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Hécube

Hécube, tragédie lyrique en 4 actes ; par les cit. Milcent (paroles) et Fontenelle (musique), 15 Floréal an 8 (5 mai 1800).

Théâtre de la République et des Arts

Titre :

Hécube

Genre

tragédie lyrique

Nombre d'actes :

4

Vers / prose ?

en vers

Musique :

oui

Date de création :

15 floréal an VIII (5 mai 1800)

Théâtre :

Théâtre de la République et des Arts

Auteur(s) des paroles :

Milcent

Compositeur(s) :

Fontenelle

Almanach des Muses 1801

Polixène aime Achille, et va s'unir avec le héros grec. Les Troyens desirent cet hymen, qui cimentera la paix avec leurs ennemis ; Priam y consent ; Hécube seule, ne pouvant oublier qu'Achille est le meurtrier d'Hector son fils, ne peut supporter l'idée de voir Polixène passer dans les bras de ce vainqueur barbare. Elle feint donc d'approuver l'amour de sa fille ; mais l'engage à poignarder Achille, lorsque celui-ci la conduira à l'autel. Embarras, terreur et désespoir de Polixène. L'autel est paré, les amans vont être unis, et lorsqu'Achille prête le serment de fidélité à sa maitresse, elle veut finir ses jours. Acchille retient son bras, et c'est alors qu'on vient annoncer que par la plus affreuse trahison, les portes de Troie ont été livrées aux Grecs. Les Troyens, dans l'excès de leur rage, se jettent sur Achille et lui arrachent la vie. La mort de ce héros est bientôt vengée. Priam est assassiné, et Polixène tombe au pouvoir des Grecs ; Troie est livrée aux flammes, Hécube se tue et meurt sur le corps de son mari.

Quelqu'intérêt ; le rôle d'Hécube bien dessiné ; du spectacle. Style au moins très-négligé.

Belle musique, des réminiscences.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, de l'Imprimerie de Ballard, an XI, 1803 :

Hécube, tragédie-lyrique en trois actes ; Représentée pour la première fois sur le Théâtre de l'Opéra, le 15 Floréal an 8. Troisième édition, revue et corrigée conformément à la représentation.

Sur la page suivante :

Paroles de M. Milcent. Musique de M. Fontenelle.

Courrier des spectacles, n° 1158 du 16 floréal an 8 [6 mai 1800], p. 2 :

[Premier article d’une série de trois. Il est consacré à mettre en lumière la supériorité de la musique (et accessoirement des ballets et des interprètes) sur le livret, auquel le critique reproche l’abus du sang. La musique par contre sait unir « cette belle simplicité ou de chant ou d’accompagnement qui caractérise nos chef-d’œuvres lyriques » à des « effets étonnans » qui montrent combien le compositeur maîtrise les ressources de son art. Le compositeur a droit à un traitement très favorable : ce « premier ouvrage [...] lui fait autant d’honneur ». L’article s’achève par une information qui rappelle le lien entre politique et arts : la représentation a été marquée par la lecture d’une lettre du ministre de l’Intérieur annonçant la victoire de Stockach.]

Théâtre de la République et des Arts.

Lorsqu’on a entendu les différens morceaux qui, en assez grand nombre, provoquent l’admiration dans la musique de l’opéra d'Hécube, joué hier pour la première fois sur ce théâtre, on a lieu d’être étonné que le compositeur d’un mérite aussi distingué, n’ait pas, en publiant beaucoup plutôt ses ouvrages, fixé sur son talent l’opinion des gens de goût. Tout n’est pas d’une égale force dans la musique d’Hécube, mais le style seul prouve une sorte de supériorité. On trouve tantôt cette belle simplicité ou de chant ou d’accompagnement qui caractérise nos chef-d’œuvres lyriques, tantôt de ces effets étonnans qui doivent leur naissance à l’étude la plus profonde des situations, et à une connoissance parfaite de toutes les ressources de l’art. Nous justifierons très-incessamment ces rapides observations par des développemens que le tems nous empêche de donner aujourd’hui. Si l’on parle ici principalement de la composition, c’est qu’elle nous a paru avoir obtenu les suffrages les plus flatteurs. Nous ne croyons pas qu’il en ait été de même du poëme, qui fourmille de négligences de style, qui, en outre, présente des idées ou obscures ou mal amenées, et dont le plan offre lui-même des vices très-remarquables. Le premier reproche qu’il soit nécessaire de faire à l’auteur est celui d’avoir outre-mesure ensanglanté la scène. Achille, Polixène, son amante, Priam, Hécube, tout expire, et ces tableaux ont déplu généralement. Cela devoit être. On est tenté de croire que cet opéra, dont nous traiterons tous les détails, a dû le succès qu’il a obtenu aux beautés nombreuses de la musique, au goût des ballets aussi savans qu’étonnans, qui sont du dessein du Citoyen Millon, et au jeu inappréciable des acteurs, particulièrement de celui de mademoiselle Maillard, chargée du rôle d’Hécube, le plus important de tous.

