La Tragédie au Vaudeville en attendant le Vaudeville à la Tragédie

La Tragédie au Vaudeville en attendant le Vaudeville à la Tragédie, comédie en un acte mêlée de vaudevilles, suivie d’un épilogue, de Barré, Radet, Desfontaines, Despréaux et d'autres encore,27 ventôse an 9 [18 mars 1801].

Théâtre du Vaudeville.

Sur l'exemplaire de la collection Marandet, indication des auteurs : Barré, Radet et Fouques dit Desfontaines, ainsi que du lieu de représentation, le théâtre du Vaudeville. Mais il s'agit plutôt d'une création collective des auteurs des Dîners du Vaudeville. La Bibliothèque dramatique de Pont de Vesle, p. 166 donne une longue liste d'auteurs à la Tragédie au Vaudeville, en un acte en prose, suivie de Après la Confession la Pénitence : Barré, Radet, Piis, Desfontaines, Després, Deschamps, Laujon, Despréaux, etc.

Titre :

Tragédie au Vaudeville en attendant le Vaudeville à la Tragédie (la)

Genre :

comédie mêlée de couplets, suivie d’un épilogue

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

27 ventôse an 9 [18 mars 1801]

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Barré, Radet et Desfontaines

Almanach des Muses 1802

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Brunet :

La tragédie au Vaudeville : en un acte, en prose, mêlée de couplets : suivie de Après la confession, la pénitence : petit épilogue à l'occasion d'un grand prologue. Représentée pour la première fois le 27 ventôse an 9.

Courrier des spectacles, n° 1480, du 28 ventôse an 9 [19 mars 1801], p. 2 :

[Pour ce jour, le critique se contente de donner une idée du spectacle de la veille, un spectacle joyeux dans lequel le Théâtre du Vaudeville proteste contre le vol du genre dont il se sent propriétaire par le Théâtre Français : si le Français joue un vaudeville, le Vaudeville peut bien jouer la tragédie, ou faire semblant. La pièce est gaie, et les acteurs du Vaudeville ont su jouer leur rôle de tragédiens d’occasion, et le nom des auteurs a été révélé, même si ce n’est pas leur nom qui est donné.]

Théâtre du Vaudeville.

Couplet d’annonce.

Arlequin au public.

Air : d’Arlequin afficheur.

Au tragique nous essayer,
C’est un projet qui vous étonne :
Mais n'allez pas vous effrayer,
Je sais qu'on ne tuera personne.
Daignez nous accorder ce soir,
En riant à notre folie,
L'honneur qu'obtient, sans le vouloir,
        Plus d'une tragédie.

C’est par ce trait malin que l’on préluda à tous ceux dont fourmille la folie représentée hier à ce théâtre, avec le plus grand succès, sous le titre de la Tragédie au Vaudeville en attendant le Vaudeville à-la Tragédie. Pour l’explication de cette dernière partie du titre, il suffit de dire que le théâtre Français prépare, pour célébrer la paix, un vaudeville en un acte ; et le Vaudeville, qui voit que chaque théâtre, jusqu’à celui de la tragédie, empiète sur ses droits, se détermine à prendre aussi le genre d’autrui.

Un Garçon de théâtre.

       Air : de la Croisée.

Mon ami, l’on nous pousse à bout,
Et nous songeons a nous défendre ;
Quand notre genre est pris partout,
A notre tour nous voulons prendre.

Le Concierge.

Que de gens seroient dépouillés,
Et quels troubles seroient les nôtres,
Si tous ceux que l'on a volés
        Alloient voler les autres !

Rien de plus gai que cette folie, dont nous donnerons dans le Numéro de demain une légère analyse, avec quelques couplets.

Les rôles dans la tragédie furent rendus de la manière la plus plaisante. Les citoyens Laporte, Hypolite, Carpentier, et sur-tout Lenoble, ont excité presqu’à chaque vers les éclats de rire universels.

Mademoiselle Delille est connue pour son talent dans la parodie : elle a toujours l’avantage de s’y faire applaudir.

Les auteurs furent universellement demandés. Le cit. Laporte est venu dire que la pièce étoit de plusieurs auteurs des Dîners du Vaudeville.

