Le Misanthrope en prose

Le Misanthrope en prose, à-propos en un acte et en vaudeville, par M. Brazier, 24 mars 1814.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Misanthrope en prose (le)

Genre

à-propos en vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, avec couplets en evrs

Musique :

vaudevilles

Date de création :

24 mars 1814

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

M. Brazier

Journal des arts, des sciences et de la littérature, cinquième volume (seizième de l’ancienne Collection), n° 286 (cinquième année); 30 mars 1814, p. 426-428 :

[Après un long passage de pure polémique, le jugement sur la pièce nouvelle en montre les qualités et les limites. L’auteur de l’article se range délibérément dans le camp de ceux qui, comme Brazier, pensent qu’il vaut mieux laisser les oeuvres de Molière dans l’état où Molière les a mises. Un regret toutefois : l’ignorance d’une bonne part du parterre l’empêche de goûter le sel de la pièce, faute de connaître le Misanthrope.]

THEATRE DU VAUDEVILLE.

Première représentation du Misanthrope en prose, vaudeville en un acte de MM. Brazier et ***.

Avant de m'occuper de la pièce nouvelle, je dois répondre à la réclamation qu’a fait naître mon dernier article sur le Voile. Un M. Bonnin, fort scandalisé de ce qu’il appelle ma sévérité, a couru porter ses plaintes au rédacteur du Journal de Paris, à peu près comme un écolier poltron se réfugie près de son régent, quand un camarade l‘a battu. Sa réclamation est d'autant plus ingénue, que tout en blâmant la moralité du Voile, j’avais su rendre justice au talent distingué de M. Moreau. Je n’avais pas fait difficulté de convenir que sa pièce est à la fois gaie, spirituelle, agréable : la restriction qui accompagne mes éloges prouvait seulement ma franchise et ma bonne foi. Quoique journaliste, je n’ai point encore appris à louer à outrance et à dénigrer sans ménagement, d’après les recommandations ou le blàme de quelques amis. Nul ouvrage sans tache ; et l‘on ne reconnaît guères pour infaillibles, en littérature, que messieurs de l’institut, ou, ce qui revient au même, les membres du Déjeûner.

La malice la plus piquante de M. Bonnin frappe sur la couverture du Journal du Arts  ; il s‘égaie avec tant de complaisance sur cette livrée, qu‘on croirait qu‘il la porte lui même de bonne grâce. Cependant, un pareil sujet ne meritait pas tant de commentaires ; en supposant que le Journal jaune soit le seul qui ait une couleur, et que ses confrères n’en aient jamais adopté aucune, cela devait-il nous attirer un reproche ? M. Bonnin est aussi par trop original : on croirait qu’il veut démentir son nom.

Cette fois encore, en parlant du Misanthrope en prose, peut-être me permettrai-je quelques observations : Dieu garde le Journal de Paris, l’auteur de la pièce nouvelle, et moi, de l'intervention de M. Bonnin !

Alceste, directeur d‘une troupe de comédiens de province, séduit parle succès qu'ont obtenu à Paris l’Avare et le Bourgeois gentilhomme en vers, conçoit à son tour l'heureuse idée de retoucher Molière, et de mettre le Misanthrope en prose. Mais la plupart des acteurs manquent au foyer : Célimène, première coquette, refuse de signer son engagement ; Philinte, souffleur de la troupe, s’acquitte au plus mal de son emploi, et se déclare le protecteur de tous les mauvais ouvrages que l'on présente au comité. Après une longue suite d’événemens de coulisses, le malheureux Alceste croit qu’il faut renoncer à son projet, et remettre à un autre moment la correction du Misanthrope....... Nouvelle erreur ! Un sténographe complaisant n’a point perdu de vue la troupe comique depuis son arrivée au foyer : tout ce qu’elle a dit ou fait est l’exacte parodie du Misanthrope ; et, comme dans les Deux Figaros, la pièce se trouve composée en présence du public.

La scène de Célimène et d’Arsinoé a été rendue de la manière la plus piquante par les confidences réciproques de la coquette et de la duègne. Au lieu d’0ronte, on a supposé un auteur du Vaudeville, qui ne place dans ses couplets que des roses, des papillons, des fleurs écloses, pour les joindre aux myrthes et: aux lauriers..... Honni soit qui mal y pense !

Quelques ouvrages modernes n’ont pas non plus été épargnés : la comédie de tragique mémoire, intitulée Mascarille ; l'opéra soi-disant comique du Prince de Catane, ont eu chacun leur épigramme. C’est le privilège du Vaudeville de dire en riant la vérité.

