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Louis IX en Egypte

Louis IX en Egypte, opéra en trois actes, paroles de Guillard et Andrieux, musique de Lemoyne (15 juin 1790). Paris, Delormel, in-4°.

Théâtre de l'Académie Royale de Musique.

Almanach des Muses 1791

Situations intéressantes. La principale est celle de Louis IX, près d'être massacré par les assassins qui ont promis sa vie au Soudan, mais qui ensuite éprouvent tellement l'ascendant de sa vertu, qu'il tombent aux genoux du Prince, en jetant leurs poignards. On annonce la mort du Soudan, et les Mammelucs offrent sa couronne à Saint-Louis qui la refuse.

Des tableaux, des allusions, Episode peu vraisemblable.

 

Sur la page de titre de la brochure, Avignon, chez Jacques Garrigan, 1790 :

Louis IX en Égypte, opéra en trois actes, Représenté pour la premiere fois, sur le Théâtre de l'Académie-Royame de Musique, le Mardi 15 Juin 1790. Paroles de MM. Guillard & Andrieux. Musique de M. Lemoyne.

 

L'Esprit des journaux français et étrangers, dix-neuvième année, tome VII (Juillet 1790), p. 368-373 :

[Article repris pour l'essentiel du Mercure de France, tome CXXXVIII, n° 26 du samedi 26 juin 1790, p. 153-160.

Une critique qui laisse transparaître les préoccupations politiques du temps, concernant notamment la personne du roi et son pouvoir. Intéressant aussi par la promotion d'une tragédie nationale et d'un opéra sans intrigue amoureuse, jugée inutile ici. L’opéra n’a été joué que durant l’été de 1790 : son contenu politique, très favorable au roi, a peut-être gêné la poursuite de sa carrière.]

Académie Royale de Musique.

Le mardi 15 juin, on a donné la première représentation de Louis IX en Egypte, opéra en trois actes, paroles de MM. Guillard & Andrieux, musique de M. le Moyne.

La carrière des arts s'est aggrandie pour nous ; nos poètes, nos artistes peuvent suivre librement les impulsions de leur génie dans le choix de leurs sujets, & dans la manière de les traiter. A mérite égal, ils feront bien de préférer des sujets tirés de notre histoire, parce qu'ils offriront de plus que les autres un intérêt particulier à des François. II y a long-temps qu'on le pense; mais on n'osoit, ou ne pouvoit le pratiquer.

Désormais le théâtre, plus fidele que ne l'étoit autrefois notre histoire, fera justice des tyrans & des grands scélérats, comme il rendra un pur hommage aux bons rois & aux hommes vertueux & célèbres.

Aucun choix de sujet ne pouvoit mieux prouver cette liberté nouvelle, que celui de St.-Louis, pour un poëme d'opéra.

C'est un opéra, dans toute l'étendue de ce mot, que les auteurs de Louis IX, déja connus par des succès mérités, paroissent avoir eu 1'intention de faire ; c'est-à-dire, qu'ils semblent avoir moins voulu composer un ouvrage dont la conduite fût bien régulière, & l'intérêt profond & soutenu, que montrer des tableaux variés, tantôt attachans & tantôt agréables, & amener des fêtes qui sortissent naturellement du sujet.

Ils se sont attachés seulement à présenter Louis IX dans toute la dignité de son rang, & avec toute la vertu de son nom. Le rôle du roi est grand, noble & tendre d'un bout à l'autre de l'ouvrage ; on pourroit se plaindre que les autres personnages lui soient un peu trop sacrifiés.

La scène est en Egypte, au tems de la première croisade de Louis IX. Le roi a eu de grands avantages dans ses premiers combats contre le soudan d'Egypte, qui a été obligé de lui demander la paix. Les deux princes, à la tête de leurs armées, viennent la conclure. Les Sarasins la jurent avec des imprécations horribles. Le roi à qui le Soudan demande d'attester aussi son dieu, répond :

D'un chrétien, d'un François la parole suffit ;

& promet seulement la paix.

Ses vertus lui ont gagné tous les cœurs des Sarasíns. Le soudan, jaloux & furieux contre lui, projette de se servir, pour le faire périr, d'assassins, sujets du Vieux de la Montagne, envoyés par leur maître pour tuer 1e roi. La sultane, épouse du soudan, connoît les desseins cruels de ce prince, & se propose d'en empêcher l'effet. Elle regrette un fils proscrit dès son enfance par son époux, par superstition & sur la. foi d'un songe.

A la fin du premier acte, il s'élève dans le camp du roi une sédition excitée par de grands vassaux, mécontens des avantages qu'il a accordés au peuple, ce qui est conforme à l'histoire. Le comte de Bretagne, qui en effet se révolta quatre fois contre Saint-Louis, est à la téte des séditieux. Il les exhorte à soulever l'armée & à retourner en France. Louis se présente seul aux révoltés, & quand il les voit persister dans le dessein de le quitter, leur adresse cette apostrophe véhémente :

        Partez; je ne retiens personne;
Cessez de partager ma gloire & mes travaux ;
    Je vous défends de suivre mes drapeaux.
        Et c'est moi qui vous abandonne.

les rebelles rentrent en eux-mêmes; le roi pardonne. L'armée entière accourt en foule en protestant de le suivre jusqu'au bout de la. terre. Toute cette fin d'acte est pleine de chaleur & d'intérêt.

