L'Apollon du Belvédère ou l’Oracle, folie-vaudeville impromptu en un acte d'Étienne, Moras et Gaugiran-Nanteuil, 29 brumaire an 9 [20 novembre 1800].
Théâtre des Troubadours.
L'Apollon du Belvédère, copie romaine en marbre d'un bronze grec, apparu dans les collections du Vatican dès le 16e siècle, a été saisi par les Français en 1797, en exécution du traité de Tomentino, et il a séjourné dans ce qui devait devenir le Louvre, jusqu'à sa restitution au pape en 1815.
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Titre :
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Apollon du Belvédère (l’)
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Genre
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vaudeville
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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29 brumaire an 9 [20 novembre 1800]
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Théâtre :
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Théâtre des Troubadours
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Auteur(s) des paroles :
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Etienne, Moras et Gaugiran-Nanteuil
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Almanach des Muses 1802
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Roux, an 9 (1800) :
L'Apollon du Belvéder, ou l'Oracle, folie-vaudeville impromptu en un acte par les citoyens Etienne, Moras et Gaugiran-Nanteuil, [Texte imprimé] : représenté pour les premières fois sur le théâtre des Troubadours, rue de Louvois, les 29, 30 brumaire, 1er, 2 et 3 frimaire de l'an 9, dédié à Grétry.
Le texte de la pièce est précédé du texte suivant, très polémique, tant envers le théâtre du Vaudeville que du Courrier des spectacles qui a fait naître la polémique sans en assumer la responsabilité :
Cette folie à laquelle a donné lieu l'inauguration de l'Apollon du Belvéder, à été composée dans une nuit et représentée trois jours après. Le succès complet qu'elle a obtenu nous venge bien des injures de certains pygmées qui ne peuvent nous pardonner de ne les avoir pas mis au nombre des favoris d'Apollon. A la tête de ces petits Messieurs se trouve le nommé P. C. F... G..., premier aide de camp du Courrier des spectacles, et du Paon prenant les couleurs. ( Voyez le 2e. couplet du vaudeville.) Il a prétendu, dans son Analyse, que nous avions jetté le gant au Vaudeville, et que sans doute celui-ci l'avait déjà ramassé. Nous avons dû réclamer contre cette assertion méchante et perfide ; et nous avons écrit à Lepan la lettre la plus honnête. Celui-ci avec sa bonne foi et son impartialité ordinaire, en ayant refusé l'insertion dans sa feuille, nous nous sommes vus forcés de la publier dans d'autres journaux. Mais à quoi bon rappeler ici ces particularités. Parler de Lepan à propos d'Apollon... Cela passe vraiment la plaisanterie, et nous nous arrêtons pour éviter la colére du dieu. Il est plus agréable pour nous d'opposer à de vaines clameurs le témoignage d'un grand homme, celui du Molière de la musique ; il assistait, avec toute sa famille, à la représentation de l’Apollon. Au moment où celui-ci lui rend grâce de l'avoir si bien fait chanter dans Midas, de vifs applaudissemens éclatèrent dans toute la salle. Le lendemain il a écrir aux auteurs la lettre suivante dont ils suppriment toutefois ce qu'elle contient de trop flatteur pour eux; mais on conviendra sans peine qu'un mot d'éloge de Grétry venge bien de toutes les injures, d'un Lepan er de ses acolytes.
GRÉTRY,
aux citoyens
MORAS, ÉTIENNE ET NANTEUIL.
« J'ai assisté hier aux Troubadours, Citoyens : c'était fête complète pour moi et pour ma famille qui m'accompagnait. L'Apollon du Belvéder, auquel j'ai fait la cour à Rome pendant dix ans, a bien voulu me reconnaître à Paris, et c'est à l'estime flatteuse que vous avez pour mes faibles talents que je dois cette reconnaissance qui m'honore. Continuez toujours de même, citoyens ; j'ai fini ma tâche, mais j'aime les succès de mes survivanciers, et une moisson entière vous reste encore à cueillir. »
Signé GRÉTRY.
Courrier des spectacles, n° 1362 du 30 brumaire an 9 [21 novembre 1800], p. 2 :
[Dans ce simple entrefilet, annonce du succès, du nom des auteurs et promesse de l'analyse pour le lendemain.]
