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Les Epoux portugais, ou l'Inquisition de Lisbonne

Les Epoux portugais, ou l'Inquisition de Lisbonne, drame en quatre actes, en prose, de Dejaure, 24 octobre 1792.

Théâtre du Marais.

Titre :

Epoux portugais (les), ou l’Inquisition de Lisbonne

Genre

drame

Nombre d'actes :

4

Vers / prose ?

en prose

Musique :

non

Date de création :

24 octobre 1792

Théâtre :

Théâtre du Marais

Auteur(s) des paroles :

Dejaure

Mercure universel, tome 20, n° 600 du vendredi 26 octobre 1792, p. 415 :

[L'exemplaire du Mercure universel proposé par Retronews est difficile à lire...

La pièce nouvelle s'inscrit pour le critique dans une série de pièces dont il rappelle la généalogie, depuis le roman de Paméla aux pièces qu'il a inspirées et dont la pièce de Dejaure est le dernier rejeton. Elle montre « le triomphe de l’innocence sur le crime », qui garantit selon lui un succès presque certain. Pour l'essentiel, le compte rendu tente de donner un résumé de l'intrigue qui est très compliquée (le compte rendu donné par l'Esprit des journaux sera bien plus précis, et plus obscur encore), et s'achève par la révélation de la « catastrophe […] heureuse » du dénouement. Il rappelle les derniers mots de la pièce, qui en donnent la leçon morale tout à fait adaptée au temps présent, puisqu'ils condamnent le fanatisme et la superstition. L'auteur a été donné dans les premières lignes, il ne reste qu'à saluer le talent des interprètes.

Clémentine et Désormes (et non Clémence et Désormes) est un drame en 5 actes et en prose de Monvel, créé à la Comédie-Française le 14 décembre 1780 et reprise au Théâtre Français de la rue de Richelieu en 1793. D'après la base Lagrange de la Comédie-Française, elle a connu à ce théâtre 24 représentations jusqu'en 1800.]

Theatre du Marais.

Le roman de Paméla a fourni l'épisode de Clémentine, ou la Folle par amour ; ce même roman a donné à Monvel l’idée de Clémence et Désormes, et à un auteur allemand celle de Don Diego et Léonore, qui a fourni à Dejaure-le sujet de l'ouvrage donné avec succès, mardi, sous le titre des Epoux portugais, ou l'inquisition de Lisbonne.

Le triomphe de l’innocence sur le crime cause une impression si délicieuse, que l'auteur est presque toujours certain du succès, quand son sujet comporte une catastrophe aussi heureuse.

Le citoyen Déjanre a .suivi exactement Don Diego et Eléonore, ouvrage du théâtre allemand, que l'on peut consulter dans la traduction de Frield.

Ferdinand, de la religion protestante, est arrêté et conduit dans les prisons de l’inquisition pour une indiscrétion très-légère. Il s’échappe la nuit, et vient dans sa maison rassurer son épouse. Mais la haine d’un moine le poursuit, il:épie et fait épier ses pas, découvre sa retraite et le fait enfermer de nouveau, parce que, il faut (selon ses principes) perdre le corps pour sauver l'ame. L'archevêque, homme juste et sensible, est touché du sort de Ferdinand ; il a un entretien avec lui, sa pitié est vivement excitée, lorsque le pere Isidore (c'est le nom du moine) lui présente une lettre, par laquelle il découvre que Ferdinand a formé le projet de se sauver, et d’entraîner dans sa fuite Clémence, nièce de l'archevêque, qui est à l’insçu de son oncle l’épouse de Ferdinand. Ce trait est profondément dramatique. L’archevêque livre Ferdinand, à la rigueur de l'inquisition ; cependant il vient dans sa prison le consoler. La douleur de Ferdinand éclate, il parle de sa famille, et le résultat de l'éclaircissement fait découvrir à l'archevêque que Ferdinand est le fils d'une femme qu'il eut autrefois en France. La nature parle, il [illisible] Ferdinand ; Clémence vient voir son époux, la mort est leur partage, ils vont se la donner plutôt que de la recevoir.... mais l'archevêque arrive assez tôt pour leur sauver la vie et la liberté.

