La Vénus hottentote, ou Haine aux Françaises

La Vénus hottentote, ou Haine aux Françaises, vaudeville en un acte, d'Armand Dartois, Théaulon et Brazier, 19 novembre 1814.

Théâtre du Vaudeville.

Titre

Vénus hottentote (la), ou Haine aux Françaises

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

19 novembre 1814

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

MM. Dartois, Théaulon et Brazier

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Martinet :

La Vénus hottentote, ou Haine aux Françaises, Vaudeville en un acte. Par MM. Théaulon, Dartois et Brasier. Représenté pour la première fois sur le Théâtre du Vaudeville, le 19 novembre 1814.

J’allais croire à tant de beauté
Que ta patrie était la France.

Le Spectateur (de M. Malte-Brun), n° XXIV p. 183-185 :

[Compte rendu favorable d’une pièce qui a réussi, grâce à mademoiselle Rivière, et grâce aussi ou malgré le caractère un peu licencieux des couplets. Son sujet repose sur le voyage en Europe d'une femme africaine, « une Vénus Hottentote » qui a fait grand effet sur la population de Londres et de Paris. Les trois vaudevillistes sont accusés par le critique d'avoir largement pillé la Canadienne de Vadé. Et leur pièce se sert de cette visite comme d'un prétexte pour une histoire de mariage sans vraisemblance (Alphonse veut épouser « une sauvage » plutôt qu'Amélie, sa « jeune et jolie cousine, et celle-ci se grime en Hottentote pour répondre à sa fantaisie, mais le portrait de la véritable Hottentote le ramène à des sentiments plus conventionnels. Le sujet se prêtait à dire des inconvenances, et le caractère leste des couplets n'est peut-être pas pour rien dans le succès de la pièce. La pièce associe deux auteurs du Vaudeville et un auteur des Variétés qui ont beaucoup emprunté à Vadé. Mais le public ne leur en a pas voulu, et la pièce est un vrai succès.]

Vaudeville. — LA VÉNUS HOTTENTOTE, ou HAINE AUX FRANÇAISES, vaudeville en un acte.

Voyant le public trop peu friand d'un Gâteau de Savoie qu'il lui avoit offert pour la Saint-Martin, le Vaudeville s'est empressé de piquer sa curiosité en lui montrant une Vénus Hottentote.

Il n'est personne qui n'ait entendu parler de l'incomparable Africaine qui, sous cette dénomination, a fait une si vive sensation à Londres comme à Paris ; la nature, en la formant, a sans doute voulu prouver combien, même dans ses écarts, elle étoit supérieure à l'art, qui suit avec timidité les règles qu'on lui traça : c'est surtout par la proportion des formes les plus séduisantes que la Vénus de Médicis, qu'on citoit jusqu'à ce jour pour le type du beau idéal, a recueilli les hommages de tant de générations; sa modernerivale, au contraire, doit sa célébrité à l'inégale distribution de ses charmes, et surtout au luxe étonnant de quelques-uns d'entre eux.

Sartjée, tel est le nom de l'Africaine Callypige, avait fait trop de sensation pour ne pas être célébrée par les écrivains ; aussi, pour prouver que la délicatesse de son esprit ne le cède point à la surabondance de ses appas, on a fait paroître dans le Journal de Paris quelques-unes de ses lettres, à la manière des Lettres Persannes, et que n'auroit point désavouées la plume la mieux exercée ; mais l'authenticité de cette correspondance n'est pas suffisamment établie ; on sait que les romans de madame Riccoboni lui furent long-temps contestés, et que plus d'une femme, soi-disant auteur, emprunta l'esprit de son époux ou de son amant. Si Sartjée a suivi cet exemple, on ne peut au surplus que la féliciter de son choix.

Le Vaudeville, qui s'est mis en possession de célébrer tous les personnages qui, d'une manière ou d'une autre, fixent les regards du public, le Vaudeville aussi a voulu posséder sa Vénus Hottentote ; aussitôt trois chansonniers se souvenant qu'un de leurs prédécesseurs, qu'ils tâchent de faire oublier, est l'auteur d'une pièce intitulée la Canadienne, ils l'ont mis amplement à contribution pour former leur Vénus.

