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Les Trois jumeaux vénitiens
Les Trois jumeaux vénitiens, comédie italienne en quatre actes; dialoguée en français, de A. Collalto Mattiuzzi, 7 décembre 1773, reprise le 14 frimaire an 12 [6 décembre 1803].
Théâtre Italien (en 1803, Théâtre Louvois).
Dans le Catalogue général de la BNF, une édition du livret de 1792 donne le nom de celui (ou ceux) qui ont dialogué en français la pièce : Lefebvre de Marcouville ou d’Hèle et Cailhava. Ils y sont présentés comme des traducteurs.
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Titre :
Trois jumeaux vénitiens (les)
Genre
comédie italienne
Nombre d'actes :
4
Vers ou prose ,
en prose
Musique :
non
Date de création :
7 décembre 1773, reprise en 1803
Théâtre :
Théâtre Italien (Théâtre Louvois en 1803)
Auteur(s) des paroles :
CollaltoMattiuzzi, version française en 1792 par Lefebvre de Marcouville ou par Thomas d’Hèle et Cailhava
Courrier des spectacles, n° 2467 du 15 frimaire an 12 [7 décembre 1803], p. 2 :
[Le critique n’est vraiment pas convaincu par cette reprise d’une pièce qui lui paraît surtout invraisemblable : c’est un « mauvais cannevas italien » où l'illusion est impossible sauf si on la montre à des spectateurs aveugles. Il est facile de faire rire « en ne respectant aucune règle » (et le critique n’approuve pas ce rejet des règles). Deux idées intéressantes : la pièce est « trop charge pour la plûpart des spectateurs », et elle est à réserver au public spécifique des dimanches ; et les coups de pied d’Arlequin à un exempt ne sont pas une idée heureuse, parce que ridicule.]
Théâtre Louvois.
Reprise des Trois Jumeaux Vénitiens.
Cette piece fut représentée avec succès au théâtre Italien, en 1773 ; mais Colalto son auteur y jouoit, mais Carlin y remplissoit le rôle d’Arlequin. A ces deux causes suffisantes pour concilier la bienveillance du public, se joignoit l’habitude de ne voir à ce théâtre que des ouvrages jugés indignes de la scene française.
Le théâtre Louvois n’est point réduit à cette triste servitude. Son répertoire n’éprouve point de pareils entraves ; il peut tirer de l’oubli les ouvrages de nos meilleurs auteurs morts, et ceux qui travaillent de nos jours, s’empressent de lui porter leurs productions. L’ouvrage de Colalto figure mal à côté de ceux de Picard et de Colin-d’Harleville. L’invraisemblance qui règne dans ce mauvais cannevas italien détruit toute illusion et fait oublier le mérite de quelques scènes très-comiques, mais qu’il n’est pas difficile de faire naître en ne respectant aucune règle et en supposant un bandeau sur les yeux des spectateurs.
Le seul avantage de cette reprise est d’avoir montré Vigny grand comédien dans les trois rôles des Jumeaux Vénitiens. Peut-être eut-on dû craindre de fatiguer un acteur aussi précieux à cette société , en lui donnant des rôles qui ne lui laissent pas prendre de suite cinq minutes de repos pendant quatre actes.
M. Armand mérite aussi des éloges pour la manière dont il a rendu le rôle d’Arlequin ; mais au total cette pièce trop charge pour la plûpart des spectateurs ne pourra guères être jouée avec succès que le dimanche.
Nous ne savons pas si les coups de botte qu’Arlequin donne à l’exempt qui vient l’arrêter sont de tradition, mais en tout cas elle n’est pas heureuse, car rien n’est plus ridicule.
Les deux documents qui suivent se réfèrent tous deux aux Ménechmes, à la fois pièce de Térence et pièces modernes reprenant la même idée de la confusion que fait naître la gémellité.
Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome quatrième, nivôse an XII [décembre 1803], p. 288-289 :
THÉATRE LOUVOIS.
Reprise des trois Jumeaux Vénitiens.
