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Le Tribunal redoutable, ou la Suite de Robert

Le Tribunal redoutable, ou la Suite de Robert, drame en cinq actes, de Lamartelière, 10 novembre 1792.

Théâtre du Marais.

Le 10 novembre 1792 est la date donnée par la base César.

Le Tribunal redoutable, c'est la suite de Robert, chef de brigands, du même Lamartelière.

Voilà ce que j'ai trouvé dans la Gazette nationale ou le Moniteur universel, réimpression (1840), volume 14 :

  • Le 7 novembre, « Incessamment la 1re repr. du Tribunal criminel. »

  • Le 8 novembre, annonce d'une représentation de Robert, chef de brigands et de celle pour très bientôt du Tribunal criminel.

Le Tribunal criminel, c'est fort probablement le Tribunal redoutable qui sera joué dans les jours qui suivent.

  • Pas de programme des théâtres pour les 10 et 11 novembre. Et le 9 novembre, le programme du Théâtre du Marais n'est pas donné. C'est dans ces trois jours que le Tribunal redoutable a été créé.

  • 12 novembre : « La 2e repr. du Tribunal redoutable suivi des Fauses infidélités ».

  • 13 novembre : « Demain. – Le Tribunal redoutable. »

  • 14 novembre : le Tribunal redoutable.

  • 16 novembre : Robert chef de brigands.

  • 17 novembre : « Demain, le Tribunal redoutable et les Amours d'Été ». Mais le programme du 18 novembre propose la Mère coupable à la place du Tribunal redoutable.

Titre :

Tribunal redoutable (le), ou la Suite de Robert

Genre :

drame

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

prose

Musique :

non

Date de création :

10 novembre 1792

Théâtre :

Théâtre du Marais

Auteur(s) des paroles :

La Martelière

Almanach des Muses 1794

Sur la page de titre de la brochure, à Amsterdam, chez les Libraires associés, 1793 ;

Le Tribunal redoutable, ou la Suite de Robert, chef de brigands, drame en cinq actes, en prose. Par Le Citoyen La Martelière.

Autres éditions, à Paris, chez Maradan, 1793, et chez André, an VIII. Le texte de la pièce y est précédé d’une préface où l'auteur évoque les ennuis que la pièce lui a causés et où se défend d'avoir mis dans sa pièce des allusions « aux circonstances actuelles » :

PRÉFACE.

Cette pièce a eu l'honneur d'être dénoncée publiquement, parce qu'il a plu à quelques personnes d'y trouver des rapports entre la situation des personnages et celle de nos affaires politiques. On fut même jusqu'à délibérer en plusieurs endroits, et notamment au Palais ci-devant Royal, s'il ne seroit pas convenable de venir me demander raison de l'ouvrage.

Quelque dangereux que pût être pour moi le résultat de cette délibération, dans un tems surtout où l'on mettoit si peu de différence entre le soupçon et le crime (1), j'attendis cette visite avec confiance ; parce qu'il est dans mon caractère de ne point craindre, comme dans mes principes de ne point faire le mal.

Je restai donc chez moi ; mais on avoit sans doute changé d'avis, et j'en fus quitte pour quelques réflexions que je fis pardevers moi, sur la liberté de la presse.

Il étoit aisé de me justifier des inculpations absurdes qu'on avoit dirigées contre moi.

La première de ces deux pièces, faite long-tems avant la révolution, est, comme on sait, imitée de l'Allemand.

La seconde est une continuation de la même intrigue, un tableau de cette institution atroce, connue en Allemagne sous le nom du Tribunal secret.

Comme ces deux ouvrages ne présentent que des faits du quinzième siècle, il ne seroit pas moins ridicule de les adapter aux circonstances actuelles que de placer le bonnet rouge sur la tête de Rhadamiste.

C'est pourtant ce qui m'est arrivé : mais l'amour de la paix a seul pu me déterminer à y faire les changemens que l'on sembloit exiger et que le sujet ne comportoit pas.