Voici l'analyse de cette dernière pièce, dont au fond Sartjée n'est que le prétexte.

Le jeune Adolphe a été trompé par deux Françaises ; il falloit qu'il jouât de malheur , car ces dames se disent très-constantes ; désespéré de cette double infidélité, il a juré haine aux femmes... civilisées, et si l'hymen l'engage jamais, il fait le serment que ce ne sera qu'avec une véritable sauvage.

Ce projet anti-national plaît beaucoup à son oncle, vieux voyageur ; mais il déplaît à la femme de celui-ci, et sur-tout à mademoiselle Amélie, jeune et jolie cousine qui s'étoit promise de réconcilier Adolphe avec le sexe de France. Pour guérir le cousin, il faut feindre d'approuver son goût bizarre ; on lui annonce l'arrivée de la Vénus Hottentote ; l'oncle, qui n'ignore aucune langue, parle ou croit parler africain avec la sauvage de nouvelle date. Adolphe, transporté de joie, veut absolument épouser Vénus ; mais il est bientôt tiré de son erreur, par le portrait de la véritable Hottentote que vient lui montrer son rival, qu'on n'avoit point mis dans la confidence.

La fausse Sartjée redevient Amélie pour épouser bientôt Adolphe, qui, à ce prix, renonce aux sauvages.

Il étoit difficile d'être parfaitement délicat sur un pareil sujet, quand surtout il avoit été traité par Vadé, l'Homère de la Halle ; aussi, les couplets ont-ils paru tant soit peu lestes, ce qui n'a peut-être pas nui au succès de la pièce ; il a été complet, grâce à mademoiselle Rivière, qui a bien voulu se prêter à faire la sauvage ; heureusement que la véritable Sartjée a des beautés qui ne sont qu'à elle seule, sans cela sa représentante lui seroit une dangereuse rivale.

Ce sont MM. Dartois et Théaulon, fournisseurs habituels du Vaudeville, qui, de concert avec M. Brazier, l'un des auteurs des Variétés, se sont réunis pour dévaliser Vadé, et s'emparer de sa Canadienne ; le public leur donne tous les soirs l'absolution de ce larcin, en applaudissant la Vénus Hottentote.                         A. R.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 19e année, 1814, tome VI, p. 159-160 :

[Jugement positif sur une pièce dont on vante les couplets (et pas le reste de la pièce !). Mise en avant d’une actrice (rien sur les acteurs...). Et une petite mise en garde contre le graveleux de certains couplets.

La Canadienne est une pièce de Jean-Joseph Vadé (1720-1757), surtout célèbre par ses comédies du genre trivial.]

La Vénus Hottentote, ou Haine aux Françaises, vaudeville en un acte, joué le 19 Novembre.

Les auteurs de cette pièce ont mieux aimé mettre à contribution le théâtre de Vadé que leur propre imagination. De la Canadienne, ils ont fait la Hottentote. Ils ont métamorphosé les vers en prose ; mais c'est d'ailleurs la même action, les mêmes détails et le même dénouement.

Adolphe, né avec une imagination ardente, ou, pour mieux dire, frappé d'un grain de folie, a juré une haine éternelle aux Françaises, parce qu'il a trouvé parmi elles deux maîtresses infidèles. Il n'a pas encore renoncé aux douceurs de l'hymen : mais il a résolu de n'épouser qu'une femme absolument étrangère à nos mœurs et à nos usages..... une Sauvage enfin. Son oncle, le Baron, grand conteur de voyages, personnage aussi extravagant et plus ridicule que lui, approuve cette résolution. « Adolphe a raison, dit-il, de ne point vouloir d'une femme indigène ; il lui en faut une exotique. »

La Baronne, plus sage que son mari, destinoit à Adolphe sa cousine Amélie, jeune et jolie veuve, et elles concertent ensemble nu stratagème dont l'issue doit être le bonheur d'Adolphe. Amélie a donc deux ennemis à combattre, puisque le Baron soutient pour son neveu ; mais elle déclare que le nombre ne l'effraye pas.

