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La Prude

La Prude, comédie en cinq actes, en vers, de Népomucène-Louis le Mercier, 14 frimaire an 6 [4 décembre 1797].

Théâtre de la rue Feydeau.

Titre :

Prude (la)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

5

Vers ou prose ,

en vers

Musique :

non

Date de création :

13 frimaire an 6 (3 décembre 1797)

Théâtre :

Théâtre de la rue Feydeau

Auteur(s) des paroles :

Népomucène-Louis Lemercier

Almanach des Muses 1799.

Floricourt, jeune libertin sans principes et sans mœurs, entre un jour dans un appartement ; il y trouve une jeune personne âgée de quinze ans ; c’est la première fois qu’il la voit, il veut en jouir, il y réussit. Un enfant est né de cet acte de violence. Dix-sept ans s’écoulent. Floricourt a été forcé de s’expatrier, mais il est revenu en France. Il apprend que sa cousine Dorville, chargée en secret de l’éducation d’un jeune homme, qui est précisément le fruit de son crime, a une belle-sœur très-prude. Il forme le projet de séduire celle-ci, s’introduit chez elle, affecte ses manières, copie ses discours, parvient à l'intéresser, et obtient d'elle l'aveu du sentiment tendre qu'il lui a inspiré. Il est aux genoux de la prude lorsque madame Dorville les surprend. La prude sent son honneur compromis, son amour se change en haine, elle veut se venger de sa belle-sœur. Auguste, c'est le nom de l'enfant naturel, lui en fournit les moyens. La prude sait les soins que madame Dorville a prodigués à cet enfant ; elle ne doute pas que ce ne soit le fruit d'un amour illégitime, elle éclate en reproches vis-à-vis de sa belle-sœur ; son emportement est tel que Dorville, son frère, accourt au bruit qu'il entend. Il veut une explication ; Auguste est amené, il avoue qu'il est le fils de Floricourt, mais il ignore quelle est sa mère. Dorville cependant prononce le nom d'Angeline ; à ce mot adressé à la prude, Auguste s'élance auprès d'elle, en lui criant que c'est à elle qu'il doit le jour. Cela n'est que trop vrai. La prude n'est autre que cette jeune personne qui a été victime de la violence de Floricourt. Ce mystère une fois éclairci, Dorville veut faire épouser sa sœur à Floricourt, qui d'abord, fidèle à son caractère, oppose la plaisanterie aux menaces, et finit par épouser la mère de son fils.

Pièce qui a peu réussi.

Le principal défaut de l'ouvrage est de n'offrir qu'un fonds vicieux,et pas un seul personnage qui excite l'intérêt. L'auteur d'Agamemnon a donné au public le droit d'être difficile ou sévère envers lui. Malgré les imperfections qui ont frappé dans sa comédie, on n'a pu s'empêcher d'applaudir à beaucoup de vers heureux, à des détails brillans, à des intentions vraiment dramatiques.

Courrier des spectacles, n° 287 du 15 frimaire an 6 [5 décembre 1797], p. 2-3 :

[Le critique entreprend de faire d’abord l’historique de toutes les pièces qui contiennent le mot prude dans leur titre, ce qui lui permet de faire défiler toute une série d’anecdotes sur les auteurs de ces pièces, ou sur le destin de leur production. Il en vient enfin à la pièce du jour, dont le succès lui paraît uniquement produit par la réputation de son auteur, dont l'identité, semble-t-il, était connue d’une partie des spectateurs (c'est contraire aux usages : on ne donne le nom des auteurs qu'après la première représentation, et si le public le demande). Pour sa part, ce succès lui paraît usurpé, et la liste des défauts de la pièce est longue : « un ouvrage rempli d’invraisemblance et d'immoralité dont le plan est vicieux et les scènes longues et mal conduites, souvent inutiles ». De plus ce n’est pas une prude qu’on voit dans la pièce, mais « un monstre qui a tous les vices ». Le critique en profite pour s’indigner de l’immoralité régnant sur les théâtres, où l’on voit « des filles devenues mères », ce qui est le cas de la prude même si on ne l’apprend qu’à la fin, faute à laquelle s’ajoutent une belle série de défauts, « bigote, médisante, vindicative sans sujet, et la plus méchante des femmes ». Après ces déclarations quelque peu misogynes, il passe à « l’analyse de cet ouvrage », qu’il résume avec précision, même s’il n’est pas toujours très clair. Le fonds de l’histoire, c’est une fille séduite. Le séducteur, qu’elle n’a pas vue, emporte son enfant et elle ne sait ni qui l’a séduite, ni qui est son enfant. Une telle situation permet un imbroglio que le critique trouve peu vraisemblable. A la fin, le vil séducteur se voit contraint d’épouser celle qu’il a rendue mère, mais c’est pour lui son dernier défi de libertin. « Rien de plus ridicule que cet acte très-déplacé après celui qui l’a précédé ». Pièce mal conduite, mais aussi pièce mal écrite : « le style de l’ouvrage est rarement meilleur que sa conduite ». On finit pourtant sur une phrase positive : l’ouvrage « est parfaitement rendu par ses interprètes » (mais ce n'est pas dû à l'auteur).

