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La Vengeance (Dumaniant)
La Vengeance, tragédie en cinq actes, en vers, de Dumaniant, 26 novembre 1791.
Théâtre de la rue de Richelieu.
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Titre :
Vengeance (la)
Genre
tragédie
Nombre d'actes :
Vers / prose
en vers
Musique :
non
Date de création :
26 novembre 1791
Théâtre :
Théâtre de la rue de Richelieu
Auteur(s) des paroles :
Dumaniant
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, de l’Imprimerie de Cailleau, 1792 :
La Vengeance, tragédie en cinq actes et en vers ; Par M. Dumaniant. Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre Français de la rue de Richelieu, le 26 novembre 1791.
La pièce comporte six personnages :
Alonzo (M. Talma),
Zanga (M. Valois),
D. Carlos (M. Saint-Clair)
D. Gusman (M. Chevalier),
Rosanore (Mlle Desgarcins,
Alzaïde (Mlle Vallerie).
Zanga est en costume Africain, ainsi qu'Alzaïde.
La scène est à, Barcelone.
Il y a une préface avant le texte de la pièce (p. 3-6).
[Dumaniant joue le modeste dans sa présentation de l'histoire de sa pièce, d'abord simple traduction, puis adaptation (il affirme avoir passablement modifié la pièce de Young). Il insiste beaucoup sur les pressions qui l'ont conduit à laisser publier, puis à accepter de monter sa pièce. Et s'il a accepté de laisser jouer ce qu'il présente comme une autre version de l'Othello de Ducis, créé le 26 novembre 1792, c'est sans vouloir rivaliser avec quelqu'un qui, au contraire de lui est « né Poëte ». Quant aux « applaudissemens qu'a reçus cette Tragédie », il n'ont pas été si nombreux, puisque la pièce a connu trois représentations si on croit la base César.]
PRÉFACE
J'étais fort jeune lorsque, sans autre dessein que celui d'amuser mes loisirs, je mis en Vers la Vengeance, Tragédie du Docteur Young. Dans un voyage que je fis en Allemagne, un Imprimeur qui entendait fort peu le Français, trouva mon ouvrage superbe, en fit une belle édition, & m'en remit un exemplaire. Plusieurs années après, cet exemplaire tomba entre les mains d'un de mes amis, qui, sans être, à beaucoup près, de l'avis de l'Imprimeur Allemand, crut cependant que si je voulois refaire en entier les deux premiers Actes, & refondre les trois autres, que cette Tragédie pourrait réussir. Comme mon ami avait envie de jouer le rôle de Zanga, il me pressa beaucoup d'entreprendre un travail qui n'avait nul attrait pour moi ; & ce fut, je le jure, une affaire de complaisance. Mon ami m'indiqua une Scène d'Othello, dont je pourrais faire usage au quatrième Acte. La situation était la même dans les deux Pièces ; & comme une partie de cette Scène avait été mise en Vers par le Traducteur, M. De La Place ; je ne fis pas de difficulté de copier deux ou trois petites tirades, qui cadraient à merveille à la situation. Personne ne s'est apperçu de ce plagiat, puisque personne ne me l'a reproché ; mais je ne m'accuse pas moins de cette pécadille littéraire. Les Vers que j'ai empruntés sont sans doute les meilleurs de cette Pièce ; pour qu'on ne me les attribue point, j'ai eu la délicatesse de les guillemeter.
