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Una Cosa rara, ossia Belleza ed onesta

Una Cosa rara, ossia Belleza ed onesta, opéra italien en deux actes, livret de Da Ponte, musique de Vincenzo Martini, 3 décembre 1791.

Théâtre de la rue Feydeau

Titre :

Una Cosa rara, ossia Belleza ed onesta

Genre

opéra italien

Nombre d'actes :

2

Vers / prose

 

Musique :

oui

Date de création :

3 décembre 1791

Théâtre :

Théâtre de la rue Feydeau

Auteur(s) des paroles :

Lorenzo Da Ponte

Compositeur(s) :

Vincenzo Martini (et d'autres)

Mercure français, tome CXXXIX, n° 53 dusamedi 31 décembre 1791, p. 138-140 :

[Il s’agit de rendre compte d’un succès qui met fin à une série d’échec à ce théâtre, et le critique ne cache pas la satisfaction procurée par la musique, à défaut d’être enthousiasmé par le livret. Mais c’est presque la règle dans un opéra italien. L’analyse de l’intrigue ne se prive pas pour signaler que la pièce est irrégulière comme il convient dans ce type de composition : après un premier acte qui semble achever l’action, le deuxième acte est un rebondissement arbitraire, dont on pouvait se passer, mais qui est tout à fait dans le genre des opéras italiens. C’est la musique qui cosntitue l’intérêt de l’opéra nouveau. Elle se démarque de la musique des opéras italiens par sa couleur quasi locale : pièce se déroulant en Espagne, elle contient « quelques petits Airs ou Chansons du pays », et elle a « quelque chose du style Espagnol » dans ses « tours de chant », « la chute des phrases », les « mouvemens d’orchestre ». Si l’acte I est bien l'œuvre de Martini, l’acte II comprend un grand nombre de morceaux empruntés à d’autres compositeurs, Cherubini, Cimarosa, Viotti. Et ce ne sont pas les plus mauvais morceaux de l'œuvre. Le critique finit par la revue de détail des interprètes, tous couverts d’éloges, même celui qui joue le rôle, apparemment limité, du podestat, salué d’un bel aphorisme : « Le talent ne trouve aucune partie d'un bel Ouvrage au dessous de lui, parce qu'il est sûr d'être distingué par-tout ».]

THÉATRE de la rue Feydeau.

Après plusieurs essais de différens genres, dont le succès, depuis quelque temps, n'a pas répondu au zele des Administrateurs & des Acteurs de ce Théâtre, ils viennent enfin de donner un Opéra Italien cn deux Actes, qui a parfaitement réussi ; c'est la Cosa rara, dont la musique est du Signor Vicenzo Martini, Compositeur Espagnol, connu en Italie par plus d'un succès.

Cette Chose rare, n’en déplaise à nos Dames, n'est autre chose qu'une femme jolie & fidelle. Lilla, jeune Villageoise, aime Lubin ; mais son frere veut la marier, malgré elle, au Bailli ou Podestat. Elle parvient à s’échapper, en sautant par la fenêtre. La Reine & l'Infant son fils chassent dans les environs. Lilla vient toute éplorée se jeter aux pieds de la Reine, qui la prend sous sa protection, & la confie à un vieux Courtisan, Gouverneur de son fils. L'Infant devient amoureux de Lilla ; il veut que son Mentor parle pour lui. Celui-ci est bien tenté de parler pour lui-même. Il tremble, bégaye ;son secret est prêt à lui échapper ; mais il apperçoit le Prince, & rentre dans le rôle d'ami. Lilla ne veut rien écouter, & ne pense qu'à Lubin, qui, de son côté, ne pense qu'à elle. Furieux de ne plus la trouver au village, il veut battre Titta, frere de Lilla, entre dans la maison, fracasse tout ce qu'il rencontre, & saute par la même fenêtre par où sa Maîtresse s'est échappée. Titta revient avec le Podestat & des gens armés qui se saisissent de Lubin, & le conduisent garrotté devant le Prince. Il le trouve seul avec Lilla. Sa jalousie & ses fureurs le reprennent ; mais Lilla se justifie. La Reine vient elle-même raccommoder les Amans qui se marient.

