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Une journée chez Bancelin

Une journée chez Bancelin, comédie en un acte, en prose, mêlée de vaudevilles, de Francis et Moreau, 10 décembre 1807.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Une journée chez Bancelin

Genre

comédie mêlée de vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

10 décembre 1807

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Francis et Moreau

La pièce met en scène des gens aujourd’hui bien oubliés :

  • Bancelin, le fameux traiteur,

  • Saint-Foix (1698-1776), à l'œuvre abondante, à la solide réputation de querelleur et qui finit comme historiographe de l’ordre du Saint-Esprit (il est le héros de Une aventure de Sainte-Foix, ou le Coup d'épée),

  • Poinsinet, né en 1735 et mort accidentellement en 1769, dramaturge et librettiste,

  • l’abbé de Latteignant, (1697-1779, un abbé d’ancien régime, qui n’a pas été ordonné prêtre avant 1745 et qui n’a pas trop de scrupules à aider les jeunes filles à trouver un mari et à écrire des chansons à boire.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1807 :

Une journée chez Bancelin,comédie en un acte, En prose, mêlée de vaudevilles ; Par MM. Moreau et Francis. Représentée pour la première fois au Théâtre du Vaudeville, le jeudi 10 décembre 1807.

Archives littéraires de l’Europe, tome seizième (1807), Gazette littéraire, décembre 1807, p. lxv :

[Le compte rendu met en garde : la pièce emprunte à d’autres pièces, et prend des libertés avec l’histoire, mais elle est amusante et fait rire le public. Deux intrigues amoureuses contribuent à ce comique, souvent grivois pour le ton, mais pas pour les idées, sans équivoque ni mot grossier. Bien sûr le dénouement est conforme à l’attente.]

Théâtre du Vaudeville.

Une Journée chez Bancelin , comédie en un acte, mêlée de vaudevilles, de MM. Moreau et Francis.

Nous ne chicanerons les auteurs de cette pièce ni sur les ressemblances qu'elle peut avoir avec Dorat, ou la Société des Dominicaux, ni sur la manière dont on a réuni chez un traiteur Saint-Foix, Poinsinet et l'abbé de l'Attaignant, ni même sur la liberté qu'on a prise de transformer en poissarde et en paysanne les deux nièces du respectable Bancelin. En composant pour le théâtre , on ne peut guère aujourd'hui éviter les ressemblances. L'abbé de l'Attaignant est très-aimable chez Bancelin ; les scènes entre Saint-Foix et Poinsinet, où celui-ci prend pour une invitation à dîner le cartel de l'autre, sont amusantes ; la petite poissarde et la petite paysanne forment un contraste très-plaisant, et leurs amans, qui sont un soldat aux gardes-Françaises et un batelier de la Grenouillère, contribuent efficacement à entretenir la gaieté qui règne dans cet ouvrage. Le public y rit depuis le commencement jusqu'à la fin , et ce qui ajoute encore au mérite des auteurs, c'est que cette gaieté, toute grivoise qu'elle est souvent pour le ton, ne l'est jamais pour les idées, n'offre jamais une équivoque ni un mot grossier. Le dénouement se devine d'après l'exposé que nous venons de faire. Saint-Foix et Poinsinet se raccommodent, et les petites filles se marient selon leurs désirs.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 12e année, 1807, tome VI, p. 419*420 :

[Le compte rendu commence par un point historique sur Bancelin et ceux qui fréquentaient son commerce, ce qui amène à la rectification du « tableau qu’on voit au Vaudeville », tout à fait inexact (il faut respecter l'histoire, même quand elle est petite histoire). L’intrigue est réduite à presque rien, un quiproquo qui s’éclaircit bien vite. La pièce est une bluette gaie, spirituelle, avec « des couplets bien tournés » : c’est bien assez pour un vaudeville (genre peu estimé des critiques ?). Un bon acteur, apparemment spécialiste du rôle de Latteignant, deux auteurs dont il n’y a rien à dire.]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Une Journée chez Bancelin.

