Le Mari par hasard

Le Mari par hasard, comédie-vaudeville en un acte, 1813.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Mari par hasard (le)

Genre

comédie-vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, avec couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

avril 1813

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

 

Journal de l’Empire, 10 avril 1813, p. 4 :

[Geoffroy a encore un peu de place à la fin de son feuilleton, et il en profite pour parler rapidement de deux pièces qui n'en valent pas la peine à ses yeux. D'abord le Mari par hasard. Il exécute la pièce en quelques phrases ironiques, la comparaison avec le Mari de circonstanceopéra-comique de Planard, musique de Plantade, créé le 18 mars 1813. La pièce nouvelle n'offre pas un nouveau mari à Thalie, manière délicate de dire que la nouveauté ne vaut pas grand chose. Il se limite à quelques calembours sur ce genre de pièces sans esprit ni gaieté, et à l’intrigue bien pauvre. Inutile de s’y attarder. Il passe très vite à une autre pièce, Monsieur Croque-mitaine ou le Don Quichotte de Noisy-le-Sec, qui ne vaut guère mieux.]

Il me reste bien encore de l’espace, mais point de temps assez pour le Mari par hasard qui n'a point réussi au Vaudeville : le hasard ne vaut pas à beaucoup près la circonstance. Les maris de circonstance et de hasard sont très communs dans la société et très utiles à la circulation : au théâtre, ils ne passent qu'à la faveur de l'esprit, de la gaieté et d'une intrigue vive et piquante ; ce n'est donc pas la peine de m'étendre sur un petit vaudeville à qui le hasard a été si peu favorable. L’auteur s'étoit flatté de donner un second mari à la folâtre Thalie : mais son espérance a été trompée : Thalie n’a encore- qu’un Mari de circonstance, et point de .Mari de hasard. Quant à M. Croquemitaine, le don Quichotte de Noisy-le-Sec, qu'il attende : mérite-t-il qu’on en parle ? c’est un grand impertinent qui ose donner un poissson d'avril au public, tandis que la plupart des nouveautés qui paroissent tous les mois de l'année sont, pour le public, autant de poissons d'avril. La pièce est un amas de gros calembours qui ne sont pas du-ressort de la critique et, pour tout dire en un mot, ce n’est que la moitié d'une pièce et une débauche complète d’un auteur qui a de l'esprit, quand il n'a qu'une pointe d'ivresse : d'où je conclus qu'il n'est pas nécessaire de dire quelque chose de plus de M. Croquemitaine : c'est ainsi qu'à peu de frais je me débarrasse de mon arriéré.

Geoffroy.

Journal des arts, des sciences et de la littérature, treizième volume (deuxième trimestre 1813), n° 216 (quatrième année), 10 avril 1813, p. 41-43 :

[L’article joue d’abord sur les mots :deux pièces sur des maris en même temps, une seule a réussi, pas de polygamie... Après un début favorablement reçu (saillies heureuse, un acteur drôle, des couplets agréables), la chute, à cause de détails peu clairs, des inconvenances, des invraisemblances. L’analyse du sujet permet de vérifier la véracité de ce jugement, d’autant que le critique n’est pas neutre, et use habilement de l’italique. La pièce réunit finalement une mauvaise partie en prose (dialogue, plan, détails) et une bonne partie (les couplets, dont certains ont été répétés). Finalement, la pièce est, plus qu’un mauvais ouvrage, une erreur de la part de l’auteur (ou des auteurs, on ne sait théoriquement pas, puisqu’il a ou ils ont gardé l’anonymat).

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Première représentation du Mari par Hasard, comédie-vaudeville en un acte.

La représentation du Mari de Circonstance, de l'Opéra-Comique, n'était pas d'un augure favorable pour le succès du Mari par Hasard. Quoiqu'il n'y eût entre les deux ouvrages aucune ressemblance, l'identité de titre devait toujours être dangereuse pour l'un des deux. Le premier en date a réuni les suffrages ; le second a été traité comme un écolier paresseux. C'est même en vain que les auteurs du Vaudeville avaient annoncé que Thalie pourrait, sans polygamie, prendre deux maris pour un : cette plaisanterie ne les a pas sauvés du naufrage. Le Mari de Circonstance avait été jugé comme un bon opéra-comique : on exigeait que le Mari par Hasard fût meilleur encore ; il n'a pas répondu à cette attente. Thalie s'en est tenue à son premier mari, elle n'a été que fiancée au second, et tout porte à croire que la polygamie ne sera pas consommée.