Cette Tragédie, à la lecture, avait fait plaifir aux Acteurs ; les personnes qui avaient assisté aux répétitions, en espéraient beaucoup. On y trouvait de l'intérêt, des développemens heureux, une action bien conduite une marche simple & rapide. Le rôle de Zanga paraissait avoir une couleur tragique. Le Public & les Journalistes ont bien trouvé une partie de tout cela dans la Pièce ; mais ils ont remarqué, avec raison, qu'il règne une certaine monotonie dans les situations des premiers Actes. Aucune Scène ne réveille l'attention des Spectateurs. Zanga cherche à se venger d'Alonzo, & il réussit dans tout ce qu'il entreprend. Ses pièges sont tissus peut-être avec adresse ; mais ce n'était pas assez pour faire plaisir au Théâtre : il fallait qu'il eût des difficultés à vaincre, qu'il tombât dans l'embarras, pour se relever avec plus de force. Cette faute est d'Young; mais c'est la mienne de l'avoir imitée. Personne, avant la Représentation, ne m'a fait faire une remarque aussi simple ; & un Auteur est si content, lorsqu'au moment d'être joué, l'on n'exige point de lui de ces corrections difficiles, qui peuvent retarder le moment de ses pénibles jouissances ! Les applaudissemens des Acteurs semblent présager ceux du Public, & rien n'est plus trompeur que ces suffrages des Comédiens. Une fois identifiés avec leurs rôles, ils les aiment, ils ne voyent qu'eux ; & le grand jour de la Représentation dissipe bien souvent & les illusions de l'un & les espérances des autres.
Il ne m'eût peut-être pas été impossible de corriger ce qu'il y a de trop défectueux dans cette Tragédie. Je me fusse peut être occupé de ce travail, si l'on n'allait pas donner au même Théâtre Othello, par M. Ducis. C'est dans cette Pièce qu'Young avait puisé le sujet de la sienne, plus régulier que Sakespéare ; il a négligé des beautés que M. Ducis aura scu transporter sur notre Scène. Il aura mis dans sa Tragédie ce qui manque à la mienne. Il aura fait ce que j'aurais dû faire sans doute, si comme lui j'étais né Poëte ; si comme lui, je savais donner aux grandes passions ce langage brûlant qui leur convient. Je me suis essayé dans un genre qui m'est absolument étranger, & je dois me trouver heureux d'avoir au moins obtenu un succès d'estime. J'aime à en rapporter la gloire à mes Camarades. C'est à leur zèle & à leurs talents que je dois sans doute les applaudissemens qu'a reçus cette Tragédie.
Mercure universel, tome 9, n° 269 du dimanche 27 novembre 1791, p. 430-431 :
[La nouvelle tragédie, de Dumaniant, est « imité d'Yong » (Young), pièce créée en 1709 à Londres. Elle raconte une terrible histoire de vengeance, le critique remarquant que sur quatre personnages, l'auteur fait mourir quatre personnages... Si certains pourraient critiquer ce massacre, le critique a la sagesse de l'imputer à l'auteur original, plutôt qu'à l'adaptateur. Sinon la pièce a été bien accueillie. Elle contient des vers qui ont fait naître des applaudissements à la riche portée morale (amour / estime; honneur). L'auteur a été demandé et a paru.
La représentation s'est achevée par le Marchand de Smyrne, comédie en un acte et en prose, de Chamfort, représentée pour la première fois le 26 janvier 1770 sur le Théâtre de la rue des Fossés Saint-Germain et repris sur le Théâtre de la Nation en 1789, puis sur le Théâtre français de la rue de Richelieu en 1791 où elle est jouée au moins jusqu'en 1799. Certains vers ont été salués par le public pour leur à-propos]
Theatre François de la rue de Richelieu.
La Vengeance, tragédie en cinq actes, donnée hier, a réussi. Elle est imitée d’Yong ; l’auteur a suivi la traduction de M. le Tourneur. La pièce originale fut jouée à Londres en 1709, sur le théâtre de Duriland. Cette tragédie et Busiris sont les seuls [sic] qu’ait faites Yong.
Cet ouvrage est remarquable par sa simplicité d’action et la rapidité de sa marche, avantages d’autant plus précieux que nos auteurs modernes paroissoient les négliger.
La scène est à Barcelone. Alonzo, Espagnol, a tué le père de Zange, Africain, l’a détrôné, et lni a donné un soufflet après […] fers ; Zanga conserve dans son cœur une haine mortelle.
Manet alta mente repostum.