Théâtre des Troubadours.
La première représentation de l'Apollon du Belvédère, vaudeville en un. acte, donné hier à ce théâtre, a obtenu du succès ; les auteurs, vivement demandés, ont été nommés : ce sont les citoyens Etienne Moras et Nanteuil. Nous reviendrons demain sur cette pièce dont nous donnerons l’analyse.
Courrier des spectacles, n° 1363 du 1er prairial an 9 [22 novembre 1800], p. 2 :
[Le compte rendu complet n'est pas si méchant, il constate simplement que la pièce n'a pas vraiment d'intrigue, ce qu'on ne peut pas trop contester, et qu'elle n'offre rien de neuf, en dehors de ses couplets « tournés avec grâce ». Et il en donne deux exemples, dont celui qui met en cause le genre même du vaudeville (dans un vaudeville !), avant de souligner qu'il y a là motif à duel.]
Théâtre des Troubadours.
Couplet d’annonce.
Vous croyez, trompés par le nom,
Voir ici le dieu du Génie,
Mais vous trouverez Apollon
Sous les grelots de la folie.
Sur-tout ne soyez pas ingrats
Envers celui qui vous éclaire,
Et dans la nuit ne plongez pas
Le dieu de la Lumière.
Un amant s’introduit, grâce à l’activité et au génie inventif de son valet chez sa maîtresse, dont la tante raffole des antiques, et drapé comme l’Apollon du Belvédère, il passe pour cette admirable statue. On l’interroge, il répond, et ses oracles favorables à la tante la disposent à signer le contrat de mariage, lorsque tout se découvre.
Tel est le sujet de l'Apollon du Belvédère, ou l'Oracle, donné avant-hier pour la première fois à ce théâtre.
Il ne falloit rien moins que des couplets tournés avec grâce et avec esprit, pour faire passer cette pièce dont le fonds, comme on le voit par l’analyse ci-dessus ; est si peu de chose, et n’est pas neuf.
Voici deux des couplets qui ont été redemandés.
Le premier fait allusion aux chevaux envoyés par le roi d’Espagne au premier Consul :
Air : d'Arlequin afficheur.
On a vu deux peuples amis
Toujours se prêter assistance,
Mais ce présent des deux pays
Resserre encore l'alliance.
Chacun brûle de contempler
Ces Coursiers, monument de gloire,
Que l’Amitié vient atteler
Au char de la Victoire.
Dans le second la Comédie est comparée à la Peinture :
Entre ces deux arts précieux
Il existe un rapport notoire :
Prenant un vol audacieux,
Le Tragique est peintre d’histoire,
Le Comique fuit les portraits,
Le Drame la carricature,
Le Vaudeville vient après,
Et c'est le peintre en miniature.
Le Vaudeville avoit eu jusqu’ici la prudence de ne pas attaquer les Troubadours. Ceux-ci, dans la pièce d’hier, lui ont jetté le gant. Il est sans doute déjà ramassé.
F. J. B. P. G ***.
Magasin encyclopédique ou Journal des sciences, des lettres et des arts, VI. année (an VIII. – 1800), tome IV. p. 271-272 :
[La pièce a connu un grand succès, mais elle doit largement à « des couplets mordans et satyriques, où les personnalités ne sont pas épargnées » (les personnalités, c'est-à-dire les attaques personnelles :ce n'est pas vraiment correct !). Le compte rendu de l'intrigue permet assez bien d'en voir la vacuité et le caractère convenu (un mariage à la fin d'un vaudeville, ce n'est pas vraiment une surprise...).]
L'Apollon du Belvedère.
Ce vaudeville, joué le 29 brumaire, a obtenu beaucoup de succès, grâce à des couplets mordans et satyriques, où les personnalités ne sont pas épargnées.
M.me d'Espritvieux s'avise d'avoir la manie des arts ; elle veut acheter le buste de Trophonius. Tromboner, musicien, et Despointes, auteur de vaudevilles, sont de société. Un fameux antiquaire d'Italie doit lui vendre l'Apollon du Belvedère, et même la Vénus pudique. Cet antiquaire est Germain, valet de Derlange, dont le maître est amoureux d'Apolline, fille de M.me d'Esprivieux. Il fait déguiser Derlange en Apollon, et Apolline en Vénus. Les questions faites au Dieu, amènent des couplets piquans qui tiennent lieu de fond à l'ouvrage. Enfin les amans se font connoître à M.me d'Esprivieux, qui leur pardonne et les unit.
