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Le Tribunal secret

Le Tribunal secret, drame historique en 5 actes, traduit de l'allemand, traduit de l'allemand, de Ferdinand Ludwig Huber, par Jean-Nicolas-Étienne de Bock.

Drame non représenté (Théâtre de la Nation)

Titre :

Tribunal secret (le)

Genre :

drame historique

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

prose

Musique :

non

Date de création :

non représenté (publié en 1791)

Théâtre :

non représenté

Auteur(s) des paroles :

La pièce originale est de Ferdinand Ludwig Huber, traduction de Jean-Nicolas-Etienne de Bock

Almanach des Muses 1792

Sur la page de titre de la brochure, à Metz, de l'imprimerie de Claude Lamort, 1791 :

Le Tribunal secret, drame historique, en cinq actes, Précédé d'une Notice sur cet étrange établissement ; traduit de l'allemand Par Jean-Nicolas-Étienne de Bock.

L'édition messine du Tribunal secret est précédée d'un avertissement et d'une notice sur le Tribunal secret  :

AVERTISSEMENT.

J'ai fait imprimer, en 1788, dans le second volume de mes OEuvres Diverses les deux premiers actes du Tribunal Secret. Depuis, le public a paru desirer la suite de ce singulier drame, et je m'empresse aujourd'hui à le donner en entier. Les trois derniers actes n'ayant été achevés que long-temps après les deux premiers, il a fallu, pour ainsi dire, refondre toute la piece ; c'est ce qui m'oblige à réunir les cinq actes dans un volume séparé, au-lieu de m'être contenté de donner les trois derniers par forme de supplément.

J'ai aussi cru nécessaire, pour la satisfaction de mes lecteurs, de faire réimprimer en tête du Tribunal Secret, la notice historique relative à cette étrange institution, qui se trouve dans le second volume de mes OEuvres Diverses.

Ce drame, au reste, et Herman d'Unna, que je viens de publier, contiennent tout ce qui est parvenu jusqu'à nous, d'un établissement qui a, durant plus d'un siecle, fait trembler une grande partie des. peuples de l'Europe. Il n'étoit peut-être pas inutile, tandis que le temps emporte et détruit comme un torrent, le souvenir du passé, de recueillir ce que des livres presque oubliés, et la tradition, ont conservé de ce délire de l'esprit humain.

A Buy, dans le pays messin, ce premier novembre 1790.

Bock.          

NOTICE

Sur le Tribunal secret et les Francs-Juges de Westphalie, tirée du second volume des œuvres diverses du ci-devant Baron de Bock.

Les francs-comtes et les francs-juges de Westphalie, que leur puissance et leur constitution rendirent, vers le commencement du quinzieme siecle, si célebres et si redoutables, qu'il s'en fallut peu qu'on ne sévît contre eux avec la même rigueur que contre les templiers, sont aujourd'hui tellement oubliés qu'à peine l'histoire en conserve quelques traces. La singularité de cette institution trop peu connue, et qui a un rapport direct avec celle des illuminés, dont les progrès ont été si rapides il y a deux ou trois ans en Allemagne, m'engage à en donner ici quelques détails. Je les ai d'ailleurs cru nécessaires pour l'intelligence de ce qu'on va lire.

L'origine des francs-comtes et des francs-juges remonte au regne de Charlemagne. Ils prétendoient avoir été substitués aux commissaires impériaux (missis per tempora discurrentibus), qui alloient tous les ans, et même plus souvent, faire leur tournée dans l'Empire. Chacun pouvoit leur porter ses plaintes contre les gouverneurs de provinces et autres principaux officiers ainsi que plaider pardevant eux les causes, dont la décision étoit réservée exclusivement à l'empereur. Et comme il paroît qu'il n'étoit point permis aux magistrats ordinaires de condamner les coupables à une plus forte peine que l'amende, ces commissaires jugeoient souverainement presque toutes les affaires, et ils avoient seuls le droit d'infliger, au nom de l'empereur, des peines corporelles, soit contre ceux dont les crimes n'étoient point rémissibles, soit contre ceux que leur refus de payer l'amende à laquelle ils avoient été condamnés par les juges, ordinaires, rendoit coupables de rebellion.

