La Fausse duègne

La Fausse Duègne, comédie /opéra comique en trois actes, de Georges Duval et Montcloux d’Épinay pour les paroles et Della Maria pour la musique posthume, arrangée et achevée par Felice Blangini, 5 messidor an 10 [24 juin 1802].

Théâtre de l'Opéra Comique National, rue Feydeau

Titre :

Fausse Duègne (la)

Genre

opéra comique

Nombre d'actes :

3

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

5 messidor an X (24 juin 1802)

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra Comique National, rue Feydeau

Auteur(s) des paroles :

Georges Duval et G. Montcloux d’Épinay

Compositeur(s) :

Della Maria et Blangini

Almanach des Muses 1803

Adolphe a promis à Rosalba, jeune veuve, de l'épouser ; mais il a conçu de l'amour pour Elisa, l'a enlevée et conduite dans une de ses terres. Rosalba apprend qu'Adolphe cherche une duègne pour sa nouvelle maîtresse, et vient s'offrir en cette qualité sous le nom de Dona Mencia. Cependant Valerio, amant d’Élisa, sait qu'onl'a enlevée ; il vient implorer le secours d'Adolphe, son colonel, contre le ravisseur. Adolphe dissimule ; mais une harpe se fait entendre, et Valerio reconnaît une romance qu’Élisa seule peut savoir. Le secret est découvert ; Valerio s'emporte, on le calme en l'assurant que ce n'est point sa maîtresse qui a chanté, que c'est une autre femme. En effet, il en paraît une qui, d'après l'ordre d'Adolphe, assure que c'est elle dont Valerio a entendu la voix. Mais l'enlèvement d’Élisa a fait du bruit dans Madrid, et Adolphe en est accusé. Coupable, il veut faire conduire Élisa dans quelque retraite ignorée ; il est trahi par le valet même qu'il chargeait de l'exécution de son dessein. Enfin Adolphe et Valerio sont prêts à tirer l'épée, lorsque Rosalba, qui était allée à Madrid, arrive avec une lettre pour Adolphe, dan laquelle le gouverneur lui annonce qu'il doit sa grace aux sollicitations de Rosalba. Celle-ci quitte ses habits de duègne ; Adolphe revient à elle, lui offre sa main, et rend Elisa à son amant.

Des détails agréables, des pensées ingénieuses, style en général assez soigné, mais plan mal conçu ; scènes mal amenées, dénouement trop prévu.

Des morceaux de musique charmans, parmi lesquels on a distingué ceux jetés par le C. Blangini, dans un ouvrage que la mort prématurée de Della Maria ne lui avait pas laissé le temps de finir.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Huet, chez Ravinet, chez Charon, an XI – 1802 :

La Fausse Duègne, opéra-comique en trois actes ; paroles de G. D. ; Musique posthume de Della-Maria ; Représenté, pour la première fois, sur le Théâtre national de l'Opéra-Comique, au mois de Fructidor de l'an 10.

Dans ses mémoires, Felice Blangini affirme avoir achevé la musique de Della Maria. Quant au « poème », Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique de Paris : répertoire 1762-1792, p. 246 l'attribuent à Georges Duval et G. Montcloux d’Épinay.

Courrier des spectacles, n° 1937 du 6 messidor an 10 [25 juin 1802], p. 2 :

[L’article s’ouvre par l’expression d’une déception : on attendait mieux du nouvel opéra-comique, tant pour le poème, qui offre peu d’intérêt, que pour la musique, inférieure de ce qu’a fait son auteur. La suite nous jette dans les chemins tortueux d’une intrigue sentimentale qu’il n’est pas facile de suivre, détaillée acte par acte et ne nous épargnant pas un déguisement, une romance chantée par on ne sait qui (Elisa, bien sûr, mais on attribue le chant à la fille de la fausse Duègne), une arrestation en train de se préparer, une scène de balcon et un mauvais mari qui finit par se repentir. Aucun jugement critique, on parlera demain de la musique, annoncée comme décevante.]

