Le Souper magique

Le Souper magique, comédie en un acte, en vers, de de Murville, 11 février 1790.

Théâtre de la Nation.

Titre :

Souper magique (le)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en vers

Musique :

non

Date de création :

11 février 1790

Théâtre :

Théâtre de la Nation

Auteur(s) des paroles :

M. de Murville

Mercure de France, tome CXXXVIII, n° 8 du samedi 20 février 1790, p. 116-118 :

[La Révolution s’est invitée au théâtre, et on ne joue plus guère que des pièces de circonstance, avec des succès variés : pour un Réveil d’Epiménide dont le succès se poursuit, des échecs qu’expliquent des talents différents chez les auteurs. C’est le cas de la pièce nouvelle, le Souper magique, où l’auteur suppose un souper réunissant des morts célèbres du temps de Louis XIV sous l’égide de Cagliostro (mais le critique ne nous dit rien des circonstances de cette étonnante réunion). La pièce fait donc défiler des grands hommes du passé, occasion de comparer les époques. Un tel sujet ne pouvait susciter d’intérêt, et il ne pouvait valoir que par l’esprit, la gaieté, la vivacité, mais il n’en est guère pourvu. L’auteur n’est pas nommé, malgré la promesse faite, mais il ne devrait pas trop pâtir de son insuccès, et l’article s’achève, de façon traditionnelle, par un couplet du divertissement final, au cours duquel Chapelle distribue des couplets aux autres personnages.]

THÉATRE DE LA NATION.

Les nombreuses scènes politiques dont nous sommes les témoins et les acteurs, qui font les destins de la France, et occupent l'attention de l'Europe entière, ce riche et magnifique tableau de la révolution, que chaque moment semble développer à nos regards, entraîne si fortement les esprits, que les talens, qu'il ne réduit point au silence, s'occupent à le retracer, à en entretenir le Public, qui a l'air d'en apprendre les détails, quand on ne fait que lui répéter ses propres pensées, et qui est flatté des récits qu'on lui fait, parce que c'est l'histoire de ses conquêtes. Cet intérêt d'ailleurs est si grand, qu'il paroît exclusif  et les Muses semblent croire que vouloir en détourner l'attention publique, est s'exposer à n'être point écouté. De là toutes ces Pièces appelées de circonstance, qui se succèdent si rapidement sur tous nos Théatres. Toutes n'y ont pas le même succès, parce que tous les Auteurs ne s'y présentent pas avec les mêmes talens, ou avec le même bonheur.

Nous avons parlé d'Epiménide. Son succès s'est toujours soutenu depuis la première représentation; et ce premier essai dramatique de M. de Flins, a donné une idée très-avantageuse de son talent.

Le Souper Magique, qu'on a représenté le Jeudi, 11 de ce mois, a été moins heureux. L'idée de cette Pièce épisodique, c'est le fameux Cagliostro, qui, usant de sa puissance magique, évoque plusieurs Morts célèbres du siècle dernier. Tel est le cadre qu'a choisi l'Auteur pour rapprocher et comparer deux époques si disparates. Les personnages qu'il met en scène, sont Colbert, la Valière, en habit de Carmelite, l'Homme au masque de fer, Ninon , Molière, la Fontaine, et Chapelle. On sent que ce sujet, puisé dans l'ordre merveilleux, ne pouvant intéresser le cœur, devoit être traité de manière à amuser l'esprit ; et en général, cet Ouvrage a paru manquer de gaîté & de vivacité. La Valière, par exemple, vient se plaindre de l'abandon de Louis. XIV ; elle exprime sa tendresse avec l'intention d'attendrir ; cette intention, dans un sujet pareil, étoit difficile à réaliser ; elle ne pouvoit guère offrir que le contraste d'une idée au moins fort gaie, et d'une exécution sérieuse tout au moins.

Au reste, les détails et le style de cet Ouvrage n'ont point échappé aux connoisseurs ; et nous ne craignons point d'en nommer l'Auteur, parce que ce non-succès ne peut faire aucun tort à son talent. La Pièce est terminée par des couplets que Chapelle vient distribuer aux différens personnages, et dont plusieurs ont été fort applaudis. Nous allons en citer un que nous croyons avoir fidèlement retenu. C'est la Valière qui le chante.