Les premières scènes de la pièce nouvelle avaient été bien accueillies, quelques saillies heureuses, le jeu spirituel de Joly, des couplets agréables, avaient favorablement disposé le parterre : mais l'autre moitié de l'ouvrage a causé sa perte : l'imbroglio des détails, plusieurs inconvenances, et surtout l'invraisemblance du sujet, ont préparé la chûte du Mari par Hasard.

Une jeune veuve fuyant les poursuites des créanciers de son mari, vient se cacher dans un hôtel garni avec sa femme de chambre et une demoiselle un peu folle dont elle a fait son amie. Les deux inséparables ne sont pas long-temps en paix dans leur retraite, Un créancier, plus agile que tous les autres, parvient à la découvrir; et ces dames ne trouvent pas, pour sortir d'embarras, d'expédient plus honnête que de faire passer la jeune Veuve pour la femme d'un colonel d'Armancourt qui habite l’appartement voisin. Heureusement le colonel se prête de bonne grâce à la ruse des deux amies; et comme par hasard, il se trouve être le cousin de la belle affligée, tout s'arrange le mieux du monde Il prend le créancier au collet et veut le jeter par les fenêtres ; il accueille ensuite avec beaucoup d'obligeance, un M. Sainville qui veut épouser la jeune veuve, mais qui se désole de bon cœur quand il entend M. d'Armancourt la nommer sa chère épouse. Sainville propose au colonel de lui couper la gorge  ; le colonel accepte d'abord; mais cinq minutes après il quitte son partner, tire un coup de pistolet, et lui laisse croire qu'il s'est brûlé la cervelle. Sainville ouvre le paquet qui renferme les dispositions du colonel ; il y trouve une nomination à la place qu'il sollicite. Il veut parler à son protecteur, se jeter dans ses bras, et causer au moins un peu avec lui avant qu'il ne soit mort : mais les inséparables ne lui en donnent pas le temps. Sophie et Laure ramènent le colonel, et rient beaucoup de l'étonnement et de la pâleur de Sainville. On s'explique : M. d'Armancourt cesse d'être le mari de Laure, et la donne à Sainville avec la terre des Rochers, qui produit 25,000 livres de rentes ; il paie le créancier, sans lui couper les oreilles comme il l'avait promis ; et, comme son mariage par hasard lui a donné quelque goût pour l'union conjugale, après avoir cédé à Sainvillé la femme forte, il se réserve la vierge folle, et la garde pour son compte.

Le dialogue, le plan et les détails sont la partie faible de l'ouvrage ; les couplets sont presque tous fort jolis : s'ils avaient été plus nombreux ils auraient déterminé le succès. La pièce a été accueillie avec des applaudissemens et des sifflets : les premiers étaient pour les vers ; les seconds pour la prose. Le public a entendu avec plaisir les deux couplets suivans que chante Joly, dans le rôle du maître d’hôtel garni.

Air nouveau.

« Dans votre hôtl daignez m’admettre,
Vient de me dire M. de Crac ;
De bien payer je puis promettre,
J’attends mes malles et mon sac. »
        Hum.... hum....                              [
Il tousse.]
Pendant trois jours en vain je guette ;
Pas la plus petite cassette....
        Hum.... hum....
Alors j’entrevois du mic-mac,
C’est moi qui lui donne son sac.

Devant moi femme un peu coquette,
Caresse à l’excès son époux...
        Hum.... hum....
Chaque jour la jeune Laurette
Etale de nouveaux bijoux....
        Hum.... hum....
Le vieil Orgon me dit : « Compère ;
« Ma femme enfin m’a rendu père.... »
        Hum.... hum....
Je ne dis rien, je ne dis rien,
Mais je tousse et l’on m’entend bien.

Généralement, on a reconnu dans le Mari par Hasard l'erreur d'un homme d'esprit plutôt qu'un mauvais ouvrage. L'auteur ou les auteurs (puisqu'ils ont gardé l'anonyme et qu'on ne saurait le trahir) appelleront sans doute de la sentence du parterre par une introduction plus agréable. Quand on compte comme eux de nombreux succès, on est assez en fonds pour éprouver par hasard un échec.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 18e année, 1813, tome II, p. 452 :

[Dans une critique en rafale des nouveautés, on voit surtout la rapidité du renouvellement des pièces jouées au Théâtre du Vaudeville.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Quatre nouveautés ont paru à la file, la dernière seule vivra quelques jours, et mourra avec la circonstance qui l'a fait naître.

