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La Forteresse du Danube

La Forteresse du Danube, mélodrame en trois actes, de Guilbert dePixerécourt, musique de Bianchi, ballets d’Aumer, 13 nivôse an 13 [3 janvier 1805].

Théâtre de la Porte Saint-Martin.

En 1806, l'Almanach des Muses signale la pièce à la bonne date, mais sous un titre erroné, la Forêt du Danube.

L’Almanach des Muses 1811 présente la Forteresse du Danube parmi les nouveautés du Théâtre de la Gaieté en 1810, au mois de mars.

La Forteresse du Danube a été créée le13 nivôse an 13, au théâtre de la Porte Saint-Martin, ce dont témoigne la brochure parue en 1805 chez Barba :

La Forteresse du Danube, mélodrame en trois actes, en prose, et à grand spectacle ; Par R. C. Guilbert-Pixerécourt, Représenté, pour la première fois à Paris, sur le théâtre de la Porte St.-Martin, le 13 nivose an xiii (3 janvier 1805.) La Musique est del signor Bianchi, Les Ballets sont de M. Aumer, de l'Académie impériale.

Geoffroy, Cours de littérature dramatique, seconde édition, tome 6 (1825), p. 110-114 :

[La Forteresse du Danube, un mélodrame, genre considéré avec beaucoup de circonspection au début du XIXe siècle, a droit de la part du grand critique du Journal de l’Empire, à un bel et grand article. Son premier soin est de dire d’où vient cette pièce : elle transpose au bord du Danube l’intrigue d’une autre pièce, Hugo Grotius, de Kotzebue traduit et arrangé par Dumaniant et Thuring, que la pièce de Pixerécourt a privé de la représentation sur la scène du Théâtre de la Porte Saint-Martin, dont les directeurs étaient justement les adaptateurs de la pièce allemande (ils ont su voir où était leur intérêt, placé avant leur susceptibilité de quasi auteurs). Dans la pièce germano-française comme dans la pièce de Pixerécourt, il s’agit de l’histoire d’un prisonnier politique enfermé dans une forteresse et qu’une femme, son épouse dans un cas, sa fille dans l’autre, fait évader. Cette transposition, sur la légitimité de laquelle Geoffroy s’interroge – peut-on aller contre la vérité historique ? – s’accompagne du remplacement de la femme du héros hollandais par la fille du personnage danubien, et d’une (trop) grande place faite au comique par les « rôles fort longs » d’un ivrogne et d’un niais (deux types de personnages indispensables dans un mélodrame). Geoffroy détaille aussi les rebondissements de l’intrigue, sans lesquels il n’y a pas non plus de mélodrame (le gouverneur de la forteresse découvre après l’évasion de son prisonnier qu’au lieu de l’exécuter, on lui demandait de le libérer... : découverte trop tardive). Jugée par Geoffroy conforme aux règles d’Aristote (c’est une préoccupation intéressante de la part du critique), la pièce est dénuée d’un ressort pourtant essentiel au théâtre : elle ne contient pas d’intrigue amoureuse, le mot « amour » en est complètement absent. L’article s’achève par l’habituel examen de l’interprétation (avec un éloge très marqué de madame Quériau, à la fois actrice (c’est nouveau pour elle), chanteuse et danseuse) : elle n’a pas laissé Geoffroy de marbre).

Reprise d'un article paru dans le Journal de l'Empire du 17 nivose an 13 [7 janvier 1805], qu'on retrouve comme notice de la pièce dans le Théâtre choisi de Pixerécourt, tome 2.]

LA FORTERESSE DU DANUBE.

Le titre est beau et sonore; mais la forteresse n'a que le moindre rôle dans la pièce : c'est le chevalier Evrard, injustement renfermé dans cette prison ; c'est sa fille Célestine, son ingénieuse libératrice, qui attirent toute l'attention. Le fameux Hugues Grotius a fourni le sujet de ce mélodrame. Les deux directeurs du théâtre de la Porte-Saint-Martin l'avaient d'abord traité conformément à la vérité historique, en conservant les noms des personnages. M. Guilbert de Pixérécourt a égayé la pièce en y jetant beaucoup de comique : il a changé les noms et le lieu de la scène ; au lieu de la forteresse de Hollande, où l'action s'est passée, il a choisi la forteresse du Danube, en auteur intelligent qui connaît le pouvoir des titres ; à la place d'un petit prince d'Orange, il a mis l'empereur d'Allemagne : les embellissemens ont tellement plu aux directeurs, que, se dépouillant absolument de l'amour-propre d'auteur, et ne consultant que l'intérêt de leur théâtre, ils ont préféré à leur propre ouvrage celui de M. Guilbert de Pixérécourt : philosophie rare et difficile ! Puissent-ils être dédommagés d'un pareil sacrifice par le grand succès de la Forteresse de M. Guilbert !

