Tamerlan
Tamerlan, opéra, paroles de Morel de Chédeville, musique de Winter, ballets de Gardel, 27 fructidor an 10 [14 septembre 1802].
Théâtre des Arts (Théâtre de l’Opéra)
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Titre :
Tamerlan
Genre
opéra
Nombre d'actes :
4
Vers / prose
vers
Musique :
oui
Date de création :
27 fructidor an 10 (14 septembre 1802)
Théâtre :
Théâtre des Arts
Auteur(s) des paroles :
Morel de Chédeville
Compositeur(s) :
Winter
Chorégraphe(s) :
Gardel
Courrier des spectacles, n° 2019 du 28 fructidor an 10 [15 septembre 1802], p. 2 :
[Le problème de cet opéra, c’est la qualité de son « poëme », nettement insuffisante. C’est d’abord une transposition à l’opéra d’une pièce de Voltaire, l’Orphelin de la Chine. Le critique se déclare de ce fait dispensé d’en faire l’analyse. Il regrette toutefois que l’auteur n’ait pas pris de liberté avec l'œuvre de Voltaire, transposée de façon plate, et même grammaticalement incorrecte. Heureusement, la musique est d’un bien meilleur niveau, « large, noble, imposante », même si le critique lui fait le traditionnel reproche d’être trop bruyante et pas assez variée. « Cependant plusieurs morceaux ont électrisé le public », et l'article cite toute une série d’airs remarquables, où on retrouve « une touche mâle et vigoureuse ». Il faudrait seulement que le compositeur connaisse mieux les particularités du théâtre français. Sans transition, le critique passe ensuite aux décors, pour lesquels on a recouru à d’anciens décors jugés mesquins pour les actes 2 et 3 : sans doute un retard dans la production... Et de nouveau, sans transition, les ballets : une première fête à la fin de l’acte 2 où Vestris a montré son talent, épaulé par deux danseuses « qui luttent près de lui de grace et de légèreté » ; et un ballet final dont le critique cite de nombreux interprètes (alors qu’il a donné le nom d’un seul chanteur). Ce ballet comporte deux personnages bouffons, ce qui est inhabituel dans une tragédie lyrique. L’initiative de Gardel ne semble pas convaincre le critique. « Les auteurs ont été demandés et nommés », occasion de rappeler que Winter est un compositeur allemand.]
Théâtre de l’Opéra.
Premiète [sic] Représentation de Tamerlan, opéra en quatre actes.
Le grand Opéra s’enrichit des dépouilles de la Comédie Française ; s'enrichit n'est pas tout-à-fait le mot, car il faudroit dumoins que les sujets dont il s’empare fussent meilleurs là qu’au théâtre pour lequel ils ont été travaillés. Or, le contraire arrive presque toujours. Ces tragédies métamorphosées en drames lyriques sont méconnoissables, ce ne sont plus pour ainsi dire que des squelettes que soutient la pompe du spectacle et la musique. Sans cela, que devenoit Tamerlan ? Au titre de la pièce, sub[s]tituez celui de Gengis-Kan : changez les noms de Zamti, d’Idamé, d’Azir en ceux de Moctar, de Seyda et d’Achmet, transportez la scène de Cambalu ou Pékin à Andrinople, et vous saurez le sujet de l’ouvrage, si vous connoissez l’Orphelin de la Chine.
Nous ne donnerons donc pas ici l’analyse d’une pièce de Voltaire ; car elle est véritablement de lui ; mais le style appartient à l’auteur qui l’a mis en opéra. Il a respecté cette partie de la propriété d’un autre, et plût à Dieu qu’il se fût montré moins scrupuleux ! Nous n’aurions pas entendu autant de vers foibles, sans cou leur, et défectueux pour ne pas dire plus ! Nous n’aurions pas à citer des fautes grossières contre la langue, comme celles ci :
C’est des lois que je veux donner
Le pouvoir que l’Amour vous permet de prétendre.
Mon fils et Solyman ne vous ont point trahis ;
L’épouse la plus tendre
Devoit-elle s’attendre
A cette trahison ?
Non, non.