La Piece pouvait finir là sans inconvénient; mais sans inconvénient aussi, d'après l’irrégularité ordinaire des Drames de ce genre, elle peut se renouer & fournir un second Acte. Titta est devenu mari de Ghitta, & Lubin de Lilla, le Prince ne se décourage point, & cherche toujours à se faire écouter. Jalousies, mal-entendus, scènes de nuit, nouvelles tracasseries : c'est ce qui remplit tout cet Acte : le vieux Gouverneur le termine en s'accusanr seul du projet de séduire Lilla. La Reine le chasse de sa Cour : le Prince renonce à ses fantaisies amoureuses, & les quatre époux Villageois s'en vont contens de leur sort.

La musique joint à d'autres mérites celui d'une teinte originale, &, pour ainsi dire, locale, qu'il n'est pas commun de trouver dans les Pieces Italiennes. La Scène est en Espagne ; & sans compter quelques petits Airs ou Chansons du pays, il y a dans la plupart des morceaux de musique des tours de chant, des chutes de phrase, & des mouvemens d'orchestre qui conservent quelque chose du style Espagnol. On voit que le Compositeur a traité avec affection ce sujet, qu'il a pu regarder comme National. Tout le premier Acte est conforme à la partition originale. ll n'y a de changemens qu'au second, & il faut avoir l'oreille très-exercée, ou être dans le secret pour les reconnaître. Le Rondeau de Mad. Morichelli, & le bel Air avec un Récitatif obligé chanté par M. Simoni, sont de M. Cherubini. Les tournures piquantes, originales, & la coupe même de ces morceaux, sont bien loin d'être jetés dans le moule commun des Airs Italiens : le dernier sur-tout est aussi singulier & aussi neuf qu'il est théâtral & fidele à l'expression des paroles. L'Air spirituel & pittoresque, dans le genre bouffon, que l’on fait toujours répéter à M. Brocchi, est de Cimarosa , & les tours Napolitains dont il est rempli, sortent encore de ce que quelques personnes nomment la routine Italienne. Enfin le très-joli Rondeau que chante Mlle. Baletti, est une Polonaise de M. Viotti, & c'est un des Airs les plus agréables & les moins communs de la Piece.

Le tout est rendu avec une perfection rare par Mesd. Morichelli & Baletti, que l'on voit pour la premiere fois jouer dans la même Piece, & qui, placées toutes deux dans des rôles convenables à leurs moyens, paraissent avec un égal avantage ; par Mlle. Simonet, maintenant Mad. Martin, qui met dans son jeu beaucoup de finesse & de gaîté ; par M. Simoni, dont on apprécie tous les jours de plus en plus l'excellente méthode & la maniere large, noble & gracieuse en même temps : & enfin par M. Mandini, qui met dans le rôle de Lubin tout le feu, tout le naturel que ce rôle exige, & cette aimable facilité qui fait l'une des qualités distinctives de son talent. M. Brocchi rend d'une maniere vraiment comique le rôle de Titta. On doit savoir gré à M. Rovedino, si justement applaudi dans d'autres rôles, de s'être chargé de celui du Podestat. Le talent ne trouve aucune partie d'un bel Ouvrage au dessous de lui, parce qu'il est sûr d'être distingué par-tout.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1792, volume 2 (février 1792), p. 341-343 :

Le samedi 3 décembre, on a donné la premiere représentation de la Cosa rara, opéra italien en deux actes, musique de Vincenzo Martini.

