir l’intrigue, voilà l’exposé exact du Troubadour portugais : pour me servir d’une comparaison tirée de l’Espagne, cet ouvrage ressemble à une Olla podrida ; on y trouve un peu de tout.

Depuis Héraclius jusqu’à l’opéra de Lucile, depuis le Barbier de Séville jusqu’à Maison à vendre, les auteurs ont mis tout à contribution : que de coups de chapeau j’ai donnés à maintes scènes ; eh bien ! qui le croirait ? cette vieille nouveauté a été sifflée.

Que les auteurs de mélodrames prennent garde ; le parterre devient irrévérencieux : hier, j’ai entendu rire de ce qui naguère excitait la terreur ; la grosse voix du traître Alméida n’a fait peur à personne ; le poignard de son confident n’a même pas effrayé les petits enfants ; enfin on s’est permis de relever quelques expressions ridicules ; en vérité le désordre était à son comble.

Un acteur intrépide a essayé de proclamer les noms des coupables, mais le public charitable a couvert la voix de l'inconscient.

Nous sommes toujours fort embarrassés quand il s’agit de porter notre jugement sur un mélodrame. Nous craignons de passer pour des profanes. Aristote, Horace, Boileau nous ont enseigné les règles d’après lesquelles on peut toujours juger une tragédie ou une comédie. Mais il manque réellement à notre littérature un art poétique des boulevards. MM. Guilbert-Pixérécourt, Caignez et Cuvelier, d'équestre mémoire, devraient bien s’occuper de remplir cette lacune.

[Une Olla podrida, c'est un pot pourri, plutôt espagnol que portugais : on y met toute sorte de viandes qu'on fait mijoter longuement. Ici, elle contient Héraclius de Corneille, Lucile, opéra comique de Grétry (1769), le Barbier de Séville qu'on ne présente pas et Maison à vendre, d'Alexandre Duval, musique de Dalayrac.]

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