Chutes

Les créations de pièces sont l'occasion de manifestations, enthousiame ou rejet de l'oeuvre nouvelle, qui ne sont pas toujours motivées par la qualité du spectacle proposé : les claques jouent un rôle important dans les premières représentations et agissent en fonction de mobiles qui ne sont pas toujours avouables.

Quelques chutes remarquables :

• la tragédie de Carrion de Nisas, Pierre le Grand, jouée en 1804 au Théâtre Français, et qui a donné lieu à des manifestations d'hostilité dont les rédacteurs des revues rendant compte des nouveautés théâtrales ne donnent pas une interprétation très claire : après avoir dit que la pièce a pu tomber à cause "d'autres circonstances" qu'il laisse dans le vague, l'auteur de l'Almanach des Muses de 1805 s'interroge : "Est-ce le secret des gens du monde ? est-ce le secret de la comédie ? nous ne sommes pas dans la confidence. Certains des comptes rendus parus à l'époque se montrent bien pointilleux envers la pièce de Carrion de Nisas, et l'attaquent sur plusieurs plans : la morale (le spectacle donné par ce fils qui veut la mort de son père (un tel personnage n'est pas digne de paraître sur un théâtre), les convenances (le compte rendu relève l'indécence des coupures de la parole qui interviennent dans la pièce), le respect de l'histoire, le style enfin, jugé très négligé (de nombreux exemples sont donnés).
• la première représentation, le 23 floréal an 12 (13 avril 1804), de la Petite Maison, oeuvre de Dieulafoy pour le texte et Spontini pour la musique, a été particulièrement agitée : l'auteur du compte rendu dans le Mercure de France décrit "les accès de fureur d'un parterre en délire, qui ne savait ni ce qu'il disait ni ce qu'il voulait; qui insultait des acteurs, et, qui pis est, des actrices, et prétendait qu'ils lui demandassent pardon de ses outrages et de ses impertinences ; qui brisait des bancs, et, de leurs débris, fracassait des pupitres et renversait les lumières, au risque d'incendier la salle et l'immense galerie où elle est située ". S'il reconnaît que la pièce ne valait pas grand chose, il condamne des débordements sans rapport avec la situation, et qu'on se soit conduit aussi mal envers des interprètes qui ne méritaient pas un tel sort.