Je ne sais s'il n'eût pas été plus convenable de conserver Hugues Grotius ; car on ne sait ce que c'est que le chevalier Evrard, et Grotius est un homme très-célèbre. Il est vrai qu'un savant en us, qui a écrit tous ses livres en latin, eût été un singulier personnage dans un mélodrame de la Porte-Saint-Martin ; cela même eût peut-être passé pour une nouveauté. On pouvait donner à ce Grotius un caractère fort théâtral, une physionomie même très-philosophique, en le présentant comme médiateur entre les arminiens et les gomaristes, deux sectes qui se déchiraient alors en Hollande. Grotius était réellement du parti des arminiens ; mais il n'est pas défendu aux poètes de faire leurs personnages meilleurs et plus sages qu'ils n'étaient réellement. Observons ici que la Hollande, si souvent citée par Voltaire et les philosophes comme la terre de la liberté et de la raison, l'asile de la tolérance, était en proie, du temps de Grotius, au commencement du dix-septième siècle, à toutes les fureurs du fanatisme religieux et politique ; et là, comme partout ailleurs, le zèle de la religion n'était que le masque de l'ambition. Maurice, prince d'Orange, stathouder de Hollande, se moquait probablement, dans son âme, d'Arminius et de Gomar ; mais les principes de Gomar étaient bien plus favorables à l'autorité ; Arminius était anarchiste. Voilà le prince d'Orange ardent gomariste, travaillant avec une égale ardeur aux succès de la secte et aux progrès de sa propre puissance. Ce n'étaient pas des catholiques, des papistes, qui s'égorgeaient alors pour des questions inintelligibles de la prédestination, de la liberté et de la grâce ; c'étaient les philosophes, disciples de Calvin, qui se montraient à leur tour plus cruels, plus injustes, plus fanatiques que tous les inquisiteurs d'Espagne et de Portugal. Les mêmes hommes qui avaient répandu leur sang pour défendre la liberté de leurs opinions, étaient devenus aussi intolérans, aussi persécuteurs que le duc d'Albe.

Barneveldt, républicain et par conséquent arminien, eut la tête tranchée à l'âge de soixante-douze ans, non pour avoir soutenu la théologie d'Arminius, mais sa politique austère et démocratique. Grotius fut condamné à une prison perpétuelle, non pas comme hérétique, mais comme créature de Barneveldt. Il s'en faut bien cependant que la doctrine consignée dans les livres de ce Grotius soit contraire aux principes monarchiques. Rousseau de Genève, dans son Contrat social, le dénonce comme le flatteur des Rois et le fauteur du despotisme. Kotzebue a fait de cette histoire un drame, et MM. Dumaniant et Thuring ont arrangé ce drame pour la scène française. Du drame, M. Guilbert a fait le mélodrame que nous annonçons, et auquel il est temps de revenir.

L'histoire dit que ce fut la femme de Grotius qui eut la hardiesse et le bonheur de le sauver. L'auteur du mélodrame a jugé que la piété filiale serait plus théâtrale que la tendresse conjugale, et que la fille du prisonnier intéresserait plus que la femme. Grotius se sauva dans un grand coffre où l'on croyait qu'il n'y avait que des livres : ce coffre, dans la pièce, ne sert qu'à donner au prisonnier des avis utiles ; ce sont des moyens plus ingénieux et plus compliqués qui lui procurent la liberté. Célestine, sa fille, s'approche de la citadelle, sous les habits d'un pâtre ; elle met dans ses intérêts une jeune femme du village, nommée Pauline, qui lui promet un asile pour son père et pour elle. Célestine profite du moment où le concierge, nommé Vincent, régale, le jour de sa fête, son filleul Thomas, nouvellement marié à Pauline : elle s'introduit avec les époux dans la prison du chevalier, sous le déguisement d'un Savoyard, amuse l'assemblée, fait danser la marmotte, danse et chante elle-même. Pendant que les convives et le sergent de garde se livrent à la joie, Célestine s'empare de la clef du pavillon où l'on garde son père ; la jeune femme ferme, en badinant, le bon œil du sergent qui est borgne, et le prisonnier s'évade.

