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La Petite métromanie

La Petite métromanie, vaudeville en un acte, de Thésigny et Chazet, 23 fructidor an 5 [8 septembre 1797].

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Petite métromanie (la)

Genre

comédie mêlée de vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

23 fructidor an [8 septembre 1797]

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Thésigny et Chazet

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez le Libraire au Théâtre du Vaudeville, an 6 :

La petite Métromanie, comédie en un acte et en prose, mêlée de vaudevilles. Par les CC. Thésigni et Chazet. Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 23 Fructidor, an 5.

Le Censeur dramatique, ou Journal des principaux théâtre de Paris et des départemens (Grimod de la Reynière), tome I, n° 4 (10 vendémiaire an 6), p. 208-211 :

[La question du plagiat...

Parmi les nombreuses pièces citées dans la lettre de Carmontelle, la Statue renvoie à Condamner sans entendre, ou la Statue, une comédie en un acte créée en 1768.

]

Le 23 du même mois [fructidor], on a joué, pour la première fois, la Petite Métromanie, Pièce en un acte, par MM. Chazet et Thézigny.

Au moment où nous allions imprimer l’Analyse de cette Pièce, nous avons reçu une lettre de M. Carmontelle, Auteur des Proverbes dramatiques, et de plusieurs autres jolis Ouvrages, qui réclame le sujet de ce Vaudeville, et accuse les Auteurs d'un plagiat. Ce crime littéraire est si commun aujourd'hui (que tout le monde se mêle d'écrire), et si peu de gens sont en état de le juger, qu'il demeure impuni ; mais c'est une raison de plus pour nous d’accueillir la réclamation d’un Homme de-Lettres estimable, et qui, par son âge, sa probité et son caractère bien connu, a droit à notre confiance. Si les Auteurs de la Petite Métromanie veulent lui répondre, nous imprimerons avec plaisir leur défense, persuadés qu'ils la renfermeront dans les bornes de l’honnêteté.

Voici la Lettre de M. Carmontelle.

L E T T R E . DE M. L. E. CARMONTELLE,

AU RÉDACTEUR DU JOURNAL.

Paris, 3 Vendémiaire 6.

« Je ne sais, Monsieur, si vous avez rendu compte de la Petite Métromanie, donnée au Vaudeville, parce que je n’ai point vu votre second cahier du Censeur dramatique. J’espère que vous voudrez bien recevoir mes plaintes sur ce que l'on me dérobe les Sujets de mes Ouvrages, et de ceux même qui ne sont pas imprimés. Cette Petite Métromanie est le sujet d’une Pièce que j’ai donnée autrefois au Théâtre des Variétés au Palais Egalité, et dont on a gâté la conduite en la mettant en Vaudeville. Il est vrai que les couplets sont assez bien faits : aussi l’Auteur, qui s’en étoit douté, en a-t-il prévenu le Public, en faisant dire à l’Avocat, qui en lit un, qu'on voit bien que ce couplet est de main de Maitre. Ma Pièce, à moi, a été donnée sous le titre d’On aura peine à le croire. On m'a pris encore, dans la Pièce intitulée les Effets au Porteur, le Sujet d'une Pièce que j'ai donnée au Théâtre de Louvois, sous le titre de la Généreuse Supercherie. Comment ces Messieurs, qui ont tant d'esprit, sont-ils obligés de piller comme cela à droite et à gauche ? Encore s’ils employoient les Sujets qu’ils dérobent comme a fait l’Auteur de Colombine Mannequin, qui a si bien retourné en comique le Proverbe de la Statue, je ne m’en plaindroîs pas ; mais dans la Petite Métromanie, qu’ont-ils fait de ce Sujet, en faisant de leur Auteur un Auteur de Vaudeville ? pendant qu'il étoit Auteur d’une Tragédie, qui avoit enchanté le père de sa Maîtresse, au point que, charmé du Sujet, des vers, des sentimens et de la conduire de la Pièce il change d'avis, et lui accorde sa fille ; voilà mon dénouement. Mais ils ont fait un galimatias de toute l'intrigue de la Pièce, en transposant les scènes, et ils ne sont- parvenus qu’à faire un chapelet de Vaudevilles. Mais c'est assez vous fatiguer de mes plaintes ; je vous en ferois bien d’autres, si je n'aimais mieux indiquer par vous à ces Messieurs, qui savent si bien faire valoir les fonds des autres, un Sujet à traiter, qui n'est ni un Conte ni un Proverbe, mais une vérité, dont voici le titre : Les Agioteurs littéraires.

« Salut et fraternité.

« L. E. Carmontelle (24)

(24) L’intérêt que nous prenons à ce Spectacle nous a fait un devoir de publier cette Lettre ; et nous croyons entrer, en cela, dans les vues de son aimable Directeur, qui nous écrit ces propres paroles. « Je n’ai pas besoin de vous recommander le petit Vaudeville, je suis certain qu’un genre national, qui appartient exclusivement aux François, servant fort souvent à faire valoir les autres, sans leur rien prendre, méritera au moins votre indulgence. Je ne parlerai point des sentimens d’amitié du Fondateur : je n'aime point à séduire mes Juges ». Signé, Barré.

