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Jeannot et Colin

Jeannot et Colin, opéra-comique en trois actes, d'Étienne, musique de Nicolo Isouard, 17 octobre 1814.

Théâtre de l’Opéra-Comique.

Titre :

Jeannot et Colin

Genre

opéra comique

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

prose, avec couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

17 octobre 1814

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

M. Étienne

Compositeur(s) :

M. Nicolo

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez J. N. Barba, 1814 :

Jeannot et Colin, opéra-comique en trois actes, Par M. Etienne, Membre de la Deuxième Classe de l’Institut . Musique de M. Nicolo, de Malte. Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l’Opéra-Comique, par les Comédiens ordinaires du Roi, le 17 octobre 1814.

Et Jeannot le père, et Jeannette la mère, et Jeannot le fils, virent que le bonheur n’est pas dans la vanité.

Voltaire, Jeannot et Colin, conte.

Journal des Arts, des sciences et de la littérature, huitième volume (dix-neuvième de l’ancienne Collection), 1814, n° 326 (cinquième année), 20 octobre 1814, p. 89

[Compte rendu d’une pièce qui doit beaucoup à Voltaire : nettement supérieur à la pièce de Florian, dont la comédie Jeannot et Colin a été créée en 1780, elle devrait, une fois quelques coupures faites, rester au répertoire. Si l’acte 1 a suscité l'enthousiasme, la suite a moins plu : des longueurs, des scènes de sentiment mêlées à des scènes gaies, un valet caricatural. La musique de Nicolo n’évite pas les réminiscences, mais elle est « vive, piquante et spirituelle ». Interprétation unanimement félicitée.]

Théâtre de l’Opéra-Comique.

Première représentation de Jeannot et Colin, opéra-comique en trois actes, paroles de M. Etienne, musique de M. Nicolo.

M. Etienne n'a pas été tout à fait si heureusement inspiré par Voltaire que par La Fontaine. Cependant son Jeannot est incontestablement supérieur à celui de Florian, et je ne doute point qu'avec quelques coupures, sans se placer sur la même ligne que Joconde, il ne reste au répertoire de l'Opéra-Comique comme un ouvrage agréable et ingénieux.

L'auteur de l'opéra ne pouvant, à l'exemple de l'auteur du conte, prendre les choses ab ovo, nous montre au lever de la toile, M. Jeannot devenu marquis de la Janotière, possesseur d'une brillante fortune qu'il prodigue à de prétendus amis et à une femme assez équivoque, quoiqu'elle prenne le titre de comtesse, avec laquelle il veut se marier dès le lendemain. Thérèse, sœur de M. le marquis, ne partage aucun de ses travers ; dans ce brillant hôtel, elle regrette le séiour de son enfance et Colin, tandis que Jeannot a oublié et son ami Colin et même Colette, la sœur de cet ami, à laquelle il avait autrefois promis sa foi. Colin et Colette arrivent à Paris avec leur costume auvergnat. Le marquis, assez embarrassé de leur visite, sent, néanmoins se réveiller son amour pour Colette ; mais la fierté l'emporte, et il finit par se brouiller avec Colin pour le congédier. Bientot un revers imprévu l'accable ; il est complètement ruiné ; alors Colin, après lui avoir donné une sévère leçon, se montre l’ami véritable de Jeannot abandonné par sa maîtresse et ses flatteurs ; Colette et son frère forment un double hymen avec Jeannot et Thérèse, et ces deux couples retournent en Auvergne chercher le bonheur et les souvenirs de leur enfance.

Une marche un peu lente dans les deux derniers actes, quelques scènes de sentiment trop diffuses et qui ont le tort de venir après des scènes gaies ; enfin un rôle de valet qui a beaucoup trop la couleur des rôles de niais des Variétés, ont refroidi l'enthousiasme que le premier acte avait inspiré, mais n'ont pu empêcher de rendre justice à une foule de ces mots heureux que l'on rencontre toujours dans les ouvrages de M. Etienne. On a surtout applaudi le suivant. Le marquis ruiné dit avec amertume à ses amis : « Restez dans cet hôtel, vous en ferez les honneurs au nouveau propriétaire. – Eh !! que lui dirons-nous ?- Vous lui direz ce que vous me disiez hier. »

La musique de M. Nicolo offre quelques réminiscences ; mais elle est, dans presque tous les morceaux, vive, piquante et spirituelle. On a particulièrement remarqué le trio du premier acte, où mesdames Duret et Boulanger prouvent si bien que pour elles, rien n'est facile comme la difficulté, le final de cet acte et celui du second, une jolie romance chantée par Mme. Duret, et un charmant duo entre Martin et Mme. Gavaudan, qui dansent ensemble la Bourrée d'Auvergne.

