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Sully et Boisrosé

Sully et Boisrosé, comédie en trois actes, de M. Bailleul, 20 vendémiaire an XIII (12 octobre 1804).

Théâtre de l’Impératrice.

Titre :

Sully et Boisrosé

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ,

en prose

Musique :

non

Date de création :

20 vendémiaire an XIII (12 octobre 1804)

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Bailleul

Courrier des spectacles, n° 2786 du 22 vendémiaire an 13 [14 octobre 1804], p. 2 :

[La pièce a subi une lourde chute, et le critique ne craint pas de mettre en cause l’auteur : « il est difficile de se tromper plus lourdement que ne l’a fait l’auteur de cette accablante nouveauté ». Il ne peut que plaindre les acteurs d’une telle pièce.]

Théâtre de l’Impératrice.

Première représ, de Sully et Boisrosé.

Le trait d’histoire qui fait le sujet de cette comédie, auroit peut-être parvenu à intéresser s’il eût été employé par une plume meilleure ; mais il est difficile de se tromper plus lourdement que ne l’a fait l’auteur de cette accablante nouveauté.

Le public l’a repoussée avec les signes les plus évidens du dégoût et de l’ennui.

Nous avons été affligés de voir les acteurs partager la disgrace de l’ouvrage. Quelque soit le désir du public de faire à chacun sa part, il ne peut y parvenir. La chûle entraîne tout avec elle.

MM. Vigny, Dorsan, et Mlle. Adeline seront sans doute dédommagés dans une autre nouveauté de tout ce qu’ils ont dû souffrir hier au soir dans celle-ci.

Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome III, frimaire an XIII [novembre 1804], p. 266-271 :

[Le personnage qui est associé à Sully n’est pas si connu, puisque les trois quarts des spectateurs, d’après le critique, ont appris son existence grâce à la pièce (après avoir dit que les deux anecdotes qu’il nous compte par le menu sont « assez connues »). Les lecteurs, eux, en savent beaucoup plus sur lui, grâce aux précision très minutieuses que donne le compte rendu, consacré très largement à dire tout ce qu’on peut savoir sur ce Boisrosé et sur sa rencontre avec Sully. Mais ils apprennent aussi qu’on ne peut pas faire une pièce de ces anecdotes, dont « on ne peut [...] tirer qu'une scène rebattue depuis longtemps, et un récit impossible à amener d'une manière raisonnable ». La fin du compte rendu s’en prend à ces pièces prétendument historiques, et le critique énumère une multitude de faits inexacts, de modifications de la réalité, d’invention de l’auteur. Comme la pièce est « habillée du style le plus vulgaire et le plus incorrect », la chute est inévitable, d’autant que personne ne connaît ce Boisrosé. Mais je l’ai déjà dit.]

THÉATRE DE L' IMPÉRATRICE.

Sully et Boisrosé.

Sully raconte dans ses mémoires que lorsque le château de Fécamp se rendit à Biron, un ligueur nommé Boisrosé, qui faisait partie de la garnison, remarqua exactement la place dont on le chassait, et trouva moyen de gagner deux soldats dans la nouvelle garnison établie à Fécamp par les royalistes. Le château, du côté de la mer, est situé sur un rocher qui a six cents pieds d'élévation au-dessus des flots, coupé à pic et continuellement battu par la mer.

Boisrosé au bout de quelques mois se rendit au pied de ce rocher, dans une petite barque, avec cinquante soldats bien déterminés. A un signal convenu, les deux hommes de la garnison jettèrent un cordeau, au moyen duquel ils remontèrent un gros cable, à nœuds, que Broisrosé avait apporté. Le cable ayant été fortement attaché au haut du rocher, Boisrosé fit monter ses cinquantes [sic] hommes et passa lui-même le dernier. La marée emmène la chaloupe , et les voilà tous suspendus à un cable, les ennemis au-dessus d'eux, les abîmes de la mer au-dessous ; qu'on ajoute à cette terrible position, l'obscurité de la nuit, le bruit des vagues, la fatigue, l'épuisement. Le soldat qui montait le premier suspend sa marche, disant qu'il se sent défaillir.

Boisrosé recommande à tous les autres de se tenir ferme, leur passe sur le corps, arrive au premier, et, le poignard dans les reins, il le force à continuer de monter. Ils arrivèrent au point du jour, surprirent la garnison, et reprirent le château de Fécamp.

