Vincent de Paule

Vincent de Paule, drame en 3 actes et en vers, de Dumolard, 15 floréal an 12 [5 mai 1804].

Théâtre de Louvois.

Autres titres: Vincent de Paul ou Saint Vincent de Paul[e].

Titre	Vincent de Paule
Genre	comédie
Nombre d'actes :	3
Vers / prose ?	en vers
Musique :	non
Date de création :	15 floréal an 12 (5 mai 1804)
Théâtre :	Théâtre de Louvois
Auteur(s) des paroles :	M. Dumolard

Il existe un autre Vincent de Paule, Vincent de Paule, ou l’Illustre Galérien, mélodrame historique de M Henri le Maire, créé au Théâtre de la Gaîté le 7 octobre 1815.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mad. Cavanagh-Barba, an XII – 1804 :

Vincent de Paul, drame en trois actes en vers, Par H. F. Dumolard ; Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de Louvois, le 15 Floréal an 12.

Courrier des spectacles, n° 2626 du 16 floréal an 12 [6 mai 1804], p. 2 :

[La pièce a eu du succès, son auteur a été nommé, mais le critique est hostile au genre du drame, et il ne veut pas dire ce qu’il en pense. Il se contente donc d’« en donner l’analyse ». C’est une anecdote de la vie de Vincent de Paul qui remplit la pièce : le grand homme résout une triste histoire de fille séduite à qui sa famille refuse le pardon. Par sa clairvoyance, Vincent parvient à apaiser tous les gens concernés par cette affaire, le tuteur de la jeune femme, le fils du tuteur, le séducteur responsable de sa honte. Le critique a promis qu’il ne ferait pas d’observations. Il se contente de dire que la pièce est bien écrite, et que l’acteur qui joue Vincent de Paul est remarquable.]

Théâtre Louvois.

Première Représentation de Vincent-de-Paul.

Plein succès. L’auteur de cet ouvrage est monsieur Dumolard. On connoit notre antipathie pour les drames, pour ce genre romanesque, qui prend sa source dans des situations forcées, qui n’offre jamais que des objets que l’art judicieux doit également

Epargner à l'oreille et reculer des yeux.

Nous ne ferons en conséquence aucune observation sur cette pièce ; nous nous bornerons à en donner l’analyse.

Folleville, jeune militaire, a recherché la main de Julie, niece et pupile de M. de Sylli [sic]. ayant essuyé un refus de ce tuteur impérieux, les jeunes amans ont été obligés de se séparer. Folleville a retourné à l’armée, et depuis plusieurs années Julie n’a point eu de ses nouvelles. Devenue mère des suites du dernier entretien qu’elle a eu avec Folleville, et se croyant abandonnée elle a fui la maison de son oncle, a fait porter son enfant à l’asyle fonde par Vincent-de-Paul, et s’est elle-même consacrée au service de cet établissement pour veiller si l’être auquel elle a donné le jour.

Vincent de-Paul étant alors chef du conseil de la Reine, nommoit à diverses places, et devoit entr’autres conférer celle de Commandeur de l’or dre de Malthe. M. de Silly vient la lui demander pour son fils. Le vénérable Prélat, voulant prendre des informations sur le jeune homme, l’impérieux Silly s’offense de ce refus, et à l'instant le hasard présente à ses yeux sa pupille sous les habits de la profession qu’elle exerce. Le tuteur se livre à tous les transports de sa colère, et sort en menaçant Vincent-de-Paul, qui apprend bientôt de l’infortunée Julie l’histoire de ses torts et de ses malheurs. A peine est-elle sortie que l’on annonce le jeune Silly. Vincent-de-Paul, voulant l’éprouver, lui promet son appui, s’il veut solliciter un ordre pour faire enfermer sa cousine Julie, qui a déshonoré sa famille. Au refus du jeune chevalier de Malthe, Vincent le reconnaît digne d’occuper la place qu’il sollicite. Folleville, qui s’est déjà introduit deux fois dans la maison, et qui est venu fort à propos à la seconde ramener la joie et l’espérance dans le cœur de Julie, arrive une troisième fois et donne lieu à une troisième reconnoissance. Son cousin veut se battre avec lui, mais Vincent modère ses transports, et tous trois se réunissent pour fléchir Silly, qui, muni d’un ordre du ministre, vient pour enlever Julie. On a beaucoup de peine à l’appaiser, mais il cède à l’instant où l’on apporte un ordre du ministre qui révoque le premier.