Cette piece fut jouée, pour la premiere fois, en 1787, sur le théatre de Vienne, & obtint depuis, le plus brillant succès sur tous les théatres de l'Iialie. L'année derniere, M. Dubuisson nous en offrit une traduction, qui fut jouée à Versailles, devant la cour , sous le titre des Accordées de village. Cet ouvrage , dont le poëme est peut-être un des moins ennuyeux des poëmes italiens, en ce qu'il offre plus d'action & de mouvement, a été joué & chanté, sur ce théatre, avec tant de supériorité, que le public lui a prodigué les plus vifs applaudisscmens. En voici le sujet, autant qu'il nous a été possible de le saisir. Isabelle, reine d'Espagne, est allée passer quelque tems, avec l'infant son fils, dans un de ses châteaux de plaisance, de la Sierra-Morena. Comme elle est à la chasse, une jeune paysanne, nommée Lilla (Lisette), vient se jetter à ses genoux, & implorer son assistance contre son frere, qui veut la marier à un homme qu'elle n'aime point. La reine lui fait l'accueil le plus gracieux, tandis que l'infant, charmé par tant de beauté, engage son écuyer Corado, à séduire cette jeune innocente. Cependant Lilla avoit été enfermée dans sa chambre, par Titta son frere, pendant l'absence de Lubino son amant ; elle venoit de se sauver par la fenêtre. Lubino arrive, & ne trouvant plus son amante, il devient furieux, & veut battre Titta. Podesti, espece d'alcade, à qui Lilla est promise, le fait arréter, & tous vont chez la reine lui exposer le motif de leur querelle, & implorer sa médiation. Isabelle les réunit, & Lilla va épouser Lubino, tandis que son frere Titta va s'unir avec Guitta, sœur de Lubino. Ces quatre amans soupent tranquillement, lorsque l'infant vient chanter une romance sous leur croisée ; les deux paysans sortent, leurs accordées les suivent, l'infant se fait connoître, & son écuyer & Podesti cherchent à enlever Lilla ; nouvelles plaintes à porter à la reine, qu'on rencontre encore une fois à la chasse. Tout s'arrange enfin; Isabelle chasse Podesti de sa présence, & l'infant, étonné de rencontrer dans Lilla, la beauté & l'honnêteté réunies, la chose, selon lui, la plus rare (ce qui donne le titre à la piece), renonce à ses poursuites, & comble les amans de ses bienfaits. Lubino & Lilla, Titta & Guitta, dansent une espece de fandango devant la reine, & tout le monde est content.

Cette piece, comme toutes les pieces italiennes, offre des remplacemens de scenes, des changemens de décorations, sans motifs, des allées & des venues, & enfin, des invraisemblances & des épisodes qui ne tiennent point au sujet ; mais elle ennuie moins encore que toute autre. La musique, dont plusieurs morceaux, entre autres, le charmant duo de Lilla & Lubino, au second acte, étoient connus depuis long-tems, offre des richesses d'effets & un chant toujours pur & toujours dramatique. On a applaudi surtout un petit air de Cimarosa, chanté & joué supérieurement par M. Brochi, une polonoise de M. Viotti, un grand air de M. Chérubini , un canon à trois dessus d'un effet étonnant, & enfin tout ce qui a été chanté, avec le goût le plus pur, par Melle. Baletti, Mesd. Morichelli, Martin, ci-devant Simonette, & par MM. Mandini, Simoni, Rovédino, Scalzi, &c. &c. M. Mandini sur-tout, a fait briller, dans le rôle de Lubino, le plus grand talent, comme acteur & comme musicien.

D’après la base César, le titre complet est Une Cosa rara, o sia Bellezza ed onesta. Le livret est de Lorenzo da Ponte, la musique de Vincente Martín y Soler. Il y a eu une représentation au Théâtre de Monsieur en 1785, à une date inconnue. La pièce a été jouée 20 fois du 3 décembre 1791 au 31 mars 1792.

Le Journal des débats politiques et littéraires du 11 décembre 1815 fait le compte rendu d’une représentation au cours de laquelle le premier acte de Una Cosa rara a été représenté (fort mal) avant il Fanatico per la musica. Texte intéressant pour les pratiques des théâtres, et plus particulièrement du Théâtre Italien, apparemment peu soucieux de satisfaire son public.

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