Le Saint déniché, ou la Saint-Nicolas d'été

Le Saint Déniché, ou le Saint-Nicolas d'été, opera-comique en deux actes, en vers et en vaudevilles, de Piis, accompagnements de Hus, 21 mars 1793.

Théâtre du Vaudeville

Avant sa carrière parisienne, la pièce a été jouée à Bordeaux dès le 28 décembre 1792.

Titre :

Le Saint Déniché, ou le Saint-Nicolas d'été

Genre

opéra-comique en vaudevilles

Nombre d'actes :

2

Vers / prose

prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

21 mars 1793 (après une création bordelaise le 28 décembre 1792)

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Piis

Auteur des accompagnements :

Eugène Hus

Almanach des Muses 1794

Sur la page de titre de la brochure, Paris, à la Salle du Théâtre du Vaudeville :

Le Saint Déniché, ou la Saint Nicolas d'été, opéra comique, en deux actes et en vaudevilles, Représenté à Bordeaux, le 28 décembre 1792 ; et à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 21 Mars 1793. Par A. P. A. de Piis, Citoyen du département de Seine et Oise. [Les accompagnemens sont du C. Eugène Hus.]

La liberté française en ses vers se déploye.

Boileau, du Vaudeville. Art poëtique.

[Le vers de Boileau n’est pas une profession de foi révolutionnaire. Plus banalement, il souligne la liberté d’esprit des Français qui s’exprime tout particulièrement dans le vaudeville.]

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 7 (juillet 1793), p. 384-389 :

[La pièce avait été joué avec succès à Bordeaux, elle a échoué à Paris. Explication : elle a été victime d’une cabale (ce serait inexplicable «  si nous ne supposions pas que quelques hommes délicats, auxquels l'envie est sans doute étrangere, en veulent à cet auteur, pour avoir fait les Amours d'été (divertissement en un acte et en vaudevilles de Piis et Barré, de 1781) & les solitaires de Normandie ». Jolis couplets, tableaux agréables, gaîté sans impiété, cela méritait un succès, surtout sur un théâtre « où tant de niaiseries ont réussi ». Pour sa part, le critique pense aussi que l’auteur a eu tort de se moquer de ce qui est sacré aux yeux de beaucoup. « Si nous apprenons au public à manquer de respect pour ce qui fut respectable , bientôt il en manquera pour ce qui l'est ». Et il lui conseille de s’en prendre aux très nombreux vices et ridicules plutôt que de créer « des chimeres pour les combattre ».]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Le saint Nicolas d'été, opéra comique, en deux actes & en vaudevilles, représenté à Bordeaux, le 28 décembre 1792, & à Paris, le 21 mars 1793; par A. P. A. De Piis, habitant du département de Seine & Oise ; avec cette épigraphe : La liberté française en ses vers se déploie.

Le laboureur Mathurin & l'ancien officier Delabreche ont, le premier un fils, le second une fille ; un vieux chanoine & un ancien procureur ont pour neveu & pour niece Basile & Rosette. Les vieillards sont amis, les jeunes gens sont amans. Leurs maisons étant voisines, & situées, toutes les quatre, sur la place du village, au milieu de laquelle est dans sa niche la statue de saint-Nicolas, ils ont la faculté de se voir à chaque instant. Ils se sont aujourd'hui levés de très-grand matin, pour présenter leur offrande au saint qui donne, quand il veut, des époux. Mais les vieillards, qui ne sont pas pressés de voir accomplir les prieres de leurs enfans, les interrompent dans leur dévotion, & ceux-ci sont tellement piqués de ce contretems, qu'ils vont jusqu'à reprocher à leurs parens de s'être mis à la fenêtre avant d'avoir invoqué l'auteur du jour. Delabreche trouve mauvais qu'on le sermone ; le chanoine assure qu'il dit toujours son bréviaire en sortant du lit ; le procureur Gripon proteste qu'avant de quitter sa maison il prie toujours la providence de l'empêcher, par pitié, d'arriver jusqu'au diable, auquel on l'a si souvent envoyé. Mathurin se borne à admirer l'être suprême dans les détails du jardinage, & Delabreche lui adresse cette priere, sur l'air de la forêt noire :

        Et moi, mes bons amis, je mets
            Un genou seul en terre,
        Tout comme autrefois je faisois,
            La veille d'un affaire.
        Vous autres, vous joignez les mains ;
Mais moi, plus fier, je dis au maître des humains :
Grand Dieu ! vois un soldat, & fais pour lui, de grace,
Ce qu'il feroit pour toi, s'il étoit à ta place.

Après la priere, que peut faire un officier, s'il ne parloit de ses vieilles campagnes ? Aussi Delabreche raconte-t-il ce qui s'est passé à la derniere bataille où il s'est trouvé ; mais pendant son récit, un ingénieur vient, au nom de l'intendant, marquer les quatre maisons de nos vieillards, pour être sur-le-champ abattues, afin d'agrandir la place du village. Gripon veut se venger par un procès ; Mathurin, par des coups de geule ; le chanoine, par un sermon ; Delabreche, par son épée. Ce premier mouvement de colere passe, on parle, on raisonne. Que faut-il faire ? présenter un placet à l'intendant, ou aller le trouver ; on se résout à ce dernier parti, lorsqu'un des jeunes gens vient annoncer que non-seulement M. l'intendant recevra les vieillards avec plaisir, mais encore qu'il les invite à dîner. Oh ! c'est un bien honnête homme, disent tous les vieillards qui venoient de le honnir ; oh ! c'est un bien honnête homme !