Ce Non, non a fait rire, mais dans un opéra faut-il y regarder de si près ? Dénué de la musique, celui-ci eût été bien mal accueilli, mais les beautés qu’y a semées le célèbre compositeur qui s’en est chargé ont fait pardonner la foiblesse du poëme. La musique en général est large, noble, imposante, mais peut-être eût-on désiré quelque fois moins de bruit et plus de variété ; les motifs dans tous les actes, à presque toutes les scènes, dans la plûpart des airs et dans le récitatif ont paru les mêmes. Cependant plusieurs morceaux ont électrisé le public. Le premier chœur des Musulmans et l’air :
A peine à son aurore, etc.
chanté par Lays, ont produit le plus grand effet, ainsi que celui : A la faveur des ombres, chanté par Mlle Maillard. On a encore admiré ce duo : Daigne m'entendre, et l’air : Mon fils respire ; mais rien n’approche de l’enthousiasme qu’a excité l’exécution de ce superbe duo du 4me acte :
Attendons le supplice avec tranquillité.
On reconnoit dans ces différens morceaux une touche mâle et vigoureuse. Lorsque le musicien connoîtra encore mieux notre théâtre, ses productions ne pourront qu’être goûtées davantage. La musique de Tamerlan lui fait du reste infiniment d’honneur. Il paroit que les décorations des 2me et 3me actes n’étoient pas terminées, car celles qu’on a employées sont anciennes et mesquines. Au 2e acte, Tamerlan arrive victorieux ; on célèbre une fête, et on y a placé un ballet où brillent à l’envi les talens les plus distingués de la danse ; il est ouvert par Vestris et par mesd. Gardel et Chevigny qui luttent près de lui de grâce et de légèreté.
La pièce se termine par un autre ballet où paraissent d’autres danseurs non moins aimés du public, Deshayes, mesdemoiselles Clotilde, Collomb, Millière, etc. Nous avons remarqué que le citoyen Gardel avoit introduit dans les deux ballets, deux personnages bouffons, d’ailleurs fort bien rendus par messieurs Goyon et Beaupré. Mais dans une tragédie lyrique ! Est-ce bien lâ qu’il convient de placer des figures aussi burlesques ? Les auteurs ont été demandés et nommés. Ce sont pour les paroles, le citoyen Morel , et pour la musique, M. de Winter, maître de musique de l’Electeur de Bavière
F. J. B. P. G * * *.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 8e année, 1802, tome III, p. 102 :
[Compte rendu qui manque de chaleur : le critique se contente du minimum (rien sur l’intrigue, qui n’est pas originale, ni sur le livret, presque rien sur la musique, une phrase positive sur les ballets). Mais nous n’en saurons pas plus !]
Théâtre des Arts.
Tamerlan.
Nous ne donnerons pas d'analyse de cet opéra en quatre actes, joué le mardi 27 fructidor ; nous renverrons nos lecteurs à l'Orphelin de la Chine, en les priant de changer les noms de Tamerlan, Moctas, Seïda et Achmet, en ceux de Gengiskan , Zamti, Idamé et Azir.
Le compositeur est M. Winter, maître de musique de l'électeur de Bavière.
On a remarqué de beaux morceaux dans la musique.
Les ballets ont fait le plus grand plaisir.
L’Esprit des journaux français et étrangers, trente-unième année, vendémiaire an XI [octobre 1802]
p. 187-192 :
[Une chose est sûre, la pièce nouvelle doit beaucoup à l’Orphelin de la Chine de Voltaire, et la comparaison entre les deux ouvrages revient souvent dans le compte rendu, y compris pour souligner des défauts identiques (l’amour du personnage principal, par exemple). Le dénouement est longuement discuté : semblable à celui de Voltaire, il a paru « trop inattendu, trop subit ». Comme c’est aussi le cas pour la pièce de Voltaire, ce serait bien que l’opéra n’ait que trois actes. La musique est jugée remarquable, et le critique lui consacre une analyse positive : elle est l'œuvre d’un compositeur qu’on peut comparer aux plus grands (Salieri, Stebelt). Malgré l’absence de « variété dans les situations », « il a toutefois fait preuve d'un talent bien remarquable dans un étranger » (on peut écrire ce genre de choses en 1802 !). Impossible d’apprécier une telle œuvre après une seule représentation, d’en voir les défauts et les qualités, même si l’aspect positif est plus facile à sentir que la part négative : beauté de l’ouverture, des choeurs, du rôle de Séida.]
