Othello, ou le Maure de Venise, tragédie en 5 actes, de Ducis, 26 novembre 1792.
Théâtre de la République
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Titre :
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Othello, ou le Maure de Venise
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Genre
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tragédie
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Nombre d'actes :
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5
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Vers / prose ?
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en
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Musique :
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vers
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Date de création :
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26 novembre 1792
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Théâtre :
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Théâtre de la République
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Auteur(s) des paroles :
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citoyen Ducis
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Almanach des Muses 1794
Imitation de Shakespéar ; c'est le même sujet que la Zaïre de Voltaire : mais Ducis s'est moins écarté de la fable anglaise.
Le caractère d'Othello très-vigoureux, très-passionné ; celui d'Hedelmone très-touchant. Des ressorts invraisemblables et forcés. Un dénouement terrible, mais bien préférable à celui que l'auteur y a substitué depuis au théâtre, et qu'il a imprimé à la suite de l'ancien.
Sur la page de titre de l'exemplaire de la collection Marandet, Paris, Imprimerie Dondey-Dupré, 1792 :
Othello, ou, le more de Venise : tragédie en cinq actes / de J. F. Ducis, représentée, pour la première fois, à Paris, sur le théâtre de la rue de Richelieu, le 26 novembre 1792.
Mercure Français, n° 55 du samedi 19 décembre 1792, p. 33 :
[La formule du Mercure Français a changé (d’hebdomadaire, il est devenu quotidien), et il n’y a plus de place pour « une analyse détaillée », comparant la pièce de Ducis avec celle de Shakespeare, et avec la Zaïre de Voltaire, « qui en est une autre imitation ». L’article analyse donc brièvement l’intrigue de la pièce de Ducis. Le jugement final est hélas incomplet (pour des raisons purement matérielles), et on sait juste qu’on trouve dans la pièce « des reproches à faire à la contexture de cet ouvrage », mais aussi des « beautés [qui] ont fait passer sur les défauts ».]
THÉATRE DE LA RÉPUBLIQUE.
On y continue avec succès les représentations d'Othello. Nous avions préparé une analyse détaillée de cette piece, où nous la comparions à la tragédie anglaise et à Zaire, qui en est une autre imitation ; mais la nouvelle forme de ce journal ne nous permet pas cet examen approfondi. Nous nous contenterons de donner un extrait fort abrégé de cette piece.
Odalbert, pere d'Edelmone, vient se plaindre devant le sénat de Venise, que sa fille a été séduite et enlevée par Othello, guerrier Africain, général des troupes de la république. Les services récens du maure disposent le sénat a l'indulgence. Cependant Edelmone parait, et dans le choix qui lui en est laissé, elle préfere suivre son époux. Odalbert, furieux, l'accable de malédictions, et leur prédit les malheurs qui doivent leur arriver. La suivante d'Edelmone lui amene un jeune homme qui implore son appui. C'est le fils du doge ; amoureux d'elle, et ne pouvant la posséder, il desire la mort. Mais Odalbert, qui vient d'apprendre que sa fille n'est pas encore mariée à Othello, veut l'obliger de réparer sa faute, en renonçant à ce séducteur. Il la force d'en signer la promesse; et bientôt, révolté de son obstination, il lui rend cet engagement. Edelmone, apprenant ensuite que son pere vient d'encourir la disgrace du sénat, qu'il n'a de ressource que dans la fuite, remet au fils du doge et ce même billet et un bandeau de diamans qu'elle a reçu d'Othello. Ce sont ces deux pieces qui, par la suite, fondent la jalousie du maure, trompé par les récits infideles d'un faux ami, qui lui rapporte le bandeau et le billet, en lui disant les avoir ravis à son rival après lui avoir donné la mort. Othello ne se connait plus. Il vient trouver Edelmone endormie : il lui reproche ses prétendus crimes ; elle s'en justifie ; mais les regrets qu'elle donne à la mort de Loredan sont un nouveau forfait aux yeux de son époux, qui la poignarde., Bientôt le doge arrive avec Odalbert, et le jeune Lorédan lui-même. Ils apprennent à Othello qu'il a été trompé par celui qu'il a cru son ami. Mais il n'est plus tems ; Edelmone est morte ; après leur avoir fait voir ce spectacle d'horreur, Othello se tue sur le corps de sa victime.