Cet ouvrage produit de l’effet, il est terminé par cette exclamation :

« O fanatisme, ô superstition, vous avez causé plus de malheurs sur la terre que tous les fléaux ensemble qui désolent l'humanité ».

On a demandé l’auteur ; nous l'avons nommé. Baptiste a joué avec son talent ordinaire; Bocquay a été odieux. dans le rôle du père Isidore, et Langlois a voulu donner à l'archevêque un caractère de vertu, il lui a donné le sien.

 

Chronique de Paris, n° 307 du samedi 27 octobre 1792, p. 1202 :

[Compte rendu dans les formes usuelles d'un succès : d'abord la source, « un drame allemand ». Puis un long résumé d'une intrigue compliquée, riche en rebondissements, coups de théâtre et découvertes de secrets familiaux : on est tout près du mélodrame dont on reconnaît bien des lieux communs, le mariage secret, la naissance illégitime, la prison, l'évasion, le mauvais moine, la tnesion dramatique et la fin heureuse – même si le critique la trouve décevante : il aurait voulu uen fin catastrophique, alors que le mélodrame voudra une fin toujours optimiste, un mariage et non un double suicide. Suit un jugement soigneusement balancé entre point négatif (le dénouement affadi par rapport au modèle allemand, pour « ménager la sensibilité du spectateur » au lieu de montrer l'horreur de l'inquisition) et points positifs (la force des deux derniers actes, qui suscite l'intérêt des spectateurs pour la situation des personnages, le beau rôle de l'archevêque, la pureté du style). Enfin, les interprètes (deux sont cités, le grand acteur Baptiste, qui joue le rôle de Ferdinand, et l'actrice qui joue elle un rôle secondaire : les interprètes des autres rôles importants, Clémence, don Alonse, l'archevêque, sont ignorés...). Et l'auteur est nommé, avec insistance sur sa belle carrière.

La pièce ayant fourni le sujet de la pièce française, Don Diego et Léonore, est l'œuvre de Johann Christoph Unzer. Elle figure dans le Theater der Deutschen, tome 17, publié à Königsberg et Leipzig en 1776. Elle est présentée comme un Trauerspiel, une tragédie. Madame de Staël, dans De l'Allemagne, deuxième partie, chapitre 25, « Diverses pièces du théâtre allemand et danois », en fait un bel éloge : « Il me semble que don Diégo et Léonore surtout pourroit, avec quelques changements, réussir sur le théâtre français. Il faudrait y conserver la touchante peinture de cet amour profond et mélancolique qui pressent le malheur avant même qu’aucun revers l’annonce ».]

Théâtre du Marais.

Un drame allemand , intitulé : don Diego & Léonore a fourni le sujet des époux Portugais ou l'inquisition de Lisbonne, pièce en 4 actes, donnée mardi dernier à ce spectacle.

Le père Isidore, moine aussi ambitieux que cruel, veut unir son frère don Alonze à Clémence, nièce de l'archevêque de Lisbonne, chef du tribunal de l'inquisition. Il ignore que Clémence est unie secrètement à Ferdinand. Ferdinand, luthérien , n'a pu contenir son indignation en voyant les vexations exercées par les prêtres sur un homme de sa religion. Isidore profite de cette imprudence pour le faire arrêter au nom du saint office ; mais Ferdinand se sauve de sa prison, & se réfugie dans la maison de Clémence. Le moine a bientôt découvert sa retraite, & va le faire renfermer de nouveau lorsque l'archevêque arrive. Un intérêt, dont il ignore la cause, l'attendrit sur le sort de Ferdinand ; il cherche à le sauver lorsqu'Isidore intercepte une lettre qui renferme le projet de la fuite des deux époux. L'archevêque indigné de ce que ce jeune homme a voulu lui enlever sa nièce, le livre aux alguasils qui l'entrainent dans les cachots. Bientôt après, guidé par un mouvement de commisération dont il n'est pas maître, il vient revoir Ferdinand, & se charge d'une lettre que celui-ci le prie de remettre à son oncle, allemand de nation. Quelques questions sur cet oncle, & sur le pays de Ferdinand, le font reconnoître à l'archevêque pour le fruit d'un mariage secret qu'il avoit contracte autrefois Il sort précipitamment sans s'ouvrir sur son dessein, & promet à Ferdinand de revenir promptement. Alors don Alonzo, qui a tout tenté, mais envain , pour fléchir son implacable frere, vient déguisé offrir à Ferdinand de prendre sa place, Ferdinand refuse. Clémence arrive, les deux époux, privés de tout espoir, veulent se donner la mort lorsque l'archevêque se présente avec la grace de son fils Ferdinand; il donne son consentement, à son mariage avec Clémence, & les serre tous deux contre son sein. Isidore, pendant ce tems, a fait arrêter dans les avenues de la prison, un homme déguisé dont il sollicite vivement la punition. Quel est son étonnement & sa confusion en reconnoissant son frère don Alonzo, & en voyant le bonheur de celui qu'il a si cruellement persécuté.

