Le Lévite d'Éphraïm, ou la Destruction des Benjamites

Le Lévite d'Éphraïm, ou la Destruction des Benjamites, pantomime dialoguée en trois actes et à grand spectacle, de Madame Alexandre Friedelle, musique de de Propiac, ballet de Hullin, 29 juillet 1813.

Théâtre de la Gaîté

La brochure a été publiée chez J. N. Barba, en 1813.

Madame Alexandre Friedelle est un auteur dramatique, qui a fait jouer trois pièces entre 1807 et 1813 : Amélie, ou le Protecteur mystérieux, Barbe-bleu, ou les Enchantemennts d'Alcine (en collaboration avec Augustin Hapdé) et le Lévite d'Éphraïm, ou la destruction des Benjamites ; elle a écrit aussi les Empiriques d'autrefois (1825), mais Scribe l'a refaite avant de la faire jouer, sans succès d'ailleurs. Voir Les Supercheries littéraires dévoilées de J.-M. Quérard, tome I (Paris, 1869), p. 257.

Journal de Paris, politique, commercial et littéraire, n° 211, Vendredi 30 Juillet 1813, p. 1-2 :

[Gabrielle de Vergy est une tragédie de Pierre Laurent Buirette de Belloy, représentée en 1773, et dont le sujet reprend le thème médiéval du cœur mangé : un chevalier parti en croisade charge son écuyer de porter à celle qu’il aime son cœur. Le mari de celle-ci, qui surprend l’écuyer pendant qu’il s’acquitte de sa mission, fait manger le cœur à sa femme. Quand elle apprend ce que son mari lui a fait faire, elle cesse de se nourrir et meurt de faim.]

Théâtre de la Gaieté.

Première représentation du Lévite d'Ephraïm, ou la Destruction des Benjamites, pantomime dialoguée en trois actes, à grand spectacle.

Voilà, j'espère, un sujet vraiment tragique : une femme violée par une troupe de forcenés, expirant sur le seuil d'une porte ; un mari qui la coupe en douze morceaux et qui en expédie un à chacune des douze tribu d'Israël ; soixante-six mille hommes égorgés dans trois batailles, sans compter les habitants de Jabès de Galaad, qui furent tous exterminés pour n'avoir pas voulu tremper leurs mains dans le sang fraternel. On n'épargna que les filles vierges ; mais l'écriture ne dit pas comment, dans l'ardeur du carnage, on s'y prit pour reconnaître celles que devait respecter le glaive meurtrier.

Ceux qui voudront lire le récit de cet horrible événement, dont le résultat fut la destruction presque totale de la tribu de Benjamin, n'ont qu'à chercher dans les Œuvres de J. J. Rousseau, volumes des mélanges, le petit poëme intitulé le Lévite d'Ephraïm. Il est écrit avec la plus touchante simplicité, et a, pour ainsi dire, une couleur patriarcale.

Il n'y avait peut-être qu'un seul poète en France qui pût concevoir l'idée de lettre en scène un tel sujet dans toute son énergie. M. Lemercier l'entreprit, et au mois d'avril 1795 il fit jouer sur le théâtre de la République une tragédie en trois actes, sous le titre du Lévite d'Ephraïm. Il y avait des scènes horriblement belles, et l'on se souvient encore de plusieurs vers de la force de ceux-ci :

                   Je fis de ses membres épars
Pour les douze tribus douze sanglantes parts.

La pièce réussit, mais n'eut cependant qu'un petit nombre de représentations.

Moins hardi que l'auteur de la tragédie, celui de la pantomime dialoguée a beaucoup adouci le sujet ; mais il y reste encore assez d'effets pour satisfaire ceux même qui aiment et qui cherchent le plus les sensations vigoureuses. La pièce a produit sur tous les spectateurs, et principalement sur les femmes, une impression très vive, mais qui n'a pas été jusqu'aux évanouissemens et aux attaques de nerfs. Ainsi le Lévite d' Ephraïm doit encore céder le pas à Gabrielle de Vergy. Mais les représentations s'en continueront plus long-temps ; on peut tirer ce présage du brillant succès de la première ; succès dont l'administration peut réclamer une part égale à celle de l'auteur.

Si l'un a su présenter des tableaux frappans et variés, couper les actes avec beaucoup d'art, et écrire les scènes d'un style toujours pur et souvent énergique, l'autre n'a négligé ni soins ni dépenses pour que le spectacle fût imposant et magnifique. Les costumes sont de la plus sévère exactitude et de la plus noble simplicité ; les moindres accessoires ont bien la teinte locale. Plusieurs décors sont du plus bel effet ; mais celui de la dernière scène les a tous effacés : il représente le séjour des intelligences célestes. C'est au milieu du chœur des anges, des chérubins, des séraphins, que s'opère le miracle de la résurrection de Dina, la femme du lévite. Ce coup-d'œil enchanteur a excité les applaudissemens les plus vifs et les plus mérités.

La vogue soutenue que tout promet à cette pièce me fournira l'occasion d'en parler de nouveau. Les auteurs ont été demandés et nommés au milieu des acclamations. C'est à Mme Alexandre qu'on doit cette pantomime dialoguée. Je ne m'occuperai point ici à relever la bizarrerie et même le contresens que présente le rapprochement de ces deux mots ; il faut bien se résoudre à employer une locution, même barbare, qnand elle est consacrée par l'usage. La musique est de M. Ferdinand, et les ballets sont de M. Hullin. On n'a pas nommé l'artiste qui a peint les décors, mais j'ai cru bien faire de m'en informer : c'est M. Allaux, qui peut à juste titre s'en glorifier.                            A. Martainville.

Journal de Paris, politique, commercial et littéraire, n° 214, Lundi 2 Août 1813, p. 3 :

Théâtre de la Gaieté.

Ainsi que nous l'avions présagé, le succès du Lévite d'Ephraïm va toujours en augmentant, et les représentations qui ont suivi la première avaient attiré, malgré la chaleur, beaucoup plus de curieux que la salle n'en pouvait contenir. La partie mécanique a marché avec plus de précision, et les acteurs ont joué avec plus d'assurance. Mlle Huygens est fort intéressante dans le rôle de Dina. M. Poirier, nouvellement attaché à ce théâtre, rend avec beaucoup de sensibilité celui du Lévite. Cet acteur a une diction juste et animée, et une voix touchante qu'il doit bien se garder de jamais forcer. La belle taille et l'organe sonore de Lafargue le servent à merveille dans le personnage de Belaac, le terrible chez des Benjamites.

La musique de M. Ferdinand Propiac mérite d'être distinguée de celle qu'on adapte ordinairement aux pièces de ce genre. Il y a long-temps que ce compositeur a fait ses preuves, aux Italiens, dans de jolis petits opéras-comiques qu'on regrette de ne plus voir à Feydeau.

Le théâtre de la Gaieté, qui depuis quelque temps n'avait pas été fort heureux dans le choix des nouveaux ouvrages qu'il a fait offerts au public a enfin rencontré une pièce qui le fera lutter avec avantage contre la saison. Des personnes qui se prétendent bien instruites assurent que Mme Alexandre a été aidée, dans la composition du Lévite d'Ephraïm, par l'auteur très-connu d'un grand nombre d'opéras qui sans les airs seraient de beaux et bons mélodrames, et sans les paroles de superbes pantomimes.

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