Colalto, l’un des acteurs de l'ancien théâtre italien, imagina de composer la pièce des trois Jumeaux Vénitiens pour ses camarades qui, les mardi et les vendredi, prêchaient assez souvent dans le désert, malgré le talent précieux du célèbre Carlin. La pièce, assez piquante par les détails, et supérieurement jouée par l’auteur lui-même, produisit alors l'effet qu'on s'en était promis, et ramena pendant quelques mois une affluence momentanée.
Fondée, comme celle des Ménechmes, sur la ressemblance de trois frères et sur les méprises que cette ressemblance accumule, elle avait été conçue de manière à rendre l'illusion complette en laissant la liberté au même personnage de jouer les trois rôles : mais cette idée n'appartenait pas même à l'auteur, et M. Palissot l'avait eue avant lui dans sa comédie du Rival par ressemblance, comédie très-bien écrite, par parenthèse, et que peut-être le théâtre français n'aurait pas dû abandonner si vite. Quoi qu'il en soit, la pièce de Colalto réussit et parut très-propre à faire briller la souplesse du talent d'un comédien qui saurait varier avec art son masque et son jeu, et qui se ploierait ainsi aux trois caractères différens. Depuis Colalto, quelques comédiens l'ont essayé avec peu de succès, entr'autres le fameux Volange, que les rôles de Jannot et des Pointus avaient fait distinguer sur les tréteaux forains, mais qui prouva dans cette occasion combien le talent de quelques carricatures diffère réellement du talent comique, et à quel point le cadre influe sur ces sortes de célébrité.
Il était présumable que Vigny, du théâtre Louvois, s'approprierait ces rôles d'une manière saillante, parce que son talent est réel, parce qu'il a fait une étude soignée de son art, parce qu'il est parvenu au point de confirmer sa réputation partout où son talent pourra se produire sans contrainte et sans obstacle ; enfin parce que tous les cadres lui conviennent également.
La manière dont il s'est acquitté de ces nouveaux rôles en est encore une preuve, et il ne lui manque peut-être, ainsi qu'à l'ouvrage, que d'être mieux secondé par les accessoires, sur-tout par l'arlequin, rôle essentiel et sur lequel le souvenir de Carlin rend, à la vérité, plus difficile.
Au surplus, nous avons chaque jour, de nouvelles occasions de rendre justice au zèle des acteurs de ce théâtre et au discernement de l’auteur-directeur.
[L’auteur-directeur, c’est Picard, bien sûr.]
Geoffroy, Cours de littérature dramatique, tome 5 (seconde édition, 1825), p. 20-25 :
[Article du 19 frimaire an 12 (11 décembre 1803).
Le premier soin de Geoffroy, et on le reconnaît bien là, c’est de nous mettre en garde : la pièce de Colalto qu’on vient de remettre au théâtre n’est pas une pièce régulière, mais un canevas italien, que Colalto a écrit pour montrer qu’il n’était pas seulement capable de jouer caché derrière un masque. La prestation de Colalto, que Geoffroy a vue, était bien supérieure à ce que Devigny a su faire dans le même triple rôle qu’il lui a fallu réinventer, puisque la tradition en est perdue (et le respect de la tradition est au théâtre essentiel). Dans les Trois jumeaux vénitiens, Colalto réussit comme acteur, mais aussi comme auteur : on le jugea « avec une extrême indulgence » ]en voyant dans sa pièce « un hommage qu’un étranger rendait à notre langue et à notre littérature ». Le sujet était puisé dans la multitude des canevas italiens, « dans cet océan de farces, de lazzi, de bouffonneries » qu’on retrouve partiellement chez Molière, mais la pièce italienne se limite à vouloir amuser, quand Molière crée la comédie de caractère qui ambitionne d’instruire en divertissant. Mais Geoffroy n’est pas dupe de cette volonté d’instruire, car, pour lui, « la morale de la