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Le Nouveau Mentor

Le Nouveau Mentor, comédie en trois actes et en vers, d'Étienne Gosse, 8 juin 1813.

Odéon. Théâtre de l’Impératrice.

Titre :

Nouveau Mentor (le)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose ?

vers

Musique :

non

Date de création :

8 juin 1813

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice à l’Odéon

Auteur(s) des paroles :

Étienne Gosse

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 18e année, 1813, tome III, p. 444-445 :

[La pièce est tombée sous les sifflets, et l’auteur de la critique y voit le refus par le public de la bassesse du personnage (un père indigne), auquel il refuse le noble titre de mentor. Mais la pièce n’avait pas non plus comique, intérêt, esprit et brièveté (ce qui fait quatre autres défauts).]

ODÉON. THÉÂTRE DE L'IMPÉRATRICE.

Le Nouveau Mentor, comédie en trois actes et en vers, jouée le 8 juin.

Un père qui, pour empêcher des fripons de tromper son fils, les trompe, et les friponne lui-même, mérite-t-il le titre de mentor ? Cette question et la réponse présentent en même temps l'analyse et la moralité de la pièce nouvelle.

La réponse n'a pas été flatteuse pour l'auteur. Le public a dit non, à grands coups de sifflets ; il n'a pas voulu pardonner à un père, même en faveur de l'intention, un rôle aussi bas, qui, d'ailleurs, n'étoit racheté ni par le comique, ni par l'intérêt, pas même par ce qui peut faire excuser un sermon : l'esprit et la brièveté. Ainsi le Nouveau Mentor est mort subitement, et a été rejoindre le Temporiseur, le Faux Imposteur, et Compagnie.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome VII, juillet 1813, p. 288-292 :

[La pièce est présentée comme une « Comédie sans Comédie », n’ayant « ni caractères, ni peintures de mœurs, ni action, ni intérêt, ni comique ». Elle est pourtant l'œuvre d’un homme qui n’est pas sans talent, et dont le style « sans être irréprochable, a de la facilité, du naturel, et même parfois de l'élégance », ce qui lui a valu quelques applaudissements, mais au milieu « des plus séditieux sifflets ». L’analyse de la pièce insiste sur les erreurs de l’auteur, qui ne sait pas préserver le suspense que la pièce pourrait contenir, et révèle d’emblée tout ce qui pourrait susciter l’intérêt : « l'intérêt est détruit, et la pièce est finie ». Elle ne se prolonge que de façon artificielle, jusqu’au dénouement qu’on pouvait prévoir dès le début. Le reproche essentiel à faire à l’auteur, c’est sa maladresse dans l’emploi des moyens qu’il a choisis. Il n’a pas su tirer parti en particulier du professeur qu’il utilise pour tromper les fripons qui tentent de tromper le jeune premier : il aurait dû en exploiter le comique, il l’a rendu ennuyeux, ce qui a indisposé le parterre. L’interprétation est inégale : un acteur bien placé, les autres le secondent mal. Et le rôle de Mme de Marlis (l’intrigante) est comparé à deux rôles d’autres pièces, dont Turcaret, sans que ce soit la cause unique de l’échec.]

THÉÂTRE DE L'IMPÉRATRICE.

Le Nouveau Mentor.

Comme on donne souvent, aujourd'hui, un double titre aux pièces nouvelles, on aurait pu appeller celle-ci le Nouveau Mentor, ou la Comédie sans Comédie. Ainsi averti, le public eût été moins étonné de ne trouver ni caractères, ni peintures de mœurs, ni action, ni-intérêt, ni comique, et cette précaution l'eût peut-être rendu plus indulgent. Quelque malheureuse que soit cette conception prétendue dramatique, l'auteur ne parait pas, néanmoins, entièrement dépourvu de talent. Son style, sans être irréprochable, a de la facilité, du naturel, et même parfois de l'élégance ; aussi a-t-on applaudi quelques tirades et plusieurs vers heureux ; mais cela n'a pu soutenir la pièce, qui n'a été entendue qu'aux bruits des plus séditieux sifflets. Voyons si ces juges sévères ont eu tort, et puisque l'auteur nous a donné son Nouveau Mentor pour une comédie, essayons d'en faire l'analyse.