Les auteurs ont été demandés assez vivement et n’ont point paru. Il faut savoir gré au citoyen Milsent, auteur du poëme, des efforts qu’il a faits pour traiter un sujet peut-être fort ingrat, et qu’on ne peut entreprendre qu’en tremblant, lorsqu’on est pénétré des beautés de l’Illiade.

Il faut aussi que le nom du citoyen Fontenelle, auteur de la musique, soit avantageusement répandu après un premier ouvrage qui lui fait autant d’honneur.

La première représentation d’Hécube aura eu pour époque un jour à jamais célèbre, celui de la nouvelle d’une victoire éclatante remportée par notre armée sur le Rhin. Le ministre de l’Intérieur qui sait que l’amour de la patrie et celui des arts se partagent le cœur des Français, avoit écrit à l’administration de ce théâtre une lettre que le cit. Lainez n’a pu lire sans être interrompu par les acclamations de la joie la plus vive ; elle portoit qu’après un combat opiniâtre l’armée Autrichienne avoit été culbutée sur tous les points ; que l’on avoit fait 700 prisonniers à l’ennemi, qui eu outre avoit perdu 29 pièces d’artillerie, et qa’après cette action mémorable les troupes Françaises étoient entrées victorieuses à Stocack.

B ***.

[La ville de Stockach, près du Bodensee (le lac de Constance) a été le lieu de deux batailles, l’une le 25 mars 1799, au cours de laquelle les troupes de Jourdan ont été défaites par les troupes autrichiennes de l’Archiduc Charles-Louis, l’autre le 3 mai 1800 (12 floréal an 8) qui a vu la victoire de l’armée de Moreau contre l’armée autrichienne de Joseph-Marie de Lorraine-Vaudémont. C’est bien entendu de la seconde qu’il est ici question.]

Courrier des spectacles, n° 1159 du 17 floréal an 8 [7 mai 1800], p. 2-3 :

[Ce second article est consacré à examiner la façon dont le sujet d’Hécube, connu de tous, est traité. La musique sera traité ensuite (article du lendemain). Mais le critique prévient : le « poëme » est imparfait, et c’est la musique qui le soutient. Pour parler du livret, il faut d’abord évoquer la longue tradition littéraire qui précède depuis les « poëtes de l’antiquité » jusqu’aux pièces de théâtre qui, sans succès, ont mis en scène l’histoire de la prise de Troie. Leur échec est attribué à leur volonté de modifier ce que dit la mythologie, ou peut-être l’histoire. Le critique prend l’exemple de l’opéra de Campistron, qui a modifié l’ordre des décès entre Hector et Patrocle, mais a su conserver la scène essentielle de la demande de Priam de récupérer le corps de son fils : on sait combien la sépulture est essentielle pour les anciens. Cette marque de générosité d’Achille rendant le corps d’Hector est un « puissant motif », et le nouvel ouvrage ne l’a pas conservée : « de-là peut-être le froid qui règne dans presque toute l’action ». Le sujet en devient sans force et sans vie. Le critique entreprend ensuite le résumé acte par acte de la pièce. Si les deux premiers actes sont considérés comme forts et riches, l’acte trois est jugé « languissant et foible », « vuide d’action et presque dénué d’ntérêt ». Mais c’est le dernier acte qui est le plus défectueux : alors que Polixène veut se suicider au moment d’épouser Achille, on apprend l’entrée des Grecs dans Troie. Achille veut alors « arrêter la fureur des Grecs », mais il est assassiné à l’instigation d’Hécube (et le critique insiste : ils doivent l’égorger « par le talon », puisque sinon il est invulnérable ! il y a sans doute là bien de l’ironie !). La fin est spectaculaire : le cheval, l’incendie, la mort de Priam. Mais elle est vidée de sa charge tragique (les « sublimes imprécations » d’Hécube) au profit de la multiplication des morts violentes, le suicide d’Hécube et de Polixène. On voit « combien la marche de l’action est défectueuse, et le dénouement vicieux ».]