Cet ouvrage est sur tout recommandable par le style. Le rôle de Vincent-de-Paul est fort bien rendu par Dorsan.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 9^e année, 1804, tome V, p. 402 :

[Bilan mitigé pour le critique : d’abord, peut-on mettre sur scène « un personnage aussi respectable » ? Pour l’auteur de l’article, religion et théâtre continuent à ne pas faire bon ménage, même s’il y a eu des précedents prestigieux. Ensuite, on met au crédit de l’auteur « une morale pure, exprimée en beaux vers », et au débit, « des reconnoissances et des situations forcées ».]

Vincent de Paul.

On a mis en scène l'abbé de l'Epée ; il a réussi et Vincent de Paul, dont il avoit suivi les traces dans la voie du salut, vient de suivre les siennes au théâtre.

Tout en louant l'auteur de faire connoître un personnage aussi respectable, et auquel l'humanité doit de si belles institutions, ne pourroit-on pas blâmer cette manie de méler aux jeux du théâtre la choses de la religion. Si Corneille a ouvert le Martyrologe pour en tirer son Polieucte; si Racine, a pris dans l'ancien Testament son Esther et son Athalie. ce n'est pas une raison pour imiter un exemple que leur talent pouvoit seul autoriser, et qu'au reste on n'imitera jamais sous, ce rapport. Il est vrai qu'à la longue tout s'épuise : les auteurs, les acteurs, les peintres, les héros de l'histoire et de là fable ont été presque tous mis en scène ; il est plus commode d'ouvrir la légende que de faire, et, souvent en pure perte, de grands frais d'imagination. Mais le public pourra bien siffler les Saints comme il siffle souvent les dieux à 1’Opéra, les héros aux François, et les auteurs au Vaudeville ; au moins aura-t-il pour excuse que les saints ne sont pas à leur place, et qu'il faut, autant que possible, ne rien déplacer.

L'auteur de Vincent de Paul, a mis dans la bouche de son héros une morale pure, exprimée en beaux vers ; mais il a mis dans sa pièce des reconnoissances et des situations forcées qui n'annoncent pas une grande connoissance des effets dramatiques. Cet ouvrage, au reste, annonce un talent qu'on doit encourager, et renferme des sentimens qu'on ne peut s'empêcher d'applaudir. Il est de M. Dumolard, auquel on doit une comédie en cinq actes et en vers, intitulée : le Philinte de Destouches.

Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome neuvième, prairial an XII [mai 1804], p. 240-242 :

[Le compte rendu prévient d’emblée : la pièce « est mal ourdi[e] », ce qui explique qu’on n’ait qu’une analyse rapide du canevas, qui n’est pas si simple et recourt aux personnages habituels (l’oncle et sa nièce, son séducteur) et finit par un mariage. Le critique affirme qu’il s’agit d’un « coup d’essai d’un jeune homme », et qu’elle ne témoigne d’ « aucune entente de la scène ». Malgré l’abondance des « coups de théâtre », « l’action languit fréquemment », ce qui n’a pas causé de réaction négative du public, à une exception près, pour un mot malheureux. Le rôle du « vertueux Paule » a été critiqué : on le voit utiliser la ruse. Mais la pièce a néanmoins réussi, et l’auteur a été demandé. C’est bien un débutant, du moins pour le théâtre. La pièce ne compte qu’un rôle, celui de Vincent de Paule, et l’acteur qui le joue n’a pas su y éviter la monotonie des gestes et « acquérir de l’aisance et du naturel.]