La pièce est jouée par l'élite de l'Opéra-Comique. Martin a prouvé, dans le rôle de Jeannot, que son talent d'acteur se perfectionne tous les jours. Gavaudan joue Colin avec beaucoup de chaleur et de vérité, et Colette-Gavaudan est toujours la nature même sous les habits villageois.                      M.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome X, octobre 1814, p. 270-276 :

[Un opéra-comique calqué sur le conte de Voltaire : pas de couleur dramatique dans cette histoire, déjà adaptée au théâtre par Florian, dont la comédie Jeannot et Colin a été créée en 1780, sans grande réussite. La pièce d’Etienne est bien meilleure. L’analyse du sujet n’apprendra rien aux lecteurs de Voltaire. Quelques indications en cours de résumé : une jolie scène bien illustrée par le musicien, mais le personnage du chevalier d’industrie n’a rien de nouveau. Le dénouement encourt le même reproche. Après une longue analyse, le jugement : de façon originale, la pièce est définie comme la pièce des « trop » : trop longue, trop de morceaux de musique trop compliquée ; dénouement trop prévisible, trop d’emprunts à des pièces connues de tous. Ces deux derniers défauts sont inhérents au sujet, comme le sentimentalisme du dernier acte, compensé en partie par le style de la comédie que l’auteur a su y conserver. Il faut couper, et beaucoup : « toutes les scènes, toutes les conversations, toute la musique qui retarde la marche de l'action ». La pièce y gagnera de s’installer résolument au répertoire de l’Opéra-Comique.]

THÉATRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.

Jeannot et Colin, opéra-comique en trois actes.

« Plusieurs personnes dignes de foi ont vu Jeannot et Colin à l'école dans la ville d'Issoire en Auvergne, ville fameuse dans tout l'univers par son collège et par ses chaudrons. Jeannot était fils d'un marchand de mulets très-renommé, Colin devait le jour à un riche laboureur des environs qui cultivait la terre avec quatre mulets, et qui, après avoir payé la taille, le taillon, les aides et gabelles, le sol pour livre, la capitation et les vingtièmes, ne se trouvait pas puissamment riche au bout de l'année »

Eh bien ! que fais-je donc ? Ne voilà-t-il pas que, sans y penser, à l'occasion d'un opéra, je vais vous réciter le conte de Voltaire : je me laissais aller d'autant plus facilement à ce plaisir, qu'il n'y a pas d'opéra, si joli qu'il soit, qui puisse faire oublier les petits romans de Voltaire. Le conte de Jeannot et Colin n'a qu'une douzaine de pages, et l'auteur n'a pas eu la prétention, ni même l'idée de lui donner une couleur dramatique : c'est tout philosophiquement un petit cadre à épigrammes contre les mœurs du siècle, qui, sous certains rapports, ressemblent aux mœurs de tous les temps, et surtout contre l'éducation qu'on donnait alors aux jeunes seigneurs, éducation qu'on a donnée depuis à beaucoup de jeunes gens qui n'étaient rien moins que des seigneurs.

Florian a trouvé ou du moins a cru trouver dans ce conte le sujet d'une pièce en trois actes, à-peu-près comme il avait cru découvrir qu'il était parent de Voltaire ; le malin poëte laissait faire l’ambitieux gentilhomme ; l'un n'en avait pas plus de noblesse, ni l'autre plus de génie. Florian n'a fait de Jeannot et Colin qu'un petit drame assez fade où l'on trouve par-ci par-là quelques mots heureux.

L'opéra de M. Etienne est bien supérieur au drame de Florian. Il a, tant qu'il a pu, présenté le sujet du côté comique, et n'y a mis que la dose de sensibilité dont il était impossible de s'exempter.

M. Jeannot, devenu depuis peu le marquis de la Jeanuotière, graces aux largesses de son oncle, nouvel enrichi qui l'a fait venir d'Auvergne avec sa sœur Thérèse, se ressent déjà de la contagion du pays et de l'habit brodé. Au lever de la toile, ce marquis de fraîche date appelle ses gens et fait sa toilette, à laquelle préside Larose son valet de chambre, qui, soit dit eu passant, ne devrait pas porter l'habit de livrée. On lui annonce que son oncle a été obligé de partir brusquement en poste pendant la nuit, en lui laissant le soin de faire les honneurs de la fête qui doit avoir lieu le jour même. Le marquis attribue ce départ à quelque grande spéculation qui va augmenter la fortune de son oncle. Tout occupé d'une belle comtesse qu'il doit épouser, il veut lui peindre en vers sa tendre flamme, et compose le plus ridicule compliment ; encore n'est-ce qu'à l'aide de sa sœur Thérèse qui lui souffle des rimes prises presqu'au hasard dans le dictionnaire. (Cette scène a fourni au compositeur un duo très-original). Il charge de sa tendre missive un certain chevalier... d'industrie, copie du marquis du Bourgeois gentilhomme, de Turcaret, du Dissipateur [comédie de Destouches, 1753] et de mille autres, mais dont la physionomie est bien plus basse que celle de ses modèles.