L'auteur auroit peut-être mieux rempli le but de la pièce s'il avoit imité le dénouement de la pièce allemande, dans laquelle les deux époux se tuent. Cette catastrophe terrible est des plus propres à provoquer la haine contre ce tribunal de sang, la honte de l'humanité ; il paroît avoir voulu ménager la sensibilité du spectateur. L'intérêt qui règne dans les deux derniers actes, la beauté du rôle de l'archevêque, des détails d'un style pur, ont valu à l'auteur un succès mérité.

Le citoyen Baptiste remplit dans cette pièce le rôle de Ferdinand, avec cette supériorité de talens que tout le monde lui connoît. La citoyenne Masson rend aussi très-intéressant le rôle secondaire d'Isabelle, cousine de Clémence. L'auteur de cette pièce est le citoyen de Jaure, avantageusement connus [sic] par plusieurs ouvrages dramatiques.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 2 (février 1793), p. 304-307 :

[Le compte rendu commence par s’indigner des crimes de l’inquisition, avant de résumer la pièce allemande qui sert de modèle à la pièce de Dejaure, qui a pourtant fait de grands changements, en particulier pour le dénouement, « qu’il a rendu plus satisfaisant ». Après le résumé d’une intrigue vraiment compliquée, le critique accumule les reproches : la pièce est plutôt manquée, parce que les situations n’y sont pas assez bien préparées et filées, parce que l’action est « parfois obscure » et les mouvements « trop brusques ». Tout cela étant compensé par un réel intérêt, un caractère réussi (celui de l’archevêque), « des détails d’un style pur » et surtout le jeu de l’acteur qui joue le rôle de Ferdinand.]

Les Epoux Portugais, ou l'Inquisition de Lisbonne, drame en quatre actes, en prose ; par le C. Dejaure. (p. 304-307)

L’inquisition est un des plus cruels effets du fanatisme monacal & de la crédulité des sots. L'inquisition, tribunal de sang, créé par des moines féroces & par des prêtres ambitieux, a englouti autrefois plus de victimes qu'il n'a pu le faire depuis quelque tems : peu-à peu les yeux se sont dessillés, & l'on a senti que des ministres d'un Dieu de paix n'avoient pas le droit d'immoler des victimes à leur amour-propre, au nom de ce Dieu clément. Il faut espérer que les lumieres, qui vont se répandre sur toute la surface du globe, en feront disparoître pour jamais ce tribunal d'iniquité, qui ne porte ses coups que dans l'ombre, & qui a plongé tant de familles dans la douleur !... Il existe une piece allemande, intitulée : Don Diego e Leonor, où toutes les fureurs de ce tribunal monstrueux sont retracées avec la plus grande énergie. Deux jeunes époux, séparés par la barbarie d'un moine pervers, nommé San-Benito, terminent leurs jours dans les pleurs & dans le désespoir. Diego se rue dans les prisons du St.-Office, avant que l'archevêque, grand-inquisiteur, ait eu le tems de le reconnoître pour son fils ; & Leonor, arrachée pour jamais des bras de son époux, s'empoisonne, en maudissant le tribunal affreux qui cause ses malheurs. C'est ce drame allemand qui a fourni le sujet des Epoux Portugais ou l'Inquisition de Lisbonne, drame en 4 actes, en prose. L'auteur y a fait beaucoup de changemens, & sur-tout au dénouement qu'il a rendu plus satisfaisant.