La liberté lui devient bientôt inutile : le comte Adolphe, gouverneur de la forteresse, chargé de dépêches secrètes qu'il ne doit lire qu'en présence du prisonnier, est fort irrité de son évasion; il en rend responsables le lieutenant Olivier, l'élève et le fils adoptif du chevalier Évrard, et sa bonne gouvernante Béatrix, femme courageuse et fidèle qui l'a servi dans sa prison avec le plus grand zèle. Cet homme généreux n'est pas plus tôt instruit du danger de ces deux personnes qui lui sont si chères, que, pour leur sauver la vie, il prend la résolution d'exposer la sienne, et vient de lui-même se présenter au gouverneur. Ce seigneur lit alors ses dépêches, et au lieu d'un arrêt de mort qu'on attendait, c'est la grâce du chevalier et sa nomination à une place importante.

Ces situations ne sont pas bien neuves, et ce qui en affaiblit beaucoup l'intérêt, c'est qu'elles sont noyées dans une foule de scènes oiseuses, et même de farces. L'auteur a pris plaisir à composer pour les deux premiers comiques de ce théâtre deux rôles fort longs, qni font briller l'acteur aux dépens de la pièce. Bourdais, sous le nom de Vincent, concierge du château, joue parfaitement l'ivrogne ; il en a tout le babil, tous les lazzi, et il semble qu'on ait rassemblé pour lui ce qu'il y a de plus plaisant dans les scènes de ce genre, dont nos anciennes comédies sont pleines ; mais il faudrait abréger un peu ce bavardage bachique qui fait rire d'abord, et finit par ennuyer, parce qu'il arrête trop long-temps l'avidité et l'impatience de la curiosité. Talon est chargé du personnage de M. Thomas, jeune marié bien niais, bien sot, bien suffisant, très-jaloux de l'affection que sa femme témoigne pour le jeune Savoyard. Talon n'est pas inférieur à Brunet pour la naïveté et la niaiserie, et lui est fort supérieur pour la bouffonnerie et la caricature ; mais enfin tous ces épisodes comiques étouffent l'action principale. Ces deux rôles sont remplis d'esprit et de gaîté ; mais, à force de rire d'un ivrogne et d'un niais, on oublie le chevalier Évrard et sa fille.

La pièce est jouée avec beaucoup d'ensemble : ce qui est vraiment neuf et piquant, ce qui doit faire la fortune de ce mélodrame, c'est madame Quériau, dont on avait admiré jusqu'ici le silence éloquent, et qui parle pour la première fois sur ce théâtre. Sa voix est douce, trop douce même pour son rôle de Savoyard, dont il me semble qu'elle n'imite point assez l'accent. J'avoue que je préfère encore ses gestes à ses paroles ; ses yeux et sa figure parlent mieux que sa bouche. Madame Quériau ne se borne pas à parler, elle chante : c'est tout le contraire de la fourmi, à qui l'on dit de danser après avoir tant chanté. L'auteur lui a dit : Après avoir tant dansé, chantez. Quant à moi, j'aime mieux la voir danser. (17 nivose an 13.)

Lors de sa reprise comme notice de la pièce dans les Œuvres choisies de Pixerécourt, un dernier paragraphe revient sur le ballet qui termine la pièce :

La pièce est terminée par un joli ballet, très-bien dessiné ; c'est une nouvelle preuve du talent de M. Aumer, artiste de l'Académie impériale de musique, et chargé des ballets du théâtre de la porte Saint-Martin. L'ensemble de ce spectacle est fort amusant ; on y rit plus qu'on n'y pleure ; et quoique madame Quériau, selon moi, soit meilleure pour la danse et la pantomime, on ne peut cependant se dispenser de l'entendre parler et chanter pour la rareté du fait.

