La Moglie corretta

La Moglie corretta, opéra en deux actes, livret de Da Ponte, musique de Vincenzo Martini, 2 juin 1806.

Théâtre de l’Impératrice (Opéra Buffa).

Titre :

Moglie corretta

Genre

opéra italien

Nombre d'actes :

2

Vers / prose

en vers

Musique :

oui

Date de création :

2 juin 1806

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice -Opéra-Buffa)

Auteur(s) des paroles :

Livret de Da Ponte

Compositeur(s) :

Vincenzo Martini

On trouve sur Internet une brochure bilingue publiée à Amsterdam en 1807 :

La Moglie corretta, dramma gocoso per musica in due atti, L'Épouse corrigée, opéra bouffon en deux actes. Représenté pour la première fois par devant la socité de l’opéra italien d’Amsterdam, le 29 Decembre 1807.

Le nom du compositeur est indiqué sous la liste des personnages : c’est le « segnor maestro Martini, autore della Lilla. »

Je n’ai pas trouvé trace de la Moglie corretta dans le livre de Castil-Blaze, l’Opéra-Italien de 1548 à 1856 (Paris, 1856).

La Moglie corretta a reparu en 1815 sur le même théâtre, sous le titre de la Capricciosa correttaOn peut penser que l’auteur du livret est le même en 1806 et 1815 : Da Ponte.

Courrier des spectacles, n° 3407 du 5 juin 1806, p. 2 :

[ En attendant un article complet, le critique parle de la première représentation du nouvel opéra, juste après l’article consacré au Dépit amoureux de Molière, dans la version de M. Cailhava. Il se limite à constater le succès de l’opéra : l’acte II est très gai, le duo entre Barilli et madame Canavassi a été très bien chanté. Il nous promet un nouvel article, et évoque ensuite les changements à attendre dans la troupe où on attend un nouveau chanteur, et l’arrivée de Chérubini comme directeur de la musique. Il conclut sur la certitude du succès de l’Opéra Buffa, soutenu par « un gouvernement protecteur des arts » et « un directeur soucieux de voir son théâtre réussir.]

La Moglie corretta (l’Epouse corrigée), représentée hier pour la première fois, au même théâtre, a obtenu beaucoup de succès ; le second .acte sur-tout a paru extrêmement gaî, et les différens morceaux qui le composent ont excité les. plus vifs applaudissemens Le Duo Oh ! guardate che figura, tres-bien chanté par Barilli et. par Mad. Canavassi, suffirait seul pour éveiller la curiosité. Il a été répété avec la même perfection, et entendu avec un nouveau plaisir. Nous reparlerons, dans un second article de cet opéra qui n’est pas, il est vrai, de la force des Cantatrici Villane, mais qui en approche par des beautés du premier ordre.

Avec ces deux ouvrages, la troupe de l’Opera-Buffa peut espérer de jolies recettes avant sa clôture. On dit qu’elle va avoir lieu incessamment , mais pour un tems limité. De nouveaux sujets viendront completter le bel ensemble qui existe ; et M. Eliodoro Bianchi, célèbre tenore, joindra son talent à celui de Mad. Canavassi, et de MM. Barjlli, Carmanini, Tarulli, qui nous resteront. On annonce en outre que M. Chérubini sera directeur de la musique de l’Opéra Buffa, et qu’il aura pour adjoint M Mosca, dont les connoissances en cette partie sont généralement reconnues et estimées.

C’est à l’aide de pareilles dispositions que l’Opéra-Buffa arrivera parmi nous au degré de perfection que veulent lui donner un gouvernement protecteur des arts, secondé par le zèle d’un directeur jaloux de fixer le public à son théâtre.

Courrier des spectacles, n° 3408 du 6 juin 1806, p. 2-3 :