Théâtre de la République et des Arts.

Avant d’entrer dans les détails de la musique vraiment admirable à laquelle le nouvel opéra devra principalement ses succès, nous croyons indispensable de faire connoître, non le sujet d’Hécube, qui n’est ignoré de personne, mais la manière dont il a été traité ; et certes c’est à regret que nous différons nos remarques. Produire de beaux effets par des moyens très-simples n’est pas la chose la plus facile , ni conséquemment la plus commune ; mais ce qui n’est pas moins rare est de voir le compositeur soutenir par une musique à-la-fois savante et agréable, un poëme imparfait.

Les malheurs de la famille de Priam, célébrés par les poëtes de l’antiquité, et ces grands événemens qui, en amenant la chute du trône des rois de Pergame, ont accompli les arrêts du destin, enfin ces faits qui appartiennent autant peut-être à l’Histoire qu’à la Mythologie, ont été, tantôt sous le titre d'Achille, tantôt sous celui de Polixène, reproduits sur nos théâtres par différens auteurs, et toujours sans succès. Le premier tort de la plûpart a été d’altérer les traits consacrés par la Fable, et le malheur de tous est d’avoir ou conçu leur plan ou écrit leur poëme de manière à faire croire qu’ils n’avoient que faiblement senti les beautés de leur modèle. Campistron fit donner en 1687, sous le titre d’Achille et Polixène, un opéra qui n’est pas sans mérite, malgré bien des défauts dont le plus grand sans doute est d’avoir fait périr Hector avant Patrocle. Mais du moins le poëte a sçu y conserver le motif le plus essentiel, celui même qui fait tout l’intérêt du sujet, je veux dire les instances de Priam et de toute sa famille auprès d’Achille pour obtenir les restes inanimés d’Hector et leur donner un tombeau. On sait quelle idée douloureuse et même terrible les anciens attachoient à la privation de sépulture. C’est donc en accordant aux larmes de Priam, d’Hécube, d’Andromaque, le corps de son ennemi , qu’Achille se montre généreux et qu’il adoucit aux yeux de cette famille, l’horreur qu’elle doit naturellement éprouver à l’aspect d’un vainqueur pour ainsi dire encore couvert du sang d’Hector. C’est, d’un autre côté, ce tableau du désespoir de toute une illustre famille qui doit inspirer au Grec le désir d’assister aux jeux funèbres que l’on prépare à celui dont la valeur faisoit le salut de Troye. Les personnages alors prenoient tous un grand caractère , et la scène présentoit un intérêt non moins grand. Ce puissant motif, ces nuances précieuses ont été négligés dans le nouvel ouvrage ; et de-là peut-être le froid qui règne dans presque toute l’action. En effet, à l’exception de la haine toujours soutenue et très-bien exprimée d’Hécube contre Achille, on ne voit rien qui rende attachant ce beau sujet, et qui lui donne de la vie.

Au premier acte Priam fait concevoir au peuple Troyen l’espoir d’une paix prochaine, Achille, le plus redoutable des Grecs, lui faisant demander la main de Polixène, sa fille. Hécube frémit à l’idée de voir passer Polixène entre les bras du -meurtrier d’Hector ; mais les Troyens sont fatigués de la guerre, ils demandent cet hymen. Hécube dissimule sa fureur ; bientôt Achille paroît, Priam l’accueille et l’admet aux jeux funèbres que l’on célèbre devant le tombeau d’Hector.

Le second acte ne présente qu’une situation, mais elle est très-belle, c’est celle de Polixène, qu’Hécube veut porter à poignarder Achille, (Cette situation toutefois est la même que celle d’Hypermnestre dans les Danaïdes.) Qu’il est dommage que des foiblesses et d’idées et de style déparent le fond de toute cette superbe scène ! Polixène peut-elle, par exemple, appeller une action noire le meurtre qu’Hécube veut lui faire commettre ? Mais toute la réplique d’Hécube a des beautés réelles, la poésie en est vigoureuse et animée ; les passions y sont bien peintes ; aussi le compositeur excité par le poëte, a-t’il supérieurement saisi jusqu’aux moindres mouvemens. Tout le récitatif commençant par ces mots : Il s'agit bien ici de consulter la gloire, est de la plus grande force, et l’opposition pathétique amenée par ces mots : Hélas ! vois ta mère éperdue, etc., est d’un style aussi pur, aussi touchant que délicat et profond.