En sortant du collège, le jeune Dorlis vient à Paris. Il est riche, il est libre, il n'a que vingt ans ; voilà bien des raisons pour être dupe des fripons de divers genres que la fortune et l'inexpérience ne manquent jamais d'attirer. La crédulité naturelle de Dorlis rend cette situation plus dangereuse pour lui que pour un autre ; aussi est-il prêt à tomber dans les filets d'une coquette nommée Mme. de Marlis, qui fait de petites brêches à sa fortune, en attendant qu'elle en soit devenue tout-à-fait maîtresse par un bon mariage. Elle est aidée dans ce projet par un certain Florbelle, fripon de la plus basse espèce, qui sans doute doit partager sa proie. Ainsi tout trahit le pauvre Dorlis, jusqu'à son valet, lorsqu'heureusement il fait connaissance avec un homme de quarante ans, qui lui donne les meilleurs conseils du monde. Cet honnête homme se nomme Dorval. Mais il ne faut pas être plus discret que l'auteur, qui nous apprend, dès les premières scènes, que ce Dorval n'est autre que le père de Dorlis. Après avoir acquis une grande fortune en Amérique, ce père vient se cacher à Paris sous un nom supposé, pour veiller sur les démarches de son fils. Florbelle confie étourdiment à ce Mentor les projets de Mme, de Marlis : dès lors il n'y a plus rien à craindre pour le jeune homme, rien à gagner pour les fripons ; l'intérêt est détruit, et la pièce est finie. Pour la prolonger, l'auteur donne à Dorlis le père la fantaisie de triompher avec éclat. Pour démasquer la coquette, il imagine de faire passer un vieux professeur de grec pour un riche Américain, et de l'engager à faire la cour à Mme. de Marlis. Cette fantaisie de Dorval a été malheureuse pour l'auteur : le professeur, avec sa figure de singe, a été fort mal reçu ; c'est eu vain qu'il a appellé à son secours Cicéron, Horace, Homère, Virgile, cette érudition de collège n'a pu le sauver. D'ailleurs, on ne sait ce que c'est que ce professeur, à qui on offre de payer son temps comme à un cocher de fiacre. Cependant Mme. de Marlis néglige tout-à-fait Dorlis, dès qu'elle apprend que le prétendu Américain possède des millions ; toutes les préférences sont pour ce dernier. Elle ne regarde plus le jeune homme, et refuse avec dédain un diamant qu'il a acheté pour elle. Florbelle amène le professeur à signer à Mme. de Marlis une promesse de mariage, avec un dédit de cinquante mille écus. Celui-ci y consent d'autant plus volontiers, qu'il ne possède pas un sou.

On lui présente l'acte dressé par Florbelle ; il le signe sans difficultés, en observant toutefois qu'il est étonnant qu'un monsieur qui parle si bien fasse tant de fautes d'orthographe, et écrive cinquantes avec unes. Maîtresse de la promesse, Mme. de Marlis et son associé sont ivres de joie ; ils n'ont plus de prétention sur Dorlis ; seulement, par forme d'adieu, ils veulent lui escamoter une grosse somme qu'il a reçue le jour même. Une fête donnée par Dorlis leur parait une excellente occasion pour lui gagner son argent au jeu ; mais Dorval se montre plus ardent qu'eux, et c'est lui qui leur enlève cette conquête. Dorlis, entièrement ruiné, est au désespoir ; trahi par ses amis, abandonné par sa maîtresse, il ne peut plus même compter sur son Mentor qu'il croyait si vertueux. Il accuse Dorval; mais Dorval se fait enfin connaître, et le fils, repentant, se jette dans les bras de son père. Mme. de Marlis est furieuse en apprenant que son riche Américain n'est qu'un savant aussi pauvre que le fut jadis Homère. Il a beau la comparer à Hélène, à la chaste Diane, elle déchire sa promesse de mariage et la lui jette au nez.

Le plus grand tort de l'auteur est d'avoir mal choisi ses moyens, et de n'en avoir pas su tirer parti, tout faibles qu'ils étaient. On voit bien que le professeur était destiné à jetter de la gaîté dans la pièce ; mais il produit précisément l'effet contraire : il a paru si ennuyeux, qu'on ne voulait plus l'entendre ; et le parterre était si pressé de siffler, qu'il ne laissait pas achever la plupart des plaisanteries qui se trouvent dans ce rôle. Florbelle dit au professeur que Mme. de Marlis a une fortune conséquente. On a fait à l'auteur l'injure de croire qu'il parlait sérieusement, tandis qu'il n'avait voulu que fournir au professeur l'occasion de donner une leçon à Florbelle. Cela prouve qu'il ne faut badiner avec le parterre que quand on est de ses amis.

Martelli, qui jouait le rôle de Mentor a mis de la noblesse et une douce sensibilité dans son jeu. Il était assez mal secondé par l'acteur chargé de représenter Dorlis. On doit mettre sur le compte de sa fausse chaleur et de ses exagérations burlesques une partie des sifflets qui ont été entendus. Il fallait toute la grace et l'excellente tenue de Mlle. Délia pour faire passer le rôle de Mme. de Marlis. Cette intrigante subalterne rappelle la baronne de Turcaret, de même qu'une partie du troisième acte rappelle le cinquième du Dissipateur [le Dissipateur, ou l'Honne^te priponne, comédie de Destouches, 1772]. Mais ce ne sont pas ces réminiscences seules qui ont fait tomber la pièce.

La Biographie universelle ancienne et moderne. Supplément, Volume 65 (Paris, 1838), p. 527, donne le Nouveau Mentor parmi les multiples œuvres d'Étienne Gosse. Comédie en trois actes, elle n’a eu droit qu’à quelques représentations.

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