Le Censeur dramatique, ou Journal des principaux théâtre de Paris et des départemens (Grimod de la Reynière), tome I, n° 5 (20 vendémiaire an 6), p. 291-296 :

On a vu dans le N°. 4 de ce Journal, qu'au moment où. nous allions rendre compte de la Petîte-Métromanie, nous avons été arrêtés par une lettre de M. Carmontelle, qui réclamoit le sujet de cet Ouvrage. Fidêles à nos principes constitutionnels de respect pour les propriétés, et de l'impartialité la plus sévère, nous n’avons pu nous refuser à l’insertion de cette Lettre, à laquelle MM. Chazet & Thésigny n'ont point encore cru devoir répondre.

Maintenant nous allons remplir nos engagemens avec le Public, en lui faisant connoître cet Opéra. Nous profiterons encore du travail de l’obligeant Anonyme qui a rendu compte du Ballon-Biron ; et c‘est lui-même qui va parler de la Petite-Métromanie.

« Verseuîl, amant d’Hortense, a la Passion des couplets ; il a fait une Pièce pour le Vaudeville; il aime infiniment mieux ce genre de travail que l’étude des lois ; et nous serions peut être de son avis sur ce point, mais Damis, père d'Hortense, ne pense pas de même. Le résultat de ses réflexions est qu'un Avocat peut seul convenir à sa fille, qui, de son côté, ne voit pas que ce titre soit essentiellement nécessaire pour l'épouser, et sur-tout pour lui plaire. Cependant, comme elle paroît très bonne enfant, et qu’elle voudroit pouvoir arranger tout le monde, elle veut bien aller jusqu’à concevoir qu’on puisse épouser un Avocat, pourvu que ce soit son petit cousin Verseuil ; elle engage même ce dernier à flatter les goûts de son père. Quant au jeune Poëte, il trouve que ce doit être un triste Amant qu’un homme à paragraphes, et regarde comme très bizarre le travers de Damîs,

Qui veut avoir un gendre, Amant de l’Hypothêsc,
Qui soit en état chaque jour
D’apprendre à sa fille, en Amour,
A bien soutenir Thèse.

« On doit représenter la pièce de Verseuil ce soir même ; Germain, son Valet, est seul dans le secret de cette Pièce. En jeune homme galant, il envoie un bouquet à l’Actrice qui doit faire le principal rôle, et il y joint des Vers pour elle. Malheureusement le bouquet tombe entre les mains de Damîs, qui lit les vers devant sa fille ; le Valet a beau assurer que les vers sont de lui, Damîs s’apperçoit bien qu’ils sont de main de maître. Pour Hortense, jamais elle n’a eu si peu de penchant pour les Poëtes qu’en ce moment d’autant que Verseuil dit dans le dernier vers :

Qu’on enviera son sort en admirant son choix ;

«  et que toutes ces belles choses là paroissent s’adresser à une Rivale.

« Voilà donc Verseuil coupable aux yeux d’Hortense, et sur-tout du Légiste Damis qui vient de le trouver, flagrante delicto, et qui ne voit dans ces Vers qu’un véritable guet-apens, ou tout au moins une contravention, au contrat synallagmatique, fait entre eux au sujet d’Hortense ; contravention qui doit nécessairement donner ouverture à résiliation du marché.

« Verseuil, embarrassé, est obligé de tout avouer : ce qui le justifie bien auprès d’Hortense, mais non pas auprès du Jurisconsulte, qui pense que faute par Verseuil d’avoir obtempéré aux conditions à lui imposées, et d’y avoir satisfait ; et attendu au contraire la violation manifeste d’icelles, 1e susdit doit être déchu. Cependant ayant égard aux prières et aux pressantes sollicitations de sa fille et de Verseuil, il est de nouveau stipulé qu’il sera sursis au jugement définitif jusqu’après la représentation de la Piêce,qui doit nécessairement tomber ou réussir. Dans le premier cas , la main d’Hortense doit dédommager Verseuil de la chute ; au second cas, débouté ; et pour être plutôt sûr du résultat, Damis va lui-même au Vaudeville avec sa fille.

« Verseuil, dans la cruelle alternative où il se trouve, se décide enfin à faire tomber sa Pièce : il charge Germain, son Valet, du soin de la faire siffler : celui-ci, qui avoit monté la plus belle cabale…. pour applaudir, et qui avoit promis le matin à son maître que le Paradis le porterait aux nues, est fort étonné du changement ; cependant, vu le motif, il se décide à faire tomber une Pièce qui lui avoit donné tant de peine...... à copier.

« Malheureusement il n'y réussit guère, et Damis vient apprendre à son neveu que sa Pièce a eu le plus grand succès ; ce qui rompt le mariage. Verseuil est très étonné qu'on puisse refuser un Auteur de Vaudevilles, dont la Pièce vient de réussir, et va faire parler de lui l’Univers. Damis reste inflexible : lorsqu'un Officier de police amène Germain et les cabaleurs, qui ont été arrêtés pour avoir troublé le Spectacle. Germain se réclame de son Maître ; et, pour se tirer d’affaire, est obligé d'avouer à Damis qu'il n'a agi que par les ordres de Verseuil. Damis, qui avoit été révolté de la perfidie de Germain, est touché du sacrifice qu'avoir voulu lui faire son neveu, et lui pardonne.