Je puis me défier des hommes,
Mais ils ne m'ont jamais fait peur.

C'est la folie de son cousin qui lui suggère l'idée de se présenter à ses yeux, sous le nom et le costume de la Vénus Hottentote, qu'Adolphe n'a pas encore vue. Ce déguisement produit tout l'effet qu'elle en attendoit : Adolphe est subitement épris de la belle Sauvage. Le Baron, qui s'étoit vanté de savoir toutes les langues, est pris en défaut, et obligé de convenir qu'il ne sait pas la langue hottentote. Cependant il hasarde quelques mots barbares, et Amélie lui répond par un baragouin semblable. Adolphe, dans son amoureuse impatience, presse l'instant qui doit le rendre l'époux de la femme que son imagination avoit tant désirée ; il reste en tête-à-tête avec sa future, près de laquelle il n'est point embarrassé pour s'exprimer :

Car l'amour possède une langue
Qu'on parle dans tous lei pays.

Il est complètement dupe du stratagême ; mais son ami Déricourt, qu'on n'avoit pas mis dans le secret, détruit l'illusion, en lui faisant voir le portrait de la véritable Vénus Hottentote. On s'explique ; Adolphe abjure ses folles idées, et se marie avec sa cousine.

Le succès de ce vaudeville a été complet. Les couplets sont gais, quelquefois un peu graveleux ; mais le public étoit en belle humeur. Mademoiselle Rivierre a contribué au succès par la grâce qu'elle a mise dans le rôle de la fausse Sauvage.

Les auteurs sont MM. Dartois, Théaulon et Brasier.

L’Esprit des journaux français et étrangers, année 1814, tome XI, novembre 1814, p. 293-298 :

[Dans un article qui n’est pas non plus exempt d’emprunts littéraux, l’auteur du compte rendu insiste sur la dette des auteurs envers Vadé. Il reconnaît volontiers le succès de la pièce, malgré ses inconvenances. Il débute son article par des considérations sur la relativité du goût.]

La Vénus Hottentote , ou haine aux Françaises.

Ce n'est pas un des moindres bienfaits de la prévoyante nature que cette orgueilleuse préférence qu'elle inspire aux plus hideuses créatures pour les êtres de leur espèce. Si elle avait fait de la beauté une chose positive sur laquelle les idées de tous les hommes eussent été d'accord, elle se fût imposé la loi de les en douer tous également, et alors il n'y aurait plus eu de beauté, puisqu'il n'y aurait pas eu de laideur, et que la comparaison seule nous met à même d'apprécier les objets. Que serait devenue d'ailleurs la variété qui est le premier attrait du spectacle de l'univers ?

Heureusement le Lapon et le Samoïéde trouvent leurs affreuses compagnes aussi belles que nous le paraissent les Géorgiennes les plus parfaites ; et la Vénus Hottentote a sans doute fait dans son pays autant de conquêtes qu'en a faite à Athènes la beauté qui servit de modèle pour la Vénus de Praxitèle. L'aimable Sarsjèe a d'ailleurs prouvé, dans les lettres qu'elle a bien voulu charger le journal de Paris de publier que son esprit égalait ses appas.

Elle justifie doublement le curieux empressement et la vive admiration qu'elle a excités en France et en Angleterre. Nos auteurs sont trop galans pour qu'on ne dût pas s'attendre à les voir rendre sur nos théâtres un hommage public à cette belle. Mais elle méritait bien qu'on fît en sa faveur quelque chose d'aussi nouveau qu'elle-même.

L'auteur du vaudeville qui vient d'être joué, a mieux aimé mettre à contribution le théâtre de Vadé que sa propre imagination. De la Canadienne il a fait la Hottentote, et c'est le changement le plus considérable qu'il se soit permis. Je me trompe, il a métamorphosé des vers en prose ; mais c'est d'ailleurs la même action, les mêmes détails et le même dénouement. Il est impossible de mettre plus de franchise et moins de discrétion dans un emprunt. Il suffira, pour s'en convaincre, de jeter les yeux sur la Canadienne, et sur l'analyse de la pièce soi-disant nouvelle.