La citation de Palissot sur l’Andrienne et Baron, son auteur (Courrier des spectacles, n° 275 du 3 friamire an 6 [23 novembre 1797] :

Le cil. Palissot qualifie Baron le comédien le plus noble et le plus vrai qui ait jamais paru sur notre scène ; il ajoute : Il a traduit l’Andrienne, d’une manière foible et sans élégance. Cette pièce subsiste cependant par la vérité des caractères , et par le génie de l’origine qui se fait encore sentir à travers la médiocrité de la traduction. Il a peint avec assez de succès le manège des coquettes (1), parce qu’il en avoit trouvé d’assez méprisables pour lui faire des avances, et les ridicules de l’homme à bonne for tunes (2) parce qu’il l’avoit été lui-même.

(1)Dans la Coquette et la Fausse prude.

(2) Dans la pièce de ce titre.]

Théâtre Feydeau.

La Prude est un caractère qui a été mis plusieurs fois au théâtre : on connoit la Prude, comédie en cinq actes et eu vers de Voltaire, qui fut représentée sur le théâtre d’Anet, pour Mme du Maine. L’auteur y joua et fit même un prologue ou il se mit en scène lui-même avec une Mme Dutour. Voltaire avoit pris son sujet dans une comédie de Wicherley, intitulée : Plain Déaler ( l’Homme au franc procédé), pièce qui a encore en Angleterre la même réputation que le Mysantrope en France , quoique les mœurs n’y soient point respectées.

On a encore la Prude du tems, ou les Saturnales, comédie en cinq actes, en vers, de Palaprat, jouée au théâtre Français en 1697.

La Fausse Prude, comédie qui devoit être jouée au théâtre Italien, au mois de Mai 1697, fut la cause de la clôture que fit de ce spectacle le lieutenant général de police par ordre du Roi. On prétendoit que c’étoit Mme de Maintenon que l’auteur anonyme de cet ouvrage avoit voulu y tourner en ridicule.

La Coquette et la Fausse Prude, de Baron, fut jouée en 1686, on croyoit que Baron n'étoit que le père adoptif de cette pièce, et que le véritable étoit l'auteur de la vie d’Henriette Sylvie, de Molière ; en lisant les différentes comédies données sous le nom de Baron, il est aisé de se convaincre que la Coquette et l’Homme à bonnes fortunes, ne sont point de la même main qui a fait l’Andrienne. Ce sont deux styles tout-à-fait diffférens : le style des deux premières comédies est celui d’un homme qui vit dans la société, qui a le ton du monde. On voit au contraire que l’Andrienne est écrite par un homme qui n’a aucun usage. (Voyez une citation du cit. Palissot sur l’Andrienne, dans la feuille du 3 Frimaire.)

La nouvelle pièce donnée hier au théâtre Feydeau, sous le titre de la Prude, a été accueillie avec une indulgence qui seroit bien blâmable, si l’on ne pouvoit supposer qu’une partie des spectateurs étoit informée que l’auteur est le citoyen Lemercier, avantageusement connu par plusieurs ouvrages, et sur-tout par sa belle tragédie d’Agamemnon.

Je crois devoir oublier le nom de l’auteur et ses ouvrages, précédans, pour ne m’occuper que de la comédie dont il s’agit, et je ne crains pas de dire que c’est un ouvrage rempli d’invraisemblance et d'immoralité dont le plan est vicieux et les scènes longues et mal conduites, souvent inutiles. Ce n’est pas seulement une prude que l’auteur nous a présentée, c’est un monstre qui a tous les vices. On a eu, depuis quelque tems, de fréquentes occasions de blâmer sur la scène des filles devenues mères. La Prude du cit. Lemerciev joint à cela un oubli entier de sa faute, dont elle ne dit pas un mot pendant qnatre actes ; elle est de plus bigote, médisante, vindicative sans sujet, et la plus méchante des femmes. Je vais lâcher de présenter l’analyse de cet ouvrage.