F. J. B. P. G.***.          

Courrier des spectacles, n° 1481 du 29 nivôse an 9 [20 mars 1801], p. 2 :

[L’analyse, promise la veille, permet de voir en quoi consiste ce changement dans le théâtre du Vaudeville, qui essaie assez maladroitement de remplacer le vaudeville par la tragédie. Bien sûr, les acteurs copient les vrais tragédiens, malgré les réticences du caissier, qui craint pour ses finances. L’arrivée d’une actrice de tragédie permet à Cassandre de retrouver sa fille, et les acteurs une ancienne maîtresse. Mais les acteurs du Vaudeville reviennent de leur tournée dans les départements, et l’expérience tragique prend fin. Si la pièce a fait naître quelques réserves, l’ensemble du public a aimé la pièce. Le critique cite deux couplets, avant qu’une note souligne que la pièce a failli être interdite.]

Théâtre du Vaudeville.

Une partie de la troupe de ce théâtre est partie pour les départemens, afin d'y jouer le vaudeville de la Paix, et avant de revenir à Paris elle s’est arrêtée à Senlis.

Pendant son absence, Cassandre et Gilles, qui ne sont pas du voyage, ont décidé de jouer la tragédie, et secondés par quelques garçons de théâtre, à qui ils donnent des rôles, ils forment une troupe tragique. On se rassemble, on se place. C’est un Sénat de Rois. Chacun s’essaie dans un rôle, et en le répétant imite plus d’un acteur connu. Envain le caissier veut-il s’opposer à ce dessein, envain veut-il leur faire sentir que tôt ou tard ils seront forcés dé renoncer à ce genre nouveau pour eux.

Air : Une fille est un oiseau.

Le vaudeville badin,
Volage de sa nature,
En courant à l’aventure,
Par fois s’égare en chemin.
Malgré son humeur légère,
Nous le reverrons j’espère,
Dans sa demeure première
Trouver un attrait nouveau.
C’est un enfant sans lisière,
Et l’enfant par caractère
Chérit toujours son berceau.

Le Caissier qui ne veut leur ouvrir ni son cœur, ni sa caisse, les quitte en jurant bien de leur faire abandonner le casque et la cuirasse Cependant ils n’ont pas d’actrice tragique : Cassandre en attend une : elle paroit ; mais qu’elle [sic] est la surprise des deux nouveaux tragédiens, l’un reconnoit en elle l’actrice qui l'aima jadis à Quimpercorentin, l'autre son amante de Falaise, un troisième son infidelle de Dreux, et le bonhomme Cassandre sa fugitive Colombine. Tout va bien. La troupe se complette. Mais, ô coup du sort ! les pipeaux, les flûtes annoncent l'arrivée du vaudeville. Le Caissier le ramène en triomphe, et déjà au refrein du flon, flon, nos soldats novices désertent les drapeaux de Melpomène, et reprennent l’uniforme de Momus, Othello redevient Arlequin, Iphigénie Colombine, Achilles Gilles ; Cassandre plus entêté ne quitte qu’à regret le bandeau d’Agamemnon et le titre de Roi des Rois, titre qui pourtant

Chatouille de son cœur la tragique foiblesse.

Tel est le fonds de la Tragédie au Vaudeville. Quelques personnes dont les opinions se trouvoient blessées par certaines plaisanteries pleines de sel, et en même tems de ménagement auroient envain voulu s’opposer à son succès. Elles ont été entrainées par l’assentiment général et la gaité de l’ouvrage. Parmi les couplets du vaudeville, celui-ci fut redemandé avec enthousiasme :

        Colombine.

Air : du Petit Vaudeville.

De Philoctète et d’Othello
J’admire le grand caractère ;
J’aime Eugénie et Figaro,
Le Méchant, le Célibataire.
De madame Evrard jamais rien
Ne vaudra l’esprit et les graces.
En les voyant, on dit : C’est bien ;
Voilà des talens à leur place.

Nota La deuxième représentation fut sur le point d’être arrêtée hier par ordre du ministre ; mais quelques explications suffirent pour dissiper tout nuage, et les curieux furent satisfaits.

F. J. B. P. G***.           

La Décade philosophique, littéraire et politique, neuvième année de la République, IIImetrimestre, n° 19 (10 Germinal), p. 47-49:

[Une vive polémique : peut-on accepter que les divers théâtres sortent de ce qui leur est assigné : au Théâtre Français, pas question de chanter ni de danser, et les auteurs du théâtre du Vaudeville veillent sur leur fond de commerce, avec beaucoup d’esprit d’ailleurs. Mais le rédacteur de la Décade philosophique se montre plus réticent : la note ajoutée en bas de l’article n’est pas sans ironie...]

