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Monsieur Botte ou le Nouveau bourru bienfaisant

Monsieur Botte, ou le Nouveau bourru bienfaisant, comédie en 4 actes et en prose, imitée du roman de M. Pigault-Lebrun, de Théophile [Dumersan] et Valentin [Debugny], Théâtre Molière, 28 ventôse an 11 [19 mars 1803].

Courrier des spectacles, n° 2205 du 29 ventôse an 11 [20 mars 1803], p. 2-3 :

[Une bonne part de l'article est consacrée à la question de l'originalité de la pièce, qui est jouée quelques jours après une autre pièce ayant exactement la même source, un roman de Pigault-Lebrun, imité de très près, « les scènes, les situations et jusqu’au dialogue ». Ils ont même repris une pièce antérieure inspirée du roman, et jouée anonymement il y a quelques années. A un moment où la question du droit d'auteur se pose, le procédé peut surprendre. L'imitation a fait le succès de la pièce, et les auteurs pouvaient se dispenser de demander au public de ne pas siffler : le public du Théâtre Molière ne siffle jamais, d'après le critique. Peu de chutes à ce théâtre, même si les acteurs ont la fâcheuse habitude de ne pas savoir leur rôle : un seul acteur savait son rôle, « et le souffleur a joué seul la moitié de l’ouvrage ». Pour les auteurs, nommés, ils n'ont pas paru, l'acteur venu faire l'annonce ayant dit que Pigault-Lebrun n'étais pas présent...]

Théâtre de Molière.

Monsieur Botte.

Nous avons rendu compte il y a trois ou quatre jours de M. Botte, pièce en trois actes jouée à l’Ambigu-Comique ; d'autres auteurs ont voulu aussi mettre ce sujet en scène : et comme il appartient à tout le monde, nous ne désespérons pas d’avoir encore à parler de nouvelles comédies imitées du même roman ; il n’y a pas do raison pour que cela finisse ; cependant on aura beau faire, les pièces passeront, le roman survivra.

On doit aux nouveaux auteurs le même compliment que nous avons fait aux premiers, c’est qu'ils ont suivi pas à pas Pigault Lebrun, qu’ils ont peu mis de leur propre fonds, et qu’ils ont emprunté à cet écrivain les scènes, les situations et jusqu’au dialogue. Il est cependant un point où nous ne les croyons pas exempts de reproches, c’est d’avoir copié entièrement dans le roman le troisième acte ; ils ignoroient sans doute que cet acte étoit déjà une petite comédie jouée aux Jeunes Artistes il y a un an environ sous le titre des Comédiens de la Petite Ville. L’auteur alors a gardé l’anonyme, mais il s’est fait, pour ainsi dire, connoitre, en insérant dans Monsieur Botte la pièce toute entière et telle qu’elle fut représentée. I1 étoit permis à un auteur de reprendre son bien, de l’imprimer dans un roman, mais est-il bien permis à. d'autres de mettre en scène ce qui a déjà paru ? Arrangez-vous, Messieurs les auteurs,

Non nostrum inter vos tantas componere lites.

[Virgile, Bucoliques, 3, vers 108 : Ce n'est pas à nous de régler de si grands conflits entre vous]

Quoiqu'il en soit cet acte a fait le succès de la pièce nouvelle, outre le nom et le caractère de M. Botte qui est absolument le même que dans le roman, qui parle et agit de même, qui brusque son neveu, son ami, tout le monde enfin, et qui est bon et généreux avec ceux même qu’il semble vouloir éloigner par ses manières dures et presque repoussantes.

Les auteurs de la comédie nouvelle n’ont sans doute pas trouvé que M. Botte tessembloit assez au Bourru bienfaisant de Goldoni, puisqu’ils ont amené de nouveau une scène semblable à celle où il répare un mouvement de vivacité et d’emportement par le repentir et par la générosité. Avant la représentation et à la fin de la petite pièce qui la précédoit, ils avoient adressé au public le couplet suivant:

Air du Vaudeville de l'Asthénie.

Si vous daignez à nos essais
Sourire, malgré leur foiblesse,
Nous devrons tout notre succès
Au roman qu'on a mis en pièce.
Veuillez, messieurs, être indulgens,
Quand la critique nous balotte ;
Certes, vous n’êtes pas des gens
A siffler à propos de botte.

Ce couplet devenoit assez inutile auprès de gens qui ne sifflent jamais. Aussi ce théâtre voit-il peu de chutes : ce n’est pas la faute des acteurs, car ils savent bien rarement leurs rôles. Hier encore, à l’exception de celui de M. Botte, qui a été rendu avec intelligence par M. Dugy, et de celui de Darancey que M.Villeneuve a représenté avec dignité, presque aucun n’étoit sçu, et le souffleur a joué seul la moitié de l’ouvrage.

Les auteurs ont été demandés ; ce sont les cit. Théophile et Valentin. On a voulu les voir ; l’acteur alors est venu annoncer que M. Piganlt-Lebrun n’étoit pas présent à la représentation. Procédé adroit, et en même-tems modeste de la part de deux jeunes gens pénétrés de cette maxime trop peu goûtée de nos jours :

« « Rendons à César, ce qui appartient. à César. »

F. J. B. P. G***.          

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