comédie est fausse, sa doctrine funeste », et la comédie peut « avoir une influence funeste sur les sentimens et les opinions ». Passant à la qualité de la pièce italienne, il en souligne la vraisemblance supérieure à celle des « Ménechmes français », sujet équivalent à celui de la pièce de Colalto : quand les pièces à jumeaux sont jouées avec des acteurs différents pour les deux (ou trois) rôles de jumeaux, la confusion est toujours imparfaite. Colalto a résolu le problème en faisant jouer les trois rôles par un seul acteur, l’unicité du costume étant expliquée par la volonté de l’oncle des jeunes gens. Chaque jumeau est bien distingué par son caractère, et cette diversité permet une série de quiproquo qui font le fonds de la pièce. Bien sûr, on ne voit jamais qu’un seul jumeau sur la scène, et leur reconnaissance mutuelle se fait hors scène. Maintenant qu’il nous a expliqué le dénouement, Geoffroy peut revenir à ses idées fétiches. A propos du personnage du commissaire chargé de débrouiller l’imbroglio entre ces trois frères identiques, il se lance dans une longue considération sur le caractères nocif de ce genre de personnage. S’il est excellent « du côté de l’art et du talent », il est nocif « du côté moral et politique : on est amené « à se moquer de ce qu’il y a de plus grave » dans l’organisation sociale », lois et usages : les comiques se moquent de toutes les valeurs de la société, avec une hiérarchie dans l’audace des attaques, qui culminent avec Beaumarchais qui « en vint jusqu’à bafouer le parlement, les grands seigneurs, le gouvernement ». Le bon conservateur qu’est Geoffroy ne voit pas « de quelle utilité il peut être de ridiculiser en plein théâtre l'administration de la justice », une des cibles favorite des auteurs comiques. La pièce de Colalto se met « à la mode française de ce temps-là, où il était du bon ton de fronder tous les abus, non pour les réformer, mais pour se faire une répétition de bel-esprit ». Quand il s’est agi de réformer réellement les abus, les auteurs de comédies ont perdu leur gagne-pain. Si Colalto fait dire à un de ses jumeaux qu’il ne respecte pas l’habit du commissaire,, mais l’homme qui le porte, le commissaire a bien tort de l’approuver : « l’habit qui désigne un état respectable doit être respecté ; les convenances sociales l’exigent ».]
COLALTO.
LES TROIS JUMEAUX VÉNITIENS.
Les Jumeaux vénitiens ne sont pas une comédie régulière, une bonne pièce : ce n'est qu'un canevas italien fort gai, fort amusant, et qui le serait davantage s'il était élagué par une main habile, et parfaitement joué. Colalto le composa pour lui : cet excellent comédien, qui jouait les Pantalons sous le masque, dans la troupe italienne, voulut montrer au public ce qu'il savait faire à visage découvert. On a dit fort légèrement que Colalto n'avait d'autre talent que l'art de décomposer sa figure : ceux qui ont porté un jugement si hasardé, n'avaient pas vu l'acteur : il avait tant de vérité, de naturel et d'énergie, que son masque même semblait s'animer et prendre une expression. Par une suite de la même injustice, on a décidé qu'à l'exception de la mobilité des traits, Devigny, dans les Trois Jumeaux, était supérieur en tout à Colalto. Devigny est sans doute un acteur plein d'art et d'intelligence ; personne n'est plus disposé que moi à reconnaître son mérite : il a rendu d'une manière très-satisfaisante les trois caractères des jumeaux, quoique la tradition en soit à peu près perdue ; il lui a fallu les créer de nouveau. Mais j'ai vu Colalto, et assurément Devigny est encore bien loin d'avoir le feu, le piquant et l'originalité du mime italien. On loue la noblesse du jeu de l'acteur français ; mais cette noblesse m'a paru un peu froide.