Théâtre du Vaudeville.

La Tragédie au Vaudeville, en attendant le Vaudeville à la Tragédie.

Si toutes les pièces de circonstance avaient à la fois un à-propos aussi juste, un but aussi utile, et un cadre aussi heureux, on les verrait toujours avec plaisir, même quand le sujet qui les aurait fait naître n'existerait plus.

Les comédiens français annonçaient depuis quelques jours le projet de déroger jusqu'au pipeau, et l'auguste Melpomène se croyait en droit de chasser sur les terres de Momus ; celui-ci naturellement caustique et malin n'a pas trouvé de meilleur moyen de se garantir de l'incursion, que de prendre à son tour les habits et le poignard de la muse tragique, ce qui a produit un résultat gai sans amertume, et une petite leçon morale dont l'application peut se généraliser, c'est qu'il faut dans ce monde que chaque chose reste à sa place.

Voici l'analyse de cette facétie, dont l'exécution spirituelle répond à merveille à la gaîté du plan.

Les principaux acteurs du Vaudeville sont allés dans les départemens chanter la paix. Gilles, Cassandre, l'Allumeur, et quelques accessoires subalternes qui seraient déplacés, dit-on, dans le voyage et dans son motif, sont restés à Paris ; ils apprennent que leurs voisins du Théâtre français, veulent s'emparer de la marotte, ils se mettent en tête de s'armer du poignard, et cette extravagance les maîtrise au point qu'ils se sont affublés des costumes tragiques, et ne parlent plus qu'en parodiant les plus beaux vers des tragédies : Cassandre est tour à tour Agamemnon, Brutus ou Vanhove, Gilles se croit le Cid, Achille ou tel autre personnage ; chacun enfin parodie de son mieux, et le rôle auquel il se destine et les acteurs qu'il prétend imiter. On annonce un ambassadeur, Cassandre-Brutus consulte le sénat du flon flon travesti ; le nouvel Arons est introduit. Cet ambassadeur est le tailleur des comédiens français, il croit se mettre au ton du Vaudeville en mettant sa mission en couplets ; il trouve le sénat gravement assis et cherchant à réprimer jusqu'au mouvement de l'habitude qui l'entraîne quelquefois à chanter le joyeux refrein : on propose sérieusement l'échange, le tailleur député accepte et promet de prêter à la troupe un habit de Le Kain, que personne n'ose plus mettre.

Cependant on a fait venir de Meaux une actrice tragique : elle se présente, et comme elle a parcouru sous plusieurs noms tous les départemens, elle se trouve successivement reconnue de trois ou quatre des acteurs, et de Cassandre lui-même, qui retrouve en elle sa fille Colombine.

Mais sur ces entrefaites, le caissier Sonica qui ne partage point le délire de ces extravagans, vient le leur reprocher, leur fait sentir que si leurs voisins se déplacent, il est cependant plus aisé aux grands talens de descendre qu'aux petits de s'élever, et sort en les menaçant de leur ruine et de leur opprobre.

Les nouveaux tragiques, sans se déconcerter, veulent faire arrêter le caissier rebelle et conspirateur, on lance le décret, on court à la caisse.... O rage ! ô désespoir ! elle est vide, et Sonica leur écrit que depuis qu'il a vu dans la troupe des Brutus, des Soévola, des Catons postiches, il a craint pour sa caisse.

Enfin le Dieu du Vaudeville, lui-même , vient faire rougir les transfuges, les oblige à quitter l'oripeau, à reprendre le flageolet et à chanter gaîment au lieu de singer ridiculement les attitudes de la tragédie.

II est difficile de se faire une idée de toutes les saillies d'un excellent sel dont les auteurs ont assaisonné ce joli cadre, et que le plus juste succès a couronné. Ils en ont obtenu un second qui n'est pas moins flatteur, peut-être, en ce qu'il prouve l'influence d'un heureux à propos : c'est que les comédiens français paraissent avoir renoncé à leur projet de descente sur le territoire du Vaudeville : puissent tous les théâtres, grands et petits, sérieux ou bouffons, profiter de même d'une leçon qui leur convient à tous, et mettre enfin un terme à la confusion des genres, au déplacement des hommes, au chaos des prétentions ridicules. Les auteurs sont ceux des Dîners du Vaudeville.