THÉATRE DES ARTS.
Tamerlan , opéra en 5 actes.
L'auteur de Panurge, de la Caravane, des Mystères d'Isis, le C. Morel, vient de traiter à ce théâtre, le sujet de l’Orphelin de la Chine, de Voltaire. Substituez Andrinople à Pékin, Bajazet à l'empereur chinois, Tamerlan à Gengis, Séida, épouse du grand-visir Mostar , à ldamé, Moctar à Zamti, Octar à Orcan, Achmet à Etan, & vous retrouverez dans l'opéra, à quelques exceptions près, le plan, la marche, le dénouement de la tragédie, la distribution & l'intention des scènes principales ; les lieux seuls & les noms sont changés.
Un critique de Voltaire a dit, en parlant de l’Orphelin de la Chine, que l'amour de Gengis n'avoit aucun des caractères qui rendent cette passion tragique, &, qu'au contraire, il est presque toujours, par sa situation & même par ses expressions, très-voisin du genre opposé : que le reproche soit ou non fondé à l'égard du rôle de Gengis, il est vrai de dire qu'il s'applique parfaitement à celui du personnage qu'on lui a substitué, & l'on ne peut douter que si quelques momens de froideur se sont fait sentir dans le cours de la représentation, si quelques scènes ont semblé longues, & si dans l'intervalle qui sépare la première scène du second acte, de la dernière du quatrième, on a paru s’apercevoir de l'absence de tout spectacle, c'est à la foiblesse du rôle de Tamerlan qu'il faut l'attribuer ; sa situation, constamment passive, consiste à interroger sans qu'on lui réponde, à commander souvent sans être obéi ; sans cesse il contredit l’idée que l’on se forme de ce Tartare, par l'expression commune & quelquefois doucereuse, d'un amour qui devoit être peint avec de plus fortes couleurs : les rôles de Séida & de Moscar sont bien mieux faits, beaucoup plus soutenus ; & tel est l'avantage que leur situation leur donne, que l'intérêt portant sur la victime, que leur fidélité sauve, leurs noms ou celui de l'orphelin devroient former le titre de l'ouvrage. Voltaire avoit donné cet exemple : sa tragédie n'est point intitulée Gengis.
Le dénouement a excité des murmures : il ne suffiroit pas, pour le justifier entièrement, de dire qu'il est précisément calqué sur celui de l’Orphelin de la Chine, & de rappeler que, dans la nouveauté de cette tragédie, il parut fort beau & en assura le succès : il est plus raisonnable de convenir qu'ici ce dénouement est brusque, précipité, sans préparation ; que, dans Voltaire, les développemens donnés au rôle de Gengis peuvent en laisser concevoir l'idée, & que , dans l'opéra, il est trop inattendu, trop subit pour être bien accueilli. Le style aussi a trouvé beaucoup de censeurs ; il seroit trop facile de justifier leur sévérité par des citations, & nous préférons donner aux parties qui ont assuré le succès de l'ouvrage, le juste tribut d'éloges qu'elles méritent : avant de les citer cependant, rappelons qu'un littérateur célèbre pense que le sujet de l'Orphelin de la Chine ne comportoit pas plus de trois actes ; cette idée peut surtout s'appliquer à l'opéra nouveau, & tout donne lieu de croire qu'ainsi resserré, il seroit entendu avec plus d'intérêt.
L'auteur de la musique de Tamerlan est un compositeur jouissant d'une grande réputation dans l'école allemande, M. Winter, maître de chapelle de l'électeur de Bavière. Son ouvrage a quelque chose d'honorable pour le caractère national, & pour ceux de nos artistes qu'on a vus s'empresser d'y contribuer par leurs suffrages : il prouve que notre admiration n'est exclusivement réservée ni à nos concitoyens, ni aux étrangers ; que nous désirons en même temps voir les premiers soutenir leur réputation méritée, & les autres justifier à nos yeux celle qu'ils ont acquise. La manière de M. Winter est remarquable par le mélange heureux d'une harmonie vigoureuse, & d'une mélodie pure ; l'assimiler à des compositeurs dont les productions sont plus connues parmi nous que les siennes, doit être un moyeu sûr de donner une idée exacte de la nature de son talent : nous n'hésiterons pas dès-lors a comparer le style de sa composition à celui de Saliery, & quelquefois aussi à celui de Stebelt qui, à l'exemple de Vogel, n'ayant donné qu'un ouvrage, s'est rendu célèbre par un chef-d'œuvre.