Théâtre de l'Opéra-Comique-National, rue Feydeau,

L’opéra en trois actes qui a été représenté hier pour la première fois sous le titre de la Fausse Duègne a obtenu un succès qui auroit été plus brillant si le poème avoit eu plus d’intérêt, et si la musique avoit répondu entièrement à la réputation de l’auteur.

Le seigneur Adolphe oubliant les charmes de Dona Rosalba qu’il avoit promis d’épouser, est devenu amoureux d’Elisa de Penna-Flore, l’a enlevée de Madrid à la suite d’un bal masqué, et l’a emmenée secrètement dans l’une de ses terres pour la soustraire aux recherches de Valerio qu’elle aime. Afin d’écarter tout obstacle, il avoit donné à Valério, qui occupe un grade important dans son régiment, quelques ordres à remplir hors de Madrid.

Fabio, valet d’Adolphe, a été chargé de faire venir de la capitale une Duègne pour surveiller Eliza. Cette Duègne arrive, c’est Rosalba elle-même qui, informée du rapt d’Eliza, et ne désespérant pas de ramener Adolphe à ses premiers sentimens, se présente avec l’extérieur convenable à son projet, et se donne le nom de Dona Mincia.

Valerio de son côté ne tarde pas à paroître, car il a cru devoir venir réclamer le crédit d’Adolphe auprès du Gouverneur afin de parvenir à découvrir la retraite d’Elisa. Adolphe étonné de le voir, lui demande comment il a été instruit de l’évènement, Valerio lui répond que c’est par une lettre, et la lui donne à lire. La surprise d’Adolphe redouble en reconnoissant l’écriture de Dona Rosalba.

Il traite alors avec une ironie extrême la démarche de Valerio, et cet amant en conçoit des soupçons qu’un incident contribue beaucoup à augmenter. De l’intérieur de l’appartement, une voix se fait entendre, et Valerio reconnoît une romance qu’il avoit composée pour Elisa. La fausse Duègne survient ; un coup-d’œil l’oblige à se contraindre ; elle est forcée de dire que la personne qui a chanté la romance est sa fille, et cette supercherie compose tout l’intérêt de la finale du premier acte.

Le second s’ouvre par une complainte de Rosalba. Adolphe lui donne quelques ordres et elle sort. Un moment après Fabio vient dire qu’il a vu autour de la maison des hommes envoyés par le gouverneur pour découvrir le ravisseur d’Elisa et le faire arrêter. Cette nouvelle jette le trouble dans le coeur d’Adolphe ; Valerio le surprendre [sic] dans cette situation, le presse pour savoir quelle est la personne qui a chanté la romance ; et Adolphe croit mettre cet amant en défaut en faisant sortir de l’appartement... qui..? Flora, la fille de Fabio. (On conviendra que ce moyen n’est pas heureux) ; cependant Adolphe n’est pas tranquille sur ce qu’il vient d’apprendre ; il fait rentrer Dona Mincio auprès d’Elisa et prend la clef de l’appartement ; mais, favorisés par la Duègne qui conduit Elisa sur le balcon, les amans s’entretiennent tout à leur aise. Adolphe, de retour, feint d’offrir à Valerio une réparation, et de vouloir rendre Elisa à sa famille ; il engage, sous un prétexte de bienséance, Valerio à se rendre à Madrid pour engager la tante d’Elisa à venir chercher cette dernière ; puis, lorsqu’il croit Valerio parti, il fait toutes les dispositions nécessaires pour conduire Elisa dans une retraite plus ignorée. Il signifie ses intentions à Elisa, qui d’abord refuse de s’y conformer, mais qui bientôt consent à tout lorsque la fausse Duègne lui a fait appercevoir Valerio, qu’une charmille cachoit aux regards d’Adolphe. Il en résulte que tout le monde satisfait s'écrie :

Livrons-nous à l’allégresse,
Plus de pleurs, plus de tristesse.

