Praxitèle

Praxitèle, ou la Ceinture, opéra en un acte, livret du cit. Milcent, musique de Madame Devismes. 5 thermidor an 8 [24 juillet 1800].

Théâtre de la République et des Arts

Titre :

Praxitèle, ou la Ceinture

Genre

opéra

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

 

Musique :

oui

Date de création :

5 thermidor an VIII (24 juillet 1800)

Théâtre :

Théâtre de la République et des Arts

Auteur(s) des paroles :

Milcent

Compositeur(s) :

madame Devismes

Almanach des Muses 1801

Un concours est ouvert aux Statuaires de la Grèce, un prix sera décerné à celui qui aura exposé la plus belle figure. Praxitèle expose celle de Vénus, Scopas celle d'un Satyre. L'envie intrigue contre Praxitèle, et son rival est couronné. Praxitèle est d'autant plus sensible à cette injustice, qu'il est épris d'Aglaé, l'une des Graces, et qu'après l'affront qu'il éprouve, il n'osera plus se présenter devant elle. Mais Vénus descend de l'Olympe : elle voit la statue de l'artiste, et pour le venger, pour le récompenser, elle lui offre de remplir le vœu qu'il aura formé. Praxitèle révèle sa passion pour Aglaé, qui accompagne Vénus ; en vain l'Amour veut faire quelques représentations, un grand artiste est égal aux Dieux, Praxitèle obtient la main de sa maitresse.

Sujet pris dans un joli conte d'Imbert.

Poème très-faible, une charmante décoration.

De l'esprit, de la grace dans la musique.

Théâtre de la République et de» Arts.

Courrier des spectacles, n° 1238, du 6 thermidor an VIII, p. 2 :

[Article sévère, le lendemain de la première : les attaques portent autant sur le livret, jugé nul, sans action, sans contraste, d’un style négligé, que sur la musique qui renferme peu de bonnes choses. Ce qui est le meilleur dans l’opéra, c’est le ballet et les décorations, mais ce n’est pas suffisant pour faire un opéra.]

Théâtre de la République et des Arts.

Un sujet sans action ne peut constituer un poëme : on pourroit, en tenant rigoureusement à cette vérité, refuser le nom de poëme aux paroles de l'opéra de Praxitèle, ou la Ceinture , qui a été donné hier pour la première fois sur ce théâtre.

La scène représente le lieu où les ouvrages des sculpteurs doivent être soumis aux juges ; on y voit entr'autres statues, un chasseur blessé que Scopas a exposé pour disputer le prix. L'envie s'attache aux pas de Praxitèle, et des artistes jaloux de sa gloire jurent de le frustrer du prix auquel il prétend. Le peuple, précédé des juges, se rend où se doit célébrer cette solemnité : la Vénus de Praxitèle est apportée, et ce chef-d'œuvre excite un cri d'admiration qu'étouffent bientôt les juges (apparemment prévenus par les artistes envieux) en prononçant en faveur de Scopas, et faisant proclamer qu'il a remporté le prix. Le peuple juge mieux ; il rend hommage au talent de Praxitèle, et lui porte des paroles de consolation ; mais Praxitèle a caché son chef-d'œuvre et se livre à la douleur ; lorsque sa gloire est éclipsée, comment osera-t-il paroitre encore aux yeux d'Aglaé qu'il aime ?

Cependant Vénus satisfaite de ce que Praxitèle a fait pour son culte, en créant un chef-d'œuvre dans l'image de la beauté même, descend des cieux accompagnée de l'Amour et d'Aglaé qu'elle a divinisée en l'ornant de sa ceinture. Praxitèle reçoit un nouveau coup, puisque, comme le lui dit l'Amour, un mortel ne peut posséder toute entière une beauté divine ; mais Aglaé est sensible à la tendresse de Praxitèle autant qu'à son triomphe ; puisque Vénus s'est reconnue dans le chef-d'œuvre de l'artiste, et quoique placée au plus haut rang des Immortelles, elle s'honore encore d'offrir sa main à celui dont elle est aimée.

On voit que le seul point d’opposition qui se rencontre dans le sujet est cette ceinture qui a divinisé Aglaé, et par conséquent a ôté à Paraxitèle tout espoir d’obtenir celle qu’il aime.

