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La Veuve Calas à Paris, ou le Triomphe de Voltaire

La Veuve Calas à Paris, ou le Triomphe de Voltaire, pièce en un acte et en prose, de Pujoulx, 31 juillet 1791.

Théâtre Italien.

Titre :

Veuve Calas à Paris (la), ou le Triomphe de Voltaire

Genre

pièce

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose

Musique :

non

Date de création :

31 juillet 1791

Théâtre :

Théâtre Italien

Auteur(s) des paroles :

Jean-Baptiste Pujoulx

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Brunet, 1791 

La Veuve Calas à Paris, ou le Triomphe de Voltaire, pièce en un acte, en prose ; Par M. J. B. Pujoulx ; Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre Italien, le 31 Juillet 1791.

J’ai fait un peu de bien, c’est mon plus bel ouvrage?

Voltaire.

Le texte de la pièce est précédé de ce texte qui insiste beaucoup sur la portée morale de la pièce :

L'arrêt de mort de Jean Calas, fut le triomphe de l'ignorance et du fanatisme ; l'arrêt qui le ressuscita moralement, fut celui de la. justice et de la philosophie.

Plusieurs auteurs ont pensé. que le procès de Calas, présenté avec énergie, offriroit une grande leçon aux interprètes des loix , et j'ai cru que le tableau de la réhabilitation pourroit exciter dans les cœurs sensibles, le desir de défendre les opprimés.

Je suis parti, dans la composition de cet Ouvrage et de quelques autres, d'un principe qui n'est pas celui de bien du monde ; le voici : c'est que le tableau de la vertu récompensée, est aussi puissant sur les cœurs, que celui du vice puni, parce que le théâtre n'exerce un véritable empire, que sur les ames qui ne sont pas totalement corrompues.

L'effet des trois Pieces que l'assassinat juridique de Jean Calas a fait naître, est peut-être que terrible, et j’avoue que je conçus ce petit Drame, dans l'espoir de répandre un peu de baume sur les plaies profondes et douloureuses que laissoit ce spectacle trop vrai pour n’être pas déchirant.

A cette intention,.se joignit le desir de présenter sous un nouvel aspect, un homme que ses traits de bienfaisance auroient rendu célèbre, si son génie universel ne l'avoir rendu immortel. D’ailleurs, je venois de mettre au théâtre, le tableau des derniers momens du Législateur profond, qui le premier mérita une apothéose ; Voltaire avoit obtenu la seconde place dans le Panthéon François, et je trouvai digne d'un Auteur dramatique, qui sent toute l'influence des représentations théâtrales sur les mœurs du peuple, de rendre ainsi successivement un hommage public aux deux hommes à qui la patrie reconnoissante, a décerné le titre de Grands et les honneurs du triomphe.

La pièce évoquée à la fin de ce texte, c’est Mirabeau à son lit de mort, jouée le 24 mai 1791 au Théâtre Feydeau.

Mercure de France, tome CXXXIX, n° 37 du samedi 10 septembre 1791, p. 72-74 :

[La chronique des théâtres a disparu du Mercure de France depuis un long mois, et la revue a pris du retard dans le compte rendu de l’actualité dramatique. Cinq pièces créées sur trois théâtres méritent seules qu’on y revienne, au milieu d’une prolifération de nouveautés, née de la multiplication des théâtres. Une seule de ces pièces aura droit à un compte rendu dans ce numéro. C’est une nouvelle pièce autour de Calas et de Voltaire : cette fois, c’est la réhabilitation de Calas qui est le sujet de la pièce, et on assiste à l’annonce de l’innocence de Calas. Un mystérieux personnage inquiète beaucoup madame Calas, mais on s’aperçoit qu’il s’agit de Voltaire lui-même, à qui on fait un triomphe. L’auteur est nommé, la pièce est créditée d’« un intérêt doux, continu & parfaitement gradué » et d’un style « sans prétention, mais touchant & vrai ».]