    D'un grand Roi je fus la Maîtresse ;
    Je pcrdis bientôt sa tendresse ;
Et dans un Cloître enfin je m'éclipsai :
    On ne se cloître plus, on change ;
    Ainsi notre sèxe se venge
Par le présent, des affronts du passé.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1790, tome III (mars 1790), p. 346-348 :

[Pas de succès pour cette pièce, pour une raison qui peut surprendre : ce serait l’habit de religieuse de Madame de La Vallière qui aurait indisposé le parterre...]

Le jeudi 11 février, on a donné la premiere représentation du Souper magique.

Verseuil est amoureux d'une jeune veuve qu'il est au moment d'épouser, & qu'il presse de jouir des plaisirs du carnaval ; mais elle n'aime ni la danse, ni les déguisemens, & regrette beaucoup Cagliostro, qui, malheureusement, a été mis à la Bastille le jour même où il devoit la faire souper avec de très-grands personnage du siecle de Louis XIV. A peine Verseuil lui apprend-il que cet empyrique est à Paris, qu'il se présente en personne; qu'on le somme de sa parole, & que, dans l'instant, il fait apporter une table servie par les esprits roumis à sa puissance.

Colbert est le premier convive qui vient s'y asseoir, & qui, après un très-long, très-emphatique détail sur ses opérations en finances, sur les bâtimens & les peintures de Versailles, sur l'agriculture & les tragédies de Racine, accuse M. Necker de lui avoir volé sa ressemblance. Il est interrompu par Mde. de la Valliere, qui, en habit de carmélite, se repent, du fond de son ame, de la foiblesse qu'elle a eue pour Louis XIV. Nous ne reprocherons point à l'auteur de la faire tomber du ciel, car elle sort des champs élisiens ;. mais son repentir ne l'empêche pas d'être curieuse, & les larmes aux yeux, elle demande quelle est la maîtresse de Louis XVI. On lui répond qu'il n'en a point d'autre que la nation.

A sa suite, arrivent l'homme au masque de fer, Moliere, Ninon de l'Enclos, la Fontaine & Chapelle, qui tous répetent, mot pour mot, ce que par-tout on a lu & entendu, de maniere que cette piece n'est ni drame , ni comédie, mais une espece de cours d'histoire & de belles-
lettres.

Verseuil épouse la veuve; on danse, on chante des couplets. Le public a redemandé les deux suivans :

CAGLIOSTRO

    Quand on vouloit voir un miniſtre,
    Il avoit l'air sombre & sinistre,
Lui parloit-on, il paroissoit pressé.
    Mais le peuple entre au ministere ,
    Le ministre n'a rien à faire,
Qu'à rire un peu de ce qui s'est passé.

Mad. DE LA VALLIERE.

    D'un grand roi je fus la maîtresse,
    Bientôt je perdis sa tendresse,
Et dans un cloître , enfin, je m'éclipsai :
    On ne se cloître plus ; on change ;
    Ainsi notre sexe se venge
    Par le présent des affronts du passé.

Nos lecteurs doivent concevoir à quel point cette petite gaîté a dû paroître originale dans la bouche d'une religieuse, & sur-tout d'une carmélite. Son costume a produit un effet contraire à celui que l'on en attendoit : &, sans doute, il eût été plus sage de la laisser dans sa cellule. La liberté a ses convenances, & quand un auteur se permettra de les oublier, le parterre saura
l'en faire souvenir. Aussi le souper
magique n'a pas eu un succès heureux.

Correspondance de Grimm, nouvelle édition, tome quinzième, Paris, 1831, p. 27 :

[Pas de succès : la présence de Cagliostro en serait responsable...]

Paris , mars 1790.

Le Souper magique, ou les Deux Siècles, comédie lyrique, en un acte, en vers, représentée pour la première fois sur le Théâtre de la Nation le 11 février, est de M. André de Murville, l'auteur du Rendez-vous du Mari, de Lanval et Viviane, etc.

Cette bagatelle a eu peu de succès; on y a remarqué cependant quelques détails agréables, mais rien n'a pu faire oublier au parterre l'humeur que lui a causée d'abord, je ne sais trop pourquoi, le nom et le personnage de Cagliostro.

D’après la base César, la pièce a été jouée quatre fois au Théâtre de la Nation, les 11, 19 et 26 février et le 15 mars 1790.

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