La Mine Beaujonc, ou le Dévouement sublime

La Mine Beaujonc, ou le Dévouement sublime, fait historique en deux actes, de Franconi jeune, musique d'Alexandre, divertissements de Morand, 28 mars 1812.

Théâtre du Cirque olympique.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1813 :

La Mine Beaujonc, ou le Dévouement sublime, fait historique En deux Actes, orné de Décors et Costumes nouveaux ; Par M. Franconi jeune ; Musique de M. Alexandre, Divertissemens de M. Morand ; Représenté pour la première fois, à Paris, au Cirque Olympique, le 28 mars 1812.

Journal de Paris, n° 89 du 29 mars 1812, p. 3 :

[Compte rendu élogieux du spectacle que le Théâtre du Cirque Olympique a créé pour montrer la catastrophe de la mine de Beaujonc et la façon dont les mineurs ont été secourus. Le critique insiste sur le soin avec lequel les Franconi ont montré « heure par heure, minute par minute la douloureuse agonie de ces malheureux mineurs », mais aussi le combat pour tenter de les sauver. Ce souci de précision a été poussé jusqu'à utiliser des dessins venus de Liège pour réaliser « l'imitation topographique » de manière très réaliste. Le Théâtre des Jeux Gymniques, qui a devancé le Cirque Olympique pour la représentation de la Houillère s'est montré bien moins rigoureux : sa scène finale, « allégorique », « mélange d'être allégoriques et d'être physiques et matériels » paraît choquante au critique, qui en profite pour justifier « la violation des règles dramatiques » d'Aristote, en l'espèce l'unité de temps : la pièce de Franconi montre l'événement tragique de son début à sa fin, et en faisant coïncider l'inondation de la mine avec l'heure heureuse du repas du matin elle fait intervenir « la désolation et la mort » au milieu des plaisirs et de la joie. La pièce a obtenu un grand succès tout à fait mérité, par sa musique, ses décors, un développement dramatique remarquable : tous les créateurs sont cités, et félicités. Impossible, selon le critique, de ne pas être émus par un tel spectacle.]

CIRQUE OLYMPIQUE.

Première représentation de la Mine de Beaujonc,
ou le Dévouement sublime.

Le public, en se portant hier en foule à la représentation de la Mine de Beaujonc, semblait vouloir récompenser le généreux empressement avec lequel MM. Franconi ont secouru les familles victimes de l’affreux événement dont leur pièce retrace tous les détails. Rien n’est perdu avec les français ; ni les soins, ni les dépenses auxquelles on se livre pour leur plaire, et encore moins le souvenir des bonnes actions par lesquelles on a mérité leur estime et leur bienveillance.

Persuadés de cette vérité, MM. Franconi n’avaient rien négligé pour rendre la représentation de la Mine de Beaujonc aussi semblable à la catastrophe que les bornes de l’art et du terrain pouvaient le leur permettre. Ils avaient bien senti que le plus sûr moyen d'intéresser et d’émouvoir, était de se rapprocher le plus possible de la vérité. Je doute en effet qu’aucun des poëmes même qui seront composés pour obtenir le prix offert à ce sujet par l’académie, soit aussi intéressant que le simple récit-journal tracé dans les lettres de M. le baron préfet du département de l’Ourthe. On y voit heure par heure, minute par minute, la douloureuse agonie de ces malheureux mineurs, et le progrès des efforts plus qu’humains de leurs généreux compatriotes. On assiste , pour ainsi dire , à un combat entre la vie et la mort qui se disputent ces victimes...

MM. Franconi avaient poussé le soin jusqu’à faire venir de Liège des dessins pris sur les lieux pour rendre plus parfaite l’imitation topographique ; il ne faut donc pas s’étonner qu’apportant aux moindres détails une attention si scrupuleuse, ils aient été devancés par le théâtre des Jeux Gymniques qui a cru que l’intérêt du sujet suffirait, et au-delà, pour faire excuser la négligence dans les accessoires et l’exécution.

Il est vrai que la Mine Beaujonc, du Cirque, n’est pas terminée, ainsi que la Houillère de la Porte-Saint-Martin, par une scène allégorique où un bon bourgeois, en habit de velours ponceau, fait danser aux accents de sa voix des petits génies aériens. Ce mélange d’êtres allégoriques et d’êtres physiques et matériels, est encore plus choquant que l’union du sacré avec le profane ; l’un n’offense que l’esprit, et l’autre blesse les yeux même les moins clairvoyants.

Il est certains théâtres privilégiés auxquels on est convenu de pardonner la violation des règles dramatiques prescrites par Aristote. Le Cirque Olympique est de ce nombre.

Usant de ce privilège, l’auteur de la Mine de Beaujonc a sacrifié l’unité de temps au désir de nous rendre témoins du commencement et de la fin de l’événement. Il est trop connu pour que je donne l’analyse de la pièce qui le représente. Les détails scéniques que l’auteur a cru devoir y joindre ont paru assez bien choisis. C’est sur-tout une idée heureuse que d’avoir fait arriver l’inondation de la mine au moment où les ouvriers égaient par des jeux et des danses l’heure consacrée au repas du matin. C’est un tableau raccourci des rapides contrastes qu’offre la vie humaine. La désolation et la mort succèdent sans intervalle à la joie et aux plaisirs. Laissons ces idées philosophiques pour parler du succès de la Mine de Beaujonc ; il a été brillant et mérité. Je ne parlerai ni de la musique ingénieusement choisie et adaptée par M. Alexandre, ni des décors supérieurement peints par M. Moënck, ni même de la pièce dramatiquement tracée par M. Franconi jeune, qui a été redemandé et vivement applaudi comme auteur et comme acteur. Je ne dirai qu’un mot, que j’ai l’orgueil de croire un éloge. Cette pantomime m’a fait tour-à-tour frémir de terreur et pleurer d’attendrissement. Allez-y tous ; si vous n’y frémissez pas, si vous n’y pleurez point, j’ai tort...

A.          

Journal de Paris, n° 146 du 26 mai 1814, p. 4 :

[Évocation d'une reprise de la pièce, au moment où Paris accueille des « militaires étrangers » (on est au moment du retour de Louis XVIII dans les fourgons étrangers. Le critique profite de l'occasion pour rétablir un point de détail : il a « oublié » de citer un auteur de l'Entrée d'Henri IV à Paris .]

CIRQUE OLYMPIQUE.

Ce vaste théâtre est plein tous les jours. Les militaires étrangers ne se lassent pas d'admirer la précision avec laquelle les écuyers dirigés et commandés par MM. Franconi exécutent les manœuvres les plus difficiles et les plus rapides. Les combats et le spectacle brillant que présentent presque toutes les pantomimes qui terminent le spectacle, excitent aussi l'intérêt et l'admiration de ces étrangers. Un grand nombre d'entr'eux a témoigné le desir de voir représenter au Cirque Olympique les Mines de Beaujonc. On se rappelle encore avec quelle effrayante vérité étaient retraces dans la piece les moindres détails de ce terrible événement. La reprise de cette pantomime aura lieu samedi ; toutes les loges sont déjà louées, et l'on ne doute pas qu'elle ne produse autant et plus d'effet qu'une nouveauté. Je ne terminerai pas cette annonce sans réparer une erreur involontaire que j'ai commise en ne citant que M. Cuvelier comme auteur de l'Entrée d'Henri IV à Paris. M. Franconi jeune a droit de revendiquer la moitié de ce succès; ce n'est pas l'amour-propre d'auteur qui réclame, c'est le cœur qui ne veut rien perdre. A. Martainville.

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