La nature de cette commission exigeoit deux sortes de procédures : l'une publique et l'autre secrette. La sorcellerie, la magie et les vols commis dans les églises, étant rangés dans la classe des crimes irrémissibles, il falloit nécessairement faire à ce sujet des informations secrettes ; de là on peut induire que si les premieres séances de ce tribunal se tenoient publiquement, il y en avoit ensuite d'autres où personne n'étoit admis.

Comme ces commissaires ne pouvoient pas demeurer long-temps dans le même lieu, l'instruction des procès se faisoit sommairement et en la maniere suivante. On choisissoit dans chaque district deux personnes d'une probité reconnue, et quelquefois davantage ; on les prenoit à serment, puis on les chargeoit d'examiner les crimes de ceux qui étoient accusés, et d'après leur rapport on rendoit un jugement définitif. Nous observerons qu'on avoit grand soin de cacher au peuple le nom de ces jurés, afin qu'il ne s'en méfiât point, de maniere qu'on vivoit dans une inquiétude perpétuelle, et qu'un frere n'osoit souvent pas se confier à son propre frere.

Si l'on compare ces commissions extraordinaires établies par Charlemagne avec le tribunal secret qui lui est postérieur, on trouvera la plus parfaite ressemblance entre eux.

Les séances de celui-ci s'appelloient la chose franche (freidinge) ; le lieu où elles se tenoient le tribunal franc (frei stuhl) ; le commissaire, franc-comte (freigraf), et les jurés, francs-juges (freischoepfen). Le duc de Saxe, qui étoit le souverain chef des commissaires du temps de Charlemagne, l'étoit aussi des tribunaux francs, et en cette qualité il avoit le droit du patronage sur chaque siege, et la nomination du franc-comte, qui ensuite recevoit de l'empereur, à titre de fief, l'investiture de sa charge.

On jugeoit à ce nouveau tribunal, comme à l'ancien, toutes les especes de délits ; on y recevoit des plaintes contre les gens qui refusoient de se défendre devant leurs juges naturels. Enfin, comme à l'ancien tribunal, on tenoit des séances publiques en plein air, et il y en avoit d'autres secrettes où se traitoient les principales affaires; d'où lui est venu le nom de tribunal secret (heimliche acht). Le peuple ne connoissoit point les francs-juges, et ceux-ci s'étoient engagés par le serment le plus terrible à livrer pere, mere, frere, sœur, ami ou parent sans exception, s'ils avoient commis quelque crime qui fût dans le cas d'être dénoncé au tribunal secret. Les francs-juges étoient alors obligés de lui faire part de ce. qu'ils avoient appris relativement à l'affaire dont il s'agissoit, d'aller citer les coupables ; et, si la sentence l'ordonnoit, de les pendre par-tout où ils les trouvoient. Les membres de ce tribunal maintenoient par-là l'autorité de l'empereur, en qualité de commissaires impériaux, dans toute l'étendue de l'empire, sans s'embarrasser des droits des états chez lesquels ils l'exerçoient; et ils auroient infailliblement fait disparoître toute autre supériorité territoriale, s'ils avoient continué à subsister.

Il est déja fait mention en 1211, peu de temps après l'extinction du grand duché de Saxe, du tribunal secret, comme d'un établissement connu. Vraisemblablement, les francs-comtes tiroient, avant ce temps, leurs pouvoirs des ducs de Saxe, par qui ils étoient, sans doute, nommés, en qualité de souverains chefs des commissaires impériaux. Ce n'est donc qu'après l'extinction de ce duché, que les tribunaux secrets se trouverent exposés au grand jour. Aucun prince de l'empire ne voulut plus souffrir dans ses états une commission impériale, indépendante de son autorité ; et chacun d'eux tâcha en conséquence de devenir lui-même le chef de cette commission. Le seul archevêque de Cologne, qui avoit obtenu le duché de Westphalie s'opposa à cette entreprise, et fit si bien qu'il fut reconnu dans presque toute la Westphalie, pour l'unique chef suprême des tribunaux secrets. Les francs-comtes de ce pays furent durant un temps, nommés par lui, et ils en reçurent l'investiture de leurs charges.