Ce Traiteur du boulevart où on ne fait maintenant que des noces bourgeoises, recevait jadis la meilleure compagnie. Mais cette bonne compagnie y allait incognito, faire ce qu'on appelle des parties fines. Les bateliers et les garde-françaises n'y entraient point, les écaillères n'y prenaient point, en plein jardin, le menton à l'abbé de Latteignant ; Sainte-Foi n’y faisait pas le coup de poing, parce qu'il était brave, un peu bretailleur, mais non spadassin et boxeur. C'est pourtant là le tableau qu'on voit au Vaudeville, sous le titre d'une Journée chez Bancelin. La seule intrigue roule sur un quiproquo entre Sainte-Foi et Poinsinet qui ne se connaissent point, et que le premier a provoqué pour un duel, tandis que l'autre croit qu'il s'agit d'un dîner. Ils s'embrassent quand ils se sont expliqués, parce que Latteignant dit qu'il faut vider la querelle en vidant des bouteilles. Il y a dans cette bluette de la gaieté, de l'esprit, des couplets bien tournés, c'est tout ce qu'il faut pour un vaudeville. Duchaume, qui a créé dans Fanchon le rôle de l'abbé de Latteignant, y met la rondeur convenable.

Les auteurs sont MM. Francis et Moreau.

L’Esprit des journaux français et étrangers, année 1808, tome I (janvier); p. 288-292 :

[Le critique n’aime pas la grivoiserie, et encore moins le style poissard (il y a une hiérarchie entre les deux mots), et c’est la principale accusation qu’il porte contre la pièce, après avoir ironisé sur le besoin des vaudevillistes de travailler en duo, voire en cercle plus large encore. La vulgarité se supporte au cabaret, en la faisant passer sur le théâtre du Vaudeville, c’est le théâtre qu’on abaisse, et pas le genre poissard qu’on grandit. Comment accepter de voir la jolie Mlle Desmares affecter un langage et passer son temps les poings sur les hanches et accumuler les grossièretés. Ce n’est pas ce qui fait rire, la pièce est allée à son terme, mais le critique souhaitait qu’on la renvoie « à son vrai logis ». De plus, le mélangé entre des amours ancillaires et une querelle entre écrivains amène à ridiculiser des personnages historiques qui n’ont rien à voir avec la bassesse des deux couples mis en scène. Le quiproquo sur lequel repose la pièce s’éclaircit sans difficulté, et on aboutit au dénouement attendu. La pièce a eu du succès, et il faut « en demander la raison à qui il appartiendra ». Car le critique la voyait plutôt ne pas aller à son terme.]

Une journée chez Bancelin, comédie vaudeville en un acte, par MM. Moreau , et Francis.

S'il était vrai

            Que d'être deux
Fut toujours un bien suprême,

nous n'aurions que d'excellens vaudevilles ; car les auteurs se mettent ordinairement deux pour en venir à bout ; quand je dis deux, on ne m'accusera pas d'exagération : mais il ne faut pas prendre les choses au pis, et cette fois le nombre des associés d'esprit ne s'élève pas plus haut ; ce n'est pas trop pour amuser les spectateurs pendant une heure ; c'est bien assez quelquefois pour les ennuyer, et je ne sais trop en vérité ce qui aurait pu arriver dans ce genre là, si MM. Moreau et Francis s'étaient adjoint quelques amis de plus. Ce n'est pas qu'ils n'eussent choisi un moyen très-propre à piquer la curiosité de ceux qui aimaient les choses extraordinaires. Le couplet d'annonce nous avait prévenus que le vaudeville serait grivois, cela m'a effrayé : j'ai tant vu de vaudevilles grivois que l'on ne se donnait pas la peine d'annoncer comme tels, que j'ai pensé d'abord que celui-ci devait l'être furieusement, puisque les auteurs avaient cru nécessaire d'en demander pardon d'avance. Je ne me suis pas trompé ; seulement le mot de grivois est trop modeste ; substituez-y le mot poissard, et vous aurez le véritable adjectif du vaudeville joué hier. Le ton et les plaisanteries de la Courtille, les amours du Gros-Caillou, la gaîté des Porcherons, voilà bien le sel dont se pouvait assaisonner un dîner de cabaret; ce qui ferait croire que ce n'est pas au cabaret qu'il faut aller dîner ni chercher des sujets de vaudevilles : le genre semblait relégué chez Brunet. Je ne sais si, en le transportant sur un autre théâtre, on a espéré annoblir le genre ; mais il serait fort à craindre qu'on ne réussît qu'à avilir le théâtre qui le reçoit, et où l'on a l'habitude d'aller chercher autre chose. Quelques personnes de bon sens ont voulu manifester une sorte de désapprobation ; mais la masse des applaudisseurs était si grande qu'il n'y a pas eu moyen de faire sentir aux auteurs qu'ils pouvaient bien avoir quelque tort, et à Mlle. Desmares combien le langage grossier qu’elle affectait s'accordait mal avec sa jolie figure. Je suis loin de vouloir porter atteinte à la liberté du Vaudeville ; mais un peu de décence ne serait pas de trop, et le bon ton ne doit pas perdre tous ses droits. Une fille qui porte toujours les poings sur les hanches, qui donne de petits soufflets à son amant en l'appellant mon homme, et qui se fâche quand cet amant veut empêcher son camarade de dire devant elle de gros mots , ce n'est pas là une scène de théâtre, mais une scène de halle ; c'est de la grossièreté qui ne fait pas rire : aussi ne riait-on point hier au soir ; les uns applaudissaient à tout rompre, les autres gardaient le silence le plus absolu, et la pièce est allée jusqu'à sa fin, sans que personne s'avisât de la renvoyer à son vrai logis.