Il calcule sa vengeance, et croit ne pouvoir en obtenir de plus cruelle qu'en excitant dans le cœur d'Alonso les fureurs de la jalousie ; il tourmente son ame, fait tomber ses soupçons sur Carlos, son meilleur ami, et réduit son cœur à un tel égarement, qu’il fait assassiner Carlos, empoisonner son épouse, et termine lui-même ses jours. Mais avant de mourir, Zanga lui déclare que lui seul est l’auteur de tous ses maux. Son épouse est vertueuse, son ami est fidele, la Vengeance a tout fait.
Cette tragédie a été écoutée avec attention, quelques mouvemens dramatiques ont excité de justes applaudissemens. Le public a saisi ces vers :
« Et mon amour pour lui, s’accrut de mon estime ».
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
« L'honneur peut consoler des pertes de l’amour,
» Mais quand on perd l’honneur, il faut perdre le jour ».
Quelques critiques pourraient observer qu’un certain portrait que Carlos prend et remet, baisse et resserre, ne produit aucun effet, que de quatre personnages que l'auteur met en scène, il en tue quatre, mais ces observations s’adressent plutôt à l’auteur original qu’au traducteur ; nous ne serons pas plus sévères que le public, il a demandé l’auteur, qui a paru. C'est M. Dumaniant, connu et estimé par ses succès dramatiques.
M. Valois qui jouoit Zanga, a prouvé qu’il ne faut souvent qu’un rôle pour développer dm talent. M. Talma n’a pas assez ménagé ses moyens, il nous a paru quelquefois tomber dans le genre vociférateur, quoique d'ailleurs il ait bien établi un rôle pénible et fatiguant.
On donnoit pour petite pièce le Marchand de Smyrne. Le public a saisi avidement ces à-propos :
Le Français.
« Trafiquer de ses semblables !
Le Marchand d Esclaves.
» Et ne vendez-vous pas des nègres ? vous autres ».
Et plus bas :
Un domestique fidele, qui laboure la terre, qui n’est point gentilhomme, c’est d'une bonne vente, c’est toujours sur ceux-là que je me sauve.
Journal de la cour et de la ville, tome VI, année 1791, n° 28 du lundi 28 novembre, p. 221-222 :
[Article mordant d’un journal hostile à la Révolution. Il ne laisse rien subsister de cette pièce.]
Théâtre des Variétés.
Si, comme l'a dit je ne sais quel philosophe ancien, l'ame d'un écrivain se réfléchit naturellement dans ses ouvrages, comme une image dans une glace fidèle, nous n'avons pu nous defendre de concevoir une opinion très-mesquine du caractère moral et des connoissances acquises de l'individu, auteur de la tragédie donnée, pour la première fois, sur le théâtre des Variétés samedi dernier. Elle est intitulée, la Vengeance. Dumaniant, Jacobin, et pitoyable acteur de ce théâtre, avoit déjà donné quelques échantillons d'une mauvaise prose dans différentes pièces plus ou moins assoupissantes ; après avoir ressemelé le brodequin de Thalie, il a voulu chausser le Cothurne de Melpomène, mais il paroît qu'il lui blesse un peu le pied. Il a donc conçu l'orgueilleux projet de faire des vers pour la première fois de sa vie ; en conséquence, armé de son Richelet, il s'est mis dans un cabaret à entasser consonnances sur consonnances, rimes sur rimes, adages sur adages, et voir même métaphores sur antithèses. De cette conjonction de matières homogènes, est résulté une tragédie à l'opium, enterrée avant-hier, pour la première fois, avec le calme du silence le plus religieux. Abstraction faite du mérite poétique qui est absolument nul, voyons comment mons Dumaniant a échafaudé l'intrigue de sa tragédie. La scène est à Barcelonne. Le souverain de la contrée nourrit dans ses foyers un prince Africain, prisonnier par droit de la guerre, et esclave en dépit des droits de l'homme ; malgré la rudesse du farouche caractère du prisonnier, le roi Espagnol, qui n'est pas difficile, en fait son confident en chef. L'esclave Africain qui est plus diable qu'il n'est noir, s'indigne des bienfaits de son maître, et prenant son