Les Visitandines

Les Visitandines, comédie en deux actes, puis trois, mêlée d'ariettes, de Picard, musique de Devienne, 7 août 1792.

Théâtre de la rue Feydeau

Titre :

Visitandines (les)

Genre

comédie mêlée d’ariettes

Nombre d'actes :

2, puis 3

Vers / prose

prose, avec ariettes en vers

Musique :

ariettes

Date de création :

7 août 1792

Théâtre :

Théâtre de la rue Feydeau

Auteur(s) des paroles :

L.-B. Picard

Compositeur(s) :

Devienne

Almanach des Muses 1793

Encore un couvent sur la scène ! Celui-ci continue depuis six mois d'avoir le plus grand succès. La musique ne fait pas moins d'honneur à M. de Vienne, que les paroles à M. Picard.

La brochure publiée chez Maradan et Charron en 1792, qui ne donne pas de nom d'auteur, indique comme date de première représentation le 7 août 1792. Celle que possède la collection Marandet, publiée chez Delalain la même année, donne le nom de Picard et la même date de première représentation, le 7 août 1792.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an IV de la République :

Les Visitandines, comédie en trois actes, mêlée d’ariettes. Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la rue Feydeau. Paroles de L.-B. Picard, musique du C. Devienne.

Dans l’édition de ses Œuvres complètes, tome premier (Paris, 1812), la pièce est précédée d’une préface de l’auteur, p. 85-86 :

J’ai fait plusieurs opéras comiques. Je n'imprime dans mon recueil que ceux où je crois trouver quelques idées de comédie.

Les Visitandines obtinrent un très-grand succès. Ce succès se soutient depuis plus de vingt ans. La pièce a survécu à toutes celles où l'on avait introduit des religieuses. Elle doit cet avantage principalement au charme d'une musique gracieuse et spirituelle.

L'intrigue est assez commune ; mais la méprise du valet prenant un couvent pour une auberge, le coup de cloche des matines étouffant la voix de l'amant qui veut chanter une romance, la scène des deux ivrognes, et quelques détails assez vrais du second acte sur les mœurs et les habitudes des couvents de nonnes, contribuèrent, avec la musique de Devienne, au succès de l'ouvrage.

Je veux rendre à mon ami Andrieux ce qui lui appartient dans cet opéra comique, et ce qu'il n'a jamais songé à réclamer. La date de la première représentation des Visitandines est déjà ancienne ; mon amitié avec Andrieux est plus ancienne encore. Il n'avait pas donné, il n'avait pas même, je crois, composé Anaximandre, lorsqu'il fit une petite pièce intitulée, les Vestales ou la Métamorphose d'Ovide. Quelques années après il me la communiqua.

Ovide, encore bien jeune, s'est introduit chez les Vestales, sous des habits de femme, pour y enseigner l'art d'aimer. Il y tombe malade ; on envoie chercher un médecin. Ce médecin se trouve être son oncle. Andrieux n'a jamais pensé à faire usage de sa petite pièce. Je ne crois pas qu'il veuille la publier. J'en suis fâché. On y retrouve la grâce et l'élégance qui brillent dans ses autres ouvrages.

Que les âmes timorées ne s'effraient pas de voir des religieuses en scène. Mon jeune homme est un peu libertin, son valet est bien effronté ; mais je crois que mes Visitandines ne doivent effaroucher personne, puisque tout le monde lit sans scrupule les aventures du perroquet de Nevers. On pourra reconnaître à quelques endroits de ma pièce qu'en la composant je me suis souvenu du charmant poëme de Gresset.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 6 (juin 1793), p. 316-319 :

[Les auteurs ont décidé de changer leur pièce (le dénouement ne semblait pas satisfaire le public), et le critique porte un jugement sévère sur ces modifications, qui n’ont pas amélioré la pièce. or, et c’est ce qu’il développe d’entrée, c’est une tâche très risquée que de modifier une pièce qui a plu malgré ses défauts. Après avoir exposé minutieusement ces modifications, le critique les condamne : le dénouement nouveau ne vaut pas mieux que l’ancien, et le troisième acte paraît bien long. De plus, le sujet est rendu « plus qu’indécent », et les propos sur les moines sont « des calomnies souvent rebattues : c’est faire « outrage aux mœurs, qu’on doit toujours respecter au théâtre ». ces propos indécents ou calomniateurs sont de nature à empêcher une mère de mener sa fille au théâtre. Le sommet de l’indécence est une chanson gasconne, suffisante pour écarter biend es gens d’un théâtre qui avait jusque là bonne réputation (bon ton et décence). Le critique finit par un appel aux auteurs, librettiste et compositeur revenez à la première version, et travailler sur d’autres sujets, vous valez mieux que cette pièce, qualifiée de « petit désagrément ».]

Les visitandines, avec un 3e acte, & des changemens dans le second.