La plupart des couplets ont du trait, et sont ingénieusement amenés ;quant à la conduite de la pièce, on l’a calquée, comme toutes les parodies, sur le canevas de l’original ; et ce n’est pas ce que les auteurs ont pu faire de plus mal. Les éloges, qu’en passant, ils ont donné à Joconde, leurs saillies sur la fureur que notre siècle a conçue de corriger et de refaire les meilleurs modèle , ont reçu de nombreux applaudissemens.

Le seul reproche que l’on puisse faire à M. Brazier et à son collaborateur anonyme, c’est d’avoir travaillé un peu trop sérieusement pour un théâtre frivole. Pour entendre finesse à leur ouvrage, il faut savoir par cœur le Misanthrope, et la moitié du parterre du Vaudeville pouvait prétendre justement cause d’ignorance sur ce point. Molière est pour nombre de nos jeunes gens un auteur feuilleté tout autant que Thomas A-Kempis ou le père Berruyer. Peut-être aurait-on dû, avant le lever de la toile, faire circuler dans la salle quelques exemplaires du vaudeville nouveau, avec le Misanthrope à page de regard, comme on vend d’avance les pièces italiennes à l‘0péra-Buffa ; au moins n’aurait-on pas applaudi avec tant de bonne foi et d’ingénuité, le couplet qui sert de parodie au sonnet d’0ronte, et aurait-on pu se dire d’abord :

Ce style figuré dont on fait vanité,
Sort du bon caractère et de la vérité.

La pièce offrait quelques longueurs à la première représentation ; elles ont disparu à la seconde. Fontenay a joué avec assez de brusquerie le rôle d’Alceste ; ,Guénée, qui représente le souffleur Philinte, manque quelquefois de mémoire, et devrait commencer par se‘ souffler lui-même. Mlle.. Rivière joue Célimène : comme il suffit dans ce rôle d'être jolie, elle réunit tous les suffrages.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 19e année, 1814, tome II, p. 168 :

Le Misanthrope, en prose, à-propos en un acte et en vaudeville.

Cette petite pièce avoit pour but de critiquer la manie de ces rimeurs qui viennent de refaire Molière. Comme leur entreprise avoit fait peu de bruit, la critique n'en a pas fait davantage. La pièce étoit pour le fonds une espèce de parodie des principales scènes du Misanthrope. On y a remarqué quelques jolis couplets. L'auteur est M. Brazier.

Mémorial dramatique, ou Almanach théâtral pour l’an 1815, IXe année, p. 123-124 :

LE MISANTHROPE, en prose, vaudeville en un acte, par MM. Brazier et ***. (24 mars.)

Alceste, directeur d'une troupe de comédiens de province, séduit par le succès qu'ont obtenu à Paris l'Avare et le Bourgeois gentilhomme, en vers, conçoit à son tour l'heureuse idée de retoucher Molière, et de mettre le Misanthrope en prose ; mais la plupart des acteurs manquent au foyer : Célimene, première coquette, refuse de signer son engagement ; Philinte, souffleur de la troupe, s'acquitte au plus mal de son emploi, et se déclare le protecteur de tous les mauvais ouvrages que l'on présente au comité. Après une longue suite d'événemens de coulisses, le malheureux Alceste croit qu'il faut renoncer à son projet, et remettre à un autre moment la correction du Misantrope....... Nouvelle erreur ! un sténographe complaisant n'a point perdu de vue la troupe comique depuis son arrivée au foyer : tout ce qu'elle a dit ou fait, est l'exacte parodie du Misanthrope ; et, comme dans les Deux Figaros, la pièce se trouve composée en présence du public.

La scène de Célimène et d'Arsinsé a été rendue de la manière la plus piquante, par les confidences réciproques de la coquette et de la duègne. Au lieu d'Oronte, on a supposé un auteur du Vaudeville, qui ne place dans ses couplets que des roses, des papillons, des fleurs écloses, pour les joindre au myrthes et aux lauriers........ Honni soit qui mal y pense !

Quelques ouvrages modernes n'ont pas non plus été épargnés. La comédie de tragique mémoire, intitulée Mascarille ; l'opéra soi-disant comique du Prince de Catane, ont eu chacun leur épigramme. C'est le privilége du Vaudeville, de dire en riant la vérité.

La plupart des couplets ont du trait, et sont ingénieusement amenés ; quant à la conduite de la pièce, on l'a calquée, comme toutes les parodies, sur le canevas de l'original ; et ce n'est pas ce que les auteurs ont pu faire de plus mal. Les éloges, qu'en passant, ils ont donné à Joconde ; leurs saillies sur la fureur que notre siècle a conçue de corriger et de refaire les meilleurs modèles, ont reçu de nombreux applaudissemens.

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