Je l'offre donc ici au public telle que je l'ai faite et conçue. Quant à mes opinions, je n'ai qu'un mot à dire : c'est que l'homme qui par goût plutôt que par besoin passe sa vie à cultiver les beaux arts, est naturellement ami de la liberté et de toutes les vertus qui l'accompagnent.

(1)C'étoit peu de tems après les horribles journées des 2 et 3 septembre.

Mercure universel, tome 21, n° 613 du jeudi 8 novembre 1792, p. 127 :

[L'auteur défend son œuvre, qui est morale bien qu'elle mette sur le théâtre des brigands, mais ce sont des brigands respectueux des lois et des propriétés. Sa pièce, Robert, chef des brigands comme sa suite, prêchent une morale qui est « celle de tout honnête homme ».

Theatre du Marais.

On a critiqué de mille manière [sic] ma pièce de Robert chef des brigands. Le public m'a vengé, et c'est à son indulgence que j'ai dû le courage d’en faire la suite. On n’y verra point de héros transi, des princesses passionnées, des caractères magnanimes, des sentimens élevés ; le courage de la vertu, voilà les seuls tableaux que je crois dignes désormais d’émouvoir l’âme et de fixer les regards d’un républicain.

J’ai mis il est vrai des brigands sur la scène, mais plut [sic] au ciel que la société ne fût composée que de brigands semblables les loix seroient maintenues, les propriétés respectés [sic], l’homme vertueux y trouveroit des amis, l’infortuné des secours, le méchant seul sans appui, sans asyle, seroit forcé de renoncer au crime ou d’en porter la peine. Secourir les opprimés, punir les oppresseurs, voilà le cri de mes brigands.

Obéissance aux loix justice, voilà celui de mon tribunal ; cette morale en vaut bien une autre, c’est la mienne, c’est celle de tout honnête homme.

J'ajoute qu’amateur de tout ce qui tient aux beaux arts, j’offre à mes concitoyens le fruit de quelques momens d’une existence paisible que j’aime à partager entre le travail et l’étude des belles-lettres. Comme je suis sans prétentions un revers ne sauroit m’abbattre ni mes succès m'énorgeuillir [sic]. Je n’opposerai jamais aux critiques que le désir de mieux faire, à mes détracteurs des mœurs pures, une conduite irréprochable et l’estime de ceux qui me connoissent.

Mercure universel, tome 21, n° 617 du lundi 12 novembre 1792, p. 191-192 :

[Avant de faire le compte rendu de la suite de Robert, le critique a besoin de revenir sur les jugements portés sur Robert chef de brigands que tous les journaux ont condamné comme immoral (« une subversion totale de l'ordre »), le Mercure universel seul en faisant l'éloge et croyant en son succès, d'ailleurs confirmé par le public. Après un bref rappel de la situation finale de Robert chef de brigands (évasion de Maurice le frère de Robert qui lui a volé ses États, mort du tyrannique comte de Marbourg), il entreprend de résumer l'intrigue de la suite de Robert, une suite assez rocambolesque, puisqu'elle tourne autour de la vengeance du fils du comte dont Maurice a enlevé la femme, mais en faisant croire que le ravisseur est en fait Robert. Celui-ci est près d'être exécuté; mais comme c'est la règle dans le drame (finalement bien proche du futur mélodrame), Robert est innocenté, et il pardonne à son frère. Le jugement porté sur la pièce est d'abord positif : elle a « de l’intérêt, des situations, beaucoup de noblesse dans les sentimens, et un plaidoyer continuel en faveur de la vertu » (le théâtre doit être une école de vertu). Mais le critique développe ensuite un reproche important, la trop grande abondance des maximes, « les sentences trop multipliées [qui] manquent toujours leur but ». Pour instruire et « rendre les hommes meilleurs », il faut agir comme le médecin « qui flatte la foiblesse de ses malades pour leur rendre toute la vigueur de la santé », ou comme Ésope dont la leçon se cache « sous le voile de l'apologue ». De surcroît, les « maximes sur les vertus d'un bon roi » renvoient à un temps révolu, et l'on ne croit plus non plus aux « prérogatives royales accordées par la ci-devant constitution » : on est après le 10 août, après le 21 septembre, il faut que le théâtre aussi devienne républicain. La pièce est montée avec tout le soin nécessaire, et les acteurs nommés sont félicités, l'un pour la « grande sagesse de diction », l'autre pour « des momens de chaleur ».]