11 est toujours difficile de retoucher un ouvrage qui a eu du succès, quoique manqué dans le premier jet, d'ajouter à une piece consacrée pour ainsi dire, par un grand nombre de représentations, & dont le public a adopté non-seulement la beauté, mais même jusqu'aux défauts. Ce même public, d'ailleurs, a le droit d'être exigeant ; il a le droit d'attendre mieux qu'on n'a fait, ou du moins tout aussi bien : si vous le déplaisez, il faut que ce soit par des incidens fortement prononcés : il faut que le ton de l'ouvrage soit le même, que ce qui lui a plu dans l'ancien ouvrage soit conservé dans le nouveau, & que ce que vous y ajoutez soit fait pour lui plaire davantage. Si vous manquez à une seule de ces conditions, vous gâtez au-lieu de perfectionner, & dussiez-vous avoir répandu du comique, des intentions plaisantes, des traits d'esprit dans les nouvelles scenes que vous lui offrez, vous mettez le public dans le cas de regretter la piece telle qu'il la connoissoit, & de la redemander..... C'est ce qui est arrivé, à la premiere représentation des visitandines avec un troisieme acte nouveau & des changemens dans le second. Le second acte auroit pu faire plaisir avec les changemens, y supprimant quelques longueurs ; mais le troisieme acte a paru long, immoral, d'un mauvais ton, invraisemblable & peu comique. Voyons quelles sont les additions que l'auteur a faites à ses visitandines.

A la fin du second acte, Belfort & Frontin, sous le costume, l'un de sœur Séraphine, & l'autre de pere Hilarion, profitent d'un moment où toutes les religieuses courent après le perroquet de madame la supérieure, qui s'est envolé, pour enlever Euphémie, toujours à l'aide du jardinier Grégoire. Bientôt les religieuses, apprenant cette évasion, font sonner la cloche du couvent, & envoient à la poursuite des coupables. Au troisieme acte, le théatre représente d'un côté une cellule du couvent des visitandines, & de l'autre la bibliotheque d'un couvent de capucins, qui n'est séparé de celui des femmes que par un mur mitoyen Trois capucins sont à table, entourés de bouteilles, de pâtés, de jambons, &c. On frappe ; c'est un garçon jardinier de la visitation (rôle joué comiquement par M. Lesage), qui vient engager le prieur à faire justice du pere Hilarion & de Grégoire. Frontin est découvert ; on l'enferme dans la bibliotheque avec Grégoire ; mais, au moyen d'un trousseau de clefs qu'il a pris avec les habits du pere Boniface, gardien des capucins, Frontin découvre, dans une armoire, le pâté, le vin, le jambon, &c. que les peres venoient de cacher à la hâte. Après avoir amplement mangé & bu, Frontin découvre encore une fausse porte que le pere Boniface a fait faire dans la bibliotheque, & qui communique au couvent de la visitation ; Frontin l'ouvre, & trouve de l'autre côté son maître & Euphémie qu'on vient d'y enfermer ensemble. Des deux côtés les religieux & religieuses se font entendre : Euphémie & son amant passent à la hâte du côté des capucins, tandis que Grégoire & Frontin restent dans la cellule de la visitation (cette scene plaisante promettoit beaucoup plus qu'elle n'a tenu); enfin tout se découvre, & Dorlis, frere d'Euphémie, vient à propos lui annoncer la mort de son pere & la retirer du couvent pour la marier à son ami Belfort.

Ce dénouement n'a pas paru plus heureux que le premier, quoiqu'il se soit fait attendre plus long-tems. On peut reprocher aussi à l'auteur d'avoir rendu son sujet plus qu'indécent, & d'avoir répété, jusqu'à satiété, sur le compte des moines & des nones, des calomnies souvent rebattues ; ce qui sans doute outrage les mœurs, qu'on doit toujours respecter au théatre, & ce qui pourroit empêcher une mere de mener sa fille voir la piece des visitandines. Une chanson gascone que tout le monde connoît, chantée d'ailleurs délicieusement par Martin, seroit seule capable d'éloigner beaucoup de monde de ce théatre, qui, jusqu'à présent, s'est fait distinguer par son bon ton & par sa décence. En un mot, nous serons, sur les changemens & additions de cette piece, de l'avis du public, qui a crié à la fin : les Visitandines en deux actes ! & nous engageons messieurs Picard & Devienne à laisser cette charmante comédie telle qu'elle étoit, avec ses légers défauts, & à travailler sur d'autres sujets : tous deux ont des talens chers au public ; tous deux ont des moyens pour faire oublier ce petit désagrément, & pour soutenir une réputation qu'ils ont méritée à plus d'un titre.

Le livret des Visitandines fut mis en musique par François Devienne ; entre 1792 et 1797, cet opéra comique fut joué plus de deux cents fois [et le succès continue en 1798 et 1799, d'après le site César] et fut ainsi l'une des œuvres scéniques les plus populaires de l'époque révolutionnaire.

Comment savoir ce qui est advenu des modifications relatées ici ?

D’après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 441, les Visitandines n’ont pas cessé d’être modifié et joué, en deux ou trois actes, parfois avec comme titre le Pensionnat ou les Modernes

Il a reparu sur le théâtre de l’Opéra-Comique le 5 mars 1825, en deux actes, sous le titre de le Pensionnat de jeunes demoiselles, livret de Picard, révisé par Jean-Baptiste-Charles Vial, musique de Devienne. Il a été joué jusqu’en 1835. Et Nicole Wild et David Charlton signalent une reprise le 15 mai 1900.

 

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