[L’article consacré à l’opéra nouveau permet de faire le tour des questions que soulève l’opéra bouffon pour le critique, et sans doute aussi pour le public. Le début résume assez bien tout ce qu’on dit en bien et en mal de ce genre : pièce mal construite, mais beaucoup de gaîté, et emprunt au mélodrame des moyens de faire du spectacle. Pourtant le succès ne vient pas de là, mais des « morceaux délicieux dont le compositeur l’a enrichie ». Sans le dire explicitement, le critique veut bien faire comprendre que la musique prime sur l’intrigue (la nullité des intrigues des opéras italiens est un lieu commun). C’est d'abord l’intrigue qu’il résume ensuite, fort longuement. Une intrigue touffue, qui conte les déboires d’un mari dont la seconde épouse est insupportable, et qui n’arrive pas à la corriger : elle le domine entièrement. Et ce n’est pas le mari qui corrigera sa femme, mais un valet, qui recourt à une ruse qu’on a déjà vu employée. Un valet lui fait croire qu’elle va devenir reine d’une île et il la fait venir de nuit dans le jardin où un coup de pistolet la terrorise au point qu’elle appelle son mari : elle n’a plus qu’à demander pardon de s’être mal conduite. Très exceptionnellement, le critique ne se sent pas obligé de dire tout le mal qu’il pense d’une pareille intrigue et de son dénouement. L’essentiel pour lui, c’est la musique, de Martini (mais aussi des autres compositeurs dont des airs ont été ajoutés dans l’opéra). Une musique que le critique trouve un peu trop sage : manquant de verve, de couleur, elle est aussi trop peu bruyante pour des oreilles françaises. Après ce jugement général, il entreprend de faire la liste des meilleurs morceaux de l’opéra (dont deux airs de Fioravanti et de Guglielmi) et de ceux et celles qui les interprètent avec talent : de très beaux airs, très bien chantés. Une anecdote un peu trouble montre le peu de sérieux de l’opéra bouffe : le geste fait par Barilli, et longuement commenté, est probablement la négation ironique du certificat de vertu décerné dans les aproles aux dames françaises. La conclusion porte sur la musique, l’opéra est riche en morceaux (les airs), pauvre en récitatifs (on n’aime guère les récitatifs à Paris). Et il échappe même au reproche plus que traditionnel de comporter des longueurs ; il est « en général d’une juste étendue ». Succès donc, que relativise seulement le fait de venir après un autre opéra à très grand succès, les Cantatrici villane.]

Théâtre de l’Impératrice.

La Moglie corretta (l’Epouse corrigée).

On ne cherchera point dans cet ouvrage plus de régularité que dans tous ceux qui l’ont précédé. C'est le même assemblage burlesque de scènes souvent peu liées ensemble ; mais il y règne beaucoup de gaîté ou plutôt de bouffonnerie ; le spectacle n'y est pas épargné ; l’on y trouve, comme dans nos mélodrames, un certain appareil, des marches, des armes, et jusqu’à des canons ; mais ce n’est pas à ces moyens accessoires que la pièce a dû son succès, c’est aux morceaux délicieux dont le compositeur l’a enrichie.

La Femme corrigée est une coquette d’un genre assez extraordinaire, ou plutôt une folle dont le cerveau dérangé fait le tourment de tous ceux qui l’entourent. Le mari est un de ces hommes débonnaires qui ont par fois, et loin de leur femme, des réminiscences de fermeté  ; mais qui aussi-tôt qu’elle paroît et qu’elle ouvre la bouche, oublient tout leur courage, et tombent à genoux devant leur tyran. Bonario a épousé, en secondes nôces, Ciprigne, et chaque jour il se repent de la folie qu’il a faite en se remariant. Ses enfans excédés des mauvais traitemens de leur belle-mère, veulent quitter la maison, mais il parvient-à 1es retenir, en leur promettant de ramener dans le jour sa femme à la raison. Il la surprend, dejeûnant tête-à-tête dans son jardin avec son sigisbé, le seigneur don Giglio. Il veut parler ; il tremble ; enfin il hasarde un mot. Ciprigne se lève furieuse et le quitte, en le réduisant au silence. Cependant Bouario ne se tient pas pour battu ; il se présente chez Madame, .armé de pied eu cap. Une paire de pistolets garnit sa ceinture, un sabre pend à son -côté, et une pièce de quatre est en batterie dans l’appartement. Ciprigne paroît. Bouario oublie ses pistolets, son sabre, sa pièce de canon, et sa femme saisissant un pistolet, tire sur lui ; il se croit blessé, il tombe de frayeur, et on l’emporte tout tremblant dans son appartement. Jusqu'ici Mad. Ciprigne a triomphé ; mais enfin le moment arrive où elle doit céder. Cette victoire ne sera point réservée au pusillanime époux. C’est un valet nommé Fiuta qui aura tout l’honneur de cette cure difficile. Il fait prendre des habits turcs à plusieurs des gens de la maison, qu’il associe à son projet, et se présente comme un -ambassadeur chargé d’amener la belle Ciprigne dans une île dont elle doit être proclamée souveraine. Il demande l’Hélène de l’Italie. L’éloge séduit aisément une coquette, il lui offre le trône d’AImérine ; elle est enchantée, elle consent à le suivre, et minuit et le jardin sont l’heure et le lieu du rendez-vous.