SPECTACLES

Diverses circonstances nous ont empêchés depuis quelque temps d'entretenir nos Lecteurs d'Ouvrages de Théâtres : pendant ce temps, les Nouveautés se précipitent ; elles réussissent ou tombent, & toutes s'oublient, les unes plus tôt, les autres plus tard. Nous ne parlerons que de celles qui ont paru exciter l'attention du Public, ce qui n’est pas peu de chose dans un temps où la multiplicité des Théâtres multiplie si prodigieusement les Pieces nouvelles.

Au Théâtre Italien, La veuve Calas à Paris & Lodoïska ont beaucoup réussi. Au Théâtre de la rue Feydeau, Il Finto Ciecco s'est montré avec une sorte de succès, & la Pazza per amore avec un succès complet ; dernierement au Théâtre de la Nation, Virginie ou la Destruciion des Decemvirs, a recueilli des applaudissemens, mais nous ne pouvons rendre compte de tout à la fois : disons d'abord quelques mots de la Veuve.

Madame Calas s'est rendue en prison à Paris, avec son fils & ses filles, pour la révision du Jugement cruel porté à Toulouse contre sa malheureuse famille. Elle a tout lieu lieu d'attendre sa réhabilitation : elle a pour elle son bon droit évident, l'opinion ferme, assurée , & l'éloquence de M. Elie de Beaumont ; elle a pour elle l'ardent intérêt que M. de Voltaire a pris à ses malheurs, intérêt qui l'a porté à faire usage, en sa faveur, de tout son crédit; & elle craint cependant, cette infortune, parce qu'elle est infortunée.

Un homme s'est présenté au Geolier de la prison ; il a demandé place dans un lieu caché, pour y voir l'effet que produira sur cette famille la proclamation de son innocence. Ce Geolicr lui parle de Voltaire avec éloge, & le vieillard paraît embarrassé ; la Servante de Calas arrive. Plus intéressée encore dans l'affaire , c'est avec enthousiasme qu'elle parle du Philosophe de Ferney, elle enchérit sur son éloge. L'embarras de l'inconnu redouble, il n'y peut plus tenir. A le voir dans cette situation, on doit juger que cet homme est un ennemi acharné de Voltaire, ou Voltaire lui-même. C'est en effet ce grand Homme que l'Auteur suppose arrivé à l'échappée à Paris ; c'est lui qui ne peut supporter les éloges brûlans de la reconnaissance ; la bonne Servante s'y trompe naturellement, le croit un méchant, & le traite comme tel, sans parvenir à le fâcher.

Toute la péripétie qu'un pareil sujet pouvait produire, est adroitement saisie par l'Auteur. M. de Beaumont s'échappe un moment de l'Audience pour relever l'espoir de ses Cliens. Cet espoir est refroidi dans le cœur de Mad. Calas & de ses enfans, par l'idée de ce prétendu méchant homme qui les écoute : enfin le Jugement arrive au milieu des cris de joie du Peuple ; mais n'est-ce point la joie insultante des Fanatiques ? on s'y trompe encore : enfin M. de Beaumont parle, & tout est éclairci.

Mais il reste cet Etre mal-veuillant qui écoute aux portes , & que la famille Calas veut écraser de toute sa joie, de toute la reconnaissence qu'elle doit & qu'elle prodigue à Voltaire son bienfaiteur. Qu'on juge de la situation de tous les Personnages, quand c'est Voltaire lui-même qui est reconnu ! On le couronne, on l'embrasse : on en fait autant à M. de Beaumont ; tout le monde est heureux.

La Piece est de M. Pujoulx, Auteur de plusieurs autres Ouvrages qui ont eu beaucoup de succès. Aucun peut-être n'en méritai autant que celui-ci , où regne un intérêt doux, continu & parfaitement gradué ; où le style sans prétention, mais touchant & vrai, est toujours au ton des Personnages.