La pièce des Trois Jumeaux, jouée en 1775, fit un honneur infini à Colalto, comme acteur ; il fut même jugé comme auteur avec une extrême indulgence : son ouvrage fut regardé comme un hommage qu'un étranger rendait à notre langue et à notre littérature. Il attira une affluence extraordinaire au Théâtre-Italien, ordinairement désert les jours destinés à la représentation des pièces italiennes ; il eut autant de succès que les opéras comiques ; c'est tout dire. Il faut aussi considérer que le rôle d'Arlequin était rempli par le célèbre Carlin, qui disputait à Préville le titre de premier comédien du monde. C'est un acteur médiocre et absolument novice qui s'est chargé à Louvois de ce personnage important ; ce qui répand beaucoup de langueur sur toute l'action : les parades italiennes demandent surtout un jeu vif et chaud ; c'est en cela que consiste presque tout leur mérite.
Le sujet des Trois Jumeaux vénitiens est puisé dans cet immense magasin de canevas, dans cet océan de farces, de lazzi, de bouffonneries, où Molière lui–même n'a pas dédaigné de puiser des situations et des incidens. Le comique italien, tout en surprises, en jeux de mots, en intrigues et en pantomimes, n'avait pour objet que d'amuser et de distraire. Molière créa la comédie de caractère, qui peint les hommes et prétend les instruire en les divertissant. Le but est plus noble, sans doute ; et s'il était rempli, la comédie serait le premier des arts. Quoi de plus merveilleux que de trouver dans un plaisir, frivole en apparence, la vertu et la sagesse, qui souvent sont le fruit des plus grands efforts et des plus sérieuses méditations ! mais la morale de la comédie est fausse, sa doctrine est funeste ; elle ne peint les mœurs que pour les corrompre. On rit innocemment à des farces sans prétention ; mais des comédies qui sont l'image de la société, peuvent avoir une influence dangereuse sur les sentimens et les opinions : leur effet nécessaire est d'exciter les passions, de flatter les goûts dominans, les préjugés à la mode, les vices accrédités. C'est aux dépens de nos institutions et de nos principes que la comédie s'est perfectionnée : c'est acheter trop cher la perfection d'une bagatelle; nous aurions pu rire à moins de frais.
Il est assez étrange qu'un Italien, dans un canevas bouffon, ait donné à nos poëtes, qui se piquent tant de régularité, une leçon de vraisemblance. Les Jumeaux vénitiens choquent bien moins le sens commun que les Ménechmes français. Le théâtre est sans doute le pays des prestiges et des illusions : c'est là que les laides sont des miracles de beauté ; les grimacières, des prodiges de sensibilité ; les moins cruelles, des phénix de vertu ; les plus intrigantes, des modèles de candeur et de bonté : mais quelque disposition que l'on puisse avoir à se repaître de chimères dans ce séjour enchanté, il n'est cependant pas possible de prendre Dugazon pour Fleury ; et lorsque la figure, la voix, la taille de deux acteurs n'ont aucun rapport, il faut absolument démentir le témoignage de ses yeux pour admettre entre eux une ressemblance parfaite : tout le comique des Ménechmes de Regnard porte cependant sur cette invraisemblance grossière.
Dans les Trois Jumeaux vénitiens, les yeux et la raison sont absolument d'accord avec les incidens : c'est le même acteur qui joue les trois rôles ; l'habit vert qu'il porte est motivé sur ce que l'oncle des trois jumeaux, lequel était grand chasseur, a exigé de ses neveux, sous peine d'être privés de leur part de la succession, qu'ils porteraient toujours un habit de cette couleur. L'un des jumeaux est aimable et galant ; l'autre, brusque et brutal, comme dans les Ménechmes de Regnard ; mais Colalto a jugé à propos d'ajouter un troisième caractère; c'est un niais, un imbécile qui saute quand il est bien aise, pleure comme un enfant quand on le contrarie. Ce rôle tient absolument à la farce. Ces trois jumeaux arrivent l'un après l'autre dans une auberge à Paris, et leur ressemblance cause des méprises. plaisantes : le premier est sur le point de se marier ; le second a une femme qui arrive sur ses pas pour le chercher. Cette femme se trompe, et prend pour son mari le premier jumeau, lequel est garçon et près d'épouser sa maîtresse ; ce cruel quiproquo rompt son mariage. Le père de sa maîtresse l'attaque en justice comme surborneur [sic], et même on met sur son compte la sottise du troisième jumeau, l'imbécile, qui fait à l'hôtesse une promesse de mariage : le voilà chargé des iniquités de toute la famille. Un commissaire, nanti de cette affaire, parvient à la débrouiller, et reconnaît, après bien des discussions et des interrogatoires, que ce sont trois frères du même nom, et que l'on confond ensemble, qui causent tout l'embarras. L'intrigue se démêle : le premier jumeau recouvre son honneur et sa maîtresse, le second reprend sa femme, le troisième épouse l’hôtesse ; mais il n'y a jamais qu'un seul jumeau qui paraisse : on voit seulement leurs chambres qui sont bien désignées sur la scène, et où ils sont supposés faire leur mutuelle reconnaissance.