Floricourt, libertin des plus décidés, étant entré, il y a dix-sept ans, chez Mme Desronais, sa tante, vers le soir, a trouvé, dans une chambre sans lumière, une jeune fille à laquelle, sans aute préliminaire, i1 a fait un enfant ; il est parti sur-le-champ sans voir sa victime, et sans même savoir son nom. On ne sait trop comment Auguste (c'est le fruit de ce crime) est revenu au pouvoir de son père, qui l’a fait élever, et qui continue de lui faire tenir l’argent dont il a besoin par Mme Dorville, sa cousine. La jeune fille dont le nom est Angeline, et qui est propre sœur de Mme DorviIle, croit son enfant mort ; et comme elle n’a eu pour confidente que Me Desronais, elle a pu cacher sa honte à tout le monde, et a affecté depuis la pruderie et les autres vices que j’ai cités. Floricourt qui ne la connoit pas, entreprend, pour s’amuser, de réduire la prude. Sa longue expérience lui procure un assez prompt succès. Mme Dorville arrive au moment où son cousin baise la main d’Angeline. Celle-ci qui craint que Mme Dorville ne la perde de réputation, juge à propos de la prévenir, et répand des soupçons sur son compte dans l’esprit de son mari ; elle va jusqu’à l’accuser d’être bien avec Floricourt. Une circonstance favorise son projet : un Italien, maître de musique du jeune Auguste, vient apprendre à la prude que c’est Mme Dorville qui paye pour son élève, et que ce dernier est fils de Floricourt, Auguste s’introduit dans sa maison, pour voir sa maîtresse, qui est la nièce de Dorville. Pendant qu’ils sont ensemble, Angeline arrive ; ils fuyent et Auguste se cache dans un cabinet : Angeline en prend la clef, réproche à Mme Dorville d’avoir eu un coupable commerce avec Floricourt ; pendant ce temps, Dorville traverse la pièce, en tend le reproche que l’on adresse à sa femme ; il s’arrête, et Angeline soutient à sa belle-sœur qu’Auguste est le fruit de ses liaisons avec Floricourt. On conçoit la fureur de Dorville contre sa femme ; elle n’a pu encore se justifier, lorsque Floricourt, qui vient de recueillir les derniers soupirs de Madame Desronais a appris d'elle qu’Angeline est la mère d’Auguste. Tel est à-peu-près la fin du quatrième acte. Dans le cinquième Floricourt consent à épouser Angélique, et s’amuse aux dépens de Dorville, qui se dispose à lui faire faire par force ce qu’il veut faire non par remords, mais en vrai libertin, sans autre motif que celui de faire une fin. Rien de plus ridicule que cet acte très-déplacé après celui qui l’a précédé.

Le style de l’ouvrage est rarement meilleur que sa conduite.

Il est parfaitement rendu par les cit. Fleury et Dazincourt ; les citoyennes Contat, Lange et Devienne.

L, P.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, troisième année, tome quatrième (an VI-1797), p. 549-551 :

La première représentation de la Prude , comédie en cinq actes et en vers, a eu un succès assez marqué.

Angéline, jeune fille de 15 ou 16 ans, a été rencontrée le soir dans les appartemens de madame Desronais par Floricourt, libertin décidé, qui ne la quitte qu'après l'avoir subjuguée, sans que l'un ni l'autre se soient reconnus. Floricourt est obligé de quitter la France, et revient après dix-huit ans d'absence. Angéline a mis au jour un fils nommé Auguste ; on a cru devoir lui annoncer sa mort, et madame Desronais prend soin de son éducation avec madame Dorville, belle-sœur d'Angéline, qui ne connoît que le père d'Auguste.

Angéline craignant le déshonneur, si ce qui lui est arrivé étoit connu, se fait prude et dévote, mène une vie retirée, et gronde tout ce qui l'approche. Floricourt revenu de son voyage veut se réconcilier avec madame Desronais sa tante, qui ne veut pas le recevoir ; il imagine pour cela d'employer la prude Angéline, et conçoit l'idée de la courtiser pour essayer de la faire succomber.