Le marquis de la Jeannotière ne rêve que plaisir, amour, noblesse, fortune, et ne pense guère au village d'Auvergne, quand soudain il en arrive deux voyageurs ; c'est Colin, l'ancien ami de Jeannot, et qui devrait être doublement son beau-frère ; Jeannot était destiné à Colette ; Thérèse était promise à Colin ; mais le marquis a oublié ses rustiques amours, tandis que sa sœur n'a jamais cessé d'aimer l'ami de son enfance. Souvent elle a grondé son frère de sa négligence à répondre aux lettres qu'il recevait de Colin. Le marquis, assez embarrassé de l'arrivée de ces nouveaux hôtes qui s'invitent sans façon à dîner chez lui, ne peut cependant les chasser. Il est aveuglé par la vanité, mais son cœur n'est pas encore gâté. Les pauvres auvergnats servent, pendant le dîner, de risée à la comtesse et au chevalier ; Colin se fâche; Colette plus indulgente excuse Jeannot, et dans une scène charmante entre elle et le nouveau marquis, elle est sur le point de le ramener à ses premiers sentimens. Ils se rappellent les jeux de leur enfance, les plaisirs de leurs premières amours, et de souvenir en souvenir ils arrivent à la chanson montagnarde dont ils dansent le refrein. Ce morceau de musique est délicieux ; mai» quelle honte ! La comtesse surprend le marquis sautant en habit à pluie d'argent une danse d'Auvergne ; il s'excuse aussi gauchement qu'il danse ; Colette déclare hautement qu'elle a des droits sur Jeannot ; la comtesse sourit ; lui promet d'avoir soin d'elle, et de la marier avec un de ses domestiques ; la pauvre petite pleure de honte et de douleur.

La fête va commencer, mais hélas ! sous de funestes auspices. Jeannot reçoit une lettre de son oncle, qui lui apprend qu'une imprudente spéculation l'a ruiné entièrement, que sa maison même est vendue, et qu'il est réduit à quitter la France. » Vous êtes jeune, dit-il, en finissant, à son neveu, travaillez pour vous et pour votre sœur, et soyez plus sage que moi. »

On sent la cruelle position du pauvre marquis obligé de faire bonne contenance à la fête et de paraître se divertir, taudis qu'il est au désespoir. Le bal s'ouvre par d'élégantes entrées de bergères, de basques et de troubadours auxquelles succède un quadrille dont le costume et l'allure sont beauconp moins rians ; c'est un quadrille d'huissiers qui vieunent exploiter. Leur sinistre aspect fait fuir les jeux et les plaisirs, comme l'infortune du marquis fait fuir ses amis et ses parasites ; il n'obtient du chevalier que de cruelles plaisanteries, et de la comtesse qu'un étalage de sentiment ; elle repousse un infidèle, un séducteur qui ne lui a offert qu'un cœur déjà donné à une villageoise. Jeannot reste seul avec la douleur et le repentir. Une lettre de l'acquéreur de l'hôtel lui accorde une heure pour en sortir ; quel est cet intraitable propriétaire ? C’est Colin ; et sur-le-champ, maîtresse et parasites se groupent autour du marquis de la Colinière.....

On reconnaît trop facilement de dénouement du Dissipateur [comédie de Destouches, 1753], et plusieurs scènes des Marionnettes.

La bonne et tendre Colette se désole, et sa douleur redouble quand elle voit arriver Jeannot et Thérèse couverts de rustiques habits, qui vont reprendre à pied le chemin de l'Auvergne ; elle accuse Colin d'insensibilité, tandis que Jeannot lui laisse pour adieu son exemple et le conseil de se méfier des flatteurs qui l'ont perdu. « Vous ne ferez pas seul le voyage, lui dit froidement Colin ; un homme qui retourne au pays vous offre une place dans sa voiture. — Qui donc, demande humblement Jeannot ? — Tu ne le devines pas ? — Eh ! C'est mon frère, s'écrie Colette. — Et ils sont dans les bras l'un de l'autre. » Ce tableau touchant fait rire de pitié la comtesse et le chevalier qui laissent là ces bonnes gens.

