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Le Voyage interrompu

Le Voyage interrompu, comédie en 3 actes, de Picard, 29 brumaire an 7 [19 novembre 1798].

Théâtre de l'Odéon (Théâtre Français du Faubourg Germain).

Ce 29 brumaire [19 novembre], le Courrier des spectacles annonce la pièce sous ce titre : le Voyage impromptu.

Titre :

Voyage interrompu (le)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

prose

Musique :

non

Date de création :

29 brumaire an 7 [19 novembre 1798]

Théâtre :

Théâtre de l’Odéon

Auteur(s) des paroles :

L. B. Picard

Almanach des Muses 1800

Deux jeunes artistes gagnent un terne1 à la loterie ; que feront-ils de leur argent ? Ils vont entreprendre un voyage. Ils partent ; les voilà à Montargis : ils n'iront pas plus loin, parce qie l'amour y arrête l'un d'eux auprès de la fille d'une madame Dercour. Mais cette fille est promise à un jeune homme de Moulins. Il faut éconduire ce jeune homme. Comme madame Dercour et sa fille ne le connaissent pas, comme il ne les connaît pas non plus, l'un des deux artistes lui donne une fausse adresse de madame Dercour, puis se présente sous le nom du futur, présente ensuite son ami, qu'il force à déclarer son amour pour la jeune fille, feint alors un beau dévouement, et a l'air de sacrifier ses droits à l'amitié. Voilà le mariage arrêté, on n'attend plus que le notaire ; celui-ci n'arrive pas. On en appelle un autre, mais c'est un bavard qui ne termine rien. Quel parti prendre ? On va chez le notaire qui devait le premier dresser l'acte. Qui est-ce qu'on y trouve ? le véritable prétendu, qui, trompé par la fausse adresse, se croit chez sa future belle-mère, et ne doute pas, lorsqu'il entend parler d'une femme en couche, que ce ne soit la jeune personne qu'on lui destine. Les réponses qu'on fait ne servent qu'à augmenter ses soupçons. Sa bêtise et sa gaucherie frappent bientôt, et madame Dercour et sa fille. On le congédie, et l'artiste amoureux s'unit à celle qu'il voulait épouser.

Beaucoup de gaîté, de connaissance de la scène. Du succès.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Migneret; an VII ;

(exemplaire de la collection Marendet)

Le Voyage interrompu, comédie en trois actes et en prose, Représentée pour la première fois sur le Théâtre français du faubourg Germain, à Paris, le 29 brumaire, an 7 de la République française. par L.B. Picard.

Dans le tome second de ses Œuvres (Paris, chez Barba, 1821), Picard fait précéder sa pièce d’une courte préface p. 3-4  :

PRÉFACE.

Cette pièce est plus bouffonne que comique. Il y a des scènes qui tiennent de la farce : mais plût au ciel qu'on pût encore faire des farces. comme celles de Molière ! J'en atteste Scapin et Pourceaugnac. Ici je ne crois offenser ni le goût, ni la raison. Mes deux jeunes gens et leur jockey, la femme romanesque et son gendre futur offrent, sinon des caractères, au moins des physionomies assez plaisantes ; la pièce fait rire de bon cœur à la représentation, et il y a au second acte une scène de comédie, la scène du notaire Jolivet.

Ce fut mon ami Andrieux qui le premier imagina, dans ses Étourdis, de mettre en scène deux jeunes amis, l'un bien intéressant, bien amoureux; l'autre bien spirituel, bien fertile en expédients pour le compte de son ami. Cela n'est-il pas plus dans nos mœurs qu'un valet ayant de l'esprit pour son maître. Le valet n'en a pas moins un rôle ; mais il est à sa place, il n'est que l'instrument de l'intrigue ; c'est un des deux amis qui a tout l'honneur de la conception. Combien de fois n'a-t-on pas emprunté cette heureuse idée à l'auteur des Etourdis ? Pour ma part, j'ai toujours cherché à ne pas faire d'un valet l'intrigant de ma pièce, et j'ai souvent mis en scène deux amis qui rappellent les deux étourdis d'Andrieux.