Il parvient à s'en faire aimer, et en obtient l'aveu ; dans son transport il baise la main d'Angéline. Madame Dorville entre dans ce moment, et se retire brusquement. Angéline au désespoir d'avoir été vue ne doute pas de l'indiscrétion de sa belle-sœur, et veut la prévenir.

Auguste, amoureux de la fille de madame Dorville, s'est introduit dans la maison. Madame Desronais en mourant a révélé le secret de sa naissance ; un maître de chant italien, fourbe et intrigant, a découvert une partie du secret ; il sait qu'Auguste est fils de Floricourt, et comme madame Dorville a donné des soins à son enfance, il en conclut qu'elle est sa mère. Il fait part de sa découverte à Angéline, qui, charmée de cette occasion, fait appeler sa belle-sœur, et lui reproche le crime qu'elle lui suppose ; Dorville entre par hasard, entend l'accusation, et s'irrite contre sa femme ; le trouble devient général. Enfin tout se découvre ; Auguste est fils de Floricourt et d'Angéline ; Floricourt, qui avoit déjà pris son parti sur son mariage avec Angéline, l'épouse, et Auguste est destiné à épouser sa jeune amante.

Différens morceaux ont été très-applaudis, ceux entr'autres sur les mœurs et les costumes actuels. La pièce est bien versifiée, l'intrigue bien soutenue ; mais le rôle de la Prude est manqué. Angéline est une dévote, mais non pas une prude. Le rôle de Floricourt n'offre aucun intérêt ; c'est un homme qui n'a ni principe ni morale ; on ne sait même pourquoi il se décide à épouser Angéline, puisque ni l'honneur ni son amour pour son fils ne peuvent rien sur son cœur dépravé. Les deux principaux rôles ont été parfaitement joués par la citoyenne Contat et le citoyen Fleury. L'auteur de la pièce est le citoyen Lemercier, auteur de la tragédie d'Agamemnon, et de plusieurs autres ouvrages dramatiques.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1797, volume 6 (novembre-décembre 1797), p. 262-265 :

[Compte rendu d’une demi-réussite, ou d’un demi-échec (détails applaudis, écoute attentive, mais on ne sent guère d’enthousiasme !). Après le résumé de l’intrigue, le jugement porté est assez largement négatif : le critique commence par souligner qu’une part de l’accueil positif de la pièce tient à la connaissance avant la représentation du nom de l’auteur, qui a provoqué toute une série de réactions favorables (sur des tirades « sur les mœurs & les costumes actuels », les personnages, des « vers heureux »). Puis il passe aux aspects négatifs : la froideur (l’intérêt ne se porte sur aucun personnage), l’exposition, confuse et qui finit par lasser le spectateur, des personnages «manqués » : le séducteur n’a rien qui puisse attirer la sympathie, et « le rôle de la prude est totalement manqué » (la comparaison avec la Prude de Voltaire montre bien l’infériorité de la pièce nouvelle : la nouvelle prude agit sans mobile et son comportement (en particulier à la fin) n’est pas celui « d’une prude, ni d’une dévote ». Le rappel final du succès d’Agamemnon montre que la pièce est manquée, mais que l’auteur peut bien mieux faire.]

THÉATRE DE LA RUE FEYDEAU.

La Prude, comédie en 5 actes & en vers.

Cette pièce n'a pu obtenir un succès brillant, mais elle a été applaudie assez universellement dans plusieurs de ses détails, & au total écoutée avec beaucoup d'attention.

Angeline, jeune fille de 15 à 16 ans, a eu le malheur d'être rencontrée le soir, dans les appartemens isolés de Mme, Desronnais, sa tante, par Floricourt, libertin décidé, qui, se faisant un jeu \du déshonneur des femmes, la poursuit sans lumière, & la quitte après l’avoir subjuguée, & sans que ni l'un ni l’autre se soient reconnus. Par suite de sa conduite inconséquente & dépravée, Floricourt est forcé de quitter Paris & de se réfugier en Amérique, d'où il n'est revenu qu'a près 17 ou 18 ans d'absence. Angeline accoucha d'un fils qui fut nommé Auguste, Mme. Desronnais crut devoir lui faire croire sa mort & la lui annonça; mais il fut élevé par ses soins & ceux de Mme. Dorville, qui n'obtint qu'une demie confidence & qui ne connut que son père.