Madame Jordonne, parodie de l'Intrigante, a été jouée trois fois. Les représentations en faisoient beaucoup rire. Le Mari par hasard, et le jeune Philosophe, qui ne font pas rire du tout, meurent de langueur. Le Boguey renversé, ou un point de vue de Longchamps, joué le 15 avril, est un tableau mouvant plein de gaieté, de folies et d'esprit. Cette bleuette n'est point susceptible d'analyse. Elle est de MM. Théaulon et Dartois.

L’Esprit des journaux français et étrangers, année 1813, tome V (mai 1813), p. 285-287 :

[Avec le retour du printemps, il faut que les auteurs proposent de la gaîté aux spectateurs. Ce n’est pas vraiment le cas avec le Mari par hasard, « ballotté entre les sifflets et les applaudissemens », entre chute et réussite à la première. Les représentations suivantes se sont mieux passées. Après un résumé rapide de l’intrigue un peu ironique, la pièce est maltraitée : intérêt nul, pas de gaîté, une seule scène remarquable. Et les couplets son jugés « froids et insignifians », sans ce trait final qui est indispensable au Vaudeville.]

Théâtre du Vaudeville.

Le Mari par Hasard.

Prenez-garde, messieurs les auteurs, redoublez de zèle et sur-tout de gaîté. Le beau temps arrive, il ne faut pas de médiocres efforts pour engager les spectateurs qu'attirent le soleil et la verdure, à venir étouffer entre quatre murailles, et pour les forcer à préférer une immobilité fatigante à un exercice agréable et salutaire. La plus perdue des journées est celle où l'on n'a pas ri, disait un homme qui pourtant riait rarement ; si cet axiome est vrai, que de journées, c'est-à-dire que de soirées perdues au théâtre, où l'on court en foule chercher l'amusement, et où l'on ne trouve que trop souvent l'ennui au lien du plaisir !

Le Mari par Hasard n'a que médiocrement contribué aux plaisirs du parterre le jour où il a paru. Toujours ballotté entre les sifflets et les applaudissemens, on ne saurait dire précisément si la pièce est tombée ou si elle a réussi à la première représentation. On a mis peu d'empressement à connaître le sort qui pouvait l'attendre à la seconde. Cependant, après quelques légères contradictions, elle a pris son rang dans le répertoire, et pourra désormais, aussi bien qu'une autre, occuper un tiers de la durée du spectacle.

Une jeune veuve est poursuivie pour les dettes de son mari. Il se trouve dans l'hôtel garni qu'elle habite un colonel qui porte le même nom qu'elle. Pour la soustraire à la recherche des créanciers, on imagine de la faire passer pour la femme de ce colonel. Voilà le Mari par Hasard. Pour traîner un peu les choses en longueur, on a donné un amant à la veuve. L'amant est jaloux du colonel; on le serait à moins. Elle a aussi une amie un peu folle, et cette amie épouse le colonel quand tout s'éclaircit. Ce qu'il y a d'admirable, et ce qu'on ne voit qu'au théâtre, c'est que le colonel, qui n'est ni oncle ni tuteur, donne généreusement à la belle veuve une terre de vingt-cinq mille livres de rentes lorsqu'elle épouse son amant.

L'intérêt est nul dans cette pièce, et ce qui est pis pour le Vaudeville, il n'y a pas même de gaîté. On n'a remarqué qu'une seule scène, encore n'est-elle pas assez développée. Sainville, amant de la jeune veuve, veut se battre avec le colonel d'Armancourt, qu'il croit son rival préféré. Je ne doute point, dit celui-ci au jeune homme, que vous ne me tuïez ; je vous prie donc de consoler Hortense, qu'un tel éclat va désoler et perdre de réputation. Il ajoute, toujours sur le même ton, plusieurs traits qui font sentir à Sainville combien sa fureur est déraisonnable. Il y a là une intention dramatique dont il faut tenir compte à l'auteur, ou plutôt aux auteurs.

Les couplets sont froids et insignifians ; c'est un tort que les habitués du Vaudeville ne pardonnent pas ; ils aiment à être réveillés à la fin de chaque couplet par le trait d'usage ; ils l'attendent, ils le guettent. Si ce trait n'arrive pas, ils prennent de l'humeur et finissent par se venger lorsque leur attente a été trompée plusieurs fois.

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