Il y avoit bien un autre contraste moins surnaturel, et qu'il eût été plus facile, plus judicieux aussi à saisir, nous voulons parler des menées que veulent pratiquer les envieux de la gloire de l'artiste pour lui ravir le prix ; mais on n'a fait qu'indiquer ce motif d'intérêt, en sorte que cet opéra n'est qu'un tableau privé de ses ombres nécessaires, et rempli de personnages qui paroissent tous sous un jour fade et uniforme. Le style est négligé, les idées sont sans couleur, et l’action, on le répète, est nulle. Il y a telle faute qu’on ne sarait auquel imputer, ou du style, ou de l’idée ; comme celle-ci, par exemple : Dans le mystère à l’ombre du silence.

Le peu de bonnes choses que renferme la musique ne peut non plus excuser la foiblesse de toute la composition en générale [sic] ; et si l'on en excepte le premier chœur des femmes, au moment où elles accompagnent la statue de Praxitèle, et quelques parties vraiment belles d'un morceau, d'ailleurs supérieurement chanté parlte citoyen Lays chargé du rôle de Praxitèle, on ne trouve que des traits que rien ne lie, des motifs communs, toujours au-dessous du sujet ; des tentatives d'effets, mais alors de la confusion au lieu d'harmonie, de la langueur, quelquefois même l'accent de la tristesse jusques dans des airs de ballet ; et enfin sinon des réminiscences,du moins des ressemblances assez sensibles. Dans les deux premiers morceaux que l'on cite, on reconnoit l'indice du talent, et mieux peut-être encore dans le récitatif des premières scènes ; le reste a para peu digue du premier théâtre lyrique de l'Europe.

Le citoyen Frédéric-Duvernoy a exécuté sur le cor des passages délicieux, et qui lui ont valu, les plus vifs applaudissemens.

Le ballet a de très-belles parties, la décoration est d'un effet superbe, et le succès de ce nouvel opéra ne seroit pas douteux, s'il suffisoit de ces accessoires pour l'assurer.

B***.

La Décade philosophique, littéraire et politique, an VIII, troisième trimestre, n° 32, 20 thermidor an VIII, p. 298-299 :

[La pièce nouvelle ne convainc pas le critique : l’argent dépensé pour elle sera difficilement récupéré. Il faut dire que le critique est sévère envers la pièce, dont il n’a pas compris le sujet. Rien ne trouve grâce à ses yeux : invraisemblance, style jugé ridicule, « qui se ressent du terroir », musique bizarre. Ce qui est le mieux réussi, semble-t-il, c’est les parodies que la pièce a suscité...

Théâtre de la République et des Arts.

Praxitèle ou la Ceinture.

Cet opéra si long-tems annoncé, si prôné dans quelques sociétés complaisantes, mis avec un soin qu'on n'avait pas encore employé pour les meilleurs ouvrages, aura bien de la peine à récupérer les frais qu'il a occasionnés.

Il serait difficile d'en donner l'analyse, car la pièce est finie avant qu'on puisse deviner ce que l’auteur a voulu faire. On entrevoit seulement que la maitresse de Praxitele a été mise au rang des Déesses par Vénus, pour récompenser l'artiste qui a fait une si belle statue de la mère des Amours. Triste récompense ! puisque Praxitele, simple mortel, ne peut pas prétendre aux faveurs d'une Divinité. En conséquence , la ceinture des Grâces dont Aglaé vient d'être revêtue, ne permet à l'amoureux artiste que de posséder la moitié d'une si belle conquête ; mais à l'Opéra tout est facile : l'Amour s'en mêle ,et la ceinture tombe.

Le joli conte d'Imbert, intitulé le Ruban , ne pouvait être travesti plus gauchement, et la forme merveilleuse et mythologique dont on l'a enlevoppé, en détruit à-la-fois et la vraisemblance et l'effet : le style est d'ailleurs une curiosité digne de remarque. Il a un cachet de ridicule qui se ressent du terroir, car on sait que depuis quelque tems le théâtre des Arts se fraie pour le style une route assez nouvelle.