Les tribunaux secrets resterent assez long-temps dans cet état ; mais, vers la fin du quatorzieme et au commencement du quinzieme siecle, on les vit tout à coup s'élever à un degré de puissance si formidable, que l'Allemagne entiere en fut épouvantée. Je ne crois pas exagérer, en disant qu'à cette époque il y avoit dans l'empire plus de cent mille francs-juges, qui, par toutes sortes de moyens, mettoient à mort quiconque avoit été condamné par leur tribunal. Lorsqu'en Baviere, en Autriche, en Franconie, et en Souabe, quelqu'un refusoit de comparoître devant ses juges naturels, on avoit aussi-tôt recours à un des francs-tribunaux de Westphalie où l'on rendoit une sentence, qui, dès qu'elle étoit connue de l'ordre des francs-juges, mettoit en mouvement cent mille assassins qui avoient juré de n'épargner ni leurs parens ni leurs meilleurs amis.

Si un franc-juge, voyageant avec un de ses amis condamné par le Tribunal secret, avoit voulu le sauver, et que pour l'avertir du danger qu'il couroit, il lui eût seulement dit cette formule, alors en usage dans de pareilles occasions : On mange ailleurs de l'aussi bon pain qu'ici ; dès ce moment les francs-juges, ses confreres, étoient tenus par leur serment à pendre le traître sept pieds plus haut que tout autre criminel condamné au même supplice. Il n'y avoit aucune objection à faire contre les sentences de ce tribunal. Il falloit les exécuter sur le champ avec la derniere ponctualité et la plus parfaite obéissance, quand bien même on auroit regardé le coupable comme le plus honnête homme du monde. Cela engagea presque tous ceux qui avoient de la naissance ou de la fortune à se faire agréger à cet ordre. Chaque prince avoit quelques francs-juges dans son conseil ; il en étoit de même parmi les magistrats des villes impériales (1). Et il y avoit alors plus de gentilshommes francs-juges, qu'il n'y en a aujourd'hui de francs-maçons. Dans le procès que la ville d'Osnabruck eut à soutenir contre Conrard de Langen, et où celui-ci fut condamné, il se trouva au tribunal secret près de trois cents francs-juges, dont une partie étoit de la noblesse immédiate, et les autres de simples bourgeois (2). Plusieurs princes enfin se firent recevoir eux-mêmes, tels que le duc de Baviere, le margrave de Brandebourg, etc.

On peut juger de l'obéissance servile qu'exigeoit le tribunal secret de la part de ses membres, par ce mot du duc Guillaume de Brunsvick, qui étoit un des francs-juges. « Il faudra bien, disoit-il, que je fasse pendre le duc Adolphe de Scleswic, s'il vient me voir, sans quoi mes confreres me pendront moi-même (3). »

Il étoit très-rare qu'on pût se soustraire aux procédures de ce tribunal, car les francs-juges n'étant point connus, épioient le moment où un prince sortoit de son palais, un gentilhomme de son château, ou un bourgeois de sa ville, pour aller pendant la nuit afficher à sa porte l'assignation qu'on lui donnoit de comparoître devant le tribunal. Si, après avoir renouvellé cette formalité par trois fois, il ne se présentoit point, il étoit condamné; mais, avant que de faire exécuter la sentence, on le citoit encore une derniere fois, après quoi on l'abandonnoit à la vengeance de cette armée invisible de francs-juges, qui le poursuivoient jusqu'à ce qu'il fût mis à mort.

Lorsqu'un franc-juge étoit trop foible pour arrêter un criminel et le pendre, il étoit obligé de ne pas le perdre de vue qu'il n'eût trouvé un nombre suffisant de ses confreres, avec le secours desquels il put s'acquitter de l'ordre dont il étoit chargé ; et ceux-ci, sans autre explication que quelques signes convenus, l'aidoient dans son opération. Ils pendoient les malheureux proscrits avec une branche de saule, au-lieu de corde, au premier arbre qui se rencontroit sur le grand chemin, mais jamais d une potence, afin de faire connoître par-là que c'étoit en vertu d'une commission impériale, qu'ils exerçoient leurs fonctions librement dans tout l'empire, et non sous l'autorité d'aucun seigneur particulier. Etoient-ils forcés par les circonstances de tuer le coupable à coups de poignards ou autrement ? alors ils attachoient le cadavre à un arbre, et y laissoient leur couteau, afin qu'on sût qu'il n'avoit pas été assassiné, mais exécuté par un franc-juge.