Theatre du Marais.

Lorsqu'on donna Robert chef de Brigands, la plupart des journalistes crurent devoir s'élever avec force contre cet ouvrage dont les principes leur parurent anti-sociaux ; de ce nombre. nous citerons les petites affiches , qui regardèrent la pièce comme une subversion totale de l’ordre et un appel redoutable contre les tyrans.

C'est précisément sous ce point de vue que nous envisageâmes alors cette production, et c'est parce que nous y trouvions un germe d'insurrection que nous en fîmes l'éloge ; seuls, nous annonçâmes son succès et le public a vérifié notre prédiction (1).

Nous espérons ne pas nous tromper davantage en rendant compte, du tribunal redoutable ou la suite de Robert, drame en 5 actes donné avant-hier avec succès pour la première fois.

On se rappelle que Maurice, frère de Robert, s'est précipité du haut d'une tour dans un fleuve. Il s'est sauvé et n'a point perdu l'espoir de recouvrer la jouissance des états ou [sic] règne Robert. Le lecteur n'a pas oublié non plus que le comte de Marbourg, convaincu d’oppression par le tribunal a reçu la mort de la main de Robert ; un fils lui restoit, il échappa à la mort.

Caché dans des rochers, il a pour ami, Maurice, qui chaque jour irrite sa douleur et l'excite à venger le meurtre de son père ; Adolphe (c’est le nom de ce jeune infortuné) a une épouse nommée Julie, Maurice l'a fait enlever et enfermer sous le nom de son frere, en lui attribuant ses crimes, il veut soulever l'indignation et renverser sa puissance. En effet, Robert accusé lui-même au tribunal redoutable qu’il préside, par le frere de Julie, (qui a nommé Robert pour son ravisseur), Robert soumet sa tête au glaive de la loi, s'il est coupable, lorsque Julie déclare que ce n’est point lui qui l'a enlevée : au même instant une conjuration éclate, des gens armés sont arrêtés, Maurice est à leur tête, il est saisi, conduit devant le tribunal, on demande sa mort ; Robert à force de sollicitations, réclame et obtient le droit de lui pardonner.

Tel est l'exposé rapide de ce drame, où l’on trouve de l’intérêt, des situations, beaucoup de noblesse dans les sentimens, et un plaidoyer continuel en faveur de la vertu. L'auteur auroit dû, selon nous, être plus sobre de maximes ; les sentences trop multipliées, manquent toujours leur but, celui d’instruire : c’est sans doute un motif très louable que de chercher à rendre les hommes meilleurs, mais il faut user des ménagemens qu’emploie un habile médecin, qui flatte la foiblesse de ses malades pour leur rendre toute la vigueur de la santé. Esope instruisoit sous le voile de l'apologue ; servons-nous de l'attrait du plaisir, pour faire goûter l’austérité de la morale.

L’auteur n’a pu éviter également un écueil inséparable de son sujet. Des maximes sur les vertus d’un bon roi sont aujourd'hui si antiques, qu’on n’y croit pas plus qu’aux prérogatives royales accordées par la ci-devant constitution : mais tous les peuples ne sont pas encore républicains.

L’administration de ce théâtre n’a négligé aucune dépense pour monter cet ouvrage. Baptiste a déployé une grande sagesse de diction dans le rôle de Robert. Perroud a eu des momens de chaleur dans celui de Volbar.

(1) Voyez notre n°. du. 12 mars dernier.

[On y trouve le compte rendu de Robert et Maurice ou les Brigands.]

