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La Dansomanie

La Dansomanie, folie, pantomime en 2 actes ; par le cit. Gardel. 25 prairial an 8 [14 juin 1800].

Théâtre de la République et des Arts

Titre :

Dansomanie (la)

Genre :

pantomime

Nombre d'actes :

2

Vers / prose ?

programme en prose

Musique :

oui

Date de création :

25 prairial an 8 [14 juin 1800]

Théâtre :

Théâtre des Arts

Auteur(s) des paroles :

Gardel

Compositeur(s) :

 

Chorégraphe(s) :

Gardel

Almanach des Muses 1801

M. Duléger est fou de la danse. Un valet lui casse un déjeûner précieux ; il lui pardonne sa mal-adresse, parce que cet homme lui prouve que c'est en essayant des pas très-difficiles, qu'il exécute très-bien, que cet accident est arrivé ; il a un fils en bas-âge ; ce dont il s'occupe le plus, c'est de le bien placer sur ses jambes et de bien poser ses pieds. Sa fille est en âge d'être mariée ; elle aime un colonel, mais qu'est-ce qu'un colonel ? Celui-ci se présente à M. Duléger, qui lui demande s'il sait danser la gavotte de Vestris, et sur sa réponse négative, il est éconduit. On célèbre la fête de M. Duléger, ses amis, ses connaissances se sont travestis en Turcs, en Chinois et en Basques. Différentes sortes de danses sont exécutées. Le Colonel figure parmi les basques, et enchante M. Duléger, auquel il se découvre enfin, et dont il finit par épouser la fille.

Folie très-gaie, spectacle très-agréable. Représentations très-suivies.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, de l'Imprimerie de Ballard, Imprimeur dudit Théâtre, an VIII :

La Dansomanie, folie-pantomime, en deux actes ; Du Cen. Gardel, Membre de la Société Philotechnique. Représentée pour la première fois sur le Théâtre de la République et des Arts, le 25 Prairial, an 8.

La Mélomanie, avec laquelle la Dansomanie est comparée par les différents critiques est un opéra comique en un acte et en vers, livret du vicomte Jacques-Raymond Grenier (1736-1803), musique de Stanislas Champein (1753-1830), représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre italien, le 29 janvier 1781, et qui a connu un très grand succès.

Courrier des spectacles, n° 1198 du 26 prairial an 8 [15 juin 1800], p. 2 :

[Le compte rendu fait preuve d’un enthousiasme plutôt rare après avoir vu le ballet de la Dansomanie. Ce ballet au sujet léger est comparé aux grands ballets du Théâtre de la République et des Arts. Même l’intrigue, qui peut sembler bien peu surprenante (un père, sa fille et ses prétendants, avec un mariage facilement prévisible), est appréciée. Le public a beaucoup ri et beaucoup applaudi. L’interprétation par la troupe de danseurs est ce qui soulève le plus d’enthousiasme, tous les danseurs sont cités de façon très élogieuse, et le chorégraphe, Gardel, est placé au pinacle. La fin de l’article montre son triomphe, taant auprès du public que de ses camarades.]

Théâtre de la République et des Arts.

Quand on a vu le nouveau ballet intitulé : la Dansomanie, on est étonné que l’auteur ait attaché aussi peu d’importance a un ouvrage aussi joli, et ait cru avoir besoin de réclamer l’indulgence du public ; sans doute ce n’a été que parce que ce n’est point ici un sujet sérieux, un sujet d’érudition, mais il n’en est pas moins vrai que la Dansornanie est aussi parfaite dans son genre, que Télémaque, Psiché et Pâris dans le leur. Elle a présenté tout ce que l’imagination et le goût ont. pu créer d’aimable ; on y trouve une gaité charmante et continuelle, on y goûte un plan très-suivi et une foule d’idées fines, heureuses, particulières à chaque caractère. Le fonds de ce ballet a beaucoup de ressemblance avec celui de l’opéra de la Mélomanie.