Lors de la reprise de la pièce en 1810, Geoffroy revient rapidement sur la pièce, considérée de façon étonnamment positive comme un des meilleurs mélodrames de Pixerécourt. L’article de 1805 ci-dessus était nettement moins favorable.

THÉATRE DE LA GAITÉ.

La Forteresse du Danube.

C'est une des plus riches dépouilles de l'ancien théâtre de la Porte Saint-Martin ; celui de la Gaieté l'a reçue des mains mêmes de l'auteur, et il en a tiré le parti le plus heureux. Ce mélodrame est un des meilleurs de M. Guilbert-Pixerécourt, qui en a fait un si grand nombre de bons. Le héros est, comme dans tous les autres mélodrames, un innocent calomnié, un honnête homme persécuté ; mais ce fond uniforme est susceptible d’être varié à l'infini. La Forteresse du Danube soutient l'attention par une foule d'incidents, de situations, de caractères, pleins d'un vif intérêt ; l'action est fort bien conduite, et marche sans longueurs et sans embarras. L'ouvrage a peut-être aujourd'hui le défaut d'être trop raisonnable et trop sage, et de ne pas étonner l'imagination par des événements assez merveilleux ; car puisque ce genre s'affranchit des entraves de l'art et qui a le privilège de la folie, on exige du moins que ces folies soient tout-à-fait extraordinaires, et que les derniers mélodrames enchérissent sur ceux qu'on a déjà vus. On ne sait jusqu'où pourroit mener une pareille progression ; mais si l'imagination des auteurs de mélodrames n'est borné par aucune règle, elle a ses bornes naturelles qui ne lui permettent guère de sortir d'un certain cercle de situations et d'aventures qui se reproduisent sous différens titres, et qui sembleroit menacer le genre lui-même d'une destruction prochaine, s'il n'étoit puissamment soutenu par la mode, le besoin de spectacle et plusieurs autres causes secrètes.

Dans son Théâtre choisi, tome 2 (Paris et Nancy, 1841), Pixerécourt a joint un important dossier sur la réception de sa pièce. Après avoir repris (p. 78-84) en guise de notice l’article que Geoffroy a publié le 17 nivôse an 13 (7 janvier 1805), dans le Journal de l’Empire : voir ci-dessus, puis un court article du même pour la reprise de la pièce au Théâtre de la Gaîté, daté du 15 mars 1810, il reproduit un grand nombre d’extraits d’article consacrés à sa pièce (p. 85-89).

JUGEMENTS DES JOURNAUX.

Courrier des Spectacles. 5 janvier 1805.

M. de Pixerécourt a mis en action une calamité sociale ; il a trouvé le moyen d'activer fortement la sensibilité de ses auditeurs. La vue d'une prison d'état, dans laquelle est enfermé un vieillard calomnie, a produit des émotions très-attachantes et très-vives.

Suit l'analyse :

La fable est bonne, la pièce bien coupée, les scènes bien enchainées, la morale excellente : l'intérêt se soutient et s'accroît, le spectacle est brillant, le décor, surtout celui du troisième acte, est admirable, la musique excellente, les ballets bien dessinés. Madame Quériau y est, tour à tour, mime, cantatrice et danseuse ; elle réussit parfaitement dans ces divers genres, c'est un diamant dont toutes les faces sont également précieuses.

Lepan.

Le même. 14 janvier 1805.

M. de Pixerécourt est le premier qui ait raffermi la constitution un peu chancelante du théâtre de la porte Saint-Martin ; sa Forteresse du Danube est une excellente fortification, qui contribuera beaucoup à la conservation de la place.

Cette pièce a toujours le plus grand succès, parce que l'action présente de l'intérêt, que toutes les parties en sont liées habilement, que du fond du sujet naissent des situations touchantes, et qu'elle est vraiment dramatique. Le cœur est comme le centre de nos affections ; c'est en le touchant qu'on en ébranle toutes les fibres. D'ailleurs, cet ouvrage a le mérite d'être bien joué ; tous ceux qui s'y trouvent employés sont placés de manière à faire briller leur talent. Comédiens, danseurs, mimes, tous contribuent au succès de cette représentation. Cet art d’étudier les talents et de les employer convenablement, est un des plus grands moyens de succès au théâtre.

