Le Valet de deux maîtres, opéra bouffon en un acte ; paroles de Roger, musique de Devienne. 12 brumaire an 8 [3 novembre 1799].
Théâtre Feydeau
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Titre :
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Valet de deux maîtres (le)
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Genre
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opéra bouffon
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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prose, couplets en vers
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Musique :
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oui
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Date de création :
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12 brumaire an 8 [3 novembre 1799]
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Théâtre :
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Théâtre Feydeau
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Auteur(s) des paroles :
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Jean-François Roger
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Compositeur(s) :
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François Devienne
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Almanach des Muses 1801.
Un valet sert deux maîtres qui logent dans la même auberge. Ces deux maîtres sont un amant et sa maitresse ; laquelle s'est déguisée en homme pour se soustraire à un mariage ridicule que ses parens voulaient lui faire contracter. Le valet ne sait pas lire ; il craint qu'on ne s'apperçoive qu'il s'est engagé au service de deux personnes : de-là des quiproquo, des situations très-plaisantes, qui cessent dus que les deux maîtres se trouvent ensemble.
Sujet emprunté de Goldoni.
Beaucoup d'esprit, de gaité et de talent comique.
Musique agréable, mais dont les motifs ne sont pas bien neufs.
Courrier des spectacles, n° 976 du 13 brumaire an 8 [4 novembre 1799], p. 2 :
[Le critique n’a pas la place de donner l’analyse de cette pièce, mais il la promet pour bientôt. En attendant, il fait part de son enthousiasme. C’est que la pièce respecte les grands principes qui garantissent le succès, « restreindre une action dans le cadre juste qui lui est nécessaire, conserver aux personnages le ton qui leur est propre, soutenir leur caractère et nourrir l'intérêt jusqu’au dernier moment ». Elle imite une pièce de Goldoni, et l’auteur a su semer dans toutes les scènes de ce canevas « les saillies légères et les réparties heureuses », faisant preuve de don comique, de goût et de facilité. Les auteurs ont été très applaudis, comme les acteurs qui ont été remarquables.]
Théâtre Feydeau.
Toutes les fois qu'un auteur saura restreindre une action dans le cadre juste qui lui est nécessaire, conserver aux personnages le ton qui leur est propre, soutenir leur caractère et nourrir l'intérêt jusqu’au dernier moment, il sera sûr de réussir. Le citoyen Roger, auteur de la jolie comédie que l’on vient de donner hier à ce théâtre sous le titre du Valet à deux Maîtres, en demeurant fidèle à ces principes, ne pouvoit manquer d’obtenir beaucoup de succès. Ce nouvel ouvrage est une imitation d’une pièce de Goldoni, ainsi qu’il le dit ingénieusement dans un couplet du vaudeville.
En voyant l'art avec lequel le citoyen Roger a conduit une intrigue qui repose sur les bévues d’un valet, en remarquant les saillies légères et les réparties heureuses dont il a semé presque toutes les scènes de cette production, c’est lui rendre justice que de lui reconnoître le don du vrai comique et autant de facilité que de goût. Après la représentation il a été nommé au bruit des applaudissemens les mieux mérités ; et le cit. Devienne, auteur de la musique, a partagé les témoignages de la satisfaction du public.
Nous ne différons pas sans regret l’analyse de cet ouvrage que le défaut d’espace nous oblige de remettre à un numéro prochain. Le citoyen Rézicourt qui joue supérieurement un rôle de Frontin, les cit. Jausserand et Georget, et la citoyenne Rolandeau ne sont nullement ici au dessous de la réputation que leurs talens leur ont acquise.
Courrier des spectacles, n° 977 du 14 brumaire an 8 [5 novembre 1799], p. 2-3 :
[Voilà donc l’analyse promise, longue, précise, et tout de même un peu confuse. La pièce se réduit aux bévues du pauvre Frontin, pris entre ses deux maîtres (qui forment en fait un couple : l'amant et sa maîtresse qui s’est travestie en homme, et qu'il ne reconnaît pas). Mais ces bévues sont aussi ce qui permet finalement la réconciliation entre sa maîtresse et celui qu’elle aime. Il n’y a plus qu’à reprendre le concert d’éloges de la veille : les interprètes sont à nouveau cités et couverts de compliments, et la musique de Devienne, moins ambitieuse que celle de ses œuvres précédentes, est elle aussi citée avec éloge. L’article s’achève par la reproduction d’un couplet « qui a été redemandé » et qui renvoie à Goldoni.]
Théâtre Feydeau.
