Une journée de Sully, comédie en un acte en prose de Louis-Sébastien Mercier, 8 décembre 1809.
Théâtre de l’Impératrice.
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Titre :
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Une journée de Sully
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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1
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Vers ou prose ,
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en prose
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Musique :
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non
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Date de création :
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8 décembre 1809
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Théâtre :
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Théâtre de l’Impératrice
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Auteur(s) des paroles :
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Louis-SébastienMercier
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L’Esprit des journaux français et étrangers, tome II, février 1810, p. 286-288 :
[La pièce est de Louis-Sébastien Mercier, dont la carrière dramatique finissante n’a pas connu que des succès (depuis Jenneval ou le Barnevelt français, 1769). Pour cette pièce, il lui faut assumer le reproche de manquer complètement d’originalité. Après l’analyse de la pièce, faite avec un soupçon d’ironie, l’exécution de l’auteur est rapide : rien n’est de l’auteur dans cette pièce, où une seule scène se distingue « par la chaleur et la noblesse du dialogue ». Sujet qui n’est pas neuf, pas de plan, pas d’action, pas de « conduite ». Et le recours au nom de Sully n’est pas justifié, puisque ce nom ne figure qu’une fois dans la pièce, et que le critique nous rappelle (mais il n’a pas l’air de croire qu’on puisse l’ignorer) que ce nom de Sully n’est attaché à M. de Rosny qu’après qu’Henri IV eut érigé la terre de Sully en duché. « Cet ouvrage n'ajoutera rien à la réputation de l'auteur et grossira peu la recette de l'Odéon. »]
Théâtre de l’Impératrice.
Une Journée de Sully, comédie en an acte et en prose.
Des retranchemens heureux faits à la pièce du Faux Stanislas, lui ont rendu toute la faveur du public qui l'avait traitée un peu trop sévèrement à la première représentation, et cette comédie, très-gaie, quoiqu'inférieure à beaucoup d'ouvrages de M. Duval, ne déparera pas son répertoire ; on s'attendait à la voir immédiatement suivie de celle de l’Alcade, de M. Picard, et le public se faisait une fête de voir rivaliser deux auteurs qui ont les mêmes titres à son estime ; mais un troisième est venu se jetter à la traverse, et a suspendu pour un instant cette lutte impatiemment attendue.
M. Mercier, membre de l'institut, voyant que les habitués du théâtre de l'Odéon, n'étaient pas encore à la hauteur du drame et ne sentaient pas tout le sublime de son Jenneval, a daigné adoucir ses teintes et leur présenter un tableau de la plus grande simplicité, mis à la portée de tout le monde.
C'est cet ouvrage, si simple, qu'en a joué à l'Odéon, sous le titre d'une Journée de M. de Sully, comédie en un acte et en prose, dont voici l'analyse :
M. de Bois-Rozé, jadis ligueur forcené et fameux dans ce parti pour avoir enlevé aux royalistes le fort de Fécamp, regardé comme imprenable, est devenu gouverneur de ce fort en reconnaissant Henri IV pour son roi. Il a reçu dans son gouvernement, avec honneur, un marquis que l'auteur ne nomme pas ; ce marquis, abusant de la confiance et de la franchise de Bois-Rozé, a envoyé contre lui au ministre un mémoire dont l'effet a été prompt. Bois-Rozés s’est vu destitué de son gouvernement, à l'instant même où il venait de couler bas un vaisseau ennemi et de s'emparer d'un autre.
Bois-Rozé, en se rendant à la cour pour se plaindre à Henri IV de l'injustice de M. de Rosny, descend à Louviers dans une auberge où ce ministre, qui voyage incognito avec son secrétaire, se trouve aussi logé.
Le marquis, qui s'y trouve également, s'adresse au secrétaire de M. de Rosny pour obtenir le gouvernement de Fécamp : et après s'être assuré de sa protection en lui promettant pour son fils un canonicat, dont le revenu égale celui d'un évêché, il imagine un moyen pour perdre plus que jamais Bois-Rozé dans l'esprit du ministre : il lui dit que ce voyageur qui se trouve dans l'auberge avec eux est un seigneur très-aimé du roi et ennemi déclaré de M. de Rosny ; que le meilleur moyen pour obtenir sa protection est de lui dire beaucoup de mal de ce ministre. Bois-Rozé y est très-disposé, et dès qu'il se trouve tête-à-tête avec M. de Rosny, il se déchaîne contre lui sans ménagement. M. de Rosny conserve son sang-froid, mais il veut connaître si Bois-Rozé est capable de manquer de délicatesse ; îl lui propose, en conséquence, d'écrire un mémoire anonyme contre M. de Rosny.
