Décence, ou les Filles-Mères, parodie mêlée de vaudevilles de Laurence et Orzano, tragédie en cinq actes de Legouvé, de Radet, Desfontaines et Barré, 21 Germinal an 5 [10 avril 1797].
Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
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Décence, ou les Filles-Mères
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Genre :
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parodie
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Nombre d'actes :
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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21 germinal an 5 (10 avril 1797)
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Radet, Desfontaines et Barré
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Almanach des Muses 1798.
Parodie de la tragédie de Laurence. Plaisanterie sur les filles-mères des pièces nouvelles. Les enfans de Lisbeth, de la maîtresse de Palmer, de la fille de Polycrate, de Médée, arrivent successivement par le coche, accompagnées de mesdemoiselles leurs mères.
Courrier des spectacles, n° 95 du 22 germinal an 5 [11 avril 1797], p. 2-3 :
[Cette parodie de Laurence a réussi, et le critique en fait un compte rendu largement positif. Le grand défaut, outre les sempiternelles longueurs faciles à supprimer, est « la coupe de l'action », quand Possédée, qui représente Médée, vient tirer les cartes aux diverses filles mères des opéras récents. Bien que ces épisodes soient « fort ingénieux », il n'est pas naturel qu'ils retardent l'action (le naturel, toujours le naturel !) et le critique propose des solutions pour les faire passer après le dénouement, place où ils ne retarderaient pas l'action. Sinon, la pièce est gaie, les interprètes excellents, même s'il serait souhaitable que Delaporte arrête de parodier Talma hors de propos (c'est Saint-Fal qu'il aurait dû imiter....]
Théâtre du Vaudeville.
La pièce de Décence ou les Filles mères, parodie de Laurence, eut hier beaucoup de succès. Elle fut annoncée par le couplet suivant :
Air : Vaudeville de la Soirée Orageuse.
Laurence eut un succès flatteur ;
Laurence est chez nous travestie :
Puisse son estimable Auteur
Rire ici de notre folie !
Dans ce badinage innocent,
I1 ne doit rien voir qui le blesse :
C’est rendre hommage à son talent
Que de parodier sa pièce.
Les auteurs sont M.rs Barré, Radet et Desfontaines. Voici quelle est l’analyse de cette parodie. Décence, fille de Godronique, a été mariée secrètement à Cornini, dont elle a eu un fils, qu’elle a mis en nourrice à l’insu de son père ; celui-ci lui a fait diverses propositions de mariage, qu’elle a toutes refusées. Le jeune Bazano a vu Décence, et il n’a pu la voir sans l’aimer. Il la demande à son père, qui la lui accorde ; Décence n’est pas insensible aux charmes de Bazano, qui vient l’assurer de son amour : elle lui promet sa main. Bazano sort pour faire tout préparer pour son hymen. Décence reçoit une lettre qui lui apprend que Bazano est son fils. Celui-ci revient pour la conduire à l’autel ; elle refuse de l'y accompagner, et lui déclare qu’elle est sa mère. Le malheureux amant est dans une cruelle agitation ; il se trouve mal, et sort pour raffermir ses esprits. Ici les auteurs ont coupé le plan de la pièce, et y ont fait entrer quelques épisodes, tels que ceux de Lisbeth, d’Amalie dans Palmer, d’Anaïs dans Anacréon. Elles viennent demander conseil à Décence. Possédée (Médée) survient, et tire les cartes aux jeunes filles mères. Voici ce qu’elle leur prédit à chacune par un couplet :
Air : Si Pauline est dans l’indigence.
à Amalie.
Un joli succès vous appelle,
Voici ce que vous deviendrez :
Au théâtre Feydeau, ma belle,
Je vois que vous réussirez ;
Vous resterez folle et fidelle
A l’amour qui vous entraîna ;
Et pour avoir un beau modèle,
Vous vous souviendrez de Nina.
Même air.
à Anais.
Je vous annonce un sort prospère ;
Sous les habits d’Anacréon,
Un chanteur, près de votre père,
Vous prend sous sa protection.
Par lui, par sa voix mâle et tendre,
Vous êtes réconciliés :
On cède au charme de l’entendre,
Et tous les torts sont oubliés.
Air : Non, je ne ferai pas ce qu’on veut que je fasse.
à Lisbeth.
O ma chère Lisbeth, pour que chacun vous aime,
Vous n'avez, croyez-moi, besoin que de vous-même ;
En grâces, en talent, il ne vous manque rien :
Soyez toujours Lisbeth, vous serez toujours bien.
Vient ensuite le tour de Décence. Possédée se fait apporter un seau d’eau, casse un œuf, le jette dans l’eau, et lui prédit que Cornini n’est pas mort, qu’il est arrivé dans le pays, et qu’après un petit différend qu’il a eu avec Bazano son fils, ils se sont réconciliés, et qu’elle va les revoir ; en effet, Cornini arrive, suivi de Bazano et de Godronique : Cornini épouse Décence.