La Gazette nationale ou le Moniteur universel, 25 décembre 1792 (réimpression, tome 14), p. 828 :

[Après une suite « monarchiste » (Robert souverain et mettant sur le trône le fils du comte de Marbourg), une suite « républicaine » : la pièce devient, dans la Gazette nationale, Robert républicain (André Tissier, les Spectacles à Paris pendant la Révolution, volume 2, p. 259, dit que c'est le titre qu'a pris le Tribunal redoutable à partir de la quatrième représentation : Robert républicain ou le Tribunal redoutable). Le duché de Moldar est devenu une république, et Robert, en butte aux intrigues de son frère Maurice, est à la tête d'un « tribunal secret et terrible », aussi redoutable que celui d'autrefois. Mis en accusation devant son propre tribunal, il échappe de peu à la mort, et c'est Maurice qui apparaît coupable de tout ce qu'on reproche à Robert, et qui se tue. La fin de l'article est consacré à un débat littéraire : vu son contenu et son ton, il faut bien classer la pièce dans les tragédies. Mais une tragédie en prose, et se pose la question de savoir si une tragédie en prose est possible. Débat fort incertain, mais il y a actuellement « occupé de questions fort étrangères à celle-là » (on est à moins d'un mois de l'exécution de Louis XVI...).]

THÉATRE DU MARAIS.

La suite de Robert, chef de brigands, avait été donnée sous le titre du Tribunal redoutable ; mais Robert y était souverain ; il rétablissait sur le trône un jeune Adolphe, fils d'un comte de Marbourg. Ces idées n'étant plus de nature à faire fortune sur nos théâtres, l'auteur a changé son titre en celui de Robert républicain.

Robert a, depuis un an, abdiqué son rang de duc de Moldar, et fondé une république. Son frère Maurice, que l'on croit noyé dans le Mein, lui tend des piéges secrets, pour s'élever au rang suprême. Robert préside le tribunal secret et terrible, composé des mêmes brigands dont il était autrefois le capitaine dans les forêts de Bohême ; ces messieurs sont, dans les affaires qu'ils portent eux-mêmes à leur tribunal, accusateurs, témoins, juges et bourreaux; du reste, les plus honnêtes gens du monde.

Robert est dénoncé à son propre tribunal par deux de ses camarades ; l'un, sur une lettre anonyme, assure que Robert est l'assassin d'Adolphe, fils du comte de Marbourg ; l'autre, sur le rapport d'un inconnu, prétend qu'il a enlevé et emprisonné l'épouse d'Adolphe. Le tribunal paraît le croire; et déjà, au milieu de la séance, le dénonciateur lève lui-même le poignard sur l'accusé ; heureusement cette justice, un peu trop expéditive, est suspendue un moment, et Robert prouve qu'Adolphe est vivant, qu'au lieu d'être son assassin il est son bienfaiteur ; et qu'à l'égard de la femme, il ne l'a jamais vue et ne l'a point ravie. Maurice, qui vient à bout d'égarer le peuple du Moldar, et d'exciter une insurrection, est fait prisonnier, et convaincu d'être l'auteur de tous les crimes imputés à Robert. Le tribunal le condamne ; mais il se tue lui-même.

Il y a dans la pièce un songe, trois ou quatre reconnaissances, une catastrophe sanglante. Les incidents, pour la plupart, sont tristes ; les personnages parlent un langage élevé, souvent même emphatique ; cette pièce est donc une tragédie. Ce serait une belle occasion de renouveler la question sur les tragédies en prose, de rappeler les raisons de La Mothe pour et de Voltaire contre, si l'on n'était pas en ce moment exclusivement occupé de questions fort étrangères à celle-là.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 2 (février 1793), p. 299-304 :

[Un drame, et le drame est pour le critique un « genre bâtard, qui nous prive de la vraie comédie, sans la remplacer ni par le but moral, ni par le sentiment le plus propre à adoucir les peines de la condition humaine, sentiment qui est sans contredit le rire ». Un bon drame, avec tous els défauts et les qualités du genre. Mais un drame. Compte rendu intéressant pour comprendre la place que le drame (on pourrait dire le mélodrame) est en train de prendre sur la scène théâtrale, qui est à la fois fascinée et repoussée par cette monstruosité dramatique.]

THÉATRE DU MARAIS.

Tribunal redoutable, ou la suite de Robert, drame en cinq actes.