Le pere Isidore, dominicain, dévoré par l'ambition, brûle du désir de voir son frere Don Alonzo, uni à Clémence, niece de l'archevêque de Lisbonne, chef du tribunal de l'inquisition : en conséquence il fait agir tous les ressorts que sa politique peut lui fournir. Cependant Clémence est unie secrètement avec Ferdinand, qui ne suit pas les mêmes dogmes de religion qu'elle. Ferdinand, qui est luthérien, n'a pu voir exercer une vexation de l'inquisition sur un homme de sa religion, sans en témoigner hautement un peu de mauvaise humeur. Cette imprudence donne au pere Isidore les moyens de faire arrêter Ferdinand au nom du St.-Office ; mais Ferdinand se sauve de la prison : il passe par-dessus un mur de la maison qu'habite son épouse, & veut lui faire ses tristes adieux avant de quitter le Portugal. On annonce le pere Isidore, Ferdinand se cache ; mais le moine parvient, en interrogeant & en effrayant tour-à-tour les domestiques, à découvrir la retraite de l'infortuné. Clémence, au désespoir, n'attend plus rien que de la bonté de son oncle : l'archevêque arrive bientôt ; íl ignore le mariage secret de sa niece avec Ferdinand ; mais il s'intéresse à ce jeune homme ; il est même sur le point de lui pardonner, lorsque le moine, furieux de voir sa proie prête à lui échapper, apporte à l'archevêque une lettre qu'il a interceptée : cette lettre renferme le projet qu'a formé Ferdinand de fuir avec Clémence. L'archevêque, indigné de ce que ce jeune homme cherchoit à lui enlever sa niece, le fait de nouveau plonger dans les cachots du St-Office. Ici don Alonzo, son rival, touché des malheurs dont il est la cause, vient, déguisé, offrir à Ferdinand de prendre sa place. Celui-ci le refuse. Clémence arrive, les deux époux, privés de tout espoir, veulent se donner mutuellement la mort, lorsque l'archevêque se présente : il a reconnu son fils : il sait son mariage, approuve tout & embrasse ses enfans. Le moine, pendant ce tems, a fait arrêter un homme qu'on a trouvé déguisé dans les avenues de la prison ; mais il reste pétrifié en reconnoissant dans cet inconnu, son frere don Alonzo, & en voyant le bonheur des deux infortunés qu'il avoit persécutés.

Cet ouvrage exciteroit plus d'intérêt, si plusieurs des principales situations y étoient plus ménagées, mieux préparées & mieux filées ; l'action y est quelquefois obscure, & les mouvemens y sont souvent trop brusques : on voit qu'il a été fait un peu trop à la hâte, & qu'en le travaillant davantage, l'auteur en auroit pu tirer un plus grand parti : cependant l'intérêt qui regne dans les deux derniers actes, la beauté du rôle de l'archevêque, des détails d'un style pur, & sur-tout le jeu étonnant du C. Baptiste dans le rôle de Ferdinand, tout a dû contribuer à son succès. On a demandé l'auteur, & Baptiste est venu nommer le C. Dejaure, à qui l'on doit, au théatre italien, les Epoux réunis, l'Incertitude maternelle & plusieurs autres pieces qui ont réussi. La C. Masson rend très intéressant le rôle secondaire d'Isabeìle , sœur de Clémence.

Dans la base César, les Epoux portugais, ou les Victimes de l'inquisition sont donnés comme étant d'auteur inconnu. 4 représentations en 1792 à compter du 24 octobre 1792, 16 en 1793. Puis elle est reprise pour 10 représentations en 1796, 1 en 1797, 10 en 1798.

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