M. Duléger, propriétaire d’un château en Savoye, ne veut donner sa fille en mariage qu’à celui qui sera comme lui passionné pour la danse, et dont le talent en ce genre sera parfait. Demarset, jeune officier, prétend à la main de Phrosine ; Demarset déclare ne rien connoître à la danse, et il est refusé. La mère cependant protège le prétendu ; on supplie M. Duléger, qui voit à ses genoux jusqu’à son fils, à peine âgé de cinq ans. Tout ce qui, dans ce grouppe, frappe l’attention de M. Duléger, c’est que l’enfant, dans cette attitude, n’a pas le pied assez en-dehors, et il court corriger cette faute. Enfin on se sert d’une ruse pour fléchir la rigueur du père : Demarset, Phrosine, ses maîtres à danser, tout se déguise, les uns en Basques, les autres en Chinois et en Turcs. On saisit l’occasion d’une noce de villageois, dont M. Duléger fait faire la fête au château, pour exécuter chez lui toutes sortes de danses. Ceux qui les conduisent prétendent bien que la main de Phrosine sera la récompense du plus habile ; on devine que c’est Demarset qui l’emporte ; le père a été agréablement trompé par le déguisement de sa fille et de celui qu’elle aime, et il les unit. Le peu de tems qui nous reste nous interdit de plus longs détails, ou plutôt nous oblige de les différer ; mais nous devons avouer que tant pour la manière dont ce charmant ballet est traité, que pour celle dont il est rendu, les expressions manquent absolument aux éloges. On n’a cessé d’applaudir, on n’a cessé de rire, et il n’est rien dans ce gracieux ouvrage qui n’ait été accueilli avec enthousiasme. Le cit. Gardel, qui s’est chargé d’un rôle d’Officier ami de la maison, a causé une surprise bien agréable en exécutant un concerto dans lequel il a fait preuve d’un talent peu ordinaire ; comme violon, le public le plaçoit généralement au rang des bons amateurs. Il a été couvert d’applaudissemens après un menuet qu'il a dansé avec sa supériorité reconnue, et Mlle Clotilde de son côté a obtenu un juste tribut d’admiration. Ou ne peut parler ici du cit. Vestris chargé du rôle de Demarset, il faut le voir pour se faire une juste idée du talent qu’il déployé. Le rôle de Dansomane est rempli par le cit. Goyon, et il est impossible de jouer avec plus de vivacité, plus d’intelligence et. plus de comique. Un rôle secondaire, mais qui cependant est assez fort, nons voulons dire le rôle du valet de M. Duléger , est joué de la manière la plus originale et la plus piquante par le citoyen Branchu qui se montre ici véritablement acteur. Bref, on a ri de bon cœur, et cependant on n’a cessé d’admirer. Les airs les plus simples aident la pantomime ; cette simplicité est d’un grand prix, elle prouve le goût du citoyen Gardel, elle assure une durée d’autant plus longue à ce ballet, qui ne vieillira que bien difficilement.

Que dire de la grâce et de l’habileté avec lesquelles madame Gardel joue le personnage de Phrosine ? Quelle danse brillante ! quelle finesse ! et quelle délicatesse ! Enfin bien des talens sont encore à nommer, Millon, Beaupré, Beaulieu, Chameroy, Chevigny, Pérignon, Colomb, tous se surpassent.

Deux décorations superbes et le changement de l’une à l’autre exécuté avec une rapidité que l’on devroit toujours observer à ce théâtre, ont ajouté à l’agrément de cet ouvrage.

Quoique le citoyen Gardel fût en scène au moment où la toile a été baissée, il a paru, et on ne peut dire qui l’applaudissoit le plus ou du public ou de ses camarades, aussi généreux appréciateurs de ses talens que de ses qualités personnelles.                                     B * * *

Courrier des spectacles, n° 1202 du 30 prairial an 8 [19 juin, p. 2-3 :

[Le premier article promettait de revenir sur les détails de la Dansomanie, c’est une lettre de Mittié qui joue, semble-t-il, ce rôle, en revenant sur le caractère exceptionnel du spectacle. Gardel y devient l’équivalent dans son art aussi bien de Quinault que de Molière . Retour aussi sur la prestation parfaite de Goyon dans le rôle principal, mais aussi de tous les danseurs, et de madame Gardel, qui a montré sa capacité à danser tous les rôles, de Psyché à mademoiselle Phrosine. Et c’est l’ensemble avec lequel le ballet a été exécuté qui est mis enfin en valeur, peut-être parce que ce n’est pas si fréquent.]