Le troisième acte est languissant et foible après celui dont on vient de parler. Il est vuide d’action et presque dénué d’intérêt. Que présente-t-il ? quelques doutes que Polixene fait naître dans l’esprit d’Achille sur la tendresse qu’elle a pour lui, ensuite l’adresse qu’employe Hécube à le rassurer en lui persuadant que le trouble de Polixène est l’effet naturel de l’impression qu’a dû faire sur elle la présence d’un héros.

Le dernier acte est celui qui présente le plus de défauts : il se compose de deux incidens ; l’un est l’attentat que Polixène veut commettre contre elle-même, en se perçant le sein au moment où les ministres des autels l’unissent à Achille et l’autre est l’alarme qu’au même instant répandent les Grecs introduits dans la ville déjà livrée au carnage. Achille alors rassure Priam et sa famille, et veut aller arrêter la fureur des Grecs, mais Hécube le fait environner de soldats qui l’entrainent et l’égorgent (par le talon apparemment, car Achille partout ailleurs est invulnérable). Cependant la flamme dévore la malheureuse Troie ; on apperçoit au milieu des ruines embrasées ce cheval énorme, funeste machine qui recéloit tant de héros dans ses flancs. Priam est tué par un soldat (et non par Pyrrhus, fils d’Achille) ; ainsi on n’entend pas dans Hécube ces sublimes imprécations !.. Hécube se tue et Polixène aussi ; on ne fait grâce de rien au spectateur ! ! !

Ces détails sont déjà plus que suffisans pour prouver combien la marche de l’action est défectueuse, et le dénouement vicieux.

(La suite à demain.)

B * * *.

Courrier des spectacles, n° 1160 du 18 floréal an 8 [8 mai 1800], p. 2 :

[Troisième article, qui prend déjà en compte quelques modifications, heureuses, de la pièce, mais sans pouvoir en améliorer le plan. La musique, elle, en est ressortie encore plus riche. Tout un paragraphe est consacré à donner une liste des morceaux remarquables de la partition, œuvre d’un musicien qui a su tirer profit de la musique de Gluck sans la copier « mélodie simple et claire, […] orchestre [aux] couleurs vigoureuses, quoique ménagées ». Les danseurs sont également mis en valeur, plusieurs morceaux remarquables sont signalés. De même, l’incendie de Troie contribue avec la musique ) « dédommager de la foiblesse du poëme ». Comme pour le premier article de la série, c’est l’annonce de la victoire de Stockach qui achève l’article : c’est visiblement un événement extraordinaire, ou le signe d’une influence très forte du pouvoir sur le théâtre. Et le public a fait preuve d’un immense enthousiasme.]

Théâtre de la République et des Arts.

Quelques retranchemens faits à l’opéra d’Hécube en ont rendu la marche un peu plus animée ; il est malheureux que le plan même de l’ouvrage ne puisse gagner à ces changemens. Quant à la musique, elle nous a paru plus belle encore que lorsque nous l’avons entendue pour la première fois, soit que l’attention que l’on prête d’abord au sujet même ait empêché de bien saisir toutes les richesses, de bien goûter tous les charmes de cette excellente musique, soit que l’exécution qui en étoit déjà superbe ait été plus parfaite encore.

Le second air du premier acte, le chœur qui suit presque immédiatement, l’air du combat au ceste, davantage encore l’air vraiment étonnant de la danse pyrrique, le duo délicieux de chant et d’accompagnement du second acte, tout le beau récitatif du rôle d’Hécube, l’air supérieurement traité qui vient ensuite, et celui supérieur peut-être encore qui termine l’acte, et dont l’accompagnement seul est un chef-d’œuvre, enfin nombre de morceaux dans le reste de l’ouvrage, mais notamment le trio qui termine le troisième acte seroient avoués par les plus grands maîtres ; c’est sans copier Gluck, mais en étudiant bien sa manière que le cit. Fontenelle a donné à son chant cette mélodie simple et claire, à son orchestre ces couleurs vigoureuses, quoique ménagées, qui arrachent aux amateurs cet aveu précieux : Cela ne pouvoit ni se dire , ni se peindre autrement.

