Ruse et Folie

Ruse et Folie, 19 vendémiaire an 11 [11 octobre 1802].

Théâtre de la Porte Saint-Martin

Almanach des Muses 1804

Courrier des spectacles, n° 2045 du 20 vendémiaire an 11 [12 octobre 1802], p. 2 :

[Le compte rendu s’ouvre sur une annonce étonnante : on aurait joué deux pièces (c’est habituel), le Marquis de Tulipano, qui date de 1789 et qui est souvent joué, et la pièce nouvelle, Ruse et folie. Mais ce programme n’est pas celui qui était annoncé la veille (« Pizarre, et la première représ. de Ruse et Folie »), mais celui du jour de publication de l’article. Petit mystère sans importance. Ce qui compte, pour le critique, c’est le retour du théâtre de la Porte Saint-Martin à l’opéra,a près s’être égaré à monter des mélodrames. Sur le Marquis de Tulipano, pas grand chose à dire, le critique se limite à souligner les limites des divers chanteurs : trois sont cités, avec un commentaire peu favorable. Quant au nouvel opéra, il ne tient pas les promesses de son titre (ni ruse, ni folie). Rien ne trouve grâce aux yeux du critique, ni de ceux du public « qui n’a pas voulu voir le dénouement » : le critique est dispensé d’en faire l’analyse, et il se contente à dire du bien des interprètes. La musique a déçu, comme le livret : après une ouverture contenant « de jolies choses », plus rien de neuf ni de piquant : elle n’a pas été applaudie. Le critique trouve une excuse au compositeur : le « poëme » était trop mauvais... et il pourra se rattraper « en travaillant sur un bon ouvrage ». Personne n’est nommé, ni auteur, ni compositeur.]

Théâtre de la Porte St-Martin.

Tulipano, et première représentation de Ruse et Folie.

Ce théâtre, après avoir durant quatorze jours présenté au public avide de nouveautés le mélodrame avec ses décorations, ses combats et ses ballets ; après avoir déployé à ses yeux toute la magnificence que comporte le genre, et offert tout son peuple d’acteurs, de danseurs, de figurans comparses, etc., a voulu enfin lui faire voir ses richesses dans l’opéra ; et il a donné le Marquis de Tulipano et un opéra nouveau intitulé : Ruse et folie.

La première de ces deux pièces a produit de puis long-tems son effet, et le nom des acteurs qui y paroissoient étoit hier une assez forte recommandation auprès d’un public disposé à accueillir des talens qu’il avoit plusieurs fois applaudis. Valiere, chargé du rôle de Tulipano, qu’il rend avec beaucoup de vérité, a rappelé, quoiqu’imparfaitement, ce qu’il avoit été dans le même rôle à Feydeau. C’est bien le même acteur, mais ce n’est plus le même chanteur. Sa voix nous a paru affoiblie. Vigny chante fort agréablement, mais sa méthode a besoin d’être perfectionnée par un travail assidu. Mlle Rosine Quesnay a exécuté divers morceaux avec goût, mais sa voix manque quelquefois de justesse.

Venons maintenant à l’opéra nouveau. Quoiqu’intitulé Ruse et Folie, nous y avons cherché envain la raison de ce double litre. C’est un ouvrage froid, fade et sans couleur, qui offre peu ou point de ruses, peu ou point de folie. Cela ressemble à tout. Des scènes d’amour, des conversations insignifiantes, des entrées, des sorties sans motif, en voilà plus qu’il n’en falloit pour indisposer le public, qui n’a pas voulu voir le dénouement d’une pièce dont nous ne donnerons pas l’analyse.

Madame Vertueil-Auvray y remplit un petit rôle de Duègne ; et l’on sait avec quel talent cette actrice consommée fait valoir les moindres choses, les mots les plus simples, les détails les plus légers. Aussi a-t-elle reçu à son entrée en scène, et dans le cours de la pièce, les applaudissemens les plus nombreux.

Le citoyen Saint-Léger, ci-devant auxTroubadours, a joué avec intelligence un rôle de Valet bien insignifiant, et madame Vigny a soutenu la pièce par la manière dont elle a rendu et chanté celui de la Jeune Personne.

La musique, offroit d’assez jolies choses dans l’ouverture, mais le compositeur a cru sans doute que cela suffisoit , puisque l’ouvrage ne présente que très-peu de choses neuves, piquantes et qui aient été applaudies. Disons le mot : il n’a pu être inspiré par un mauvais poëme, et nous aimons à croire qu’en travaillant sur un bon ouvrage, il réparera facilement l’échec qu’il a essuyé dans Ruse et folie.

F. J. B. P. G***.          

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