Colin veut que Jeannot reste maître du prix de sa maison ; c'est la dot de Colette. On part, on ne se quittera plus ; on va goûter le vrai bonheur, et l'on chante gaîment :

Plaisirs de notre enfance,
Vous voilà revenus.

Ce motif charmant, très -heureusement placé dans le cours de l'ouvrage, est ingénieusement ramené à la fin.

Le trop est le plus grand défaut de cet opéra ; le poëme est trop long ; il y a trop de morceaux de musique, et trop de notes dans plusieurs morceaux ; le dénouement est trop prévu, et les scènes du dernier acte présentent trop de ressemblance avec des scènes connues de tout le monde.

Ces deux derniers reproches s’adressent au sujet plutôt qu'à l'auteur. Le tableau de l'ingratitude des amis, qui n'aiment que la fortune, et de l'abandon dans lequel ils laissent celui que frappe l'adversité, a été présenté tant de fois et de tant de manières, qu'il était impossible de le peindre avec de nouvelles couleurs. La teinte sentimentale du dernier acte, qui tranche trop brusquement avec le ton vraiment comique du premier, est encore une nécessité du sujet ; il fallait bien représenter Jeannot conduit au repentir et ramené à la raison parle malheur, et Colin oubliant les torts de son ami pour sentir, partager et adoucir son infortune. Si la situation se rapproche un peu du drame, M. Etienne a tâché du moins que le style s'en éloignât, et le langage de la sensibilité est toujours assaisonné de traits vifs qui appartiennent à la comédie, et quelquefois même à l'épigramme.

Il est superflu, j'en suis sûr, de donner aux auteurs un conseil qu'ils auront pré venu.... des coupures, des coupures, et encore des coupures; qu'ils ne craignent pas qu'on trouve leur pièce trop courte..... Heureux l'ouvrage auquel on fait un tel reproche! L'événement est prévu, courez-y.

Ad eventum festina.

En retranchant toutes les scènes, toutes les conversations, toute la musique qui retarde la marche de l'action, vous doublerez l 'effet des scènes excellentes et des morceaux charmans, qui, plus rapprochés, se prêteront un mutuel éclat.

Je prédis, sans crainte d'être démenti par l'événement, que l'effet de la deuxième représentation surpassera encore celui de la première, les auteurs ont eu cependant lieu de se féliciter ; leur ouvrage gagnant en raison de ce qu'on lui fera perdre, embelli par cette salutaire mutilation, ne sera pas un des moindres ornemens du répertoire.                         A. MARTAINVILLE.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 19e année, 1814, tome V, p. 412-413 :

[D’un conte de Voltaire, « cadre à épigrammes », Florian a fait « une petite pièce assez froide ». Etienne a cru possible d’en faire un opéra-comique. Sans être un triomphe, il a obtenu un succès que beaucoup envieraient.]

THÉATRE DE L'OPÉRA COMIQUE.

Jeannot et Colin, opéra comique en trois actes, joué le 17 Octobre.

Le petit conte de Voltaire, plein d'esprit et de malice, n'étoit pour lui qu'un cadre à épigrammes. En dépouillant le sujet, du style mordant qui le fait vivre, il ne reste plus qu'une donnée commune, dont Florian a fait une petite pièce assez froide. M. Etienne a pensé que les situations prêtoient à un opéra comique ; et, en effet, il y a dans sa pièce plusieurs endroits qui ont fourni au musicien de très-jolis motifs.

Jeannot est un parvenu sans mérite, à qui son titre de marquis fait oublier ses anciens amis et ses anciennes amours : il est dupe de tous les intrigans qui l'entourent; mais on apprend qu'il est ruiné, ses nouveaux amis lui tournent le dos, et les anciens oublient ses fautes pour ne se souvenir que de leur amitié. Rien n'est plus commun au théâtre et dans les romans que ce sujet : mais aussi rien n'est plus commun dans le monde, et on ne sauroit donner trop de leçons aux marquis ridicules qui se laissent duper par des chevaliers fripons. Cette pièce est pleine d'esprit naturel et de mots heureux : mais ce qui assurera son succès, est précisément ce qui a pensé lui nuire à la première représentation : c'est la partie sentimentale qui plaît toujours beaucoup au public du Dimanche. Il y a d'ailleurs du comique; et la scène où le marquis de la Jeanotière, emporté par ses souvenirs, dansa une bourrée d'Auvergne avec ses habits brodés, devant la petite Collette, doit plaire à tout le monde, ainsi que le charmant duo : je m'en souviens.

Si cette pièce n'est ni une Cendrillon, ni un Joconde, elle a cependant obtenu un succès dont
se contenteroient beaucoup d'auteurs d'opéras comiques.

La musique est digne des autres ouvrages de M. Nicolo.

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