La Sibylle, ou la Mort et le médecin

La Sibylle, ou la Mort et le médecin, opéra-féerie en deux actes, mêlé de chants (vaudevilles) et de danses, de Eugène [Boirie], Léopold [Chandezon] et *** [Jean-Baptiste Dubois], ballets de Hullin, 18 janvier 1815.

Théâtre de la Gaîté.

Titre :

Sibylle (la), ou la Mort et le médecin

Genre

féerie

Nombre d'actes :

2

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

18 janvier 1815

Théâtre :

Théâtre de la Gaîté

Auteur(s) des paroles :

Eugène [Boirie] Léopold [Chandezon] et *** [J.-B. Dubois]

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1815 :

La Sibylle, ou la Mort et le médecin, féerie, en deux actes, mêlée de chants et de danses, Par MM. Eugène, Léopold et *** ; Ballet de M. Hullin ; Représentée à Paris, pour la 1re fois, sur le Théâtre de la Gaîté, le 18 janvier 1815.

La Quotidienne, n° 19 du 19 janvier 1815, p. 3-4 :

[Le titre de la pièce est présenté comme trompeur par le critique : on s’attend à une pièce sérieuse, et on tombe sur une folie. Le résumé de l’intrigue confirme abondamment ce caractère fou de la pièce, qui fait largement appel à un merveilleux facile, que le dénouement tourne un peu en dérision. Le critique aborde ensuite le compte rendu de ce qui s’est passé dans la salle le soir de la première. Il y a eu une véritable bataille entre partisans et adversaires de la pièce, au point de provoquer la migraine chez le pauvre critique. Il souligne le caractère excessif des deux attitudes : la pièce est simplement un ambigu, mêlant « du chant, de la danse, des changements à vue, des travestissements, etc., etc. » et qui aurait pu être plus gai. Les plaisanteries sur les médecins, inhérentes au sujet, auraient pu être moins abondantes. Seul le premier acte a été « écouté tranquillement », la suite a été une bataille rangée, violence comprise : le nom des auteurs n’a pas pu être donné malgré la demande de la majorité, les clés forées ont rendu impossible cette annonce, et il a fallu que la garde intervienne pour que la salle finisse de se vider. C’est l’occasion pour le critique de souligner le côté contre-productif de ce genre de cabale, qui ne fait guère que convaincre l’auteur sifflé qu’il ne l’est que par une hostilité a priori.]

THÉATRE DE LA GAITÉ.

Première représentation de la Sibylle, mélo-féerie en 5 actes, à grand spectacle.

Sur le titre, on croirait cet ouvrage sérieux, et ce n'est qu'une folie. La Sibylle a été punie par le Destin, pour avoir aimé un simple mortel : de jeune elle est devenue vieille ; il faut pour qu'elle soit désenchantée, que le page qu'elle aime réponde à son amour, et l'épouse malgré sa laideur. Pour parvenir à ce but, elle jette elle-même un sort sur la princesse qui est sur le point d'épouser le seigneur Alvedor, maître du joli page. La princesse est plongée dans un assoupissement qui fait présager sa mort prochaine. Comment la sauver ? La Sibylle, consultée, offre deux moyens : il faut que le prince trouve un médecin qui n'ait encore envoyé personne dans l'autre monde, ou bien que la Mort apparaisse à trois heures au pied du lit de Silvia. Si le docteur sans reproche ne se trouve pas, ou si la Mort se montre, la princesse est perdue.

Voilà le prince en campagne. Dans le village voisin de son château, il trouve deux médecins, qui se disent irréprochables ; mais le talisman confié par la Sibylle, fait sortir de la maison des docteurs des ombres qui les dénoncent. Le prince va s'éloigner. Un gascon, arrivé le matin et qui se dit médecin, se présente : il atteste n'avoir fait périr personne dans le village. Le prince, qui ne sait pas qu'il est tout nouvellement arrivé, se sert du talisman. Aucune ombre ne paraît ; le gascon passe pour un fameux docteur, on va l'emporter sur un palanquin ; mais la Sibylle l'arrête et le dénonce comme un nouveau débarqué, plus ignorant encore que ses confrères. En effet, le fond de la scène s'ouvre ; on voit derrière une gaze, des chevaux, des moutons, des hommes, des enfants, victimes de sa maladresse ; mais un gascon ne cède pas facilement la place. Frisac, c'est son nom, a entendu dire que si la Mort apparaissait à trois heures au pied du lit de la princesse, la cure était faite ; il se rend au palais, et tourne le lit, lorsqu'il voit la Mort se présenter. Sylvia est rendue à la vie ; le lit devient un trône de fleurs, et la Sybille, que le page avait consenti à épouser, reprend le costume et tous les avantages de la jeunesse.