texte dans nos nouvelles vertus (la lâcheté et l'ingratitude) il rumine des projets de vengeance. Crescendo, il abuse de la confiance donnée, pour supposer des lettres, faire de fausses confidences, et enfin descendre à toutes les gentillesses qui sont chez nous à l'ordre du jour. Mais nous rougissons d'entretenir nos lecteurs de pareilles absurdités. Pour abréger, la pièce se dénoue par un quadruple trépas. L'auteur, pour ne pas donner à ses héros mourans une teinte de monotonie, a savamment diversifié leur genre de mort. L'un finit par le suicide, l'autre par le poison, le troisième par un assassinat, et le quatrième enfin, par la corde. Une partie du parterre a vivement regretté que ce dernier supplice ne se fût point effectué sur la scène. Ce coup de théâtre auroit décidément assuré la fortune de cette pauvre tragédie. Nous ne dirons qu'un mot des acteurs, ils avoient monté leur jeu au diapason de la pièce, et jamais ils n'avoient été si bien dans leurs rôles.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1792, volume 2 (février 1792), p.339-340 :
[La pièce est sévèrement jugée : reprenant le sujet d’Othello et de Zaïre, elle souffre beaucoup de la comparaison avec ces deux chefs-d'œuvre. Personnages peu intéressants, pas d’évolution de la position des personnages, pas de mouvement des sentiments, pas de mouvement théâtral. Une belle scène toutefois, au dénouement. La pièce est bien écrite, et l’interprétation est de qualité.]
THÉATRE DE LA RUE DE RICHELIEU.
On a donné, le samedi 29 novembre, à ce théatre, la premiere représentation de la Vengeance , tragédie, par M. du Maniant.
Zanga, prince maure, fait prisonnier par Alonzo, qui l'a privé d'un pere & du trône, & lui a fait essuyer l'affront le plus sanglant, médite la plus affreuse vengeance. Elle commence à se préparer. Alonzo est jaloux, & son ami dom Carlos, qu'on a cru mort, & pendant l'absence duquel Alonzo a épousé Rosanore, qui lui étoît destinée : dom Carlos, délivré en secret de sa captivité, par les soins de cette même Rosanore, & par l'entremise de Zanga, revient mettre le comble à ses fureurs jalouses. L'amitié, l'honneur, combattent quelque tems ; mais la perfide adresse de Zanga, ses cruelles insinuations, ses accusations positives égarent Alonzo. Il fait poignarder son ami, & empoisonne Rosanore. Lorsque ce double crime est consommé, Zanga vient jouir de la vengeance : il reproche à Alonzo sa crédulité, lui découvre l'horrible vérité, & le console du sort qui l'attend par I'état où il laisse celui qui l'a détrôné & avili. Alonzo s'immole à sa femme & à son ami.
Cette tragédie n'a eu qu'un foible succès. Il paroît difficile en effet de traiter ce sujet après Othello & Zaïre. Alonzo est peu intéressant ; Rosanore ne l'est gueres plus. II n'y a que Zanga dont le caractere a paru assez fiérement dessiné. La position des personnages ne varie pas, & par conséquent laisse les spectateurs à froid. Ces ondulations du cœur humain, ces alternatives, ces combats de fureur & de tendresse, si beaux, si touchans, dans Orosmane, ne sont ni marqués, ni gradués dans Alonzo. Aucun mouvement théatral n'émeut & n'enleve le spectateur. Il faut cependant convenir que la scene du cinquieme acte, où Zanga vient révéler à Alonzo que sa femme & son ami sont innocens, est d'un grand effet, quoique trop prolongée. II y a des vers assez naturels ; mais, en général, peu de saillans. M. Talma, dans le rôle d'Alonzo ; Mlle. Desgarcins, dans celui de Rosanore ; & M. Valois, dans le rôle de l'esclave africain, ont mérité & reçu des applaudissemens.
La base César est en désaccord sur la date de la première : la base propose le 26 novembre au lieu du 29 proposé par l’Esprit des journaux. La brochure donne comme date le 26 novembre. Trois représentations seulement, du 26 novembre au 2 décembre 1791.
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