Moi dîner chez un intendant, s'écrie le bon Mathurin, qui en est tout enorgueilli ! Allons, ma canne à corbin promptement, dit le procureur transporté ; mon épée à pomme d'argent, dit Delabreche dans sa joie ; mon manteau long, mon collet blanc, dit le chanoine, dont la vanité se réveille ; allons, hâtons-nous de partir, & ils partent. Basile donne son bras gauche au vieux procureur, & tient de la main droite le licou de l'âne sur lequel est monté l'autre. Lucas porte son pere sur ses épaules, & Hortense & Rosette portent Delabreche dans sa chaise.

On dîne chez un intendant mieux qu'on ne le fait au village, le vin y est délicieux ; nos vieillards sont donc bien excusables d'en prendre un peu plus que de coutume. Mais pendant qu'ils sont en si bonne compagnie, l'ingénieur fait abattre leurs maisons ; & quand ils vont revenir, elles ne seront plus à leurs places. Cependant nos jeunes, qui étant revenus les premiers, n'ont plus trouvé leurs gîtes, retournent en grande hâte vers l'intendant, & l'amenent. Il est furieux de ce que l'ingénieur a agi avec une telle diligence pour outrepasser ses ordres, & il le chasse. Résolu de dédommager les vieillards, il veut voir quelle mine ils feront, lorsqu'à leur retour ils ne trouveront -plus leurs maisons. C'est pour cela qu'il fait descendre la statue de saint-Nicolas, & qu'il se met à sa place. Le tablier d'Hortense sur les épaules, le tablier de Lisette devant lui, un bonnet du chanoine sur la tête, & un croissant à la main, figurent assez passablement pendant la nuit, la mitre, le camail, le rochet & la crosse de saint-Nicolas, l'intendant, avant de le remplacer, chante les deux couplets suivans, sur l'air agréable de M. Chapelle ; Toujours de tes rigueurs.

Excusez , cher patron,
soutien de nos familles :
De marier les filles
Vous avez le renom :
Comme vous j'aime a croire
Que j'y peux réussir ;
Conservez-en la gloire,
J'en aurai le plaisir.

Vous fûtes autrefois
Un pasteur exemplaire ;
Je servirai de pere
A ces bons villageois.
De mes droits près des vôtres,
Mon. cœur doit s'applaudir.
Vous bénissez les autres,
Et l'on va me bénir.

Cependant les quatre vieillards arrivent, & vont pour entrer dans leurs maisons. O ciel ! où sont-elles ? Ils les cherchent en vain. L'intendant & les jeunes gens s'amusent pendant quelques instans de leur embarras. Un de ceux-ci dit même à Mathurin qu'on est sujet à avoir l'œil troublé quand on a pris d'un fort bon vin, une dose peu commune. Mais les quatre vieillards protestent que Lucas a tort, & se fondant sur l'expérience, chacun d'eux dit :

Quand on a bu, l'on se voit deux maisons,
    Et je ne m'en vois pas même une.

Mais l'intendant languit dans la niche, & les jeunes gens s'en apperçoivent : Eh ! bien oui, disent-ils, vous ne trouvez plus de maisons, parce que le saint dont c'est la fête, est fâché contre vous de ce que vous ne vouliez pas nous marier. — Oh ! oh ! — Eh ! mais vraiment demandez-le-lui, & vous verrez si en inclinant la tête, saint-Nicolas ne vous dit pas que nous avons raison. Les vieillards croient qu'on veut se moquer d'eux ; ils se tournent du côté de la niche, ils voient faire le mouvement annoncé, & ils demeurent pétrifiés.

Des domestiques de l'intendant arrivent avec des flambeaux, ils amenent un notaire ; l'intendant quitte la niche, dote les filles ; on signe les contrats, & pour réparer l'injustice de son agent, il emmene chez lui les vieillards & leurs enfans.

Telle est la piece, qui fut écoutée avec la plus grande défaveur au théatre du Vaudeville, quoiqu'elle eût obtenu auparavant le plus grand succès à Bordeaux. De jolis couplets, des tableaux agréables, de la gaieté sans impiété, avoient sans doute motivé ce succès ; mais qu'est-ce qui put valoir une chûte si violente à M. Depiis, sur un théatre où tant de niaiseries ont réussi ? C'est à quoi nous ne saurions répondre, si nous ne supposions pas que quelques hommes délicats, auxquels l'envie est sans doute étrangere, en veulent à cet auteur, pour avoir fait les Amours d'été & les solitaires de Normandie.

Quoi qu'il en soit, nous reprochons, nous, à M. Depiis, non pas d'avoir fait avec esprit un assez bon nombre de couplets dans son saint-Nicolas, mais d'avoir choisi un pareil sujet. Pourquoi traduire au théatre des choses qui ont été pendant si long-tems saintes & sacrées pour tant de gens, & qui vraisemblablement le seront encore pour un très-grand nombre ? Si nous apprenons au public à manquer de respect pour ce qui fut respectable , bientôt il en manquera pour ce qui l'est, & delà un bouleversement dont il seroit difficile de calculer les effets. Il est tant de vices & de ridicules à livrer au Vaudeville pour en faire justice, qu'il semble qu'un littérateur se rend coupable du tort qu'ils font dans le monde, quand, au-lieu de les poursuivre, de les attaquer, il crée des chimeres pour les combattre.

César : titre complet : le Saint déniché, ou la saint Nicolas d'été. Auteurs : de Piis et Eugène Hus (Pierre-Louis Stapleton). 2 représentations, les 21 et 26 mars 1793. Mais César ne connaît que la carrière parisienne.

 

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