Durant ce tems, Giglio, qu’elle a chargé d’enlever sa belle-fille pour la conduire à Rome dans un couvent, est découvert par l’amant, qui s’est emparé de sa place et de la demoiselle. Minuit sonne, Fiuta est au rendez-vous ; Ciprigne ne tarde pas à y venir ; un coup de pistolet disperse tout le monde. Fiuta rentre auprès de Bonario, qui , de sa croisée, voit la dame errer dans le 'jardin, ou elle ne peut trouver un abri contre l’orage qui éclate de toutes parts. Elle appelle Bonario, qui feint de ne pas la reconnoître ; mais enfin la clémence l’emporte. Ciprigne s’apperçoit qu’elle est dupe, et reconnaissant Fiula dans l’ambassadeur, elle implore et obtient le pardon de ses extravagances.

Ce sujet donne lieu à des scènes souvent plaisantes, auxquelles le jeu toujours savant, toujours varié de ,Barilli donne un nouveau merite. Mad. Canavassi-a joué aussi avec beaucoup de taleut le rôle de la Moglie corretta, et M. Carmanini celui de Fiuta

La musique est de M. Martini, à qui l’on doit la Cosa rara, et plusieurs autres ouvrages estimés. Le caractère de cette composition est d’être douce, mélodieuse et\ agréable ; mais on y désireroit quelquefois plus de verve-et un coloris plus brillant. L’ouverture présente presque tous les motifs qui se retrouvent ensuite dans le courant de la pièce ; c’est en général une méthode des compositeurs Italiens, qui n’est peut-être pas susceptible de produire un grand effet-sur nos oreilles habituées à des compositions plus bruyantes. L’air du premier acte : Ah ! si resti... est de M. Fiorarànti, à: qui cette année là palme peut être adjugée comme ayant donné les deux ouvrages qui ont eu le plus de succès. Cet air a fait le plus grand plaisir On trouve dans ce morceau beau coup de mouvement et de vérité , des phrases charmantes, et sur-tout un motif très-agréable ramené souvent avec beaucoup d'adresse. Les paroles en sont très-plaisantes, et M. Barilli l’a chanté avec son talent ordinaire.

Mad. Canavassi a fort bien exécuté l’air très-connu : Guardami un poco ; elle y a sur-tout prouvé, dans ses points d’orgue, combien on a de supériorité lorsqu’on réunit au talent naturel la connoissance approfondie de son art. La finale du premier acte est d’une très-belle facture. On y a admiré et fait répéter le Canon : Vada si via di qua, que MM. Zirdi, Carmamni, et Mlle. Salucci ont très-bien chanté.

Le second acte a fait plus de plaisir que le premier. Le duo : Oh ! guardate che Figura, musique de Guglielmi, a charmé l’auditoire ; et quoiqu’il soit très-long, on a voulu l’entendre deux fois. Ce duo forme à lui seul une scène très-comique ; il n’appartenoit .pas à la partition, et il a été très-adroit de l’y encadrer. Le duo : Non tardar, musique de Nazolini, a été chanté avec beaucoup de goût et d’expression par Mad. Canavassi et M, Nozari. Les paroles de la chanson : Se mia moglia, chantée par M. Barilli, ont fait beaucoup de plaisir. On a été très-sensible à la galanterie de cet acteur qui, en enrichissant l’ouvrage de cet air agréable, a voulu rendre hommage à l’amabilité des dames Françaises. Nous nous permettrons cependant une légère remarque ; les dames ont les yeux perçans, et pourroient avoir remarqué certain petit geste très éloquent que M. Barilli faisoit derrière la poche de son habit en prononçant ces mots : E d'un solo si san contentar ; Les Françaises savent se contenter d'un seul amant. Ceci soit dit sans conséquence. Le geste sera mis sur le compte de la plaisanterie, et l'idée principale conservera tout son mérité aux yeux des dames. Le duo : Vadete ch'allegria a mérité de vifs applaudissemens, chanté par Barilli, Carmanini, et Mad. Canavassi, qui a donné, de nouvelles preuves de son talent, en faisant les plus pures variations dans les différentes reprises de l’air : Nel cuor mi sento un giubbilo. Le trio et la finale sont d’une composition savante.

L’opéra de la Moglie corretta a le mérite d’être riche en morceaux, pauvre en récitatif, et en général d’une juste étendue. Peut-être son succès eût-il été plus grand, s'il ne fût pas venu après les Cantatrici Villane.

