Le Pacha de Suresne, ou l'Amitié des Femmes

Le Pacha de Suresne ou l'Amitié des Femmes, comédie en un acte, en prose, d'Étienne et Gaugiran-Nanteuil. 11 prairial an 10 [31 mai 1802].

Théâtre Français, rue de Louvois

Almanach des Muses 1803

Trois jeunes pensionnaires liées d'une étroite amitié, craignent que leurs parens ne les désunissent un jour en les mariant contre leur gré. Elles ont vu dans la géographie que les mœurs turques permettent aux Grands la pluralité des femmes, et elles forment aussi-tôt le dessein de se proposer elles-mêmes à quelque Pacha. Il en est un justement à Suresne ; elles lui écrivent, mais la lettre est remise à la maîtresse de pension. Alors le prétendant de l'une des pensionnaires imagine de rompre une liaison qui s'oppose à son mariage avec elle. Il se dit le Pacha, et trouve le secret, en courtisant les trois amies, d'éveiller la jalousie dans leur cœur, de séparer les inséparables, et d'épouser celle qui lui plait.

Des détails spirituels, des mots heureux, spectacle agréable ; du succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, an X (1802) :

Le Pacha de Suresne, ou l'Amitié des femmes, comédie-anecdote en un acte et en prose ; Par les citoyens C. G. Étienne et Gaugiran-Nanteuil. Représentée, pour la première fois, au théâtre de Louvois, le 11 prairial, an 10, par les comédiens de l'Odéon.

Avant même sa première, le Pacha de Suresne a fait du bruit : un échange épistolaire entre un auteur non nommé, qui affirme avoir traité le même sujet, écrit au Courrier des spectacles, et annonce qu’il va la faire jouer. Lettre réelle ou moyen de faire parler du Pacha de Suresne avant même qu’il soit joué ? Deux jours après la première lettre, les auteurs du Pacha répondent : oui, ils utilisent bien la même anecdote, qu’ils racontent. Ils citent leur source et précisent qu’ils ont fait subir à cette petite histoire des modifications pour la rendre plus française.

Courrier des spectacles, n° 1909 du 8 prairial an 10 [28 mai 1802], p. 2 :

AU REDACTEUR du Courrier des Spectacles.

Paris , le 6 prairial.

L’affiche du théâtre Louvois annonce aujourd’hui le Pacha de Surêne, ou l’Amitié des Femmes.

Je présume que cette pièce est tirée d’une anecdote publiée dans la Bibliothèque des Romans, et relative à trois petites demoiselles qui ayant juré de ne se jamais séparer, prirent un jour la belle résolution d’écrire au Grand-Turc, le seul qui pût avoir plusieurs femmes.

Si, comme on me l’assure, ma présomption est fondée, je me vois forcé de publier dans les journaux que j’ai moi-même traité ce sujet, et que je me propose de donner ma piece sur un des premiers théâtres de Paris.

Salut et estime,

L’Auteur des Trois Bonnes Amies,

Courrier des spectacles, n° 1911 du 10 prairial an 10 [30 mai 1802], p. 2 :

AU REDACTEUR du Courrier des Spectacles.

Paris , le 8 prairial.

L’auteur qui réclame, dans votre feuille du 8 de ce mois le sujet du Pacha de Surêne, n’a pas été trompé.

Nous avons en effet tiré notre pièce de l’anecdote relative à trois petites pensionnaires qui, ayant fait le serment de ne jamais se séparer, conçurent l’idée bisarre d’écrire au Grand-Turc, pour lui faire part du dessein où elles étoient de se rendre à Constantinople aussi tôt qu'elles auroient fait leur première communion.

La lettre ayant paru suspecte, fut arrêtée à la poste et remise à M. Lenoir, alors lieutenant de police.

Tel est le trait dont nous avons tiré l’ouvrage qui sera joué le 11 au théâtre Louvois. Seulement pour nous rapprocher des mœurs et des usages modernes, nous avons transporté la scène d’un couvent dans un pensionnat de jeunes demoiselles.