Nous parlerons incessamment des autres succès.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 10 (octobre 1791), p. 328-329 :

[En rendant compte d’une pièce qui est remplie de bons sentiments et de bonnes pensées, le critique ne peut que louer ses qualités : « au mérite d'être écrite avec soin, elle joint celui de renfermer beaucoup de tableaux touchans, & de scenes attendrissantes. Ce doux intérêt tient en suspens l'ame du spectateur. Le caractere des juges de Toulouse est très-bien tracé ».]

THÉATRE ITALIEN.

Le dimanche 31 juillet, on a donné, à ce théatre, la premiere représentation de la veuve. Calas à Paris, comédie en un acte & en prose, de M. Pujoulx.

Ce titre n'indique pas très-clairement le sujet de la piece, car le vrai sujet que l'on y a traité est la réhabilitation de Calas pere. Sa veuve, ses filles & un de ses fils attendent dans une prison la nouvelle de la décision des juges. Ceux-ci sont assemblés. Un faux bruit annonce que le jugement n'est point favorable : la famille est au désespoir : mais M. Elie de Baumont la vient consoler, & la fait passer de l'excès de la douleur à l'excès de la joie, en lui apprenant que l'innocence du malheureux Calas est enfin solemnellement reconnue. Un événement accessoire rend plus dramatique ce peu d'action. Dans les premieres scenes, un vieillard s'adresse au geolier pour le prier de le placer dans un cabinet voisin d'où il puisse être témoin de toutes les affections de la veuve & des enfans de Calas : le geolier, homme sensible & très au fait de leurs affaires, lui parle sans cesse de M. de Voltaire, de tout ce qu'il a fait & écrit pour cette famille qui s'entretient de lui continuellement ; la bonne servante survient & renchérit encore. Voltaire (car ce curieux vieillard est Voltaire lui-même venu à Paris seulement pour deux jours) montre de l'impatience & du trouble à tous ces récits : on le prend pour un malveillant : mais comme il n'y a aucun inconvénient, on consent qu'il soit témoin de tout, comme il l'a désiré. Lorsque M. Elie de Beaumont annonce le succès, ne pouvant résister à son impatience, il sort de sa retraite : toute la famille reconnoît son bienfaiteur ; son buste est là ; on avoit préparé une couronne ; on la donne à l'original, & le bonheur de tous les personnages est complet, ainsi que celui des spectateurs.

Cette piece est réellement le triomphe de Voltaire autant que celui de Calas. Elle a eu beaucoup de succès. Au mérite d'être écrite avec soin, elle joint celui de renfermer beaucoup de tableaux touchans, & de scenes attendrissantes. Ce doux intérêt tient en suspens l'ame du spectateur. Le caractere des juges de Toulouse est très-bien tracé.

M. Grangé a très-bien rendu le rôle de Voltaire ; Mme. Gontier le rôle de la bonne servante ; M. Solier celui d'Elie de Baumont : les autres sont moins importans.

La pièce a été mise en opéra par le même Pujoulx, musique de Solié, sous le titre de Une Matinée de Voltaire, ou la Famille Calas à Paris. Représentée le 2 prairial an 8 [22 mai 1800], cette nouvelle version n’a pas été imprimée (J.-M. Quérard, La France littéraire, ou dictionnaire bibliographique, tome dixième, p. 431). A l'occasion de la représentation de cette pièce, un lecteur du Courrier des spectacles a écrit une lettre (reproduite dans la page consacrée à la transformation en opéra de la pièce) où il rapproche de façon intéressante les deux versions de cette visite de Voltaire à la veuve de Calas.

D’après la base César, la pièce de 1791 a été jouée 6 fois au Théâtre Italien, du 31 juillet au 3 octobre 1791, et 4 fois au Théâtre du Marais, du 16 décembre 1792 au 11 janvier 1793.

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