« Cette Pièce, comme on le voit, est un sujet très heureux pour le Vaudeville ; il amène des scènes originales, des situations neuves. On peut même dire qu'elle marche bien, et qu'il y a peu de longueurs ; il y a de très jolis couplets, entr’autres celui -ci, chanté par Verseuil pour se justifier de la manie des Vaudevilles :

AIR : On compterait le: Diamans.

Jadis Maître Adam rabotoit
Tour-à-tour des Vers et des tables ;
Bernis tour-à-tour composoit
Des Sermons et des Vers aimables ;
Boufflers, Guerrier, Poëte, Amant,
Chantoit Bellone et sa Maîtresse ;
Patru fit des Vers en plaidant,
Et Santieul en servant la Messe. (Bis.)

« Cependant nous n'avons pas trouvé dans le rôle du jeune Métromane toute la chaleur que comportoit sa situation ; peut-être cela vient-il de la manière un peu languissante dont cette Pièce a été jouée. Nous donnerons pourtant de sincères éloges au talent de M. Rozières, qui a mis dans le rôle de Damis tout l'aplomb et l'intelligence possibles. Il seroit à desirer seulement qu'il pût être plus sûr de sa mémoire, qui lui joue quelquefois de mauvais tours.

« Au total, cette Pièce, quoique bien reçue, n'a pasobtenu tout le succès qu'elle méritoit ; ce que l'on doit attribuer aux causes que nous venons de dire, ou peut-être aux circonstances dans lesquelles elle a été donnée. Nous espérons qu'elle prendra une plus grande faveur cet hiver, lorsqu'elle sera jouée avec un peu plus de soin, et que le Public aura eu le temps de la goûter davantage. »

Nous pensons que nos Lecteurs nous sauront gré d'avoir adopté cet Extrait, qui fait parfaitement connoître la Pièce, et qui nous paroît écrit avec autant de soin que de modération. Nous aurions désiré que l'Anonyme se fût un peu plus étendu sur le jeu des Acteurs, et n'eût pas parlé seulement de M. Rozières.

Au reste, nous remercions cet Amateur du Vaudeville de l'intérêt qu'il prend à notre Journal ; et nous le prions de nous envoyer encore quelques Articles sur ce Théâtre. Il ne sauroit nous en donner une meilleure preuve, et le Public sera de moitié dans notre reconnoissance.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 3e année, 1797, tome III, p. 259-260 ;

Voici le sujet de la petite Métromanie, autre pièce nouvelle donnée au même théâtre.

Verseuil a la manie de faire des vers. Il vient de terminer un vaudeville qu'on doit jouer le soir même ; mais il n'a pas voulu se confier à son oncle Damis, homme de loi, qui ne lui a promis sa fille Hortense qu'à condition qu'il s'appliquerait à l'étude du droit.

L'oncle cependant apprend, par l'indiscrétion d'un valet, que Verseuil est auteur, et que son ouvrage doit être représenté le soir même, et il ne consent à lui donner sa fille qu'au cas où la pièce tomberoit.

Verseuil a fait remplir le parterre de gens payés pour applaudir ; il se décide pourtant à envoyer son valet prier les mêmes personnes de siffler. L'oncle revient du Vaudeville, où il a été pour être témoin de la chute ou du succès de la pièce ; elle a réussi malgré la cabale, et Damis rompt le mariage; mais en apprenant le sacrifice que faisoit Verseuil en envoyant siffler sa pièce, il lui rend Hortense, en lui faisant promettre de s'attacher dorénavant à suivre
Cujas plutôt que Molière.

La pièce est remplie de calembourgs et de pointes, quelquefois trop usées. Elle a de jolis couplets, celui où l'oncle parlant du couplet d'annonce que chante ordinairement Arlequin Afficheur, dit que l'auteur souvent

borne son talent
à la préface.

a été applaudi, mais bien moins que celui ou Verseuil dit, en parlant du directeur Barré,

Tomber quand on a son suffrage ,
Ça n'se peut pas, ça n'se peut pas.

La Métromanie de Piron a fourni le sujet de cette petite pièce, qui a été fort bien jouée par les CC. Henri, Carpentier, Bosière et par la C. Blosseville, à qui l'on reprochera pourtant de se trop manierer.

Les auteurs sont les citoyens Tesigny et Chazet. Ce dernier n'a fait encore que quelques pas dans la carrière dramatique ; il implore l'indulgence du spectateur trop sévère dans un couplet où il le prie de l'aider à plaider sa cause. Ce couplet a produit l'effet qu'on en attendoit, et les auteurs ont gagné leur cause.

D’après la base César, la pièce a été jouée 44 fois au Théâtre du Vaudeville (14 fois en 1797, à partir du 9 septembre, 25 fois en 1798, 5 fois en 1799). Et après ?

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