On assure que pour répondre dignement à cette gaîté, les comédiens français, par un grave arrêté, renoncent à leurs entrées au théâtre du Vaudeville. Cela rappelle ce mot d'une jolie comédie : C'est fier , mais c'est beau ! (a)

L. C.

(a) Note des Rédacteurs. — Les Comédiens français avaient pensé que l'on ne pouvait guères témoigner sa joie que par des chants ; et ils avaient agréé une pièce dans laquelle, pour célébrer la paix, les acteurs se fussent permis de chanter. — Sur cela, grande rumeur. C'était une innovation très-dangereuse, la confusion de tous les genres, une excursion sur le territoire du Vaudeville, etc., etc. Que n'a-t-on pas dit ! ... Il parait que les Comédiens français ont été obligés de faire le sacrifice de cette pièce ; et par-là leurs ennemis les ont parfaitement servis, car il vaut mieux que les chants de paix aient été siflés dans la bouche des Italiens, que sur le premier théâtre de la nation.

Il est donc bien reconnu aujourd'hui que sur le théâtre français on ne pourra, en quelque occasion que ce soit, chanter ni même danser. D'un côté le Vaudeville, de l'autre l'Opéra, ont leur veto contre toute tentative de ce genre. — Les Comédiens français voudront bien désormais s'en tenir à leurs tragédies, comédies, et drames larmoyans... En vain ils auraient, comme le grave M. Pincé, de petites saillies de gaîté, on les forcerait de reprendre bien vite leurs poignards et leurs habits de cour.

L'Esprit des journaux français et étrangers, trentième année, Prairial (Juin 1801), p. 199-200 :

[C’est la pièce qui a mis le feu aux poudres entre le Vaudeville et le Théâtre Français, à laquelle la Confession du Vaudeville a tenté de répondre. Le compte rendu s’ouvre sur une analyse du fonds de la pièce, si une telle pièce peut être analysée : ce qui compte, c’est l’esprit et la gaieté qui comptent, et la pièce nouvelle n’en manque pas. Les vers comme les acteurs parodient efficacement le modèle visé, et les auteurs ont été nommés.

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

La Tragédie au Vaudeville, en attendant le Vaudeville à la Tragédie.

On a déjà vu comment cette pièce avoit donné occasion à la précédente.

Le théâtre du Vaudeville fait sa tournée pour célébrer la paix. On a laissé, rue de Chartres, Cassandre & Gilles dont on n'avoit pas besoin pour cela.

Ceux-ci voyant les Français prêts à jouer un vaudeville, prennent la résolution de jouer des tragédies. Bientôt ce goût devient une fureur, & ils se lèvent au milieu de la nuit pour déclamer & réciter des vers. Le tailleur de Melpomène vient en députation pour prier les artistes de se prêter réciproquement ce dont ils pourroient avoir besoin. Sa demande est agréée ; un seul point arrête les nouveaux tragiques, c'est la dureté du caissier Sonico, qui ne veut ouvrir ni son cœur ni la caisse. On forme des projets tragiques ; il ne s'agit de rien moins que de le mettre aux fers. En effet, il est enchaîné par les gardes de la troupe. Bientôt on annonce l'arrivée de l'actrice tragique pour les premiers emplois. Elle reconnoît, à l'instant même, trois amans & son père ; mais, au moment où tout se dispose pour la tragédie, des chants joyeux se sont entendre ; c'est le petit Vaudeville qui revient : nos grotesques héros quittent leurs ornemens tragiques & se remettent à l'unisson. Colombine jettant son manteau grec, reprend le petit tablier & va dans les bras d'Arlequin.

Ce n'est pas par une analyse que l'on peut juger de l'esprit & de la gaieté qui règnent dans cet ouvrage. Les vers sont parfaitement parodiés ; mais ce qui fait surtout le mérite de la pièce, c'est la vérité avec laquelle les acteurs jouent leurs rôles & parodient ceux des Français. Laporte & Hippolyte parodiant Talma & Baptiste aîné , & sur-tout Lenoble, imitant Vanhove, ont été vivement & justement applaudis.

Les auteurs ont été demandés ; on a nommé une partie de ceux des Dîners du Vaudeville.

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