Ce n'est pas tout, les auteurs ont jugé convenable de placer au milieu de cette orgie, un grand seigneur, un poëte et un abbé ; ils ont cousu un duel entre Saint-Foix et Poinsinet, avec les amours de M. l'Aviron et de Mlle. Javotte ; ils ont fait intervenir l'abbé de Lattaignant pour séparer les combattans et pour marier les amans ; cet abbé tutoyant M. de Saint-Foix et l'endoctrinant pour l'engager à boire au lieu de se battre, joue un des rôles les plus ridicules qui aient encore paru au théâtre, depuis que l'on a la manie de mettre en scène des personnages historiques, en violant les convenances, les vraisemblances et les règles du bon goût. L'abbé est un habitué des salons de Bancelin ; il est le confident de Mlle. Javotte et de Mlle. Nicette, qui aiment tendrement le soldat la France et le marinier l'Aviron ; il leur promet de servir leurs amours, pourvu qu'elles s'emploient, de leur côté, à empêcher le duel qui doit avoir lieu entre Saint-Foix et Poinsinet. On ne conçoit pas trop comment deux servantes d'un restaurateur peuvent avoir quelque influence sur une affaire de ce genre ; ce qu'il y a de certain, c'est qu'elles s'engagent à faire ce que leur demande l'abbé, qui va visiter l'office en attendant le dénouement. Tandis que Javotte et Nicette se concertent sur les moyens qu'elles prendront pour appaiser Saint-Foix, arrivent leurs amoureux la France et l'Aviron, qui s'avisent d'être jaloux, parce qu'ils entendent leurs maîtresses parler d'un autre homme, et cette jalousie s'exprime, comme dit Vadé,

           En termes mignards,
Autrement dits termes poissards.

Après s'être livrés à toutes les fureurs d'Orosmane, MM. la France et l'Aviron sortent, bien décidés à tuer leurs rivaux ; entre aussi-tôt Saint-Foix, dont il faut essuyer un long monologue, en attendant Poinsinet qu'il ne connaît pas et qui ne le connaît pas non plus. Ce malheureux Poinsinet, toujours mystifié et toujours crédule, dernière ressource des auteurs qui veulent absolument faire un vaudeville, n'a pas reçu le cartel de SaintFoix, mais une invitation de sa part à dîner chez Bancelin ; il y vient donc dans la joie de son ame, et amène avec lui quelques quiproquo, quelques mauvais couplets, quelques gestes de poltronnerie ; enfin, tout ce qui peut entrer de plus ou moins plaisant dans une scène entre deux auteurs qui ne se connaissent pas, et dont l'un veut se battre, tandis que l'autre veut dîner. Comme il faut que tout finisse, le mystère s'éclaircit, les adversaires se réconcilient, les amans s'épousent, le tout grace aux soins de l'abbé de Lattaignant, qui fait terminer la pièce par un vaudeville où l'on prétend que ce monde n'est qu'un vaste cabaret ; ce qui pourrait en effet paraître probable, en jugeant du goût de ce monde par le succès qu'a obtenu la pièce nouvelle ; car elle en a eu beaucoup, il faut le dire, et en demander la raison à qui il appartiendra.

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