Il y a bien des reproches à faire à la contexture de cet ouvrage, mais les beautés ont fait passer sur les défauts ; et il n'est point [la fin de la page n’est pas visible...]
L'Esprit des journaux, françois et étrangers, vingt-deuxième année, volume XI, novembre 1793, p. 332-333 :
[Ducis s’est vu contraint de changer son dénouement : le meurtre de Desdémone (devenue Eldémone), même adouci par la substitution du poignard à l’étranglement de Shakespeare, ne peut être représenté sur la scène française, et désormais elle survit... Que ne faut-il pas faire pour satisfaire le public ! Ducis change le dénouement, et par la même occasion change assez fortement l’intrigue, qui de tragédie devient scène de ménage. L’auteur y gagne un beau succès, sans avoir conscience de perdre son âme. Tragédie « mise avec le plus grand soin », acteurs remarquables, y compris la jeune Mlle Valleiry, à qui « le zele & l'entente qu'elle a toujours mis dans les rôles subalternes dont elle a été chargée jusqu'à présent » vaut de jouer de plus grands rôles.]
THÉATRE DE LA RÉPUBLIQUE.
Othello ou Le Maure de Venise , tragédie en vers & en cinq actes ; par M. Ducis, remise au théatre.
Cette piece fut jouée pour la premiere fois vers la fin de l'année derniere. Une foule de vers heureux & de situations théatrales, ne la mirent point à l'abri d'une forte critique, & il faut convenir qu'elle la méritoit à bien des égards. La catastrophe de la fin indisposera assez généralement le public ; & sans faire attention que dans la tragédie de Shakespeare, d'où M. Ducis a tiré sa piece, le Maure de Venise fait étrangler sa maîtresse, on sut mauvais gré à Ì'Othello de l'auteur françois, de poignarder la sienne.
M. Ducis vient de le mettre à l'abri de ce reproche, en changeant le dénouement de sa tragédie.
Au moment où Othello va porter un fer meurtrier dans le cœur d'Edelmone, le Doge, Lorédan, Ermance, Odalbert, & plusieurs autres sénateurs surviennent, désarment le Maure,. & lui prouvent que les calomnies seules de l'odieux Pézarre, avoient fait naître les soupçons affreux qui alloient coûter la vie à Edelmone. Odalbert , revenu de sa prévention contre Othello, consent qu'il épouse sa fille, & Lorédan, qui est généreusement venu au secourt d'Odalbert, Lorédan par qui Pézarre a été confondu, Lorédan enfin qui est aussi- grand que Scipion, a le courage de surmonter son amour pour Edelmone, & de voir même avec plaisir qu'Othello pourra la rendre heureuse.
Cette tragédie est mise avec le plus grand soin. MM. Talma & Baptiste y remplissent, avec une supériorité marquée de talens, les rôles d'Othello & de Pézarre. Mlle. Desgarcins y développe la plus grande sensibilité dans celui d'Edelmone, & l'on y voit avec plaisir dans celui d'Ermance, Mlle. Valleiry, qui, d'après le zele & l'entente qu'elle a toujours mis dans les rôles subalternes dont elle a été chargée jusqu'à présent, a mérité d'attirer désormais l'attention des auteurs pour des rôles plus importans.
(Journal des spectacles.)
Annales dramatiques ou dictionnaire général des théâtres, tome septième (Paris, 1811), p. 182-184 :
OTHELLO, ou Le Maure De Venise, tragédie en cinq actes, en vers, par M. Ducis, aux Français,I792.
Cette tragédie est imitée du Théâtre Anglais de Shakspeare ; elle obtint un grand succès.