La musique n'en est pas moins bizarre ; elle a l'air d'une macédoine de passages connus, mais sans liaison. On la croirait l'ouvrage de plusieurs mains fort inégales. Cependant on la dit d'une femme aimable, qui a, Dieu merci, d'autres moyens de réussir. Il ne parait pas que l'administrateur qui s'intéresse à Praxitèle, puisse compter beaucoup sur ce genre de succès. On a fait à trois théâtres trois parodies assez gaies de Praxitèle, l'une au Vaudeville, c'est la meilleure, est intitulée Bagatelle, ou le Bilboquet. Indépendamment de la finesse de la critique et du sel des couplets , elle présente un spectacle intéressant, celui de trois jolis enfans, jouant avec grâce et finesse, et promettant à ce théâtre des sujets précieux.

Celle des Troubadours est intitulée Ficelle ou la Jarretière. Quelques couplets malins en ont fait le succès; mais en général on a remarqué qu'il était bizarre de faire, tant de parodies d'un ouvrage qui lui-même en parait une.

L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-neuvième année, tome XII, fructidor an VIII [août-septembre 1800], p. 185-187 :

[Ouvert par le résumé de l’intrigue (une intrigue réduite à peu de choses, racontée de façon un peu négligente), le compte rendu relève la qualité des décorations, des costumes, des ballets, mais aussi la faiblesse du fond, du style, du dénouement (chaque élément a droit à un adjectif infamant, nul, incorrect, obscur). La musique est un peu mieux jugée, banale certes dans l'ensemble, mais quelques morceaux sont remarquables. Une exception, l’air de Vénus, « en opposition directe avec le caractère d'une déesse, [qui a] excité un mécontentement général. Pour la qualité des ballets, il suffit de citer les artistes qui y ont participé : il s’agit des meilleurs danseurs du temps. Si la pièce a pu être maintenue, elle le doit à certains de ces danseurs, avec l’exception de l’interprète du rôle de Vénus, mais c’est peut-être dû au compositeur plus qu’à l’interprète. Les auteurs n’ont pas été nommés, mais le compte rendu nous donne leur nom en soulignant que le compositeur a été mieux traité que le librettiste.].

THÉATRE DE L'OPÉRA COMIQUE NATIONAL, RUE FAVART.

PRAXITELLE, ou la Ceinture, pièce lyrique en un acte.

Praxitelle, célèbre sculpteur, concourt avec Scopas, de Corinthe, pour le prix qui doit être solemnellement accordé par les magistrats d'Elis à l'artiste le plus habile ; il a fait la statue de Vénus, l'un des chefs-d'œuvres de l'antiquité, & son rival a représenté le satyre Marsias ; l'œuvre de Scopas est inférieur [sic] à celui de Praxitelle, mais celui ci n'a pas su intriguer, & les juges, corrompus ou dépourvus de goût, couronnent l'auteur du satyre.... Praxitelle, au désespoir, jette son ciseau, & veut, comme Pigmalion , renoncer à la sculpture ; mais Vénus descend du ciel pour le consoler, & elle le dédommage de l'affront qu'il a reçu, en lui accordant la main d'un [sic] grâce. Il épouse Aglaé, son amante.

Tel est le sujet de cette pièce, qui a été souvent applaudie. Les décorations, les costumes, les machines & les danses, font de cet opéra un spectacle charmant & digne d'attirer la foule ; mais nous croirions nous rendre indignes de la confiance de nos lecteurs, si nous comprenions dans cet éloge le fond, le style & le dénouement de la pièce. Rien de plus nul que ce fond, rien de plus incorrect, de plus commun que ce style ; rien enfin de plus obscur, de plus étranger au sujet que ce dénouement : quant à la musique, quoiqu'elle soit loin de la perfection, elle ne mérite pas une condamnation aussi rigoureuse ; la plupart des morceaux sont à la vérité sans caractère & n'ont que des motifs communs ; mais on a remarqué parmi-eux un duo bien fait, bien en situation (celui de Scopas & de Policlès), & un air plein de grâces & d'expression (celui de Praxitelle) : « J'ai vu sur ses lèvres de roses. » L'air chanté par l'Amour ne manque pas de finesse, ni même d'originalité, mais il nous semble d'un genre au dessous du grand opéra ; quant à celui de Vènus, il est en opposition directe avec le caractère d'une déesse ; aussi a-t-il excité un mécontentement général.