Les auteurs sont les CC. Etienne, Moras et Nanteuil.
Nicolas Brazier, Histoire des petits théâtres de Paris depuis leur origine, tome I (Paris, 1838), p. 57-59 :
[Une vision un peu distanciée de la fortune de la pièce, et aussi du théâtre : le Vaudeville, théâtre, et le vaudeville genre sont importants dans cette période de l'histoire, peut-être pas si propice aux esprits critiques. « Des épigrammes contre quelques journaux valurent aux auteurs des articles un tant soit peu acerbes, auxquels ceux-ci répondirent avec âcreté. Dès lors la guerre fut déclarée, guerre très vive, mais non sanglante. »]
Lorsque le premier consul envoya à Paris les tableaux et les statues qu'il avait enlevés à l'Italie, on fit beaucoup de vaudevilles de circonstance. MM. Etienne, Moras et Nanteuil composèrent l'Apollon du Belvédère, ou l'Oracle. Cette petite pièce, qui distribuait beaucoup de critiques, blessa quelques susceptibilités littéraires ; car, dans ce temps-là, le vaudeville était une puissance. Apollon, qui rendait ses oracles dans ses ouvrages, y mettait toute la franchise d'un dieu. Quand on lui demandait quel était son plus cher favori, il répondait Grétry ; quel était le plus aimable écrivain, Colin ; le poète au plus brillant style, Delille ; mais, en revanche, il n'épargnait point Misantropie et repentir, n'acceptait l'abbé de l'Épée qu'en faveur de son nom, et disait que l'Opéra-Comique, ne pouvant plus payer son loyer, avait mis : Maison à vendre. Des épigrammes contre quelques journaux valurent aux auteurs des articles un tant soit peu acerbes, auxquels ceux-ci répondirent avec âcreté. Dès lors la guerre fut déclarée, guerre très vive, mais non sanglante. On peut en voir les détails dans une préface imprimée en tête de l'Apollon du Belvédère, et dont voici quelques fragments :
« Cette folie, à laquelle a donné lieu l'inauguration de l'Apollon du Belvédère, a été composée en une nuit et représentée en trois jours.
Le succès complet qu'elle a obtenu nous venge bien, disent les auteurs, des injures de certains pygmées qui ne peuvent nous pardonner de ne les avoir pas mis au nombre des favoris d'Apollon.. . . . . . . Il est plus agréable pour nous d'opposer à de vaines clameurs le témoignage d'un grand homme, celui du Molière de la musique ; il assistait avec toute sa famille à la représentation de l'Apollon. Au moment où celui-ci lui rend grâce de l'avoir si bien fait chanter dans Midas1, de vifs applaudissements éclatèrent dans toute la salle. Le lendemain il a écrit aux auteurs la lettre suivante, dont ils suppriment, toutefois, ce qu'elle contient de trop flatteur pour eux. Voici la lettre de Grétry.
GRÉTRY,
aux citoyens
MORAS, ÉTIENNE ET NANTEUIL.
« J'ai assisté hier aux Troubadours, citoyens : c'était fête complète pour moi et pour ma famille qui m'accompagnait. L'Apollon du Belvédère, auquel j'ai fait la cour à Rome pendant dix ans , a bien voulu me reconnaître à Paris, et c'est à l'estime flatteuse que vous avez pour mes faibles talents que je dois cette reconnaissance qui m'honore. Continuez toujours de même, citoyens ; j'ai fini ma tâche, mais j'aime les succès de mes survivanciers, et une moisson entière vous reste encore à cueillir.
Signé GRÉTRY. »
Ces petits documents qui aujourd'hui paraissent ridicules, niais peut-être, prouvent cependant l'importance que l'on attachait alors à un vaudeville.
1 Le Jugement de Midas est une comédie mêlée d'ariettes en trois actes, de Thomas d'Hèle, musique de Grétry, créée le 28 mars 1778.
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