Lisez Plutarque, opéra comique en un acte, de Léger et Chazet, musique de Solié. 1er nivôse an 10 [22 décembre 1801].
Théâtre de l'Opéra Comique National, rue Feydeau
Le Théâtre Montansier avait présenté en 1801 un Lisez Plutarque, paroles de Martinville et Daudet, musique de Plantade. Il n’avait pas rencontré un grand succès.
Almanach des Muses 1803
Un homme, instruit des besoins de son neveu et de son amour pour une jeune personne qui est jolie, mais indigente, imagine de lui envoyer un beau Plutarque doré sur tranche, en l'invitant à méditer les leçons du philosophe, en l'assurant qu'il y trouvera un remède infaillible à ses maux. Le jeune homme, (d'Herbouville) plus épris de Stéphanie, sa maîtresse, que de l'étude des meilleurs livres, vend ses meubles l'un après l'autre pour venir au secours de celle qu'il aime. Sa bibliothèque et le Plutarque, qu'il n'a pas même ouvert, passent dans les mains d'un libraire. A peine s'est-il dessaisi du livre, que son oncle vient lui demander des nouvelles de ses affaires et de son mariage. Il a dû payer ses dettes et épouser sa maîtresse, s'il a lu le volume ; car, à la page 60, était un effet au porteur de 6,000 francs, et, à la dernière, une autorisation de conclure son mariage. Désespoir du jeune homme en apprenant ces détails ; mais il est bientôt calmé lorsque son oncle lui dit que c'est lui qui, sous le faux nom d'un libraire, a acheté le Plutarque.
Bagatelle dont la représentation a fait plaisir.
Courrier des spectacles, n° 1758 du 2 nivôse an 10 [23 décembre 1801], p. 2 :
[C'est le retour d'une anecdote, déjà mise en opéra-comique et qui revient sous la même forme, traité par d'autres, auteurs et compositeur. Le résumé de l'intrigue montre des choix différents, détails et plan. Mais on a bien les mêmes ingrédients de base, et le même résultat final. Le jugement porté manque d'enthousiasme : un opéra froid et pauvre en action, qui échappe à l'échec par le jeu des acteurs, non nommés. La musique est un peu mieux traitée, mais sans enthousiasme (« Le compositeur n’a pas été échauffé par le sujet », ce qui est le lot habituel des opéras cosntruits sur des anecdotes). L'article s'achève par le nom des auteurs, paroles et musique.]
Théâtre de l'Opéra- Comique rue Feydeau,
Nous avons déjà rendu compte le 16 vendémiaire dernier, d’un petit opéra représenté le 15 au théâtre Montansier, sous le titre de Lisez Plutarque, ouvrage qui méritoit plus de succès qu’il n’en a réellement obtenu. L’anecdote qui en fait le sujet a été aussi mise en opéra pour le théâtre Feydeau ; toute la différence que présentent les deux ouvrages existe dans les détails et dans la contexture du plan. Voici de quelle manière a été traité celui représenté hier sous le titre de Plutarque :
Stéphanie, jeune veuve, est venue à Paris afin d’accélérer une décision qui doit la mettre en possession d’un héritage considérable, et en attendant, elle loge dans un hôtel garni et cherche à subsister du produit de son travail. Un jeune officier nommé d’Herbouville, son amant, logé dans le même hôtel, qui se charge de faire vendre son ouvrage, le garde et lui en fait passer le montant comme si la vente en étoit effectuée. Lui-même cependant se trouve bientôt sans argent. Que faire ? recourir au banquier de son oncle, qui est à Nevers. Son valet fait la commission, mais au lieu d’argent, c’est une lettre dans laquelle l’oncle lui recommande de lire Plutarque. d’Herbouville préféreroit à cet avis une bonne somme d’argent ; son valet alors lui propose de vendre sa bibliothèque, et voit quelque momens après entrer un homme, qu’il croit envoyé par son maître pour cet achat. Le marché est proposé, accepté et conclu pour trois mille livres, le marchand n’est autre que l'oncle lui-même, qui entr’autres livres emporte spécialement un Plutarque, dans lequel il a mis une lettre de-change de 6000 francs et un consentement au mariage de son neveu. Celui-ci est enchanté du marché conclu par son valet ; mais lorsque son oncle, qui feint d’arriver pour la première fois, lui demande s’il a lu Plutarque et s’il y a trouvé le billet et le consentement, d’Herbouville ne sait ce que cela veut dire, il regrette la vente du Plutarque, et ce n’est qu’au retour de son valet qu’il reconnoit que son oncle est le même qui a été pris pour brocanteur et qui a conclu le marché avec son valet. Ce der nier, voyant le sort avantageux de Plutarque, va chercher un Cicéron, et en demande mille écus. L'oncle qui est en train de faire ses générosités, les lui donne, en disant :
Ce n’est pas le premier grand homme
Qui fait la fortune d’un sot.