Combien de fois aussi n'a-t-on pas pris à Molière sa fable de Pourceaugnac ? Depuis ce bon gentilhomme limousin jusqu'aux niais de nos derniers tréteaux, que de pièces fondées sur les tours joués à un ridicule personnage rival d'un jeune homme aimable et préféré. On serait tenté de croire que cette idée est la base fondamentale de toutes nos pièces d'intrigue. C'est la base du Voyage interrompu; c'est celle de plusieurs de mes comédies.

Une anecdote m'a fourni la scène du notaire Jolivet. Un homme pressait la cérémonie de son mariage, parce qu'il craignait une opposition. Le commis de l'état civil était si bavard, si questionneur, aimait tant à s'interrompre pour prendre du tabac, tailler sa plume, ou raconter une histoire, que l'opposition arriva, et le mariage ne se fit pas.

Hors cette scène du notaire, il n'y a ici ni observation, ni peinture de mœurs. Quelques mots, quelques détails font sentir l'époque où la pièce fut écrite. Les ruses de Florimon me paraissent vives et assez ingénieuses. La situation de La Mortillière, promené au bout des ponts et arrivant chez une femme en couche, n'a jamais manqué de faire rire. Le dénoûment n'est pas bon, ou plutôt il n'y a pas de dénoûment. Ne sachant comment finir, je m'avisai de mettre une grande confusion parmi mes personnages. C'était la première fois que j'employais ce moyen. Il me réussit. Depuis, je crains bien d'en avoir abusé.

Courrier des spectacles, n° 30 brumaire an 7 [20 novembre 1798], p. 2-3 :

[Encore une pièce de Picard, qui « a été très-bien accueillie », même si le critique laisse peut-être pointer un peu de doute en disant que la pièce, en faisant beaucoup rire « a dû désarmer sa sévérité », qui était peut-être bien justifiée à ses yeux. L’intrigue, dont il analyse l’intrigue, est très conventionnelle : une histoire d’amour et de mariage  deux amis, l’un amoureux (c'est Dorlis), l’autre se mettant à son service (c'est Florimond) ; un rival, imbécile comme d’habitude (c'est Lamarlière) qu’on éloigne facilement, mais qui réapparaît par hasard chez le notaire à un moment stratégique ; des quiproquos. Il suffit que l’ami avoue ses manœuvres pour que le rival cède la place et que « Sophie épouse Dorlis ». Quel dénouement ! Mais le critique n’a rien à y redire. Deux bons acteurs, les autres étant moins importants.]

Théâtre Français de l’Odéon.

La pièce donnée hier pour la première fois sous le titre du Voyage interrompu, a été très-bien accueillie. L’auteur, le cit. Picard, qui jouoit un des rôles, a été demandé. Ce nouvel ouvrage de l’auteur de Médiocre et Rampant, est une farce assez plaisante, et qui, en excitant fréquemment les rires du public, a dû désarmer sa sévérité.