Avant de parler du Tribunal redoutable, ou la suite de Robert, nous dirons un mot du Tribunal secret, établissement monstrueux qui, pendant plus d'un siecle, a fait trembler une grande partie des peuples de l'Europe. Ce tribunal de sang, si redoutable dans le commencement du quinzieme siecle, & qui fut créé par les francs-comtes & les francs-juges de Westphalie, avoit un rapport très-direct avec la secte des llluminés, dont les progrès ont été très-rapides, il y a quelques années, en Allemagne, & sur lesquels Luchet nous a donné des mémoires extrêmement curieux. L'origine des francs-comtes & des francs-juges remonte au regne de Charlemagne : ils prétendoient avoir été substitués aux commissaires impériaux (missis per tempora discurrentibus, &c.), qui alloient tous les ans, & même plus souvent, faire leur tournée dans l'Empire, pour juger souverainement au nom de l'empereur. Ces commissions extraordinaires, établies par Charlemagne, ont sans doute donné naissance au Tribunal secret (Heimliche acht), qui leur est postérieur : personne ne connoissoit les francs-juges (Freìschoepfen) qui s'étoient engagés, par le serment le plus terrible, à livrer pere, mere, frere, sœur, ami ou parent, sans exception, s'ils avoient commis quelque crime secret que la loi ne pût atteindre. Les coupables étoient immolés en quelque lieu qu'ils se retirassent ; &-par toutes sortes de moyens. Ce tribunal, par une seule sentence rendue dans les ténebres, mettoit en mouvement cent mille assassins, & il étoit impossible de se soustraire à leur poursuite. Il existe un drame, traduit de l'allemand, par Debok, où les arrêts de ce tribunal sont mis en action de la maniere la plus effrayante. Il est aisé de voir qu'il a fourni quelques idées au citoyen de la Martelliere, auteur du Tribunal redoutable, qu'il a intitulé Suite de Robert, quoiqu'il tienne très-peu à cet ouvrage.

Robert, après la mort de son pere & de Sophie, est rentré dans ses états : il est chef du Tribunal secret, dont les membres, ainsi que ceux de son conseil & de sa cour, sont les mêmes brigands qu'il a commandés dans les forêts de la Bohême ; mais on sait que ces brigands sont les plus honnêtes gens du monde. Cependant le tyran du comté de Marbourg est tombé sous le glaive du Tribunal secret ; c'est Robert qui l'a frappé. Le fils du comte, le jeune Adolphe, errant & chassé de ses états, est obligé de se réfugier, avec Julie son épouse, dans une caverne, où un vieillard, soutenu par les bienfaits de Robert, a soin de leur subsistance. Des bruits calomnieux se répandent contre Robert ; on prétend qu'il a assassiné le jeune Adolphe, & enlevé son épouse. Des députés du comté de Margbourg, qui viennent lui offrir la souveraineté, sont les premiers à l'accuser de ces crimes. Robert repousse ces injures ; mais il se décide à questionner le vieillard Bertrand, sur les hôtes qu'il nourrit dans sa caverne. Le jeune Adolphe, qui ne connoît point 1'assassin de son pere, ne voit, dans Robert, que le bienfaiteur de Bertrand & le sien. Adolphe parle de venger son pere sur Robert : Robert l'engage à venir se présenter à cet ennemi inconnu pour lui, & l'assure qu'en le voyant il changera de sentimens. Cependant les accusations s'accumulent contre Robert ; & c'est Maurice, son frère , qui s'est sauvé à la nage dans le Mein, qui les répand contre lui pour le faire périr, & rentrer dans ses états. Julie a été enlevée au nom de Robert. Julie se plaint à Wolbak, son frere, ami intime de Robert, & franc-juge du Tribunal secret. Wolbak, au désespoir, se décide à accuser son ami : le Tribunal s'assemble, & Wolbak en effet accuse Robert d'avoir assassiné Adolphe, & d'avoir enlevé Julie. Wolbak va plonger un poignard dans le sein de Robert : on demande la preuve de ses crimes, Wolbak fait paroître Julie ; mais Julie ne reconnoît point en lui son ravisseur, & Wolbak se précipite dans les bras de Robert, qui lui pardonne. Bientôt le jeune Adolphe, qui reçoit son épouse des mains de Robert, pardonne à ce dernier la mort d'un pere, sur lequel il n'ose prononcer. Maurice, qui veut exciter une sédition, est arrêté & remis entre les mains du Tribunal secret ; mais Robert obtient sa grace, & Maurice, pressé par ses remords, se jette aux pieds de son généreux frere, & lui jure une amitié & une reconnoissance éternelles.