Cet opéra est froid et n’offre pas beaucoup d’action. Les détails en sont assez agréables, mais il a fallu tout le jeu des acteurs pour que la pièce ne fût pas accueillie froidement. La musique offre quelques morceaux dignes de leur aimable auteur, mais en général elle a une couleur uniforme. Le compositeur n’a pas été échauffé par le sujet ; c’est le défaut de toutes les anecdotes.
Les auteurs des paroles sont les cit. Léger et Chazet, et celui de la musique le citoyen Solié.
F. J. B. P. G***.
La Décade philosophique, littéraire et politique, an X de la République, n° 10 (10 Nivôse) p. 50-51 :
Lisez Plutarque , en un acte et en prose.
Un oncle jovial, instruit des besoins pécuniaires et de l'amour de son neveu, pour une jolie personne honnête et indigente, imagine d'envoyer au jeune homme un beau Plutarque, doré sur tranche, l'invite à bien méditer ses leçons, et lui assure qu'il trouvera dans cette lecture le remède efficace de tous ses maux. Le jeune d'Herbouville, plus épris de Stéphanie que de l'étude, vend ses meubles pièce à pièce pour soulager sa maîtresse ; la bibliothèque et le Plutarque, qu'il n'a pas même ouvert, passent entre les mains d'un libraire. A peine la vente est-elle consommée, que l'oncle de d'Herbouvillc se présente et lui demande des nouvelles de son mariage et de ses dettes ; il a dû conclure l'un et payer les autres s'il a lu le Plutarque, car à la page soixantième du volume était un billet de la caisse, de 6000 liv., et à la fin de ce même volume, le consentement pour épouser Stéphanie. On conçoit le regret du jeune étourdi ; mais la malice de son oncle a tout prévu et remédié à tout. C'est lui qui, sons le faux nom d'un libraire, a fait l'acquisition du Plutarque.
Ce fonds léger avait été déjà traité au théâtre Montansier, et l'on devait attendre des auteurs de cet opéra-comique, déjà connus par des productions spirituelles et gracieuses, plus de soin dans le style et de grâce dans les détails. C'était le seul moyen de faire valoir cette mince bluette. On regrette quelque chose dans l'exécution ; mais la musique du C. Solié, quoiqu'un peu réminiscente, a du goût et de la fraîcheur. L'ouvrage a paru faire plaisir. Les auteurs ont été demandés. Le C. Léger, l'un des auteurs de l'ouvrage, a paru avec le C. Solié ; le C. Chazet , coopérateur du premier, s'est contenté de l'honneur d'être nommé. L. C.
Le Coup de fouet, ou revue de tous les théâtres de Paris, Paris, fin de l'an X – 1802, p. 37 :
Lisez Plutarque, opéra en 1 acte, de Léger et Chazet, mauvaise copie de celui de Montansier, qui, à la honte des auteurs, était beaucoup meilleur que celui de l'Opéra-Comique. – Deux ou trois représentations. – Musique très-faible.
D'après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 306, Lisez Plutarque a été créé le 22 décembre 1801, et a connu 4 représentations.
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