AU RÉDACTEUR.

J’ai lu l’analyse que votre rédacteur chargé de la partie de l’Opéra a faite du ballet de la Dansomanie ; il me semble qu’il n’a rendu justice que bien foiblement à cette charmante production. Je conviens que le fonds en est très-léger : mais les détails en sont si agréables, les idées si ingénieuses, que ce seroit nuire selon moi aux progrès de l’art, que de ne point assez encourager ce nouveau genre. Le ton grave et la marche sérieuse des autres conceptions du cit. Gardel pouvoient donner à penser qu’il quitteroit difficilement l’Olympe pour s’humaniser avec de foibles mortels... mais il vient de prouver que si Therpsicore avoit trouvé eu lui son Quinault, elle pouvait également l’appeler son Molière. L’auteur de Pâris sait aussi peindre les travers ; plus d’un de nos fats modernes a pu reconnaître les ridicules et les prétentions de ces danseurs de sociétés qui se qualifient modestement de petits Vestris dans le cercle de leurs cotteries.

Votre rédacteur a glissé très-légérement sur la manière originale dont le cit. Goyon rend le rôle de Dansomane, sur le ton de vérité qu’il a donné à ce caractère neuf au théâtre ; ce danseur-acteur qui ne quitte pas la scène pendant les deux actes entiers, ne sort pas une minute de l’esprit de son rôle, dont il a saisi parfaitement toutes les nuances. On n’a point parlé de la manière dont il est secondé par les citoyens Branchu, Milon, Beaupré, Gardel, Vestris, et sur-tout par Mad. Gardel, qui cesse un moment d'être Psyché, pour devenir la plus séduisante des fiancées ; la grâce et la légèreté qu’elle déploie dans sa danse donnent l’idée de la perfection où cet art charmant est porté. L’étonnant Vestris cause toujours un nouveau sentiment d’admiration. En un mot, rien n’égale l’ensemble avec lequel ce ballet est exécuté, si ce n’est le plaisir que le public a goûté à sa seconde représentation.

Salut et considération,

P. S. Mittié,

Geoffroy, Cours de littérature dramatique, seconde édition (1825), tome 5, p. 261-264 :

[Un bel exemple de critique à la Geoffroy : contestation du titre, un composé barbare formé d’un mot français accolé à un mot grec, critique du choix par un danseur d’un sujet qui pourrait dégoûter de la danse en ridiculisant sa pratique intense, critique des « réflexions de l'auteur sur son nouveau ballet » qui manquent de modestie. Geoffroy aborde ensuite la critique de l'œuvre, dont il résume l’intrigue (mais elle aurait gagné à être moins « délayée », à être « plus vive ») et dont il dit le principal mérite : « réunir presque tous les acteurs dansans de ce théâtre, et de les employer d'une manière propre à faire valoir leurs talens ». Encore une œuvre sauvée par ses exécutants : « malgré la longueur du ballet, le vide de l'action, l'exécution est si parfaite, qu'elle a excité des applaudissemens vifs et fréquens », et Gardel a su montrer l’étendue de son talent comme instrumentiste, danseur et chorégraphe. Très beau décor au second acte.]

LA DANSOMANIE.

La Dansomanie ! quel titre barbare ! tandis que les moindres bateleurs et les artistes les plus obscurs parent leurs affiches d'étymologies grecques ! quelle monstrueuse accolade de manie qui est grec, avec danse qui est français ! Jamais peut-être on n'a prodigué avec autant de pédanterie qu'aujourd'hui les termes savans, les expressions techniques, quelquefois même à contre-sens, comme dans le titre de Prytanée donné à un de nos anciens colléges, et celui d'Odéon dont on a décoré le théâtre du Luxembourg. Puisque toute notre science de l'antiquité se réduit maintenant à quelques dénominations grecques et latines, je suis étonné que M. Gardel ne se soit pas mis à la hauteur de notre érudition actuelle. Il s'est excusé gravement dans une note sur sa hardiesse à se servir d'un terme qui n'est point français ; ne devait-il pas plutôt demander grâce pour la barbarie qui lui fait employer un mot qui n'est pas grec ?