Boisrosé, mécontent de la ligue et n'espérant point une récompense proportionnée à sa belle action, livra quelques semaines après la place au roi, et en fut fait gouverneur. Il céda ensuite ce gouvernement à Biron qui promit de lui faire obtenir un dédommagement. Lorsqu'ensuite Villars qui commandait à Rouen, traita avec le roi, il demanda entr'autres choses, que le gouvernement de Fécamp lui fût donné. Boisrosé craignit que ses intérêts ne fussent oubliés au milieu d'affaires bien plus importantes, et réclama l'indemnité promise par Biron. Pour aller trouver le roi, il passa par Louviers et y rencontra Sully qui revenait de Rouen où il était allé traiter avec Villars. Boisrosé qui cherchait des protections auprès du roi, et qui ne connaissait point Sully, l'aborda, lui conta tous ses griefs contre un M. de Rosny qui le sacrifiait à l'amiral de Villars. Là-dessus il s'emporta d'une manière si vive et si passionnée, et avec tant de juremens et de menaces contre ce M. de Rosny, « que je ne trouvais rien de si plaisant, dit Sully, que le rôle que je jouais en cette occasion. »

Sully, après avoir un peu combattu l'opinion de Boisrosé sur le M. de Rosny, le laissa partir, et s'inquiéta fort peu des dénonciations qu'il allait faire au roi. Après avoir terminé sa mission, Sully revint à Paris, et quand il eut rendu compte de toutes les affaires sérieuses, il amusa le roi en lui racontant la scène de Louviers. Henri lui envoya Boisrosé, et après l'avoir un peu tourmenté, Rosny lui dit que le roi lui donnait une compagnie avec appointemens, et douze mille francs de pension.

Ces deux anecdotes , l'une héroïque et l'autre assez plaisante, que j'abrége un peu en les copiant dans les mémoires de Sully, sont assez connues, et il ne faut pas beaucoup de réflexion , pour se convaincre qu'il n'y a pas là de quoi faire une pièce de théâtre ; car on ne peut en tirer qu'une scène rebattue depuis longtemps, et un récit impossible à amener d'une manière raisonnable.

Veut-on savoir comment on s'y prend aujourd'hui pour faire une pièce historique ? On commence par altérer l'histoire et confondre toutes les dates. Ainsi Boisrosé n'est plus un ligueur, c'est pour le roi qu'il a pris Fécamp, et ce n'est pas lui qui a cédé son gouvernement, on le lui ôte, ce qui change tout-à-fait la position de Sully à son égard. On fait de Rosny un ministre à une époque où, avant d'administrer le royaume, il fallait le reconquérir, et cela procure le plaisir de faire converser familièrement le fier Maximilien de Béthune avec des laboureurs, et de lui faire faire des phrases comme à un président de société d'agriculture. On donne à Boisrosé une fille qu'il amène avec lui pour qu'elle s'amuse, en quoi le parterre a trouvé que Boisrosé s'était mépris ; et puis cette fille se marie à la fin par les bons soins de Sully, qui, suivant les us et coutumes des grands hommes qu'on met sur les planches, favorise les amours.

Pour amener le récit de la prise de Fécamp, récit qu'aucun personnage de la pièce ne peut raisonnablement ignorer, Sully, complaisamment pour le public, dit qu'il voudrait bien l'entendre une seconde fois, Ailleurs Mlle. de Boisrosé lui fait demander une audience , et comme il faut que le parterre entende ce qui s'y dira, Sully vient la trouver, parce que le lieu est plus convenable.

Enfin ce pauvre Sully, étant ainsi à la pleine disposition de l'auteur, il le fait grand maître de l'artillerie quelques années avant l'époque où il le devint ; le tout pour qu'il puisse mettre Boisrosé aux arrêts pour l'empêcher d'aller à Paris, ce qui, comme on voit, rend le fait historique moins piquant, mais procure l'avantage à Rosny de pouvoir sermonner Boisrosé sur la discipline militaire, pendant un acte et demi, pour finir par lui annoncer qu'il a une compagnie. Vous auriez bien pu me le dire plutôt, dit Boisrosé. Jamais aucun mot n'a été plus en situation, et le parterre en a su un tel gré à l'auteur, qu'il a applaudi pendant un quart-d'heure et que la pièce a fini là. On n'a pas espéré qu'il arrivât un mot plus plaisant.

Quand on a construit une pièce de cette manière-là, qu'on l'a habillée du style le plus vulgaire et le plus incorrect, on est bien sûr de tomber, sur-tout quand le public est en gaîté. Il a fort baffoué le fait historique, sans savoir aucun gré à l'auteur qui venait probablement d'apprendre aux trois quarts des spectateurs qu'il avait existé un Boisrosé.

L'Odéon: histoire administrative, anecdotique et littéraire..., de Paul Porel et Georges Monval (Paris, 1876), p. 79-80, montre la popularité de Sully et de Boisrosé au théâtre :

Le 27 février [1826]. – Boisrosé, comédie posthume en un acte, en prose, de M. L. Mercier, arrangée par MM. Mercier et Horace Raisson. On avait joué sans succès, sur le même sujet, au théâtre Louvois, deux comédies, l’une en trois actes, Sully et Boisrosé, de Bailleul (12 octobre 1804); l’autre en un acte, Une journée de Sully (8 octobre 1809).

Pour Une journée de Sully, la date donnée par Porel et Monval est inexacte : le Journal de Paris annonce la première de la pièce pour le 8 décembre 1809.

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