Une aussi bonne musique, le jeu des citoyens Laïs, Lainez, de mesd. Henry et Maillard, sur-tout de cette dernière, dont le rôle est le seul remarquable, et qui est aussi belle dans Hécube, que dans Sabine ou Clytemnestre ; la composition savante des deux pas de combattans, au premier acte, et de ce pas de deux dans lequel le citoyen Vestris et Mad. Chameroy dépassent toute idée de perfection que l’un puisse concevoir ; enfin le superbe effet de l’embrasement de Troye, sont bien suffisans pour dédommager de la foiblesse du poëme et pour attirer la foule des admirateurs.

L’opéra d'Hecube a un bonheur que tous les autres peuvent lui envier. Il paroît qu’on ne Ie donnera pas une fois sans qu’il n’y intervienne un acteur qui sans dire beaucoup se fait applaudir par dessus tous les autres, Celui qui s’est avancé hier sur la scène avant la fin du dernier acte avoit à la main un papier dont il a fait lecture. D’après une dépêche télégraphique communiquée par le Ministre de l’Intérieur, il a été annoncé que le général en chef de l’armée du Rhin, après une bataille dont le choc fut terrible, avoit remporté une victoire complette, et qu’il faisoit poursuivre avec vigueur l’ennemi qui étoit en pleine retraite. On juge avec quel enthousiasme fut reçue cette nouvelle !

B***.

Revue de Paris, XLVI (1837), p. 158 :

[La pièce a reçu un accueil bien froid : « mauvaise pièce, musique idem ». Même les artistes ont protesté contre une foule de plagiat dans la musique, dont le critique ne trouve à sauver qu’« un effet d’orchestre exprimant la colère d’Achille ». Pour obtenir des applaudissements, il a fallu la lecture d’une lettre annonçant une victoire.

Hécube, opéra en trois actes, de Milcent et Fontenelle ; mauvaise pièce, musique idem. On y remarque cependant un effet d'orchestre exprimant la colère d'Achille. Une infinité de plagiats excitèrent la mauvaise humeur des artistes, et l'on dit : Les paroles d'Hécube sont de Milcent, la musique est de Centmil. 5 mai 1800.

Après la première représentation de cette pièce, Lainez lut une lettre communiquée par le ministre de l'intérieur ; elle annonçait une grande victoire remportée sur les Autrichiens par l'armée du Rhin. Cette lettre fut applaudie avec transport et bien plus qu'on n'avait fait pour le nouvel opéra.

L'Esprit des journaux français et étrangers, vingt-neuvième année, tome IX (prairial an 8), p. 183-188 :

[Le compte rendu commence par l’analyse du sujet. Le critique fait à la suite remarquer que l’auteur s’est beaucoup écarté de l’histoire (ou du mythe), écarts dont il conteste la légitimité. Le poème est jugé écrit de façon négligente, avec une action lente, puis trop rapide, des caractères mal dessinés, à part celui d’Hécube. La musique « est d’un genre très-élevé », « une production très-estimable ». Les ballets, qui « suspendent la marche de l’action », sont l’occasion de confrontations réussies entre danseurs. Beaucoup de soin pour les décorations et les costumes : très beau spectacle. Les deux auteurs ont été « demandés & nommés » ; ce sont des débutants. Le compte rendu pourrait s’arrêter là, mais il rebondit sur le bruit qui court d’un déclin de l’opéra (« la Muse lyri-tragique »). Il est en train de se réveiller,depuis l’Adrien de Méhul, et aujourd’hui l’Hécube de Milcent et Fontenelle. La musique de Fontenelle est comparée à celle de Gluck et de Vogel, récemment disparus : elle a de grandes qualités (pensées musicales, récitatif, chants « assortis aux mouvemens & aux situations des personnages », accompagnements). Dommage qu’il l’ait appliqué à un livret aussi « sujet aux reproches & du côté de la conduite & du côté du style ». Le critique revient au « poëme », pour le justifier partiellement : caractères et situations intéressants, plan vicieux certes, mais qui offre « les deux ressorts de la terreur & de la pitié », »détails ingénieux & effets étonnans ». Ce premier ouvrage de Fontenelle a su tirer parti de ce livret, mais on pourrait le rendre plus rapide, en supprimant quelques longueurs.]