Nous n'entreprendrons point un éloge détaillé des ballets. Rien ne peut ajouter à l'idée que le public a dû s'en faire, en voyant sur l'affiche les noms des CC. Vestris, Beaulieu, Beaupré, Milon & Saint Amand, & ceux de Mmes. Clotilde, Gardel, Chevigny, Chameroy & Saulnier. Nous dirons seulement qu'on a particulièrement admiré le pas-de-deux dansé par Mmes Gardel & Chameroy.

Le C. Laïs, jouant le rôle de Praxitelle, a singulièrement contribué au maintien de l'ouvrage par le talent & le goût exquis avec lesquels il a chanté tous ses morceaux. On doit aussi des éloges aux CC. Dufresne & Laforêt, ainsi qu'à Mmes. Henry & Chevalier. Mlle. Claris, repréfentant Vénus, & la représentant très-bien, n'a pas trouvé le moyen de faire applaudir l'air qu'elle chante ; mais ce n'est pas moins la faute du compositeur que celle de la cantatrice. Cet air est entièrement à refaire.

Quelques voix ont demandé les auteurs ; mais ceux-ci n'ont pas voulu être nommés sur le théâtre..... Ce sont Mme. Devismes pour la musique, & le C. Milcent pour le poëme. Il est juste d'ajouter que le poëte a été moins demandé que le compositeur.

Annales dramatiques, ou Dictionnaire général des théâtres, tome septième (Paris, 1811), p. 453-454 :

PRAXITÈLE, la Ceinture, opéra en un acte, par M. Milcent, musique de Mad. Devismes, à l'Opéra, 1800 :

Les juges séduits couronnent Scopas. Le Satyre Marsyas, œuvre de ce dernier, l'emporte sur la Vénus de Praxitèle, dite depuis la Vénus de Médicis. Eh bien, fiez-vous au jugement des hommes ! Praxitèle, aud ésespoir, tombe aux pieds de sa statue, chef-d'œuvre du ciseau grec. Il est tiré de son accablement par une symphonie mélodieuse qui se fait entendre dans l'éloignement. Tout-à-coup on voit descendre, sur un char traîné par des colombes, Vénus elle-même et l'Amour suivis des Grâces, des Jeux, des Ris et des Amours. La déesse veut juger si son œuvre est fidèle. Après l'avoir examinée en silence, elle lui exprime sa satisfaction, et, pour prix de ses travaux, lui dit de choisir sa récompense. Son choix est bientôt fait. Il lui demande la main d'Aglaé, l'une des Grâces. La déesse la lui accorde ; mais comme un mortel ne peut posséder toute entière une beauté divine, il faut qu'il choisisse sans différer, et qu'il ose fixer l'heureuse ceinture, dont les nœuds discrets partagent mille attraits. Praxitèle ne trouve pas que ce soit trop de tous les charmes de sa divine amante. En perdre un, s'écrie-t-il, c'est, hélas, la perdre toute entière ! Son œil s'égare parmi les charmes que sépare le tissu brillant de la ceinture d'Aglaé. Il dit à cette belle déité : « Un moment, que ta ceinture se délie. » L'Amour se fâche, on ne sait trop pourquoi, si ce n'est parce qu'il ose choisir. Alors le fils de Vénus détache lui-même la ceinture d'Aglaé, qui veut la retenir, mais en vain; elle tombe à ses pieds. Praxitèle s'en empare avec transport ; l'Amour le couronne, et l'unit à cette beauté divine.

Commentaires

  • Bonnet Saint-Georges

    1 Bonnet Saint-Georges Le 01/09/2019

    Bravo et merci pour cette recension très intéressante qui évite bien des recherches.
    soleinne

    soleinne Le 05/09/2019

    Merci de votre aimable commentaire. N'hésitez pas à me faire part de vos remarques, y compris pour m'inviter à des corrections ou des améliorations. Je ne manquerai pas d'en tenir compte.

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