Sophie Melcourt aime Florville et en est aimée : mais un oncle avare l’a promise à un M. Dru, aussi sot et avantageux que riche. Pour éviter ce mariage, elle a disparu de Nancy sous des vêtemens d’hommes, et est venu descendre dans une auberge à Paris. Un accident sur la route a retardé son arrivée, et Frontin, son valet, qu'elle avoit envoyé devant, craignant de rester sans condition, s’est mis au service de Florville , qui demeure justement dans la même auberge où bientôt arrive Melcourt. Voilà le valet fort embarrassé, se trouvant lié à deux maîtres ; (car il ne soupçonne pas que Melcourt soit une femme).
Du fond de leurs chambres, les deux maîtres demandent en même-tems des hardes. Terrible embarras pour Frontin ! les deux malles ont été montées dans le sallon : mais comment les distinguer, ne sachant pas lire ? à qui donner la perruque brune, à qui la blonde ? Dans cette confusion, Frontin met dans la poche d’un habit de Florville une boëte qui appartient à Melcourt. Celle-ci paroît et voit venir dans l'auberge ce M. Dru, qui croyant parler à un jeune homme, lui dit le sujet de son voyage. Il vient de Tours et va épouser à Nancy Sophie Melcourt, qui lui est promise avec une bonne dot. Sophie s'indigne, menace et se retire. Resté seul, M. Dru se sent du courage, dresse un cartel, et dit à Frontin de le remettre à son maître. . . . Auquel ? « Une affaire d’honneur ? dit Frontin, c’est à Florville. » M. Dru revient, épée sous le bras; à son grand étonnement, c’est Florville qui veut lui répondre. En remettant le papier dans sa poche, Florville sent une boëte, il pousse un secret et reconnoît son portrait, qu’il avoit donné à Sophie : il presse le valet, qui bâtit une histoire et dit que cette boëte étoit celle d’un jeune homme qu’il servoit et qui a été assassiné dans la forêt de Bondy, en venant de Nancy à Paris. Une lettre tombée entre les mains de Florville, par une autre méprise du valet, l’a informé du déguisement et de la fuite de Sophie. Il ne doute plus qu’elle n’ait été la victime de l’événement dont Frontin vient de lui faire l'histoire, il se retire désespéré. Melcourt sort de chez elle, de mande des papiers dont elle a besoin : une nouvelle méprise du valet lui fait reconnoître des lettres qu’elle écrivoit à Florville. Comment Frontin a-t-il pu les avoir ? Le valet fabrique encore un conte ; il dit les tenir d’une femme qui les tenoit d’une autre , etc. . . . Sophie se croit trahie, elle s’évanouit, on appelle du secours ; à ce bruit Florville survient et reconnoît Sophie. Tout s’explique, et les amans, débarrassés du sot rival, n’éprouvent plus d’obstacles à leur union.
Nous ne pourrions qu’ajouter de nouveaux éloges à ceux que l’agrément, la gaîté, disons mieux, le mérite de ce petit ouvrage, nous ont commandés. L’originalité du citoyen Rézicourt dans le rôle de Frontin, la charge du citoyen Georget dans celui d’un incroyable suranné, le jeu naturel du citoyen Jausserand et de la citoyenne Rolandeau, remplissant les rôles de Florville et de Melcourt, ont ajouté aux,charmes d’une comédie que le citoyen Devienne a orné de plusieurs morceaux pleins de grâce, et généralement bien adaptés à la situation. Ce n'est plus sass doute, quant à la musique, un ouvrage aussi considérable que ceux qu’il a précédemment composés ; maïs on y remarque une légèreté, une simplicité de chant particulière à cet auteur, et des tours d’accompagnement pleins de délicatesse.
Nous reproduisons ici avec plaisir un couplet qui, sous tous les rapports, fait honneur au cit. Roger, et qui a été redemandé :
Les méprises, les quiproquo
Sont l'ame de nos comédies :
Mais dévancés par tant de grands génies,
Que pouvons-nous vous offrir de nouveau ?
Aussi maint auteur- que l’on prise
De l’esprit des morts s’est servi :
En empruntant l’esprit de Goldoni,
Aurions-nous fait une méprise ?
Gazette nationale, ou le Moniteur universel, n° 46 (16 brumaire an 8), p. 178 :
Théâtre Feydeau
[...]