THÉÂTRE DE LA RÉPUBLIQUE ET DES ARTS.

Hécube, opéra en quatre actes.

Voici le sujet de cet ouvrage.

Achille, qui a tué Hector, fils de Priam & d'Hécube, sollicite & obtient la main de Polixène, sœur de ce héros ; Hécube, inconsolable, ne consent à cette union que pour mieux assurer sa vengeance ; elle ordonne à Polixène de poignarder Achille dans le temple même de l'hyménée ; mais cette jeune princesse refuse d'exécuter un ordre aussi barbare. Elle veut se percer le cœur pour sortir du cruel embarras où elle se trouve ; on s'y oppose Les fêtes nuptiales se préparent. Le fils de Thétis vient sans défiance se mêler aux jeux des Troyens ; des assassins saisissent ce moment pour lui porter le coup mortel. Les Grecs apprennent cette trahison ; ils pénètrent, ils se répandent dans la ville, ils y mettent le feu, ils la remplissent de carnage. Priam est massacré sur les marches d'un autel ; Hécube désespérée, se tue sur le corps de son époux. L'incendie éclate alors de toutes parts, & la superbe Troye n'offre bientôt, aux regards effrayés, que des ruines teintes de sang & couvertes de cadavres.

Il est aisé de voir, par cette courte analyse, que l'auteur s'est considérablement écarté de l'histoire, ou plutôt des faits chantés par les poëtes de l'antiquité ; selon lui, Pâris ne fut point le meurtrier d'Achille, Pyrrhus ne fut point celui de Priam, Hécube ne survécut point à son époux, & enfin l'embrâsement de Troye suivit immédiatement la mort du héros de Thessalie ; ces inexactitudes, ces anachronismes frappant sont-ils permis ? On nous permettra d'en douter.

Le poëme nous a paru écrit négligemment ; sa marche est lente dans les trois premiers actes, & trop précipitée dans le quatrième ; le caractère d'Achille est foiblement tracé ; celui de Priam est presque nul. Tous les personnages semblent sacriffiés à celui d'Hécube, qui est véritablement peint à grands traits, mais qui ne peut à lui seul faire tout le succès d'un long ouvrage.

Quant à la musique, elle est d'un genre très-élevé ; nous la regardons comme une production très-estimable. On a distingué, au troisième acte, un quatuor parfaitement en situation, & qui produit le plus bel effet.

Plusieurs ballets suspendent la marche de l'actìon ; on a vivement applaudi une espèce d'assaut entre Mmes. Chevigny & Saulnier ; un combat au sabre, exécuté avec autant de légèreté que de précision, par les CC. Goyon et Giroud, & surtout un pas-de-deux, dansé avec un talent au-dessus de tous éloges, par le C. Vestris & Mlle. Chameroy.

Les principaux rôles de l'opéra ont été dignement remplis par Mmes. Maillard & Henry, & par les CC. Lays & Lainez ; Mlle. Maillard, surtout, a développé les plus beaux moyens & a entraîné tous les suffrages.

Cet ouvrage est monté avec beaucoup de soins. Les décorations font d'un bon style, les costumes ont le double mérite d'être brillans & fidèles ; le tableau de l'embrâsement offre une perspective magnifique ; en un mot, le spectacle de cet opéra est l'un des plus admirables que nous connoissions.

Les auteurs ont été demandés & nommés ; ce sont les CC. Milcent pour les paroles, & Fontenelle pour la musique. Ni l'un, ni l'autre n'étoient connus par des productions dramatiques.

On se plaignoit depuis long-temps, à ce théâtre, du sommeil de la Muse lyri-tragique. Réveillée par Méhul dans l'opéra d'Adrien, elle vient de signaler de nouveau sa puissance dans celui d'Hécube.

Depuis la mort de Gluck & de Vogel, on n'ayoit pas encore entendu, peut-être, un plus beau développement de pensées musicales, un récitatif plus colorié, des chants mieux assortis aux mouvemens & aux situations des personnages, des accompagnemens plus nourris d'idées fortes & neuves, un ensemble enfin qui décelât une connoissance plus profonde des ressources de l'art.

II est fâcheux, j'en conviens, pour un compositeur qui s'annonce avec une supériorité si marquée, de n'avoir pas eu à s'exercer sur un poëme moins sujet aux reproches & du côté de la conduite & du côté du style.