Le troisième acte s’ouvre par un monologue oiseux de Flore, qui brûle d’aller voir Madrid, et par des ordres qu’Adolphe donne à Fabio pour le départ. Fabio projette de sauver les amans en les faisant partir sans Adolphe, et en les conduisant lui-même à Madrid. Adolphe qu’ils n’appercevoient pas, les surprend au moment où ils traversent tous l’appartement. Valerio a mis l’épée à la main et son rival est sur la défensive, lorsque Dona Mincia remet à Adolphe une lettre du gouverneur, annonçant qu’aux sollicitations généreuses de Dona Rosalba, il a épargné au ravisseur d’Elisa la peine qui lui étoit réservée.

Adolphe pénétré de remord, unit Valerio à Elisa, et témoigne sa crainte de ne pouvoir fléchir Rosalba par son repentir ; à l’instant Rosalba se dépouille de l’extérieur de Duègne, et pardonne généreusement.

Nous parlerons demain de la musique qui ne justifie qu’en partie l’idée avantageuse que noua ont laissée de Della-Maria des productions bien supérieures à celle-ci.

B * * *.

Courrier des spectacles, n° 1938 du 7 messidor an 10 [26 juin 1802], p. 2-3 :

[L’article promis sur la musique de l’opéra-comique nouveau commence par l’opinion mitigée du critique sur l’intrigue, qui « n’est pas mal conduite », mais qui, faute d’obstacle est qualifiée de froide et d’un intérêt faible. Certains détails sont également critiqués. Ce qui n’empêche pas que « le plan est bien conduit, et le dénouement bien ménagé ». Pour la musique, son plus grand défaut est de ne pas être du bon genre, d’être « plutôt dramatique que comique, plutôt grave que légère », avec de grandes inégalités. Commence alors une liste de morceaux, jugés plus ou moins bons, et souffrant de la comparaison avec la musique du Prisonnier, citée à deux reprises. Finalement, la Fausse Duègne donnera satisfaction aux mélomanes, d’autant qu’elle est bien interprétée. Dernière information : la musique a été arrangée et complétée par « il signor Blangini ».]

Théâtre de l'Opéra-Comique-National, rue Feydeau.

Musique de la Fausse. Duègne.

Nous n’ajouterons qu’un mot à notre première opinion sur l’intrigue même de la Fausse Duègne.

Cette intrigue n’est point mal conduite ; mais comme il ne se trouve aucun obstacle dans le mouvement des passions, comme le caractère du personnage principal (qui n’est pas celui de la Fausse Duègne) est un peu outré, il en résulte que l’action est froide et l’intérêt foible, car tout est d’accord pour faire échouer le ravisseur et triompher ses victimes. Quant aux détails, l’auteur en faisant dire à Rosalba dans l’une des premières scènes qu’elle même avoit écrit la lettre par laquelle Valerio apprendroit à Adolphe comment il avoit été informé de l’enlèvement d’Elisa, n’a pas songé qu’il ôtoit un effet à l’une des situations les plus essentielles, et une sur prise au spectateur ; il a encore jetté gratuitement de l’odieux sur le personnage d’Adolphe, en lui faisant engager, pour la trahir ensuite, sa parole d’honneur envers Valerio ; peut-être étoit-il facile d’éviter ce défaut.

Du reste le plan est bien conduit, et le dénouement bien ménagé.

Quand nous avons dit que la musique ne répondoit pas entièrement à la réputation du maître, c'étoit sur-tout sous le rapport du genre. La musique de la Fausse Duègne est plutôt dramatique que comique, plutôt grave que légère, et dans l’un et l’autre genre, il y a des choses délicieuses, il y en a de très-foibles.