L'Africain Othello, vainqueur des révoltés contre Venise, aime et est aimé d'Edelmone, fille du sénateur Odalbert ; mais ce dernier désapprouve leur amour et dénonce Othello comme le séducteur de sa fille. Othello, appelé au sénat, s'y justifie ; et Edelmone, libre de suivre ou son amant ou son père, se décide pour l'amant. Furieux, Odalbert se retire et jette dans l'ame de l'Africain le germe de la jalousie qui fait naître les révolutions de la pièce. Cependant le fils du doge, Lorédan, brûle en secret pour Edelmone ; il la prie de demander pour lui à son époux la faveur de marcher sous ses drapeaux, et profite de cette entrevue pour lui faire part du danger auquel s'est exposé son père, dont les emportemens ont allumé la colère du sénat ; il ajoute qu'Odalbert est menacé d'être condamné par le tribunal des Dix. Bientôt il quitte la scène, qu'Othello vient occuper à son tour. Etonné de voir sortir un jeune homme de chez lui, il témoigne sa surprise à son ami Pezare qui, loin de chercher à détruire ses soupçons, les augmente encore en lui parlant de la perfidie naturelle aux femmes de Venise. A peine le Maure est-il sorti, qu'Odalbert entre ; ferme dans son projet, il veut contraindre sa fille à signer un écrit dont elle ne connaît pas le contenu, et la menace de se poignarder à ses yeux, si elle refuse de lui obéir. Cet écrit est une renonciation à l'hymen d'Othello. Odalbert veut donner la main de sa fille à Lorédan ; mais, indignée de ses refus, il la quitte transporté de fureur. Cependant, informée des périls nouveaux qui menacent son père, la sensible Edelmone remet à Lorédan l'écrit que la violence lui a fait signer, en l'engageant à s'en servir auprès du doge, pour obtenir la grâce de son malheureux père ; elle lui confie encore un bandeau de diamans, présent que lui a fait Othello, et le prie d'en remettre la valeur a Odalbert. Pour prix de ces services, Lorédan exige la promesse de différer son hymen d'un seul jour ; mais c'est en vain qu'elle en prie le farouche Othello. Pezare, sur la fidélité duquel il se repose pour observer ce qui se passe, vient lui apporter le bandeau et l'écrit fatal, et lui dit qu'il les a trouvés sur Lorédan auquel il vient d'arracher la vie.
Ce n'est plus la jalousie qui règne dans l'ame d'Othello ; c'est la fureur, c'est le désespoir et la rage qui s'en sont emparés. Ce forcené, au milieu de la nuit, va trouver Edelmone que ses cris réveillent. Il l'interroge d'un ton à la glacer d'effroi ; toutefois elle répond à ses questions ; mais loin de le convaincre, ses réponses ne servent qu'à l'irriter : enfin il lui fait voir le billet et le bandeau, et lui apprend comment l'un et l'autre sont tombés en sa possession. Vainement la tremblante Edelmone proteste de son innocence ; Othello lui plonge un poignard dans le sein. Dans ce moment le doge, accompagné de Lorédan, arrive, et Othello apprend, mais trop tard, que Pezare l'a trompé. En proie au plus affreux désespoir, ce malheureux expire accablé de remords.
Cette tragédie renferme de grandes beautés de détail ; elle est généralement considérée comme une des meilleures de Ducis. Le dénouement est si horrible, il inspira une telle indignation dans le parterre , qu'un des spectateurs s'écria : C''est un Maure qui a fait cela ; ce n'est pas un Français. C'est dans le rôle d'Othello que M. Talma déploya cette profonde énergie, ces mâles élans, ces sublimes inspirations qui l'ont placé tout-à-coup au niveau des plus grands tragédiens qui aient paru sur la scène française.
D'après la base César, la pièce a été jouée au Théâtre de la rue de Richelieu à partir du 26 novembre 1792 : 10 fois en 1792, 14 fois en 1793, 12 fois en 1794, 4 fois en 1795, 15 fois en 1796 (en outre, une représentation au Théâtre des Elèves dramatiques, le 30 octobre). Dans la suite, 2 représentations au Théâtre du Marais en décembre 1797, 1 représentation aux Variétés Amusantes, Comiques et Lyriques le 17 mars 1798. Et César sort de ses limites chronologiques pour signaler 2 représentations au Théâtre de l'Odéon, le 8 novembre 1800 et le 6 mars 1809.
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