Cependant, il faut convenir que le dessin des caractères & des situations présente des résultats intéressans, quelques oppositions favorables au coloris musical. Tout le rôle d'Hécube, qui pourroit être mieux écrit, sans doute, est tracé avec une sorte d'énergie faite pour inspirer le compositeur ; la situation de Polixène, un peu trop prolongée au second acte , est néanmoins d'un intérêt fort pressant ; on trouve enfin dans le plan, tout vicieux qu'il est, les deux ressorts de la terreur & de la pitié, dont l'auteur du poëme a laissé le développement à son musicien, mais-qu'il lui a préparés avec assez d'adresse.

Dans le sujet d'Hécube, le rôle d'Achille est nécessairement effacé, & c'est peut-être un vice radical très saillant pour quiconque s'est accoutumé aux gigantesques proportions du héros de l'Iliade. L'auteur du poëme paroìt même n'avoit pas assez cherché les moyens de pallier ce défaut ; Achille dans son ouvrage, n'est pour ainsi dire qu'un amoureux ordinaire appelant Polixène, belle Princesse, & roucoulant son amour comme les bergers du Lignon ; mais le compositeur qui paroît, ainsi que Gluck, n'avoit pas lu sans fruit son Homère, a relevé ce rôle d'une manière très-saillante. Dans le moment où le héros soupçonne qu'on le trahit, l'orchestre, par un trait de génie, donne à ce soupçon un développement d'harmonie terrible, & l'on croiroit entendre le rugissement du lion qui se réveille & qui menace.

Enfin, les quatre actes de cet ouvrage fourmillent, j'ose le dire, de détails ingénieux & d'effets étonnans ; mais placés avec intelligence, & toujours adaptés aux situations ou aux caractères.

Le C. Fontenelle s'est donc placé, du premier abord, par ce seul ouvrage, sur une ligne où l'on n'arrive que par une suite de travaux & d'efforts. On dit qu'il a éprouvé de nombreuses contrariétés pour parvenir à faire admettre & goûter sa musique, & qu'il ne doit enfin l'honneur de paroître aujourd'hui, qu'à sa persévérance, à cette conscience de sa force qui ne l'a heureusement point abandonné, & à la lutte courageuse de quelques partisans qui répondoient du succès. Puisse enfin cet exemple rendre les jugemens moins précipités & plus circonspects ! Puisse-t-on sentir que, si le C Fontenelle eût été moins contrarié à son début dans la carrière, nous aurions peut-être, depuis dix ans qu'il sollicite son tour, quelques bons ouvrages de plus.

Il seroit à souhaiter, pour plus de rapidité, qu'on se déterminât à retrancher quelques longueurs dans le second acte, entre Hécube & Polixène ; qu'on supprimat l'imprécation d'Hécube, ou du moins qu'on l'abrégeât pour courir à l'embrâsement de Troye, qui termine cet opéra par un tableau pantomime d'un très-bel effet.

Le coup de fouet, ou Nouvelle revue de tous les théâtres de Paris, seconde édition, fin de l’an X – 1802, p. 94-95 :

[Compte rendu très défavorable à l'œuvre. Il s’ouvre par l’étonnement de voir un débutant admis à présenter son ouvrage à l’Opéra. Puis la musique est exécutée par une comparaison cruelle, et le « poëme » est rudement traité, « encore plus mauvais que la musique », mal versifié (on n’est pas sûr que les vers « soient tous rimés » !). Deux bons coups de fouet !]

HÉCUBE, poëme de Milcent, musique de Fontanelle [sic]. Avant de débuter à l'Opéra, Sacchini, Glück, Piccini et Grétri avaient déjà fait leurs preuves, sur la plupart des théâtres de l'Europe, mais, de nos jours, l'essai d'un compositeur de musique, se fait à ce superbe spectacle, témoins Fontenelle, Kalkbrenner et Catel.

Pour en revenir à HÉCUBE, cet ouvrage est aussi loin d'Orphée ou d'Armide, que Turcaret et le Mysantrope sont au-dessus de Julliette et Belcour, et Maison donnée.

Le poëme d'Hécube est encore plus mauvais que la musique ; les vers sont durs, rocailleux, prosaïques, je ne sache pas même qu'ils soient tous rimés.

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