L’ouverture qui a souvent un caractère de simphonie est néanmoins agréable et harmonieuse. Le premier air chanté par Rosalba est une composition qui prouve un grand talent dans l’auteur quelqu’il soit, mais c’est un stile qui ne retrace en aucune manière celui du Prisonnier. On a ensuite un quatuor dont le motif est plein de délicatesse et de mélodie. Le duo qui succède est rempli d’expression, il règne autant de facilité dans les phrases du chant, que de sagesse et de netteté dans les accompagnemens ; cependant ces derniers ont moins de naturel dans les tons qui forment les a-parte. Le début de l’air qui sert à exprimer les remords d’Adolphe est à remarquer pour le ton du sentiment qui le caractérise ; le reste ne présente pas tout-à-fait le même charme, en ce que les idées ne se .rattachent pas assez à la première. La finale du premier acte est d’une composition plus égale, et a fait beaucoup de plaisir.

Il faut que la mélancolie à laquelle Della-Maria se livroit, dit-on, dans les temps qui précédèrent sa mort trop prompte ait influé beau coup sur la teinte de ses ouvrages, à en juger par quelques morceaux de cet opéra, sur-tout par le coloris vigoureux du récitatif, et la teinte sentimentale de la complainte de la Duègne. C’est dans ce genre qu’on reconnoîtroit difficilement l’auteur du Prisonnier ; les basses même de l’accompagnement dans leur Psissicato [sic], ainsi que la distribution des notes d’instrumens d’harmonie ont bien quelque chose de la facture de Della-Maria, mais sembleraient quelque fois n’être qu’une imitation.

Mais où se déploie un talent enchanteur, c’est dans le quinque de la situation où l’on veut persuader à Valerio que celle qui a chanté sa romance n’est pas Elisa. Rien n’est plus agréable que la coupe, la liaison et la finesse de l’accompagnement ; les parties instrumentales ont l’air de se parler le même langage et de s’entendre parfaitement entr’elles ; et les idées heureuses qui produisent cet effet, quoique toujours variées, se soutiennent jusqu’à la dernière note sur ce ton admirable.

Le caractère du duo entre les deux amans est tout différent, et rentre dans la classe des compositions dramatiques. On trouve encore dans cet acte un autre morceau d’ensemble, indépendamment de la finale, celle-ci a des beautés réelles ; l’autre produit moins d’effet.

Nous ne parlerons pas de l’ouverture du troisième acte, composée de deux phrases, l’une majeure, l’autre mineure, et toutes deux également communes ; mais on est dédommagé de la foiblesse de ce morceau par les accompaanemens du premier quatuor qui nous ont paru ne le céder en rien à ce que nous avons dit de ceux du charmant quinque du deuxième acte.

Le reste est moins remarquable. On voit qu’à tout prendre, les amateurs de bonne musique trouveront encore de véritables jouissances à entendre l’opéra de la Fausse Duègne. Comme comédie, cet ouvrage doit attirer, d’autant plus que les rôles y sont très-bien remplis, même celui dont est chargé le cit. Elleviou, quoiqu’il lui convienne beaucoup moins que tous ceux où il a coutume de se faire applaudir. Quant à la manière dont cet opéra est chanté, il faudrait, pour en donner une idée, passer alternativement de l’éloge à l’éloge pour les cit. Elleviou, Gavaudan, Chenard, et mesdames St-Aubin et Gavaudan.

Cet ouvrage posthume de Della-Maria a été arrangé par il signor Blangini, et renferme plusieurs morceaux de la composition de ce musicien.

B * * *.

Mercure de France, volume 9 (an X), n° LIII (14 Messidor an 10), p. 80-82 :

[Dans un théâtre qui alterne « les boufonneries et le grand tragique », la Fausse Duègne était trop raisonnable. Son intrigue « ne fait ni pleurer ni rire », elle offre « un dialogue décent, une conduite sage et des situations bien ménagées », sur le thème d’un infidèle « qui reprend sa première chaîne ». Dans le résumé de l’intrigue, le critique ne craint pas de laisser paraître son opinion (par exemple, le choix malheureux du lieu pour cacher la maîtresse, ou la condamnation des « amans tièdes », qui « sont réprouvés au théâtre ». Elleviou est excellent dans le rôle principal, mais l’actrice qui joue la duègne aurait dû avoir « de la dignité et de la noblesse » en plus de ses qualités « d'intelligence, de finesse et de sensibilité ». La musique est jugée positivement : « quelques morceaux d'ensemble sont d'une facture délicieuse », mais son exécution paraît imparfaite. Le dernier ouvrage de Della Maria est l’occasion de faire son éloge : musicien d’origine italienne, il a su, comme Grétry, concilier l’esprit de la musique italienne et le goût français, qui apporte à cette musique « le poli et la perfection.]