Mercure de France, tome 24 (1806), n° CCLV (samedi 7 juin 1806), p. 469-470 :

[Rendre compte d’un opéra buffa, c’est souligner que le livret est mauvais, et se centrer sur la musique et ses interprètes. C’est bien le cas ici : le critique souligne que le directeur du théâtre (c’est l’illustre Picard) pourrait bien prendre la peine « d’arranger ou de faire arranger ces canevas italiens » et les rendre simplement « supportables » en évitant qu’on assiste à une série de scènes sans lien entre elles. Il faut en effet tenir compte de ceux qui « n’entendent pas l’italien ». La musique est mieux traitée, certains airs remarquables sont signalés. Mais les interprètes, à une exception près, ne sont pas à la hauteur. La fin de l’article donne des informations sur les chanteurs italiens, qui sont de grands voyageurs : les uns partent, d’autres arrivent. Dernière information : ce que c’est qu’un canon. On note surtout l’ignorance supposée des gens du temps : ils ne savent pas ce qu’est un canon...]

L'Opéra Buffa a donné, cette semaine, la première représentation de la Moglie Corretta, opéra en deux actes, musique de Vincenzo Martini. Cet ouvrage n'a pas obtenu à la première représentation tout le succès qu'il obtiendra, parce qu'il n'a pas été exécuté comme il doit et peut l'être. Mad. Canavassi, dont la méthode est ordinairement si sûre, sembloit chanter de peur. Nozari affadissoit ses sons plus encore que de coutume : cet. acteur, en général, croit devoir gâter sa belle voix, en s'efforçant d'en tirer des sons flûtés qui dénaturent la musique. Barilli est le seul qui ait soutenu sa réputation. Il est impossible de chanter d une manière plus plaisante et plus originale l'air de Fioravanti, Ah, si resti, le duo du second acte:  Ah, guardate che figura, et la chanson, Si mia moglie crepasse una volta. Mad. Canavassi prendra certainement sa revanche aux représentations suivantes. Le second acte de cette pièce est beaucoup plus riche en musique que le premier, et assurera toujours le succès de cet ouvrage, malgré l'absurdité du poëme, remarquable même après tout ce que nous avons vu. On est toujours étonné qu'un homme tel que Picard, puisqu'il veut bien être directeur de théâtre, ne se donne pas le temps d'arranger ou de faire arranger ces canevas italiens. Au moyen de quelques coupures, on parviendroit à rendre supportables les opéras bouffons. Si l'on prenoit la peine de lier les scènes, de manière que le théâtre ne restât pas vuide du moins aussi souvent, la pièce cesserait d'être absurde pour la majorité des spectateurs, qui n'entendent pas l'italien. La Moglie corretta est sur-tout fatigante par ce défaut. Presqu'à chaque scène, tous les acteurs sortent par un côté, pour être remplacés par d'autres qui entrent du côté opposé. Rien n'est plus choquant pour des spectateurs français qui, avec raison, veulent méme en chanson du bon sens et de l’art. Quoi qu'il en soit, la troupe actuelle des Bouffons est sur le point d’être renouvelée. Mesd. Ferlendis, Crespi et Salucci nous quittent, ainsi que Nozari. Mad. Canavassi et Barilli restent. Nozari sera remplacé par un jeune tenore, nouvellement arrivé de Naples, et qui se nomme Bianchi. La nouvelle troupe jouera prochainement, dit-on, le Mariage Secret et le Marché de Malmanlile, ces deux opéras de Cimarosa, dont le premier est le chef-d'œuvre du genre, et le second une des productions les plus agréables de ce célèbre compositeur.

Nous avons oublié, en parlant de la Moglie Corretta, un fait qui fait trop d'honneur à la méthode italienne pour n'en peint parler : on a fait répéter le trio Vadasi via di qua chanté par Carmanini, Zardi et mademoiselle Salucci, qui ne sont point accoutumés à cette bonne fortune. Ils ont parfaitement exécuté ce petit trio, que les savans appellent un canon. Le canon, dans la musique, est une sorte de fugue qu'on appelle perpétuelle, parce que les parties, partant l'une après l'autre, répètent toujours le même chant. Voici pourquoi on a donné à ces morceaux de musique un nom qui doit paroître bizarre ; on mettoit autrefois à la tête des fugues perpétuelles, des avertissemens qui marquoient comment il falloit chanter ces sortes de fugues ; ces avertissement étoient comme les règles de ces fugues, on les intitula canon, règles, canons. De là, prenant le titre pour la chose, on a par métonymie, nommé canon cette espèce de fugue.

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