L'ouvrage n'offrant pas une grande variété dans les situations, le compositeur a dû se trouver resserré dans des bornes étroites, & souhaiter plus d'une fois un poëme qui lui fournît plus de contrastes & d'oppositions. Il a toutefois fait preuve d'un talent bien remarquable dans un étranger, & dont on semble chaque jour apprécier moins le mérite, celui d'une grande fidélité à la prosodie de notre langue ; dans son récitatif il joint à cette fidélité le don non moins précieux de l'expression la plus juste ; des traits de chant pleins de graces & de fraîcheur, lient avec habileté les phrases de son récitatif, qui, lui-même, se compose souvent de phrases musicales très-heureuses. Il tient d'ailleurs de l'école d'Haydn & de Mozart le talent particulier de varier l'usage des divers instrumens qu'il emploie, de rendre l'accompagnement imitatif & harmonieux sans le constituer partie principale.
Il n'est personne qui puisse dire, après une seule représentation d'un ouvrage de cette nature, qu'il en a reconnu tous les défauts & senti toutes les beautés. L'un seroit du moins p1us facile que l'autre ; & si nous ne pouvons détailler ici doutes les beautés que l'on reconnoîtra sans doute dans cette composition, nous indiquerons du moins les plus frappantes. L'ouverture est d'une harmonie vigoureuse & d'un effet entraînant :1a chaleur à laquelle le musicien s'y est abandonné, ne l'a pas empêché d'y répandre des traits agréables, pleins d'originalités & d'un ton local : les chœurs nombreux du premier acte ont, les uns, la solemnité, les autres, le mouvement & l'énergie qui leur conviennent. Le rôle entier de Séida paroît avoir été écrit d'inspiration : l'expression en est constamment forte & passionnée.
Annales dramatiques ou dictionnaire général des théâtres, tome neuvième, p. 15-16 :
[Le compte rendu se limite à raconter l’intrigue, sans dire un mot sur la musique.]
TAMERLAN, opéra en quatre actes, par M. Morel, musique de M. Winter, à l'Opéra , 1802.
Echappé au fer du Tartare, Soliman, le plus jeune des fils de l'infortuné Bajazet, est devenu le seul, l'unique espoir des croyans. Ce jeune prince est renfermé dans Andrinople, où sont réunis de fidèles sujets décidés à périr plutôt que de l'abandonner à la fureur de ses ennemis. Bientôt Tamerlan se rend maître de la ville, et menace d'immoler jusqu'au dernier des habitans s'ils refusent de lui livrer le fils de Bajazet, qu'il destine à la mort. Dans cette cruelle extrémité, le visir Moctar, fidèle au sang de ses maîtres, lui livre son propre fils ; mais, dans le moment où les Tartares ont le bras levé pour lui donner la mort, une mère éperdue accourt, et l'arrache de leurs mains. O surprise ! Tamerlan reconnaît Seyda, qu'il adore, et à laquelle il était sur le point de s'unir dans Bagdad. Seyda est coupable,elle a trompé sa tendresse ; mais il l'aime toujours, et lui pardonne, dans l'espoir qu'enfin elle comblera ses vœux. Cependant Tamerlan ordonne de nouvelles recherches. Deux motifs puissans l'animent contre le visir : il voit en lui le protecteur du jeune prince, et un rival heureux. D'un autre côté, les Musulmans viennent pour surprendre les Tartares. Ceux-ci, avertis à tems, courent aux armes ; ils marchent à leur rencontre ; ils triomphent. Moctar, renfermé dans une tente, attend la mort avec tranquillité : il se flatte du moins que Seyda pourra sauver le fils de Bajazet ; mais, à l'instant où elle va sortir des remparts, elle est arrêtée par des soldats, et ramenée auprès de Tamerlan qui, offensé de sa résistance, ordonne la mort de Moctar. Seyda est dans l'alternative ou de voir périr tout ce qu'elle aime, ou de rompre ses nœuds. Elle demande à voir son époux ; mais, loin de consentir à s'en séparer, elle lui présente; un poignard. C'en est fait, ils vont se frapper, quand Tamerlan, qui les observait, s'avance, et leur arrache le poignard. Il fait plus ; il pardonne aux époux, consent à laisser vivre Soliman, et accorde la paix aux vaincus. La pièce se termine par un divertissement général.