La loyauté de Bois-Rozé se révolte à une pareille proposition ; c'est en présence de M. de Rosny qu'il veut se plaindre à Henri IV, qu'il veut l'accuser et le convaincre d'injustice. M. de Rosny lui demande si la haine qu'il porte au ministre ne réjaillit pas sur le roi. Non, lui dit Bois-Rozé, je rends justice à Henri ; je la lui ai toujours rendue : ligueur, je l'estimais ; aujourd'hui son sujet, je l'adore. Enchanté de pareils sentimens, M. de Rosny lui promet, sans se découvrir, d'employer tout son crédit auprès du roi pour lui faire obtenir justice et réparation. Mais dans ce moment Mme. de Bois-Rozé, qui accompagne son époux, ayant découvert que le seigneur qui voyage incognito est M. de Rosny , vient réclamer sa justice.
Bois-Rozé se trouve fort embarrassé d'après la conversation qu'il vient d'avoir avec M. de Rosny ; mais ce ministre le rassure, le reconnaît pour un brave et loyal serviteur du roi, et lui déclare que le mémoire qu'il a reçu contre lui est de ce marquis qui se dit son ami. Bois-Rozé, qui le voit paraître, tire sou épée et lui demande raison de sa perfidie : M. de Rosny l'appaise, Bois-Rozé remet son épée dans le foureau, le marquis s'esquive et la toile tombe.
On voit que l'imagination ardente de l'auteur n'est entrée pour rien dans la composition de cet ouvrage, dont une seule scène se fait distinguer par la chaleur et la noblesse du dialogue.
La sujet n'est pas neuf ; il y a quelques années qu'on joua sur le théâtre Louvois une comédie intitulée Sully et Bois-Rozé ; M. Mercier ne l'a pas embellie. On ne peut critiquer ni le plan, ni l'action, ni la conduite de la sienne, puisqu'elle n'a rien de tout cela. On connaît le style de l'auteur. Il a compté, sans doute, sur l'effet que devait produire le nom de Sully sur l'affiche ; ce nom n'est que là ; on ne le prononce qu'une seule fois dans le courant de la pièce, et si un spectateur était assez ignorant pour ne pas savoir que Henri IV érigea la terre de Sully en duché pour M. de Rosny, il demanderait pourquoi la pièce est intitulée une Journée de Sully. Cet ouvrage n'ajoutera rien à la réputation de l'auteur et grossira peu la recette de l'Odéon.
de B.
Geoffroy, Cours de littérature dramatique, tome quatrième, Paris, 1819, p. 438-440 :
[Compte rendu sévère d’une pièce sans grand intérêt et sans grande valeur. Rien ne trouve grâce aux yeux du critique : l’intrigue est faible, des personnages secondaires sont inutiles, une seule scène a un intérêt, et c’est une simple conversation sans action. Le style est à quelques exceptions près emphatique. La fin de l’article est consacré à regretter qu’on mette sur scène Sully pour le rapetisser.
Article du 10 décembre 1809, dans le Journal de l’Empire.]
MERCIER.
UNE JOURNÉE DE SULLY.
Le titre n'est pas neuf : nous avons à tous nos théâtres des Matinées, des Soirées, des Journées et même des Nuits ; au reste, peu importe le titre quand la pièce est intéressante. Celle de M. Mercier est une Journée d'hiver, très-froide ; c'est un acte de générosité et de grandeur d'âme de Sully, qui dans sa vie en a tant fait de plus considérables que celui qui est le sujet de la pièce nouvelle. Boisrozé, ancien ligueur, mais brave militaire, étant rentré dans son devoir, avait conservé le gouvernement du fort de Fécamp : on le lui ôta par des motifs purement politiques. L'auteur suppose, pour rendre ce personnage plus théâtral, qu'il fut accusé de trahison. Boisrozé furieux, persuadé que le baron de Rosny, depuis duc de Sully, est l'auteur de sa disgrâce, part pour se plaindre au roi, et faire connaître son innocence. Le hasard lui fait rencontrer à Louviers, dans une hôtellerie, le baron de Rosny : ils ne se connaissent ni l'un ni l'autre. Un traître de marquis, faux ami de Boisrozé, et celui-là même qui l'a dénoncé, et qui a dessein de demander sa dépouille, persuade à ce brave officier que le baron de Rosny est un grand seigneur ennemi juré de Rosny, et envoyé par le roi en Normandie pour redresser les torts.