Ce qui est bien plus surprenant que le titre, c'est le sujet. Est-il bien prudent à un membre de l'Opéra de ridiculiser la folie de la danse ? N'est-il pas trop heureux pour le théâtre de la République et des Arts, que le public soit entiché d'une pareille folie ; que les jolies femmes attachent plus de prix aux pas d'un danseur qu'aux vers d'un poëte, et que des mouvemens du corps, purement mécaniques, qui ne disent rien à l'esprit ni à l'âme, inspirent plus d'enthousiasme que les plus beaux airs et les plus belles scènes ? La dansomanie devait être pour l'Opéra un ridicule privilégié, et, pour ainsi dire, sacré ; et il ne fallait point avertir le public de la frivolité d'un art qui est le père nourricier de ce théâtre.

Les réflexions de l'auteur sur son nouveau ballet ne sont pas moins extraordinaires que tout le reste. Après être resté sept ans dans une oisiveté apparente, accusé par ses amis, dénoncé comme coupable de stérilité, il se détermine enfin à reparaître au grand jour et à confondre ses dénonciateurs par des preuves éclatantes de sa fécondité, et c'est par une plaisanterie qu'il annonce au public son réveil ; il ressuscite par une bluette ; et, pour écarter le reproche de stérilité, il accouche d'un rien. Le soin de sa gloire, et même, j'ose le dire, le respect pour le public, lui faisaient un devoir de signaler par un ouvrage important sa rentrée dans la carrière. Pour un compositeur aussi laborieux, qui n'a cessé de travailler, et qui travaille toujours, cette bagatelle est une production trop mince. Ses travaux, il est vrai, lui ont valu quatre ouvrages reçus ; mais il faut attendre qu'ils soient joués et applaudis pour que cette valeur soit quelque chose de réel. Quant à ceux qui gémissent en porte-feuille, le public ne leur tient point compte de leurs gémissemens, puisqu'il ne jouit point encore de leur mérite. Il eût bien mieux valu n'avoir pas tant d'ouvrages en porte-feuille, et en donner un au public qui marquât davantage, et qui fût plus digne de l'auteur de Psyché, de Pâris, etc. Quoique M. Gardel n'ait peut-être pas mis dans le style de ses réflexions assez de modestie, il en a réellement trop mis dans son nouveau ballet, qui, de son propre aveu, ne mérite pas même ce titre :: ce n'est qu'un cadre où il n'a eu d'autre espèce de prétention que celle d'offrir sous le masque de la gaîté les grâces et les divins talens des danseurs de l'Opéra. Mais il semble que tous les ballets de l'Opéra ont le même objet, et la Dansomanie n'a sur les autres que l'avantage d'offrir ces divins talens avec un degré de comique et de folie de plus.

Le dansomane est un véritable enthousiaste des entrechats et des jetés-battus, qui n'a d'autre plaisir que de voir danser, et qui danse, ou plutôt qui saute et bondit lui-même continuellement. Un jeune officier lui demande sa fille en mariage ; mais il la lui refuse parce qu'il ne sait pas danser la gavotte de Vestris. La femme du dansomane imagine un stratagême pour surprendre la religion dansante de son mari : un Chinois, un Turc et un Basque, chacun à la tête de sa quadrille, déclarent au dansomane qu'ils aspirent à la main de sa fille ; et puisqu'elle doit être le prix de celui qui dansera le mieux, ils le choisissent pour juge du combat. Le Chinois commence, et ravit le dansomane par la nouveauté de ses pas. Le Turc paraît ensuite ; mais sa gravité ennuie le juge, qui le chasse brusquement. Enfin le Basque s'élance, et bientôt le dansomane, transporté de sa légèreté extraordinaire, de sa vivacité et de ses grâces, le proclame vainqueur, et lui donne sa fille. Ce Basque est le jeune officier, et ce jeune officier c'est Vestris. Le public a partagé l'enthousiasme du dansomane, et confirmé son jugement. Cette idée, assez ingénieuse, est trop délayée dans une foule de petits détails ; il ne faudrait qu'un acte à ce ballet, l'action en serait beaucoup plus vive. M. Goyon rend avec beaucoup de feu et de comique le personnage du dansomane ; et son valet, presque aussi fou que le maître, est aussi parfaitement joué par M. Branchu : ce sont les deux seuls rôles qui demandent un jeu et une espèce de talent indépendans de la danse.