Mercure de France, volume 62 (janvier-février 1815), n° DCLXX (11 février 1815), p. 241-242 :
[La reprise de Tamerlan, après douze ans d’absence, était une mauvaise idée, le choix de Mlle Maillard dont c’était la représentation de retraite, était bien malheureux. Retardée par des raisons politiques, cette représentation a peu attiré : la pièce n’inspire pas le public qui sait qu’il s’agit d’une adaptation en tragédie lyrique de l’Orphelin de la Chine de Voltaire par Morel, « un des sujets les moins propres à être transportés sur la scène lyrique ». Trop de « touchantes lamentations » pour un opéra et le langage chanté. Le musicien, malgré son talent, ne pouvait échapper à la monotonie. Le seul mérite de Tamerlan, c’était d’avoir été interdit par « l’ancienne police » et de rappeler l’appétit insatiable de conquête du grand homme qui gouvernait.]
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE. — Reprise de Tamerlan, pour la représentation de retraite de mademoiselle Maillard.
Depuis plus de trente ans, mademoiselle Maillard avait rempli avec un succès soutenu les premiers emplois de la scène lyrique. Les règlemens et l'usage lui donnaient droit, dès le commencement de l'année dernière, à une représentation à son bénéfice ; mais il n'y avait ni lois, ni coutumes à invoquer pour quiconque était suspecté de ne point aimer le maître d'alors ; et mademoiselle Maillard avait l'honneur d'être du nombre des suspects. Elle avait donc un double titre pour demander justice sous un gouvernement qui ne la refuse à personne.
Il est à regretter que diverses circonstances se soient opposées à ce que cette représentation extraordinaire ait eu tous les genres de succès dont elle paraissait susceptible. Malheureusement, il faut en chercher la première cause dans le choix qu'avait fait l'actrice elle-même qui avait le plus d'intérêt à exciter la curiosité du public. Tamerlan, quoiqu'écarté de la scène, depuis douze ans, n'était pas une nouveauté pour la plupart des personnes qui composent ordinairement ces grandes réunions théâtrales. Elles savaient trop bien que cette prétendue tragédie lyrique n'était que l'Orphelin de la Chine, remis en vers par un des plus intrépides arrangeurs d'opéras qui aient existé. La comparaison du style de Voltaire et de celui de M. Morel, quoique très-divertissante, ne l'a point paru probablement assez pour faire braver l'ennui d'un des sujets les moins propres à être transportés sur la scène lyrique. La longue lutte d’Idamé et de Zamti, leurs touchantes lamentations ne répugnent point à notre système tragique et au langage parlé : la marche rapide d'un opéra et le langage chanté ne peuvent, au contraire, s'y prêter en aucune façon.
Le musicien avait donc à triompher du plus redoutable des obstacles : la monotonie. Toutes les ressources d'un talent aussi distingué que celui de M. Winter n'ont pu y réussir complètement. Combien de partitions beaucoup moins riches, mais plus variées que la sienne, jettent plus d'éclat à la scène !
Tamerlan avait cependant un mérite sur lequel il était permis de fonder quelqu'espoir : l'ancienne police avait empêché les représentations de cet opéra. On y entend le conquérant et ses tartares chanter en chorus : « Cessons de ravager la terre » ! Cette résolution inattendue à laquelle le public aurait pu, un jour, joindre ses vœux indiscrets, ne devait-elle point sembler bien pusillanime, bien ignoble, au grand homme qui ne regardait la dévastation du globe que comme l'ébauche de ses plans de régénération universelle ?
De 1802 à 1815, Tamerlan a été joué 21 fois, 17 représentations en 1802 et 1803, 4 représentations lors de la reprise de 1815.
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