Dans une conversation assez longue, Boisrozé, n'écoutant que sa colère, dit à ce seigneur inconnu beaucoup de mal du baron de Rosny : le baron, pour éprouver son caractère, lui fait entendre que pour perdre un homme tel que Rosny, il faudrait employer les manœuvres les plus habiles et les plus perfides : mais ce lâche moyen blesse la loyauté du brave Boisrozé : c'est ouvertement qu'il veut attaquer Rosny, et démasquer ses injustices aux yeux du roi. La conversation est interrompue par la femme de Boisrozé, qui reconnaît Rosny : alors ce grand homme, convaincu de l'honnêteté et de la franchise de Boisrozé, lui promet son amitié et une place meilleure que celle qu'il a perdue. Le marquis ne reparaît un moment que pour se faire chasser comme un coquin. A son action, si cependant une longue conversation peut passer pour une action, M. Mercier a cousu deux personnages épisodiques. L'un est un secrétaire du baron de Rosny, que le marquis délateur séduit par la promesse d'un bénéfice pour son fils ; l'autre est la veuve d'un militaire qui vient demander une pension sur le gouvernement de Fécamp. En remettant son placet au secrétaire, elle lui laisse en même temps, par mégarde, un billet doux d'un amant qu'elle avait même avant son veuvage. Le style du billet a paru peu délicat, et le parterre l'a sifflé comme pour venger le bon militaire si indignement trompé par sa femme. La pièce se passerait fort bien de ces deux personnages ; ceux du marquis et de la femme de Boisrozé, un peu plus nécessaires, ne sont guère plus intéressans. L'anecdote est mal présentée, la pièce mal conduite ; les scènes manquent de motif et de liaison, ou plutôt il n'y a dans tout l'acte qu'une seule scène digne de quelqu'attention : c'est celle de Boisrozé avec Rosny ; c'est là seulement qu'on reconnaît M. Mercier; tout le reste est au-dessous de lui.
A l'exception de quelques endroits du dialogue, qui sont vrais et frappans, le style est gâté par une perpétuelle emphase et un ton de déclamation qui est très-fatigant. On sait que dans la littérature et les arts, M. Mercier est un enthousiaste. Il n'a pas été tout à fait aussi maltraité que l'Enthousiaste de la Comédie Française : on l'a achevé, on l'a nommé ; mais c'est peut-être tant pis pour lui : cet honneur n'en est un qu'autant que la pièce honore l'auteur. Le rôle de Sully est bien joué par Dugrand. Leborne, chargé de celui de Boisrozé, n'y met pas assez de franchise et d'originalité. Il me semble qu'un personnage tel que Sully, si grand dans l'histoire, ne devrait pas être ainsi rapetissé sur la scène : on devrait ce respect à des hommes si éminemment vertueux, de ne point compromettre leur gloire dans de mauvaises petites pièces. Horace, touchant aux lauriers d'Auguste, craignait de les flétrir ; M. Mercier, touchant aux vertus de Sully, devrait éprouver la même crainte à plus juste titre. C'est dans le récit fidèle de leur vie qu'il faut contempler, comme dans leurs véritables portraits, ces héros qui ont fait tant d'honneur à la raison et à la nature humaine. Sully, ami du roi, malgré son austérité, son économie, sa sincérité, sa justice inexorable ! le roi, ami de Sully, en dépit de ses maîtresses et de ses courtisans ! cela tient du merveilleux ; mais cela devient vraisemblable, quand on songe que ce roi était Henri IV. Ces deux grands hommes ne pouvaient exister l'un sans l'autre ; il n'y avait qu'un Sully capable d'aimer et de servir Henri IV comme il méritait de l'être ; il n'y avait qu'un Henri IV capable d'apprécier et de conserver un ministre tel que Sully. (10 décembre 1809.)
L'Odéon: histoire administrative, anecdotique et littéraire..., de Paul Porel et Georges Monval (Paris, 1876), p. 79-80, montre la popularité de Sully et de Boisrosé au théâtre :
Le 27 février [1826]. – Boisrosé, comédie posthume en un acte, en prose, de M. L. Mercier, arrangée par MM. Mercier et Horace Raisson. On avait joué sans succès, sur le même sujet, au théâtre Louvois, deux comédies, l’une en trois actes, Sully et Boisrosé, de Bailleul (12 octobre 1804); l’autre en un acte, Une journée de Sully (8 octobre 1809).
Pour Une journée de Sully, la date donnée par Porel et Monval est inexacte : le Journal de Paris annonce la première de la pièce le 8 décembre 1809.
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