Le mérite de la Dansomanie est de réunir presque tous les acteurs dansans de ce théâtre, et de les employer d'une manière propre à faire valoir leurs talens. Malgré la longueur du ballet, le vide de l'action, l'exécution est si parfaite, qu'elle a excité des applaudissemens vifs et fréquens. L'auteur du ballet a régalé le public d'une espèce de concerto de violon, et d'un menuet dans lequel il a déployé toutes les grâces de la vieille cour. Historien fidèle, je suis obligé de dire qu'au milieu des plus agréables talens, ce qui a été le plus vivement senti du public, ce qui a été applaudi avec le plus de transport, c'est la décoration du second acte, qui représente un salon orné pour une fête, quoique cependant l'illumination en soit trop pâle. (27 prairial an 8.)

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 6e année, 1800, tome I, p. 552-554 :

[Le compte rendu s’ouvre par l’annonce d’un succès mémorable. La pièce, rapprochée de la Mélomanie (on est à l’ère des -manies) utilise une intrigue-prétexte pour faire danser toute la troupe du Théâtre des Arts, et cette intrigue ne donne pas dans l’originalité. C’est sur le talent des danseurs que le compte rendu insiste ensuite, et sur la qualité générale de la représentation. Il s’achève, de façon un peu surprenante, par des conseils un peu désagréables à Gardel : qu’il cesse d’écrire des programmes au style ampoulé, mais «  qu'il annonce simplement ce qu'il compose avec tant d'esprit et de grace » : un auteur de ballet appelé à plus de modestie ?]

THÉATRE DES ARTS.

La Dansomanie.

Ce Joli ballet, intitulé Folie pantomime, a été représenté le 25 prairial. La gaîté continuelle qui y règne a excité plus d'une fois le rire, et le talent des acteurs chargés des principaux rôles l'a fait vivement applaudir.

Le fond a beaucoup de ressemblance avec celui de l'opéra de la Mélomanie.

M. Duleger, propriétaire d'un château en Savoie, ne veut donner sa fille en mariage qu'à un homme qui, comme lui, sera passionné pour la danse, et dont le talent en ce genre sera parfait. Demarset, jeune officier, prétend à la main de Phrosine; mais Duleger le refuse, parce qu'il a avoué ne pas savoir danser la gavotte de Vestris. Cependant M.me Duleger profite, pour tromper son mari, de l'occasion d'une noce villageoise qui doit se faire au château. M. Flicflac, maître à danser, se déguise en Turc, son prévôt en Chinois, et Demarset en Basque ; ils se disputent à la danse la main de Phrosine, qui doit être le prix du vainqueur. Dumarset l'emporte, et Duleger l'unit à sa fille avec enthousiasme.

Le rôle du Dansomane a été joué avec une originalité piquante par le C. Goyon ; son valet, du genre le plus plaisant, étoit dansé par le C. Branchu, qui y a déployé beaucoup de gaîté et d'ingénuité.

M.mes Clotilde et Gardel jouoient, l'une la femme, l'autre la fille du Dansomane ; et le C. Vestris, le Jeune Demarset. Leur talent est connu, et nous dispense d'éloges. Le C. Gardel, auteur du ballet, jouoit le rôle d'un officier ami de la maison : il a exécuté un concerto de violon avec un talent supérieur, et a dansé le menuet de la cour avec autant de noblesse que de grace. Enfin, les CC. Milon, Beaupré, Beaulieu, etc. etc. ont contribué à l'ensemble parfait avec lequel il a été exécuté. Ce ballet a été accueilli par les plus vifs applaudissemens ; la fraîcheur des costumes, et deux décorations nouvelles et superbes, ont ajouté à l'agrément de cet ouvrage.

