Une soirée de deux prisonniers, ou Voltaire et Richelieu, comédie en un acte mêlée de vaudevilles, de Desprès et Deschamps, 3 germinal an 11 [24 mars 1803].
Théâtre du Vaudeville
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Titre :
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Une soirée de deux prisonniers, ou Voltaire et Richelieu
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Genre
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comédie mêlée de vaudevilles
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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prose, avec couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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3 germinal an 11 (24 mars 1803)
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Jean-Baptiste-Denis Desprès, Jacques-Marie Deschamps
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Almanach des Muses 1804
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez J. F. Girard, an XI. – 1803 :
Une soirée de deux prisonniers, ou Voltaire et Richelieu. Comédie, en un acte, mêlée de Vaudevilles. Par MM. D****** et D********. Représentée, pour la première fois, sur le théâtre du Vaudeville, le 6 Germinal, an XI.
La date de première n’est pas exacte : elle a eu lieu le 3 germinal an 11, soit le 24 mars 1803.
Courrier des spectacles, n° 2210 du 4 germinal an 11 [25 mars 1803], p. 2 :
[D’abord un paragraphe positif sur la pièce, qui est un succès : les personnages célèbres qu’elle met en scène utilisent « le langage convenable », le dialogue est plein d’esprit, les scènes sont bien conduites, les couplets agréables. Puis le résumé d’une intrigue essentiellement sentimentale, centrée sur le couple de Richelieu et son épouse, qui trouve enfin la paix. Voltaire ne joue qu’un rôle accessoire. Et après l’annonce que les affaires de tous s’arrangent, le nom des auteurs.]
Théâtre du Vaudeville.
Première représentation d’Une Soirée de Deux Prisonniers.
Ce vaudeville a obtenu un succès mérité. Les auteurs ont ajouté à la galerie des hommes célèbres dont ce théâtre s’est enrichi le portrait d'un personnage que ses galanteries encore plus que ses victoires ont illustré dans le siècle dernier, celui du duc du Richelieu. Celui de Voltaire qui paroit clans la pièce a déjà été esquissé au même spectacle. Ils ont prouvé qu’ils savoient donner à leurs héros le langage convenable, et ce n’étoit sans doute pas une petite tâche. Il y a de l’esprit dans le dialogue, les scènes sont adroitement conduites et les couplets presque tous de situation sont agréablement tournés.
Le jeune duc de Fronsac-Richelieu est enfermé à la Bastille par ordre de son père jusqu’à ce qu’il consente à recevoir la femme que sa famille lui a donnée et qu’il n’a pas voulu connoître. Hortense (c’est le nom de son épouse) vient tous les jours sous les murs de la prison où se rassemble une foule de jolies femmes curieuses de voir le prisonnier, et elle obtient même du ministre de pénétrer dans la tour. Là elle se présente sous un nom emprunté et comme s'intéressant au jeune Arrouet de Voltaire, prisonnier à la Bastille et accusé d’avoir fait contre le Régent une satyre intitulée : les J’ai vu. Richelieu a remarqué du haut de la tour la belle inconnue ; il l’a vue entrer dans la Bastille, il ne doute pas qu’il ne soit l’objet de sa visite ; mais elle s’adresse à Voltaire, et voilà Richelieu qui brûle d’avantage de la connoître. Il lui fait parvenir un billet, elle y répond, et consent même à une entrevue, mais à condition qu’elle restera voilée. Effectivement Richelieu qui n’a entrevu qu’une fois Hortense ne la reconnoît pas d’abord, mais après une scène très délicate elle se trahit, et so époux lui avoue ses torts à son égard et reçoit son pardon. Voltaire lui-même est mis en liberté par ordre du Régent qui a été si satisfait d'Œdipe, qu’il a accordé 200 pistoles à l’Auteur.
Les Auteurs sont les cit. Deschamps et Després.
La Décade philosophique, littéraire et politique, an XI, 2me trimestre, n° 16 (10 ventose) p. 53-55 :
Théâtre du Vaudeville.
Une Soirée de deux Prisonniers , en un acte.
Les deux prisonniers dont il est question sont bien faits pour inspirer de l'intérêt : c'est Voltaire et Richelieu. Les faire parler dans leur langage était une tâche difficile, mais dont l'esprit et le goût des deux auteurs se sont tirés parfaitement.
Le jeune Richelieu est à la Bastille parce que son père s'est imaginé, par cette petite correction, vaincre sa répugnance pour Hortense, avec laquelle on l'a marié contre son gré, et qu'il s'obstine à priver des droits d'une épouse.
Voltaire s'y trouve parce qu'il est accusé d'avoir fait la pièce satirique intitulée les J’ai vu.
Ces deux anecdotes sont vraies ; les auteurs n'ont fait que rapprocher un peu les deux époques pour faire trouver ensemble ces deux hommes célèbres et qu'unissait déjà l'amitié.
Richelieu, bien connu par ses prouesses galantes, voit tous les jours, du haut de la plate-forme, circuler autour de son donjon une affluence de voitures très-flatteuse pour son amour-propre. Ce sont toutes les jolies femmes de la cour qui se donnent ainsi le mot pour lui témoigner l'intérêt qu'elles prennent à sa situation.
Dans la foule de ces hommages rendus à l'Alcibiade français, il a particulièrement distingué celui d'une jeune personne voilée, qui parait s'arrêter tous les jours avec une affectation marquée.
Quelle surprise lorsqu'il apprend du gouverneur de la Bastille que cette même femme voilée est dans la prison, et qu'elle paraît y chercher le jeune Arouet de Voltaire ! Notre séducteur s'enflamme, se passionne, essaye d'établir une correspondance, y parvient facilement ; demande un rendez-vous et l'obtient, espérant bien réussir pendant l'entrevue à faire tomber le voile mystérieux que la belle inconnue s'obstine à garder. On se doute d'avance que la beauté voilée est cette même Hortense dédaignée par Richelieu, et qui, en lui procurant par ses soins la liberté, parvient encore à le lier doublement par les nœuds de l'amour et de la reconnaissance.
Tel est en effet le dénouement imaginé par les auteurs, quoique peu conforme à l'histoire. La difficulté était d'éviter les ressemblances d'un pareil sujet avec les Deux Prisonniers,. avec Lasthénie et Alcibiade , avec quelques autres ouvrages, qui roulent sur le même fond.
Elle n'était pas moindre à faire entrer dignement dans ce cadre le jeune auteur d'Œdipe et de la Henriade ; mais l'écueil le plus dangereux était peut-être de concilier la décence et la gaîté en parlant des causes réelles de la détention de Richelieu, et surtout de son retour aux habitudes et aux devoirs qu'il avait jusqu'ici négligés.
C'est principalement dans l'adresse avec laquelle ces difficultés sont vaincues, que consiste le mérite de ce joli petit ouvrage. Quoiqu'on puisse lui reprocher peut-être un peu de froideur dans la scène principale, celle de l'entrevue, et quelques réminiscences de l'impatient dans la scène du portrait, l'esprit, le goût et la délicatesse qui règnent dans le dialogue et dans les couplets, doivent assurer le succès des auteurs, et confirmer celui qu'ils ont obtenu de tous les gens éclairés à la première représentation. Ces auteurs sont les CC. Deschamps et Després. L. C.
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