Le citoyen Roger qui déjà dans la Dupe de soi-même, jouée avec succès au théâtre Louvois, et reprise hier avec un succès égal au théâtre Français, avait heureusement imité le comique auteur du Bourru bicnfesant, vient encore d'emprunter au théâtre italien de Goldoni, pour en enrichir notre scene, une petite piece extrêmement gaie, et remplie de situations comiques, son titre est le Valet à deux maitres. Le fond, déjà connu par l'ancienne piece intitulée : Arlequin valet de deux maitres, consiste dans les méprises et les quiproquos auxquels donne lieu l'embarras dans lequel ce valet doit se trouver à chaque instant ; des scenes piquantes et neuves sortent naturellement de cette situation comique ; un personnage accessoire fort plaisamment mêlé à l'intrigue, et présentant une caricature du jour à un degré de ressemblance frappant, contribue à jeter encore plus de gaieté sur ce petit ouvrage déjà très gai en soi. Nous ne doutons pas qu'il n'eût réussi également s'il eût été uniquement consacré à la muse comique ; l'auteur a voulu chercher dans le secours de la musique un appui dont il n'avait pas besoin ; c'est là une de ces méprises moins heureuses que celles qui rendent son ouvrage fort agréable ; elle appartient peut-être à la modestie ; on ne peut plus que le louer, en rappelant cependant que l'opéra comique compte assez de favoris en titres, ou de poëtes se reposant sur le musicien du soin de faire goûter leurs paroles, pour que la comédie réclame sans partage le tribut d'un talent qu'elle a déjà encouragé par quelques faveurs.
La piece est fort bien jouée, et sa représentation est une des plus agréables que puisse offrir le théâtre Feydeau.
Nous omettions de nommer le citoyen Devienne, auteur de la musique.
La Décade philosophique, littéraire et politique, an viii, Ier trimestre, n° 5 (20 Brumaire), p. 294-295 :
Le Valet à deux Maîtres, donné le 12 Brumaire.
Un valet s'est engagé au service de deux maîtres qui tous deux logent dans la même auberge. Ces deux maîtres sont précisément un amant et sa maîtresse qui s'est déguisée en cavalier pour fuir un mariage saugrenu que ses parens lui proposent.
Tous les quiproquos d'un valet qui sert deux personnes à-la-fois, et qui ne sait pas lire, toutes les défaites qu'il emploie pour excuser ses méprises et empêcher qu'on ne s'aperçoive de son double emploi, forment un enchaînement de situations plaisantes, qui se termine quand il plaît à l'auteur de faire trouver les deux maîtres ensemble. Ce plan assez invraisemblable dans Goldoni, l'est encore un peu davantage dans un cadre plus resserré : mais les scènes et le dialogue annoncent du talent comique et de la gaieté dans l'esprit. Le tout compose un assez joli petit acte, qui a complètement réussi. Il est du C. Roger, traducteur heureux de Goldoni, dans la pièce intitulée la Dupe de soi-même, que le théâtre français joue maintenant avec succès.
La musique est facile, peut-être trop facile, car les motifs et les phrases en rappellent quelquefois des vaudevilles connus ; mais elle est arrangée avec goût, et toujours placée à propos. Elle est du C. Devienne.
La Décade philosophique signale dans son numéro 5 (an XI de la République Française, 1er trimestre, 20 brumaire, p. 312), une reprise de la pièce au théâtre Feydeau, le 26 octobre 1802 avec une musique nouvelle, de Vincenzo Fiocchi. D’après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris: répertoire 1762-1972, p. 437, cette nouvelle version, jouée 4 fois, reprenait deux couplets de l’ancienne version de Devienne et a été reprise le 5 juillet 1806.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 5e année, 1799, tome 4, p. 243-244 :
THÉATRE FEYDEAU
Le Valet à deux maîtres.
Cet opéra en un acte a été joué , le 12 brumaire, avec un grand succès. Il est traduit et imité d'une comédie en trois actes de Goldoni. En voici l'analyse:
M. Dru, rival de Florville, aime Sophie Mercour, qui est loin de partager ses sentimens. Pour éviter d'être forcée, par son oncle, à un mariage qu'elle redoute, elle fuit sous des habillemens d'hommes, et arrive à Paris dans une auberge où loge précisément Florville. Frontin, valet de Sophie, qu'elle avoit envoyé devant, craignant de rester sans condition , s'est mis au service de Florville , et se trouve fort embarrassé, à l'arrivée de Sophie, d'avoir deux maîtres à servir. Ne sachant pas lire, il confond les deux malles, met dans l'une les habits de l'autre, change de poches tous les papiers, et met dans la poche de Florville une boîte qu'il avoit trouvée dans celle de Sophie. Questionné alternativement par ses maîtres, il fait des contes qui embrouillent beaucoup l'intrigue. Florville croit son amante morte ; Sophie croit son amant infidèle,
s'évanouit, on appelle du secours, Florville survient et reconnoît Sophie. Tout s'explique ; M. Dru cède ses prétentions, et les amans n'éprouvent pas d'obstacles à leur union.
Cet ouvrage a été parfaitement joué par les CC. Rézicourt , Georget , Jousserand et la C.e Rolando.
Les auteurs ont été demandés et applaudis. Ce sont les CC. Roger pour les paroles, et Devienne pour la musique.
D’après la base César, la pièce a été représentée 4 fois au Théâtre Feydeau, du 3 au 9 novembre 1799 (mais sa carrière ne s’est pas arrêtée là).
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