Le rôle du commissaire est d'un excellent comique : la suffisance et la morgue de ce magistrat subalterne, son adresse et sa rapacité sont peintes au naturel et sans caricature; il n'y a rien de meilleur ni même d'aussi bon dans la pièce de Regnard : et c'est un Italien qui peint mieux que nous-mêmes le ridicule de nos institutions ! Du côté de l'art et du talent, ce personnage du commissaire mérite toutes sortes d'éloges ; il a même l'avantage d'être bien joué ; mais du côté moral et politique, je n'en suis pas aussi satisfait. Pour le repos et le bonheur de la société, il y a des choses dont il ne faut pas rire : rien ne prouve mieux la légèreté, l'étourderie, l'inconséquence de la nation française, que ce penchant à se moquer de ce qu'il y a de plus grave dans ses lois et dans ses usages. Molière et Regnard s'étaient moqués du mariage, des maris, de la foi conjugale, de l'autorité paternelle, des médecins, des notaires, des juges; Dancourt s'empara des greffiers et des procureurs ; enfin, Beaumarchais en vint jusqu'à bafouer le parlement, les grands seigneurs, le gouvernement : un peuple accoutumé à ne rien respecter est bien prêt à bouleverser tout l'ordre social.
Je ne vois pas de quelle utilité il peut être de ridiculiser en plein théâtre l'administration de la justice, et les magistrats qui tiennent entre leurs mains la fortune et la vie des citoyens. Il ne serait pas trop risible pour nous de dépendre de fripons, de sots et d'ignorans, tels que les poëtes comiques se plaisent souvent à nous représenter les gens de justice. Je n'aime point que le commissaire dise à l'un des jumeaux : Monsieur, la première chose que fait la justice est de prendre; la seconde est de rendre. Ces sarcasmes ne corrigent point la justice, et répandent dans le peuple une grande défiance de ses juges ; ils entretiennent un mécontentement sourd, et détachent les citoyens du gouvernement. L'Italien Colalto voulait se mettre à la mode française de ce temps-là, où il était du bon ton de fronder tous les abus, non pour les réformer, mais pour se faire une réputation de bel-esprit. La révolution a été un tour sanglant joué à tous ces déclamateurs, qui ne s'attendaient pas qu'on serait assez fou pour les prendre au mot. On leur a coupé les vivres, du moment où l'on a commencé à vouloir sérieusement réformer ces abus, dont ils ne se plaignaient que pour en mieux profiter.
Colalto est presqu’un philosophe, lorsqu'il fait dire à son jumeau, en parlant au commissaire, qui lui recommande de respecter sa robe : Je ne prends pas garde à l’habit ; je ne respecte que l'homme, quand il mérite de l'être. On a dû beaucoup applaudir autrefois cette réponse ; c'est une sottise philosophique. Le commissaire lui-même est assez niais pour trouver que le jumeau n'a pas tout-à-fait tort : il a cependant tort tout-à-fait ; car comme on ne connaît pas l'intérieur des hommes, l'habit qui désigne un état respectable doit être respecté ; les convenances sociales l'exigent, et La Fontaine était bien plus philosophe quand il a dit :
D'un magistrat ignorant
C'est la robe qu'on salue.
(19 frimaire an 12.)
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