THÉATRE LOUVOIS.

Vincent de Paule, pièce en trois actes et en vers, de M. Dumolard.

Je dirai peu de chose du canevas de cette pièce qui est mal ourdi. Julie, pupille et nièce du seigneur de Silly, est venue se présenter comme dame hospitalière aux enfans-trouvés, où elle s'est fait précéder par le fruit ignoré de sa passion pour Folleville, officier attaché au parti de la fronde, et où elle a été reçue apparemment sans qu'on sût qui elle était, chose fort invraisemblable , mais fort nécessaire pour la pièce. L'oncle de cette jeune mère ne sait où elle existe ; il vient dans son hospice réclamer les bons offices de Paule, directeur du conseil de conscience de la régence pour faire avoir à son fils une commanderie dans l'ordre de Malte. On l'invite à visiter la maison. Le premier qu’il rencontre est Julie. Il éclate en menaces contre elle et le fondateur des enfans-trouvés, et sort furieux. Folleville arrive d'un autre côté pour solliciter l'entremise de Paule, afin de se remettre en grace auprès du roi. Il voit son amante, et croit toucher au moment d'unir son sort au sien, en rentrant dans le devoir ; mais il rencontre un trouble-fête, M. de Silly fils, qui veut venger l'honneur de sa cousine. Paule fait entendre raison à ce petit mutin, en lui apprenant que l'officier retourne à la bonne cause, et veut tout réparer par un bon mariage. Alors l'oncle arrive avec un ordre pour enfermer Julie. Assaut d'éloquence de la part de tous les personnages. Paule attendrit l'oncle. Un contre-ordre survient : « Il n'en est pas besoin, dit l'oncle ; Paule m'avait désarmé. » Le père et la mère se marient : mieux vaut tard que jamais.

On dit que cette pièce est le coup d'essai d'un jeune homme : il y a lieu de le croire ; car on n'y trouve aucune entente de la scène ; rien n'est motivé, préparé, ni amené ; il y a quatre à cinq reconnaissances ou rencontres imprévues. Malgré ces coups de théâtre, l'action languit fréquemment. Tout a été cependant entendu avec patience, et quelquefois avec intérêt. Il y a eu seulement un léger murmure pour un mot qui n'en valait pas la peine. L'officier et la mère précoce voulant avoir un entretien, témoignent. la crainte d'être surpris ; un soldat convalescent qui se trouve là, dit :

Ne suis-je pas ici pour faire sentinelle ?

et va se planter à la porte. Quelques-uns ont trouvé que cela avait trop l'air de garder les manteaux. Mais comme l'enfant était déjà fait, comme on devait être bien sûr qu'il ne serait désormais question que de le nourrir, et que l'entrevue se passerait en tout bien et tout honneur, cette délicatesse a paru outrée à plusieurs,, et l'affaire n'a pas eu de suites. Ou a été plus fâché de voir le vertueux Paule user d'artifice, pour s'assurer si le futur commandeur est digne de sa protection ; de l'entendre proposer à ce jeune homme de concourir à l'obtention d'une lettre de cachet contre sa cousine : ce petit moyen ne convient aucunement à la sublimité du caractère de celui qui l'emploie. Néanmoins l'auteur a été demande d'une voix à-peu-près unanime.

Cette pièce fait beaucoup d'honneur, à M. Dumolard comme écrivain, mais non comme écrivain dramatique : sous ce rapport, on peut le. regarder comme un vrai novice.

Il n'y a dans Vincent de Paule qu'un seul rôle, pour ainsi dire, c'est le sien. Dorsan y a mis de la chaleur et de l'onction : il a beaucoup à se défendre de la monotonie de ses gestes, et il lui reste à acquérir de l'aisance et du naturel. En. général, on lui trouve trop d'apprêt, et d'emphase.