Tel est le fond de cet ouvrage, que nous n'avons pu esquisser que très-légérement, attendu qu'il est rempli de mouvemens, & que 1'intrigue en est très-compliquée : ce ne peut être la suite de Robert, puisqu'on n'y retrouve que lui de tous les personnages qui ont intéressé dans le premier ouvrage, & qu'en changeant ici le nom du chef du Tribunal redoutable, ce drame deviendroit tout-à-sait nouveau pour le public : ce ne sont plus ces mêmes brigands qu'on a vus, dans Robert, punir de prétendus coupables, pour s'approprier leurs bijoux & leurs biens : on n'y voit au contraire, que des caracteres magnanimes, des sentimens élevés & le courage de la vertu : de ce côté les vraisemblances sont donc blessées, en admettant que ce drame soit la Suite de Robert. L'exposition n'est point assez claire ; il y a de l'embarras & de la lenteur dans la marche du second & du troisieme acte ; le dénouement n'est point assez satisfaisant, en ce que le spectateur désireroit que l'odieux Maurice fût frappé de mort par un arrêt du Tribunal redoutable ; le style est souvent aussi très négligé ; mais malgré tous ces défauts, cet ouvrage est fait pour attirer la foule, & l'attirera sans doute. Il y regne un vif intérêt de curiosité ; l'action y est chaude & pressante ; les situations y sont pénibles & ménagées avec art ; le quatrieme acte sur-tout est superbe : le personnage de Robert, quoique moins important que dans le premier drame, y est encadré de la maniere la plus heureuse : tout concourt à faire briller ses vertus & à rendre sa position intéressante. En un mot, ce drame, comme tous les drames, est un composé d'invraisemblances, de trivialités, d'originalité, de vertus sublimes, de sentimens exaltés, de situations romanesques, de caracteres extraordinaires, de rencontres surnaturelles, &c. &c. Tout y est arrangé pour rendre un seul personnage intéressant : c'est la charpente faite pour soutenir la bâtisse d'une voûte ; toutes les pieces de bois n'y tiennent que par le moyen d'une simple clef : ôtez cette clef, tout tombe !... Est-ce là la bonne comédie ?..: Le citoyen de la Martelliere a un talent décidé : il a des combinaisons sûres, de l'art pour conduire une intrigue, du trait, de la rapidité dans le dialogue : nous l'engageons à abandonner les drames, genre bâtard qui nous prive de la vraie comédie, sans la remplacer ni par le but moral, ni par le sentiment le plus propre à adoucir les peines de la condition humaine, sentiment qui est sans contredit le rire.

L'auteur a placé dans cette piece le songe de François, du drame des Brigands de Scheller [sic], qui, à notre avis, est un des chefs-d'œuvres de style & d'images poétiques dont abondent les théatres allemands. Le citoyen Baptiste joue, avec ce rare talent qui lui est propre, le rôle de Robert, & le citoyen Perroud est très-bien dans celui de Wolback. Cette piece est mise avec un soin qui fait honneur au goût & au zele du citoyen Langlois : il y a des décorations très- pittoresques, & les costumes y sont très-soignés.

La pièce fait partie des pièces nées de l'imitation des Brigands de Shiller. On peut lire à ce propos l'article de Pierre Frantz, « Le crime devant le tribunal du théâtre : Les Brigands de Schiller et leur fortune sur la scène française », dans Littératures classiques [Editions Armand Colin] 2008/3 (N° 67), pages 219 à 230 (disponible sur Internet).

D’après la base César, la pièce a été jouée 12 fois au Théâtre du Marais, du 10 novembre 1791 au 27 février 1793.

(1)C'étoit peu de tems après les horribles journées des 2 et 3 septembre

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