Deux jeunes gens, Dorlis et Florimond, ont gagné à la loterie un terne de vingt-quatre mille francs, et sont partis de Paris pour se rendre à Lyon, sans autre but que de s’amuser à dépenser leur argent. Ils ne sont encore qu’à Montargis, quand Dorlis devient amoureux de Sophie, fille de Mad. d’Hercourt, bourgeoise de cette ville. Dès-lors il n’est plus moyen de lui faire continuer sa route. Sa timidité l’empêche de déclarer son amour. Florimond, aidé de Victor, leur jockei commun, entreprend de lui procurer une occasion de parler à son amante. Pour cela, il se joint à des chanteurs Italiens qui parcourent la ville, et insulte Mad. d’Hercourt. Dorlis qui ne reconnoît pas son ami, vient au secours de la mère de sa maîtresse, chasse les chanteurs et est invité à fréquenter celles qu’il a secourues. Un jeune homme de Moulins, une espèce d’imbécile appelé Lamarlière, est attendu pour épouser Sophie qui ne le connoît pas. Florimond entreprend et vient à bout de l’éloigner, en le faisant égarer par Victor. Pendant son absence, il joue son rôle, et abandonne, par amitié pour Dorlis, ses droits sur le cœur de Sophie. Elle est prête d’épouser son jeune amant, lorsque par le bavardage de Jolive, notaire appelé pour dresser le contrat de mariage, ils sont tous obligés de se rendre chez Ricard, autre notaire, retenu chez lui par la maladie de son épouse. Lamarlière et son guide viennent d’arriver eux-mêmes à la maison de Ricard, dans laquelle le bourgeois de Moulins a voulu entrer, persuadé que c’étoit celle de Mad. d’Hercourt. Cette rencontre que ne peut éviter Florimond, dérange fort son projet. Son embarras est extrême, lorsque Dorlis avoue tout le .stratagème. Lamarlière qui s’apperçoit bien qu’un autre est aimé, et qui craint d’ailleurs les menaces de Florimond, consent à retourner chez lui, et Sophie épouse Dorlis. Cette pièce esl agréablement jouée par la c. Molé chargée du rôle de Mad. d’Hercourt, et par le cit. Devignv, qui remplit celui de Florimond. Les autres sont moins importans.

Magasin encyclopédique ou journal des sciences, des lettres et des arts, IV. année, tome quatrième, p. 544-546 :

[Après avoir dit que la pièce avait eu « un succès complet », qu'« elle offre un-comique naturel, beaucoup de gaieté et point de trivial », il n'y a plus qu'à résumer une intrigue matrimoniale (un amant, son ami qui l'aide, et son rival ; et un quiproquo qui ne retarde guère le dénouement : tout rentre dans l'ordre). Le critique trouve à la pièce « un peu d'invraisemblance, mais des caractères plaisans et des situations comiques ». Le dernier mot de l'article est « plaisir ».]

Le Voyage Interrompu, Comédie.

La nouvelle comédie du citoyen Picard a obtenu, au théâtre de I’Odéon, un succès complet ; elle est intitulée Le Voyage Interrompu : elle offre un-comique naturel, beaucoup de gaieté et point de trivial ; voici quel est le sujet.

Deux jeunes artistes gagnent un terne à la loterie, dont ils destinent le produit à faire un long voyage pour leur instruction ; mais à peine sont ils à Montargis que l’un d’eux devient éperduement amoureux de la fille d’une madame Dercourt, provinciale romanesque.

Cette madame Dercourt a promis sa fille à un élégant de Moulins, qu’elle ne connoit pas : le plus gai des deux amis conçoit et exécute le projet d’éconduire le rival, et de faire consentir la mère à l'union de sa fille avec Dorlis. Pour réussir, il commence par envoyer l'élégant de Moulins à trois quarts de lieue, en lui donnant une fausse adresse de la maison de madame Dercourt ; ensuite il s'introduit chez elle sous le faux nom de Lamortillirère, passe pour le prétendu, feint de reconnoître Dorlis pour un ami qui lui a sauvé la vie, en arrache l'aveu de son amour, et maniant adroitement la romanesque sensibilité de madame Dercourt, cède généreusement à son ami la main de son amante. Tout est prêt à se conclure mais le notaire qui devoit dresser le contrat ne sauroit venir; on appelle un petit notaire qui se trouve plus voisin ; mais c’est un bavard éternel qui, au lieu de servir les amans, les contrarie et les importune par son babil.

Enfin, tout le monde arrive chez le premier notaire qui ne peut sortir, parce que sa femme est en couche ; mais par malheur le véritable Lamortillière, trompé par une fausse adresse, s’y est rendu croyant aller chez sa belle-mère. Il entend parler d'une femme en couche, mariée secrétement ; soupçonne que c'est sa prétendue et qu’on a voulu le tromper Le faux Larmortillière embrouille son mieux les explications ; ce qui en résulte, c'est que le véritable Larmortillière est congédié, et que Dorlis épouse mademoiselle Dercourt.