Opéra-comique, ( Feydeau).

Il n'y a pas de milieu à ce théâtre, entre les boufonneries et le grand tragique. La Fausse Duègne, qu'on vient de jouer, a paru insipide, parce qu'elle est raisonnable. C'est une intrigue espagnole, qui ne fait ni pleurer ni rire, mais qui satisfait l'esprit par un dialogue décent, une conduite sage et des situations bien ménagées. Le fonds du sujet n'est pas fort théâtral ; c'est un infidelle qui reprend sa première chaîne. Ces sortes de conversions sont édifiantes, mais froides. Les spectateurs supposent toujours qu'il y entre plus de réflexions que d'amour ; surtout lorsque l'amant volage, forcé, par les événements, d'étouffer sa passion nouvelle, ne revient à son ancienne maîtresse que par devoir et par raison : un pareil dénouement ne peut avoir d'intérêt.

Un seigneur espagnol, nommé Adolphe, quoiqu'il eût déjà promis sa foi à Rosalba, s'avise d'enlever la belle Eliza dans un bal. Il l'enferme dans son château, et veut lui faire acheter sa liberté du don de sa main. Rosalba, avertie du danger, s'introduit chez son perfide, déguisée en duègne ; et, pour forcer Adolphe à lâcher prise, elle attire dans le château, par un faux billet, Valério, amant d'Eliza, qui cherche partout sa maîtresse et son ravisseur. L'arrivée de ce rival, et ses soupçons jaloux, gênent beaucoup Adolphe, qui, pour cacher sa proie, est forcé d'employer des artifices indignes, surtout d'un espagnol. Mais la fausse Duègne instruit Valério, lui fait voir sa maîtresse, et déconcerte toutes les précautions d'Adolphe. Il y aurait sans doute quelque explication tragique entre les deux amants, si la justice ne se mêlait pas de cette affaire. Le gouverneur, instruit de l'enlèvement, donne des ordres pour qu'on arrête le ravisseur. Le péril réfroidit l'amour d'Adolphe. Si sa passion eût été bien forte, il eût pu conduire Eliza dans quelque retraite plus sûre et moins connue qu'un château aux portes de Madrid ; mais il écoute la prudence, et prend le parti de restituer son larcin. Les amants tièdes, et qui voient clair, sont réprouvés au théâtre. La fausse Duègne, avertie des mauvaises intentions du .gouverneur, se rend à Madrid, arrange l'affaire, à la satisfaction de tout le monde, et revient avec une lettre qui apprend au seigneur Adolphe que c'est à Rosalba qu'il doit l'honneur et la vie. Le nom de Rosalba ranime quelques étincelles de son ancienne flamme. Ne pouvant épouser sa maîtresse, ce qu'Adolphe peut faire de mieux, c'est de se donner à sa bienfaitrice. La duègne se; fait connaître, et tout fini par un double mariage.

Elleviou se distingue dans le rôle d'Adolphe comme, acteur et comme chanteur : le personnage de la fausse Duègne, destiné d'abord à madame Scio, avait ensuite passé à madame Haubert ; mais cette dernière actrice se trouvant aussi obligée d'y renoncer pour des raisons de santé, madame Saint Aubin a bien voulu s'en charger pour ne pas arrêter la représentation de la pièce : elle joue avec beaucoup d'intelligence, de finesse et de sensibilité ; mais ces qualités ne suffisent pas à un pareil rôle, exige encore de la dignité et de la noblesse.