Adolphe, né avec une imagination ardente, ou, pour mieux dire, frappé d'un grain de folie, a juré une haine éternelle aux Françaises, parce qu'il avait trouvé parmi elles deux maîtresses infidèles. Il n'a pas renoncé aux douceurs de l'hymen ; mais il a résolu de n'épouser qu'une femme absolument étrangère à nos mœurs et à nos usages..... une sauvage enfin. Son oncle, le baron, grand conteur de voyages, personnage aussi extravagant et plus ridicule que lui, approuve cette résolution. « Adolphe a raison, dit-il, de ne point vouloir d'une femme indigène ; il lui en faut une exotique. »

La baronne, plus sage que son mari, destinait à Adolphe sa cousine Amélie, jeune et jolie veuve, et elles concertent ensemble un stratagême dont l'issue doit être le bonheur d'Adolphe. Amélie a donc deux ennemis à combattre, puisque le baron soutient pour son neveu ; mais elle déclare que le nombre ne l'effraie pas.

Je puis me défier des hommes,
Mais ils ne m'ont jamais fait peur.

C'est la folie de son cousin qui lui suggère l'idée de se présenter à ses yeux sous le nom et le costume de la Vénus Hottentote qu'Adolphe n'a pas encore vue. Ce déguisement produit tout l'effet qu'elle en attendait : Adolphe est subitement épris de la belle sauvage. Le baron, qui s'était vanté de savoir toutes les langues, est pris en défaut, et obligé de convenir qu'il ne sait pas la langue hottentote. Cependant il hasarde quelques mots barbares, et Amélie lui répond par un baragouin semblable. Adolphe, dans son amoureuse impatience, presse l'instant qui doit le rendre l'époux de la femme que son imagination avait tant désirée ; il reste en tête-à-tête avec sa future, près de laquelle il n'est pas embarrassé pour s'exprimer :

Car l'amour possède une langue
Qu'on parle dans tous les pays.

Il est complètement dupe du stratagême ; mais son ami Déricourt, qu'on n'avait pas mis dans le secret, détruit l'illusion en lui faisant voir le portrait de la véritable Vénus Hottentote. On s'explique en riant ; Adolphe abjure ses folles idées, et se marie avec sa cousine.

Vadé ne pourra pas reprocher du moins aux auteurs qui ont rajeuni sa pièce de l'avoir exposé à un affront, Le succès de la Vénus Hottentote a été complet ; la gaîté des couplets a presque toujours une petite teinte de gravelure qui, depuis quelque temps, paraît être assez du goût des habitués du Vaudeville. Celui que je vais citer est un des plus irréprochables. Une jeune paysanne (ce rôle est joué par Mlle. Betzy) dit à la jeune Hottentote :

On prétend, soit dit entre nous,
Qu'on mange les hommes chez vous.
On lit dans vos yeux, mad'moiselle,
Que vous n'êtes pas trop cruelle,
Et vous les mangeriez, je crois,
Tout comme moi, tout comme moi.

Le public était dans une disposition trop bienveillante pour faire attention à plusieurs traits de fort mauvais goût.

Il s'est livré entièrement au plaisir d'applaudir les grâces et le jeu piquant de mademoiselle Rivière, qui a fait à la Vénus Hottentote l'honneur de lui prêter sa figure ; les auteurs n'ont pas dissimulé qu'ils comptaient beaucoup sur les charmes de l'actrice ; ils lui avaient fait la cour dans le couplet d'annonce, qui n'était qu'un madrigal à son adresse. Le voici :

Dans la crainte où notre esprit flotte,
Messieurs, nous avons prudemment
Caché la Vénus Hottentote
Sous les traits d'un minois charmant.
Si cette Vénus qu'on renomme
Sous ses attraits ici se faisait voir,
Messieurs, vous trouveriez ce soir
Quelqu'un pour lui donner la pomme.

Les auteurs demandés et applaudis sont MM. Théaulon, Dartois et Brazier... Est-ce que Vadé a désiré garder l'anonyme ?

A. Martainville.          

Ajouter un commentaire

Anti-spam