Cette espèce d'imbroglio est dans le genre des comédies de Dancour : il y a un peu d'invraisemblance, mais des caractères plaisans et des situations comiques. L'ouvrage a fait plaisir.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1798 (vingt-huitième année), tome III (frimaire, an VII [décembre 1798])p. 230-232 :

[Annonce d’un succès, celui d’une comédie dont l’intrigue est rapidement résumée. Un couplet répété est cité. L’auteur a été demandé et a paru. Jusque là, rien de notable. Le dernier paragraphe est plus étonnant : le « jeune auteur » est loué pour son « esprit vraiment comique », sa capacité de « répandre dans son dialogue beaucoup de sel & de gaieté », mais il est aussi mis en garde contre l’abus d’un comique burlesque : le critique l’invite à appliquer son talent à « des genres plus élevés ». Mieux vaut la qualité que le nombre des pièces.]

THÉATRE FRANÇAIS, SALLE DE L’ODÉON.

On a donné avec succès à ce théâtre une comédie en 3 actes & en prose, intitulée : le Voyage interrompu. Dorlis, jeune peintre, & Florimont son ami, ont gagné un terne sec à la loterie ; ils ont pris la résolution – d'employer leur argent à un voyage d'Italie ; & ils sont déjà à Montargis, lorsque la pièce commence. Dorlis y est devenu amoureux de la fille d'une madame d'Harcourt, femme ridicule & enthousiaste des romans modernes. Mais comment se présenter à elle sans en être connu ? Florimont lève toutes les difficultés par des stratagêmes pleins d'adresse & de gaieté. Sous le déguisement du futur de Mlle. d'Harcourt, cet officieux ami fait le sacrifice de son amante, & conduit l'intrigue avec tant de rapidité, que la mère se décide presque tout de suite à donner son consentement au bonheur de Dorlis. Enfin tout se découvre, & l'indulgente madame d'Harcourt, qui trouve cette aventure conforme à ses goûts romanesques, accepte pour gendre le jeune peintre. Cette pièce est dans le genre des comédies de Dancourt : elle respire une gaieté vive & jamais triviale. Les événemens s'y succèdent, avec une rapidité étonnante. On y remarque une critique fine, des romans & des drames modernes. On a fait répéter ce couplet.

Autrefois on trouvoit sublimes,
Phèdre, le Tartuffe & Cinna ;
Nos drames & nos pantomimes.
Valent bien mieux que tout cela.
Autrefois une même scène :
Maintenant de l'Inde à Paris,
Et de l'enfer au paradis,
La même pièce nous promène.

L'auteur a été demandé, & il a paru au milieu des applaudissemens. C'est le C. Picard, auteur de Médiocre & Rampant, des Deux postes, &c.

Ce jeune auteur a l'avantage assez rare aujourd'hui d'avoir un esprit vraiment comique & de répandre dans son dialogue beaucoup de sel & de gaieté. Nous le croyons propre à ramener le temps où l'on rioit aux représentations des comédies ; mais nous l'invitons à se servir de ces moyens précieux dans des plans où le burlesque ne soit qu'accessoire. Il a prouvé déjà ce qu'il peut dans des genres plus élevés. Le public & lui ne pourront que gagner infiniment à l'espèce plutôt qu'au nombre de ses pièces.

D’après la base César, la pièce a été jouée 28 fois au théâtre de l’Odéon, du 17 novembre 1798 au 20 mars 1799. César signale 17 autres représentations du 22 mars au 19 novembre 1799, dans divers théâtres (7 théâtres différents, dont 8 fois le Palais des Variétés).

1 À la loterie, « Combinaison de trois numéros qui doivent sortir ensemble au même tirage pour donner droit à un gain particulier » (TLFI).

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