La musique a lutté avec succès contre l'insipidité du poème ;  ; l'exécution pourrait être plus sûre et plus soignée. Della-Maria, né avec du goût et de la sensibilité, avait puisé l'esprit de la musique à sa source ; élevé en Italie, disciple de Paësiello, il avait, comme Grétry, apporté à Paris les fruits du terroir ultramontain. Ces musiciens métis, moitié français, moitié italien, sont aujourd'hui pour nous la meilleure race : ils donnent à la musique italienne ce que les Français donnent à toutes les inventions étrangères, le poli et la perfection. La musique de la Fausse Duègne est d'un goût plus noble et plus grave que celle du Prisonnier ; mais la pureté, la légèreté et l'élégance, caractère distinctif du compositeur, s'y remarquent toujours : Della-Maria avait du goût, de la grâce et un sentiment vrai de son art. Quoique le nom d'artiste soit aujourd'hui prodigué aux plus vils artisans, il est vrai de dire qu'on n'a jamais vu tant d'artisans et moins d'artistes.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 8e année, 1802, tome I, p. 415-416 :

[La pièce était très attendue après la mort du compositeur, mais elle a déçu le critique : l’intrigue « est fort peu de choses », et elle utilise des moyens faciles (le travestissement). Quelques situations, et une fin convenue. La musique n’est pas non plus valorisée : simplement, les ajouts pour compléter la pièce laissée inachevée « ne sont pas déplacées près du reste de la musique ».]

THÉÂTRE FEYDEAU.

La fausse Duegne.

Cet ouvrage posthume de Della-Mabia étoit annoncé depuis longtemps. Il a enfin été joué avec succès le 5 messidor. Mais ce succès étoit plutôt dû à la musique, et même au nom du musicien, qu'à la pièce , dont les auteurs n'ont pas été nommés. Leur intrigue est fort peu de chose. Un amant infidelle à son premier amour, est prêt à épouser une jeune personne dont il est devenu éperdument amoureux. Il la renferme dans son château ; celle qu'il a aimée autrefois, se présente sous les habits d'une duègne, et est admise auprès de la jeune personne. Ce travestissement amène quelques situations, et la pièce finit lorsque la fausse duègne se découvre. La mort prématurée de Della-Maria l'ayant enlevé avant que son ouvrage fût entièrement terminé, un jeune compositeur en a achevé quelques parties qui ne sont pas déplacées près du reste de la musique.

L’Esprit des journaux français et étrangers, trente-unième année, vendémiaire an XI [octobre 1802], p. 186-187 :

[Après le résumé de l’intrigue, le critique souligne combien « la base » de l’intrigue est invraisemblable (quelqu’un qui ne reconnaît pas sa maîtresse déguisée en duègne). Mais il n’y voit qu’un petit défaut, et trouve la pièce plutôt satisfaisante : elle « marche assez régulièrement » ; bien que sans éclat, elle est indemne des « taches de mauvais goût » si à la mode alors. Par contre la musique, prêtée à feu Della Maria, mais pas toute de lui est plutôt décevante, et ce qui n’est pas de sa main « est faible de coloris ».]

La Fausse Duègne.

Un jeune Castillan abandonne sa maitresse dont il est adoré, & conçoit la bizarre fantaisie d'enlever une autre demoiselle qui ne l'aime point du tout : il fait, par cette conduite un peu plus que légère, le malheur de tout le monde & le sien même ; cependant l'orgueil s'en mêle & l'empêche de renoncer à son projet. Il cherche une duègne capable de veiller sur sa nouvelle conquête, ou plutôt sur sa victime. Laure, c'est le nom de sa première maîtresse, se présente en habit de duègne : elle s'introduit, à la faveur de ce déguisement, chez son infidèle, avertit le chevalier de Fernandès, le contient, parvient à réveiller le remords dans le cœur de son amant, & trouve encore le secret de désarmer le courroux du ministre, qui avoit lancé un ordre contre le ravisseur.