En général, ce spectacle est un des plus attrayants dont on ait joui aux boulevards depuis longtemps.

Lepan.

Petites affiches. 5 janvier 1805.

La première représentation de La Forteresse du Danube a été donnée avant-hier sur le théâtre de la porte Saint-Martin avec un succès brillant et mérité.

Suit l'analyse :

Cet ouvrage, qui offre beaucoup d'intérêt, est bien composé et bien écrit. Une justice que nous aimons à rendre à M. de Pixerécourt, c'est qu'il entend parfaitement la charpente et la facture d'une pièce de théâtre, et qu'il manque rarement l'effet. Ici, il a bien su se rendre maître de son sujet, et a employé avec art le ressort puissant de l'amour filial. Madame Quériau, qui a débuté dans le mélodrame par le rôle de Célestine, y a produit une sensation prodigieuse. Cette femme est vraiment actrice par le jeu, par l'accent et par l'expression. Bourdais a un masque excellent, il est d'une vérité frappante dans le rôle de l'ivrogne Vincent. Tous se sont bien acquittés de leur rôle et ont parfaitement contribué à l'ensemble de la représentation. Les danseurs ont ajouté aux charmes de cette même représentation, par leur parfaite exécution, dans laquelle on a vu briller Madame Quériau, au bruit des applaudissements les plus flatteurs.

La musique, qui est del signor Bianchi, maître de chapelle de sa Majesté l'Impératrice, est bien adaptée au sujet ; elle a fait grand plaisir. L'administration du théâtre mérite également une part de nos éloges pour la manière dont ce drame est monté ; mais, en revanche, la réussite de cette pièce lui assure, pour les représentations suivantes, un ample dédommagement dans les suffrages et l'affluence du public.

Ducray-Duminil.

Journal d'indications. 5 janvier 1805.

La Forteresse du Danube. Situations dramatiques, grand intérêt, succès complet et mérité. L'auteur est M. de Pixerécourt ; il a été vivement demandé, ainsi que Madame Quériau.

Suit l'analyse :

Nous regrettons de ne pouvoir faire connaitre cette pièce dans tous ses détails, qui sont d'un immense intérêt. Nous le répétons, cet ouvrage est extrêmement intéressant ; l'auteur a su joindre à des situations pathétiques, des scènes très-gaies, fort bien jouées par Bourdais, Talon et Fusil ; il a été très-bien secondé par les autres acteurs. Madame Quériau, surtout, est au-dessus de tout éloge ; elle joue, danse et chante dans cette pièce avec beaucoup de talent. Nous reverrons La Forteresse du Danube, et nous nous ferons un grand plaisir d'en entretenir de nouveau nos lecteurs.

Babié.

Le Publiciste. 7 janvier 1805.

Suit l'analyse :

D'après cette esquisse du plan, on voit assez combien d'invraisemblances nous pourrions relever avec avantage dans ce mélodrame, si toutefois les invraisemblances ne sont pas inévitables dans ce genre, si même il n'y aurait pas pédanterie ridicule à lui demander une justesse de raison, de sens et de naturel qu'on n'ose presque plus attendre, même de nos tragiques modernes. De plus, combien d'incidents et de détails échappent à l'analyse, qui, sans tenir nécessairement au nœud de la fable, en développent plus avantageusement la contexture, motivent la hardiesse de certains écarts, préparent les surprises par le jeu des oppositions, et sont le fondement essentiel de l'intérêt ! C'est ainsi que nous n'avons guère indiqué qu'un des trois personnages comiques, qui figurent agréablement dans cet ouvrage, et qui sont rendus par MM. Bourdais, Fusil et Talon, avec une gaîté franche, naturelle, avec une louable émulation de zèle et de talent. Mais que sont les éloges dus à ces acteurs, en comparaison de ceux qu'a mérités Mme Quériau ? On n'avait vanté jusqu'à ce jour, que la grâce exquise de sa danse et de sa pantomime ; elle vient de se montrer comédienne non moins parfaite, et elle n'a laissé rien à désirer pour la vérité et l'âme de sa diction ; elle a mis pareillement une expression admirable dans la ronde savoyarde qu'elle a chantée.

L'auteur des paroles, M. de Pixerécourt, a été demandé unanimement. On devait les mêmes honneurs à l'auteur de la musique, M. Bianchi, dont la facture, toujours simple et variée, appartient à la meilleure école.