A présent que nous avons donné au C. Gardel les éloges qu'il mérite comme compositeur de ballet, comme danseur et comme violoniste, nous lui conseillerons de ne plus laisser prise sur lui à la malignité, par des programmes écrits d'une manière qui prête, tant au ridicule : ce qui lui a attiré dans le Moniteur, une lettre où il a été critiqué avec autant de justesse que d'esprit.. Qu'il laisse son directeur citer Pan, Flore, la saison des fleurs pour annoncer que l'Opéra commencera à quatre heures ; comparer le batteur de mesure au cœur humain, et engager les officiers d'artillerie à étudier les déflagrations spontanées pour composer des flammes du Bengale : qu'il n'adopte pas cette belle rhétorique, et ne parle plus si longtemps de ses travaux constans, des ballets qu'il a en portefeuille, de madame Duleger qui veut seduire la religion dansante de son mari ; qu'il annonce simplement ce qu'il compose avec tant d'esprit et de grace, et ses succès ne seront plus suivis d'aucun déplaisir.

L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-neuvième année, tome X, messidor an VIII [juin-juillet 1800], p. 200-202 :

[Aux yeux du critique, le ballet de Gardel a toutes les qualités. Après avoir analysé le sujet, il en souligne les charmes multiples : choix des airs, style des décorations, richesse des costumes, esprit et gaieté des scènes, grâce de la composition des ballets, talent proche de la perfection des danseurs, « tout fait de cette nouveauté un spectacle enchanteur, dont il est difficile de se faire une juste idée ». La liste des danseurs est elle aussi très élogieuse, d’abord les « solistes », puis les danseurs moins importants. Il ne reste plus qu’à nommer le chorégraphe, « applaudi avec enthousiasme ».]

THÉATRE DE LA RÉPUBLIQUE ET DES ARTS.

La Dansomanie.

Le ballet de la Dansomanie a obtenu récemment le plus brillant succès. Le titre suffit pour en indiquer le sujet.

Un homme riche, retiré dans son château, a la manie de la danse ; il refuse de donner la main de sa fille à un jeune officier qu'elle aime & qui ne s'est point vanté de savoir danser ; mais celui-ci apprenant le motif de ce refus, court se déguiser, saisit l'occasion d'une fête pour reparoître chez le père, & danse devant lui avec tant de grâce & de légèreté, qu'il en obtient la main de la jeune personne. Ce canevas est embelli par plusieurs épisodes qui y répandent beaucoup de variété.

Nous n'avons rien vu de plus séduisant que cette représentation. Le choix des airs ; le style pittoresque & magnifique des décorations ; la fraîcheur & l'élégante richesse des costumes ; l'esprit & la gaieté folle qui animent continuellement les scènes de cette comédie dansante ; les grâces piquantes & originales qui président à la composition de tous ses ballets ; les artistes qui en sont les premiers acteurs & dont le talent touche à la perfection, tout fait de cette nouveauté un spectacle enchanteur, dont il est difficile de se faire une juste idée.

Chacun des artistes, dansant dans ce ballet, a l'occasion d'y briller à son tour. Le C. Goyon, chargé du rôle de Dansomane, s'y est montré comédien, & y a excité beaucoup de gaieté. Le C. Vestris, jouant le rôle d'officier, a dansé plusieurs pas avec toute la force, la vivacité & l'étonnante souplesse qu'on lui connoît ; le C. Gardel, jouant sur le violon l'air d'un pas de trois exécuté par des femmes, a montré que cet instrument ne lui étoit pas moins familier que l'art de Therpsicore. Le menuet qu'il a dansé ensuite avec Mlle. Clotilde, a été vivement applaudi. Parmi les autres artistes qui forment le bel ensemble de cette représentation, & qui y ont particulièrement mérité les plus grands éloges, nous avons remarqué Mmes. Gardel, Chevigny, Perignon, Chameroy & Colomb ; & les CC. Beaupré, Branchu, Beaulieu, Milon & Aumer.

L'auteur du ballet a été demandé & amené sur la scène à la fin du spectacle ; c'est le C. Gardel. Il a été applaudi avec enthousiasme.

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