Il est malheureux que la première base d'une semblable intrigue soit d'une invraisemblance assez prononcée pour exclure tout intérêt. Comment supposer, en effet-, que Fernandès ne reconnoît point sa maîtresse sous les habits d'une duègne ? Comment imagine-t-on que le voile mystérieux dont cette duègne s'enveloppe n'inspire pas une seule fois à ce noble & jaloux Castillan, l'idée d'en demander la cause & la suppression ?

A ce petit défaut près, la pièce marche assez régulièrement : elle est sans éclat; mais elle n'a pas non plus de ces taches de mauvais goût que nous voyons se multiplier aujourd'hui dans la plupart des pièces de théâtre.

La musique, annoncée comme ouvrage posthume de Della Maria, n'est pas, à beaucoup près, de la force de ses premières compositions : quelques airs rappellent sa manière; le reste, quoique gracieux, est foible de coloris ; plusieurs morceaux qui ne sont évidemment pas de la même main, mais ont le malheur d'être mal placés, ce qui nuit à leur effet; mais ils font concevoir des espérances si jamais l'auteur rencontre un sujet d'opéra comique propre à développer ses talens.

Porte-feuille français pour l'an XI (1803), Paris, Capelle, an XI (1803), p. 167-169 :

La Fausse Duègne, comédie-lyrique en trois actes, paroles de G. l'Epinay, musique de Della Maria ( ouvrage posthume ), représenté le 5 messidor.

Ouvrage qui eût obtenu un succès brillant, si le poème avait inspiré plus d'intérêt, et si la musique avait répondu entièrement à la réputation de l'auteur du prisonnier.

Voici sur quel plan l'auteur a tracé sa fable :

Le seigneur Adolphe, oubliant ses sermens et son amour pour dona Rosalba, s'est épris d'Eliza de Penna-Flore, qu'il a enlevée de Madrid, et qu'il tient cachée dans une de ses terres, pour la soustraire aux recherches de Valerio qu'elle aime et dont elle est aimée.

Adolphe cherchait une duègne : il s'en présente une ; c'est Dona Rosalba, qui est elle-même placée près d'Eliza, sous le nom de dona Mincia.

Valerio, de son côté, vient réclamer le crédit d'Adolphe auprès du gouvernement, pour découvrir les ravisseurs d'Eliza. Adolphe traite légèrement cette affaire : Valerio conçoit des soupçons que confirme un événement inattendu : on entend une voix dans l'intérieur ; la personne chante une romance que Valerio a faite : il croit reconnaître Eliza :1a fausse duègne, interrogée, dit que c'est sa fille.

Cependant on vient avertir Adolphe que sa maison est investie: on a vu rôder des hommes envoyés, dit-on, par le gouverneur, pour découvrir et arrêter les ravisseurs d'Eliza. Adolphe se trouble ; Valerio le surprend dans cet état, le presse ; Adolphe, pour mettre l'amant en défaut, fait sortir de l'intérieur – qui ? Flora, fille de Fabio. – Mais bientôt Eliza et Valerio (par les soins de la fausse duègne) se voient et s'entretiennent. – Adolphe feint .un moment de vouloir rendre Eliza à sa famille, afin d'éloigner Valerio, qu'il charge d'aller à Madrid en prévenir la tante de la jeune personne ; mais Valerio reste.

Enfin, les amans sont prêts à fuir la maison d'Adolphe, lorsqu'ils sont surpris par lui : les deux rivaux sont en présence, l'épée à la main quand la fausse duègne apporte une lettre du gouverneur, qui, à sa sollicitation, oublie les torts d'Adolphe, s'il rend Eliza à la liberté ; il fait plus, il épouse Rosalba, qui lui pardonne son inconstance.

Le poème est sagement conduit, mais il est froid et sans couleur. – La musique est plutôt dramatique que comique, plutôt grave que légère ; en un mot, les amateurs de la bonne musique trouveront encore de véritables jouissances à entendre l'opéra de la Fausse Duègne. Mais le Prisonnier ! mais l'Opéra-Comique ! – Pièce de répertoire.

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