Je suis tout étonné d'avoir pu rendre un compte si exact de cette pièce ; un bruit presque continuel, dont j'ai encore la tête fatiguée au moment où j'écris, a troublé la représentation de cette féerie, qui a été soutenue vigoureusement par une partie de la salle, et plus vigoureusement sifflée par l'antre, les bravos, les à bas, les bis, les non, les murmures, les applaudissements, se succédaient avec un acharnement difficile à peindre ; et l'on peut dire de cet ouvrage qu'il n'avait mérité

Ni cet excès d'honneur, ni cette indignité.

C'est ce que les Italiens appellent un pasticcio , et ce que les Français nomment un ambigu. Il y a du chant, de la danse, des changements à vue, des travestissements, etc., etc. J'y aurais désiré plus de gaîté, et des couplets mieux-tournés : ceux des deux derniers vaudevilles qu'on a joués à ce théâtre (les Maitresses Filles et le Grenadier de Louis XV) sont bien plus jolis. Un autre défaut, et qui tient au fonds du sujet, c'est qu'on a été forcé de multiplier jusqu'à satiété les épigrammes contre les médecins ; elles ont commencé par faire rire, et elles ont fini par déplaire.

Le premier acte est le seul qui ait été écouté tranquillement; pendant les deux autres, les partisans de la pièce ont été obligés de conquérir un peu de silence par des menaces, et je crois même par des voies de fait. L'ouvrage est arrivé jusqu'à la fin, à travers mille obstacles. Quand la toile a été baissée, la majorité des spectateurs a demandé l’auteur. Dumesnil est venu avec l'intention de le nommer ; mais après être resté environ cinq minutes, il s'est retiré sans avoir pu se faire entendre. La moitié du public est sortie   l'autre moitié, voulant absolument connaître l'auteur, l'a redemandé à grands cris ; Dumesnil s'est avancé de nouveau, mais il n'a pas été plus heureux que la première fois ; le son des clefs forées était si aigu, qu'il rendait tous ses efforts inutiles ; il s'est encore retiré : un petit noyau de spectateurs, qui restait dans la salle, insistait pour qu'il revînt ; mais comme il était tard , et que la plaisanterie commençait à devenir un peu longue, quelques officiers de garde se sont présentés, et ont invité les spectateurs à sortir ; ce qui s’est exécuté très paisblement.

Il faut convenir que ceux qui veulent faire tomber les pièces, d’autorité, atteignent bien mal leur but ; ils en prolongent l’existence en voulant les tuer trop vit ; car l’auteur, qui se persuade difficilement que son ouvrage est mauvais, en attribue la chute à la cabale, et il a bien alors le droit de dire comme le poète de la Métromanie :

J’en appelle, en auteur soumis mais peu craintif,
Du parterre en tumulte au parterre attentif.

Mercure de France, volume 62 (janvier-février 1815), n° DCLXX (11 février1815), p. 247 :

[On ne saura pas grand chose de la Sibylle, sinon qu’elle a échoué le 18 janvier parce qu’on ne savait pas ce qu’elle était (mélodrame, comédie, vaudeville, opéra ?), que les auteurs l’ont modifiée (un acte en moins en particulier), et que la rumeur court qu’elle a triomphé le lendemain. Le critique est un peu sceptique.]

Théâtre de la Gaîté. — L'opéra féerie donné à ce théâtre, le 18 janvier, sous le titre de la Sibylle, n'a pas réussi le premier jour ; les auteurs, pour avoir voulu trop bien faire, ont échoué. Ils ont mis dans leur pièce, de la danse, des ariettes, des couplets, des travestissemens, des changemens à vue, etc., etc. Ils ont couru après la variété, ils n'ont rencontré que du désordre. Ce n'était ni un mélodrame, ni une comédie, ni un vaudeville, ni un opéra; c'était un amalgame bizarre de tous les genres, c'était la confusion des langues, enfin une vraie tour de Babel. Le public, trouvant qu'on ne l'amusait pas, a été obligé de se suffire à lui-même, et a sifflé pour se divertir : on assure que le lendemain, des changemens heureux, et un acte supprimé, ont métamorphosé la chute en succès ; je doute pourtant que cette féerie arrive à deux cents représentations, comme les Ruines de Babylone, Charles-le-Tèméraire, et le Chien de Montargis, et toutes ces pièces célèbres qui sont les Cid, les Phèdre, et les Iphigénie du genre.

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