Vous nous obligerez, cit. Rédacteur, en insérant cette réponse dans votre plus prochain numéro.

Salut et estime,

Les Auteurs du Pacha de Surêne, ou l’Amitié des Femmes.

Courrier des spectacles, n° 1913 du 12 prairial an 10 [1er juin 1802], p. 2 :

[Après les lettres concernant la pièce, inutile de résumer l’intrigue : elle est connue des lecteurs du Courrier des spectacles. Le critique consacre donc son article à attaquer vigoureusement les pièces de circonstance en un acte (c’est bien le cas du Pacha de Suresne), parce qu’elles sont condamnées à être éphémères, qu'elles se limitent à fournir rapidement de l’argent aux auteurs, qui négligent de ce fait leur gloire. Il serait bien préférable pour eux de faire de vraies comédies (sans qu’il nous dise ce que sont les vraies comédies). Il craint la contagion du mauvais exemple, quand la pièce de circonstance réussit, comme c’est le cas du Pacha. Et la condamnation vire au compliment : le succès de la pièce est mérité : « leur dialogue est semé de traits vifs, spirituels et épigrammatiques ; enfin , ils ont tiré du sujet tout le parti possible ». On va donc pardonner aux auteurs, qui sont nommés, mais en exigeant qu’ils reviennent au théâtre présenter « une bonne, une véritable comédie » dont le critique ne donne toujours pas la recette.]

Théâtre Louvois.

Représentation du Pacha de Suresne.

Les pièces de circonstance et en un acte ne font pas la fortune d’un théâtre, quelques jolies qu’elle soient. Aujourd’hui elles procurent une recette, le lendemain elles sont moins piquantes ; bref quelques jours plus tard elles ont vécu, et on ne les revoit plus sur le répertoire. Les auteurs ont donc fait tout pour l’argent, rien pour la gloire. Que n’emploient-ils leur tems et cette grande facilité qui sait faire d’une anecdote une jolie bluette, à nous donner une bonne comédie. Ils en retireroient plus de profit et plus de gloire.

Si nous nous élevons ici contre les pièces de circonstance, c’est que nous craignons que la réussite du Pacha de Suresne ne lasse entrevoir à tous nos jeunes auteurs des succès trop faciles, et que nous ne soyons inondés de pièces bàties sur la plus petite anecdote qu’il plaira aux journaux de publier.

Nous ne ferons donc point compliment aux auteurs de la pièce nouvelle du succès qu’ils ont obtenu ; ils ne l’ont point usurpé, il est vrai, leur dialogue est semé de traits vifs, spirituels et épigrammatiques ; enfin , ils ont tiré du sujet tout le parti possible.... Mais ne voilà-t-il pas que j’en fais l’éloge, malgré ma colère contre les pièces de circonstance... Oui, mais à condition que la première pièce des auteurs sera une bonne, une véritable comédie. On n’a pas de l’esprit impunément. Le parterre est maintenant en droit de tout exiger de ceux qui savent l’amuser avec des riens.

Les auteurs sont les citoyens Etienne et Nanteuil.

Ils ont, dans une lettre que nous avons transcrite avant-hier, cité l’anecdote qui leur avoit servi de fonds, et qu’ils ont embellie autant qu’il étoit possible de le faire.

F. J. B. P. G***.          

Le catalogue général de la BNF contient (ou contenait) une notice concernant une pièce homonyme, le Pacha de Suresne ou l’Amitié des femmes, comédie en 2 actes, de Théaulon, Emmanuel (1787-1841) et Artois, Armand d' (1788-1867), représentée au Théâtre du Vaudeville, 17 juin 1811. Mais, ce jour-là, sur ce théâtre-là, c’est les Pages au Sérail, vaudeville en deux actes, des mêmes Théaulon et Dartois, qui est joué pour la première fois. Il s'agit d'une erreur, apparemment corrigée.

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