Le plus profond mystere accompagnoit toutes leurs opérations, et l'on ignore encore aujourd'hui à l'aide de quels signes (4), les sages (c'étoit le nom qu'on leur donnoit), se reconnoissoient entre eux. A plus forte raison n'est-on pas mieux instruit de la plupart de leurs autres réglemens. Quoique l'empereur fût sensé [sic] le chef suprême de cet ordre, il étoit défendu de lui révéler ce qui se passoit dans le tribunal secret ; seulement, lorsqu'il demandoit: un tel a-t-il été condamné ? on pouvoit lui répondre oui ou non. Si, au contraire, il s'informoit du nom de la personne, il n'étoit point permis de le lui dire. On en voit la preuve dans les réponses que les francs-comtes firent en 1404 à l'empereur Robert (5).

L'empereur, ou le duc son représentant, ne pouvoit point faire de francs-juges ailleurs que sur la terre rouge, c'est-à-dire, en Westphalie ; il falloit de plus que ce fut dans un tribunal franc, et avec l'assistance de deux ou trois francs-juges qui servoient de témoins. Quant au sens mistique qui étoit caché sous le mot de terre rouge, on ne l'a pu expliquer jusqu'à présent. Peut-être ne donnoit-on ce nom à la Westphalie, que parce que le fonds de l'écu des armes de Saxe étoit de gueules. Les francs-juges tenoient si fort à l'observation de leurs formes, que le roi Winceslas ayant voulu, de sa seule autorité, créer des francs-juges dans la Westphalie, et l'empereur Robert ayant demandé comment les vrais francs-juges se comportoient envers ceux-ci, on lui répondit, qu'ils pendoient les nouveaux venus sur le champ et sans miséricorde.

L'empereur seul avoit droit de donner une sauve-garde à ceux qui avoient été condamnés par le tribunal secret ; c'étoit une des réserves que Charlemagne avoit insérées dans ses capitulaires.

Au reste, la vraie cause de la chute de ces tribunaux, fut la supériorité territoriale que les princes acquirent insensiblement dans leurs états. Ils travaillerent si constamment à extirper cet établissement, indépendant de leur autorité, qu'ils y parvinrent à la fin. Il n'a toutefois jamais été entièrement aboli par les loix de l'empire ; il a seulement été borné à son usage primitif, et circonscrit à certains districts. L'empereur donne encore aujourd'hui en fief, des tribunaux francs, et on en trouve plusieurs dans le comté de la Marck et le duché de Westphalie ; mais ils ont perdu l'immédiateté, et n'exercent plus leurs fonctions qu'au nom du souverain, dans les états duquel ils sont établis.

Il paroit vraisemblable, que ce qui avoit si prodigieusement accru à la fin du quatorzieme et au commencement du quinzieme siecle le pouvoir des tribunaux secrets, étoit l'anarchie qui régnoit alors dans l'empire. La chambre de Vetzlar et le conseil aulique ne subsistoient pas, et il étoit impossible à un particulier d'obtenir justice d'un prince ou de tout autre état de l'empire. Ainsi les tribunaux secrets remédierent pendant quelque temps à ce vice de la confédération germanique, et surent également se faire craindre et respecter.

(1) Werlich rapporte dans ses chroniques, Aug. p. 2, C. 9, qu'il y avoit trente-six francs-juges dans la seule ville d'Augsbourg. On peut juger par-là combien il devoit y en avoir dans tout l'empire d'Allemagne.

(2) Beim Kress, vom. archid, wesen in app. s. 161.

(3) Jean de Busche de réform, monast, III, 42, p. 942.

(4) On a trouvé dans un protocole, à Herfort, les quatre lettres suivantes S. S. G. G., que l'on prétend signifier en allemand; Stoc, Stein, Gras, Grein, en françois ; bâton, pierre, herbe, pleurs; S. Pleffinger, T.1, p. 490.

(5) App. datt., de pace publicâ. p. 777.

Comme dans Robert chef de brigands et le Tribunal redoutable, ou la suite de Robert (les deux pièces en 1792), repris en 1807 sous le titre les Francs Juges, ou les Tems de Barbarie, de Jean Henri Ferdinand La Martelière, le Tribunal secret met en scène une institution secrète du 13e siècle, le tribunal des Francs Juges de Westphalie.

 

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