Les décorations et les costumes sont établis avec beaucoup de soin, et l'on ne saurait trop louer les efforts de cette sage administration, pour justifier de plus en plus les suffrages et la satisfaction du public.

Journal de Paris. 7 janvier 1805.

Le vrai titre de l'ouvrage n'était peut-être pas La Forteresse du Danube ; on pardonne au titre, quand la pièce amuse , a dit un critique fameux.

L'innocence dans les fers, et l'amour filial qui les brise, voilà le sujet. Quant aux personnages : qu'un loyal Hongrois supporte la persécution avec courage, c'est fort bien ; qu'il ait une fille, comme on n'en voit point, c'est à merveille ; qu'un géôlier aime à boire, c'est dans l'ordre ; qu'un vieux sergent conte ses exploits, cela s'entend ; qu'on y ajoute un niais, tel qu'on en voit beaucoup, c'est l'usage ; mais présenter une réunion qui ne se rencontrera jamais, c'est ce qu'il ne fallait pas faire. Par quelle bizarrerie donc, cette forteresse ne renferme que d'honnêtes gens ? pas un seul fripon, pas même un espiègle qui l'habite ? Ah ! quel dommage que cette prison ne soit pas une capitale !

Ce mélodrame est une imitation de Hugo-Grotius, de MM. Dumaniant et Thuring. M. de Pixerécourt a sur les autres un grand avantage, c'est d'avoir jeté de la gaité sur trois personnages, et d'avoir soutenu la partie faible de l'ouvrage par le talent de l'actrice : son jeu plaide si bien la cause de l'auteur, qu'il lui obtient tous les suffrages.

J'aurais peut-être encore un autre dénouement à proposer ; mais lorsqu'un auteur dramatique nous a fait voyager pendant la durée de trois actes, par des routes aussi attachantes, est-on en droit de lui demander compte des moyens par lesquels il a réussi ? Félicitons-le plutôt du zèle et des procédés d'un directeur tel que Dumaniant, et disons enfin que l'affluence se portera longtemps vers une forteresse où le talent se montre fréquemment, l'esprit quelquefois, la variété toujours, et dans laquelle l'ennui ne s'arrête jamais.

Dusaulchoy.

Journal du Commerce. 8 janvier 1805.

Les amateurs du mélodrame verront avec une vive satisfaction la nouvelle pièce que l'on donne à ce théâtre sous le titre de La Forteresse du Danube. L'action en est bien conduite et remplie d'intérêt, les ballets fort jolis et la musique charmante. Madame Quériau y réunit tous les suffrages, non-seulement comme danseuse, mais encore comme comédienne, et même comme chanteuse.

Les décorations et les costumes sont du plus bel effet, et l'ouvrage est exécuté avec beaucoup d'ensemble.

Cette pièce est de M. de Pixerécourt, et la musique de M. Bianchi.

Beaumont.

Journal de l'Empire. Boulogne, 30 octobre 1810.

La deuxième troupe du vingt-unième arrondissement aura l'honneur de donner, jeudi 25 octobre 1810, la première représentation de La Forteresse du Danube, ou Le Prisonnier d'Etat, mélodrame en trois actes, à grand spectacle, et en prose, de M. de Pixerécourt ; il sera orné de marches militaires, chant, danse, et de toute la pompe dont il est susceptible. La danse sera exécutée par MM. les professeurs de la garnison.

Depuis longtemps M. de Pixerécourt était en possession du sceptre du mélodrame ; tous les ouvrages sortis de sa plume avaient complétement réussi, et lui avaient mérité le titre de roi dans ce genre : La Forteresse du Danube a ajouté une nouvelle branche à sa couronne. Jamais pièce n'eut un plus grand succès, et jamais succès ne fut mieux mérité. L'auteur a su allier la morale la plus pure aux charmes d'un comique vrai et d'une gaîté parfaite ; il a écarté de son ouvrage ces intrigues battues d'amour et de mariage, qui forment ordinairement le dénouement de toutes les pièces de théâtre ; le mot d'amour n'y est pas même prononcé : la gratitude , la vive reconnaissance et la piété filiale en font seules l'ornement et le charme.

 

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