Cette parodie a fait généralement beaucoup de plaisir ; nous ne pouvons cependant nous dissimuler qu’il est des longueurs dans la première partie du plan ; nous pensons que les auteurs les feront disparoître. Mais ce qui nous a paru le plus frappant, c’est la coupe de l’action qui, nécessaire ment, est ralentie par le moyen des épisodes de Lisbeth, d'Amalie, etc. I1 est certain que ces épisodes sont fort ingénieux ; mais est-il naturel qu’ils retardent la marche de la pièce, et qu’ils soient même la cause que le dénouement en soit précipité par une simple devination ? I1 nous semble que ces scènes eussent pu venir après le dénouement, cela ne lui auroit pas nui, et le public n’en auroit pas moins trouvé le même agrément dans les couplets que nous avons donnés ci-dessus. Au surplus, cette pièce a de la gaité, quelquefois du sel et du comique ; elle a été jouée avec un parfait ensemble. M. Carpentier a très-bien rendu le rôle de Décence. Nous observerons à M. Delaporte, que l’habitude qu’il a contractée dans d’autres pièces, de parodier M. Talma, fait que dans Décence il avoit plutôt l’organe de l’artiste ci-dessus nommé, que celui de M. Saint-Fal. Nous espérons que dans quelques jours il aura, par son intelligence, beaucoup remédié à cette habitude. Il a fort bien joué le rôle de Bazano. M.rs Rozieres, Hypolite, et M.mes Hélene, Fleury, Belmont, Reine et Aubert, ont très-bien répondu aux désirs du public.
D. S.
Courrier des spectacles, N° 100 du 27 germinal an 5 [16 avril 1797], p. 2-3 :
Théâtre du Vaudeville.
Nous avons, dans notre N.° 94, donné l’analyse de Décence. Voici ce qu’en ont dit différens journaux :
Dans le Miroir, 23 germinal.
On a trouvé quelques longueurs dans ce qui n’a rapport qu’à Laurence ; mais dès que la magicienne Médée arrive, etc. L’intérêt et le plaisir ne laissent rien à désirer aux spectateurs ; des couplets ingénieux, des réparties malignes, et sur-tout le vaudeville de la fin, ont concouru au succès de cette agréable folie.
Feuilleton des Spectacles, 23 germinal.
Cette pièce est la plus immorale et la plus indécente, sans excepter celle de Santeuil et Dominique. Les auteurs se sont attachés à présenter des équivoques sales et dégoûtantes, qui ne sont pas la critique fine et plaisante qu’ils devoient faire de la pièce de M. Legouvé.
Le Déjeuner, du 23 germinal.
Cette parodie est remplie de couplets heureux, malins et plaisans ; les ridicules sont attaqués avec esprit, et les vers les plus heureux de Laurence placés avec adresse à côté des fautes réelles qu’on reproche à son auteur.
Journal d'Indications, du 23 germinal.
Une critique décente et gaie, des saillies, du sel, de l’épigramme. Ctlte parodie n’est pas sans défaut ; elle a des longueurs, et n’est pas toujours parodie ; l’arrivée des jeunes héroïnes n’est peut-être pas assez adroitement amenée.
Journal de Paris, 26 germinal.
On retrouve dans les premières scènes cette gaîté spirituelle qui caractérise les auteurs de Cruello, d’Abuzar, etc. Les critiques sont fines, spirituelles, et généralement justes ; mais sans aigreur et méchanceté, après l’arrivée de Médée, la parodie perd son caractère, la louange remplace l’épigramme.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 2e année, 1797, tome VI, p. 549 :
[Annonce du succès de ce que le critique voit plus comme un travestissement qu’une parodie. L’intrigue suivant « absolument » celle de Laurence, il ne prend pas la peine de la résumer, et il ne parle guère que de la fin (le vaudeville final ?). Le jugement porté ensuite parle de « couplets piquans et ingénieux », mais qui ne suffisent pas à soutenir la pièce dans son ensemble : « elle commence par exciter le rire, mais elle ne se soutient pas par ce ton vif et comique nécessaire à ce genre de composition ». Un élément de comique : un acteur travesti en femme et « copiant » sa collègue...]
La parodie de Laurence a attiré beaucoup de monde le 21 germinal au théâtre du Vaudeville ; la pièce a été travestie plutôt que parodiée ; l'intrigue est absolument suivie ; la scène se passe à la Rapée ; Decence consent à epouser le jeune Basano (Arlequin) coëffeur de son métier. Pour l'y fixer, il se trouve son fils, etc. A la fin de la pièce, toutes les Héroïnes de nos dernières pièces, dont le sujet est à-peu-près semblable, arrivent ; l'épouse de Palmer, Anaïs, Lisbeth, viennent demander du secours à Decence ; Médée leur dit la bonne aventure, et leur prédit leurs différens succès. On a applaudi des couplets piquans et ingénieux ; mais la pièce n'en a pas paru assez nourrie ; il y a des plaisanteries froides ; elle commence par exciter le rire, mais elle ne se soutient pas par ce ton vif et comique nécessaire à ce genre de composition. Le costume du citoyen Carpentier, jouant Decence, et copiant la citoyenne
Raucour, a beaucoup amusé.
Dans la base César, 40 représentations, du 10 avril 1797 au 19 septembre 1797 et du 27 avril 1798 au 18 septembre 1798 (7 représentations en 1798).
La Laurence parodiée semble être celle de Legouvé, Laurence [et Orzano], dont César ne connaît que 6 représentations au Théâtre de la Nation, du 22 mars 1797 au 27 avril 1797. La parodie aurait dépassé le modèle...
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