Dans le second, Louis paroît dans un hameau, dont les habitans ont reçu de lui des secours & des présens pour les dédommager des pertes que la guerre leur a occasionnées. Ils célèbrent sa bienfaisance, lui consacrent un autel rustique, & adressent pour- lui leurs vœux au ciel ; ce qui amene une charmante fête pastorale. C'est dans ce moment même que .Louis arrive. Il reçoit d'abord, sans être connu, les hommages du hameau, mais bientôt sa propre sensibilité le trahit ; on le devine, & l'on se précipite à ses pieds. Louis trouve dans cette solitude une princesse d'Edesse, niece de Godefroi de Bouillon, qui s'y est retirée après la prise & la destruction d'Edesse par les Sarasins. Le hasard a conduit dans le méme endroit Almodan, ce fils dont le soudan avoit condamné l'enfance, & que Mosès, ancien chef des Mammelus, a sauvé des fureurs de son pere. Les deux jeunes gens s'aiment en secret. Ces personnages sont distingués par Louis, qui les emmene dans son camp. L'instant de son départ, celui où il s'arrache à tous les habitans du hameau, qui le reconduisent en le comblant de bénédictions, produisent une pantomime délicieuse & attendrissante jusqu'aux larmes.

Le troisieme acte se passe dans le palais du soudan. Celui-ci paroît d'abord avec les assassins qu'il excite à remplir leur projet. Pour le faciliter, il leur remet des lettres de la mere de Saint-Louis qui ont été interceptées. Le roi arrive avec l'intention d'engager le soudan à appaiser par la justice & la douceur, la révolte que ses rigueurs & son despotisme viennent d'exciter. Il lui donne des conseils dictés par la sagesse & la modération ; crois moi, lui dit-il :

    Ne prenons point nos caprices pour loix,
Chérissons nos sujets & respectons leurs droits.

Et plus loin :

Je veux par mon pouvoir que les loix se maintiennent.
        C'est par elles que nous régnons :
Ne pensons pas qu'aux rois les peuples appartiennent ;
        C'est nous qui leur appartenons.

Ces mots & plusieurs autres de ce genre, dans le cours de cette scène, ont été saisis & applaudis vivement.

Les assassins se présentent, remettent au roi les lettres qu'ils tiennent du soudan, & pendant qu'il les lit, sont prêts à le frapper : mais l'ascendant d'un grand homme leur impose, & bien-tôt ils se précipitent à ses genoux, en s'avouant vaincus.

Cependant les Mammelus de la garde du soudan, révoltés contre lui, l'ont assassiné, & viennent offrir le trône de l'Egypte à Louis. Il le refuse avec beaucoup de noblesse, & leur rend un prince légitime, & à la sultane un fils dans la personne d'Almodan, qui épouse Adèle.

Ce mariage & tout l'épisode des amours d'Almodan, est le défaut le plus essentiel de l'ouvrage. Ce n'étoit pas la peine de manquer autant à la vraisemblance pour produire aussi peu d'effet. Il nous semble que les rôles de la jeune princesse & de Tristan son écuyer, sont absolument inutiles dans l'ouvrage, dont l'action eût été plus simple & plus attachante s'ils ne s'y fussent pas trouvés. M. Guillard, auteur d'Iphigénie en Tauride & d'Œdipe, sait assurément mieux que personne que des opéras sans amours peuvent avoir de grands succès ; & ce n'étoit pas dans un ouvrage dont Saint-Louis est le héros, qu'il étoit bien nécessaire d'employer ce moyen rebattu.

La musique a paru convenable au sujet & aux différentes situations que présente l'ouvrage. Il y a en général plus de sagesse & d'élégance que d'énergie & de pathétique ; mais on y retrouve souvent la manière savante & l'intelligence théâtrale de sauteur de Phedre, des Prétendus, &c.

Les ballets font le plus grand honneur à M. Gardel qui les a composés.

La partie des décorations & des costumes est extrêment soignée & bien entendue. Les habits, qui sont exactement ceux du tems & du pays où la scène se passe, sont magnifiques. En un mot, ce spectacle offre une réunion de talens & d'agrémens dont on ne peut ailleurs prendre l'idée. Il est fait pour piquer la curiosité & la satisfaire.-Nous ne finirons point cet article sans rendre justice au talent que M. Lainez a développé dans le rôle de Louis IX. Il a bien saisi & mieux exprimé le caractère, tantôt énergique & élevé, tantôt affectueux & bon de ce monarque. Il y a été très-applaudi.

Dès la seconde représentation, la musique de cet opéra a été plus vivement sentie, & a gagné de nouveaux suffrages. Nous ne doutons point qu'elle n'acquière encore plus d'estime à mesure qu'on l'entendra plus souvent. Nous croyons que cet opéra aura du succès malgré les défauts qu'on lui reproche.

(Mercure de France ; Journal de Paris ; Chronique de Paris.)

Iphigénie en Tauride est une tragédie lyrique de Guillard, musique de Gluck créée en 1779. Elle est très souvent représentée, de 1789 à 1815 : elle est au programme chaque année, sauf de 1809 à 1811.

Œdipe à Colone est une tragédie lyrique de Guillard, musique de Sacchini, créée en 1786 et reprise à de nombreuses reprises. Elle est jouée tous les ans de 1789 à 1815, sauf en 1794, et elle est jouée très souvent : jusqu'à 37 représentations en 1795.

D'après la base César, 10 représentations à l'Opéra (salle de la Porte Saint-Martin), du 15 juin au 10 septembre 1790.

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