Angeline, humiliée de sa situation, & craignant le déshonneur qui suivroit son accident s'il étoit connu, se sait prude & dévote : elle mène une vie retirée, & gronde, comme de raison, tout ce qui l'approche. Floricourt revenu, non de ses erreurs, mais de son voyage, veut se réconcilier avec sa tante Desronnais, dont la santé est très-affaiblie, & qui ne veut pas le recevoir. Il imagine d'employer la prude Angeline, & conçoit l'idée bizarre de la courtiser, pour essayer de la faire succomber Il parvient à s'en faire aimer & en obtient l'aveu. Dans son transport de reconnoissance, il baise avec passion la main d'Angeline. Mme. Dorville entre dans ce moment & se retire brusquement. Angeline, au désespoir d'avoir été vue, ne doute point de l'indiscrétion de sa belle-sœur ; elle projette de la prévenir. Auguste qui lui doit la naissance, amoureux de la fille de Dorville, s'est introduit dans la maison. Mme. Desronnais, dont il apprend la mort, a révélé en mourant le secret de la naissance ; un maître de chant, Italien fourbe & intrigant, a découvert une partiedéu secret. Il sait-qu'Auguste est fils de Floricourt ; & comme Mme. Dorville a donné des soins à son enfance, il en conclut qu'elle est sa mère. 1l fait part de sa découverte à Angeline, qui, charmée de cette occasion, fait appeler sa belle sœur, & lui reproche le crime qu'elle lui suppose. Dorville, entré par hasard dans la chambre sans être vu, entend l'accusation & s'irrite contre sa femme. Le trouble est général. Enfin la vérité se découvre: Auguste est bien véritablement le fils de Floricourt, mais Angeline est sa mère. Floricourt qui avoit déjà pris son parti sur son mariage avec Angeline, lui présente la main de nouveau ; elle est acceptée, & le petit Auguste est destiné à épouser sa jeune amante.

Le nom de l'auteur, connu d'avance du plus grand nombre des spectateurs, donnoit des préjugés favorables sur le mérite de l’ouvrage : les acteurs qui le jouent, en possession de la faveur publique, sollicitoient par cela même la plus grande attention ; aussi la pièce entière a été écoutée sans agitation, ni trouble. Différentes tirades, telle que celle sur les mœurs & les costumes actuels, ont été vivement applaudies. Tous les rôles ont plus ou moins obtenu des témoignages flatteurs de la satisfaction des spectateurs ; plusieurs vers heureux & piquans ont été fortement sentis ; mais nous devons le dire, malgré tous ses avantages, le succès a été médiocre. La pièce au total a paru froide, parce que l'intérêt ne se porte sur aucun de ses personnages. D'abord, l’exposition manque de clarté ; elle est par cela même pénible pour le spectateur, qui à la fin se fatigue. Floricourt est un être corrompu qui n'a rien pour se le faire pardonner : on ne lui connoît pas des motifs suffisans de sa conduite avec Angeline : on ne sait même pourquoi il se décide à l'épouser ; car, manquant de toute espèce de délicatesse, ni l'amour, ni son fils ne peuvent rien sur son cœur mort & corrompu. Son âge & son expérience le privent même de l'intérêt que souvent au théâtre obtient le vice aimable.

Le rôle de la Prude est totalement manqué, & rien dans la pièce ne la caractérise. La Prude de Voltaire a deux amans en concurrence avec un mari ; elle en convoite un quatrième, enfant de 17 ans, qu'elle se proposé de séduire : elle s'empare de la cassette de l’un de ses amans, & veut soutenir sa réputation de probité & d'honnêteté. Angeline, dans les premiers actes, n'a aucune raison de vivre dans la retraite & de tromper les regards : dans les derniers, elle a un motif louable ; car après son aventure, que peut-elle faire de mieux ? Lors de la déclaration de Floricourt, ses réponses & sa conduite ne sont ni d'une prude, ni d'une dévote, mais d'une femme vertueuse & sensée. Et lorsque, persuadée par l'hypocrisie de ce scélérat, Angeline consent à lui donner la main, cette action n'est - elle pas dans l’ordre ? Ne peut-elle écouter, sans crime, fille & libre, un amant qui cherche à lui prouver & son amour & le désir de la rendre heureuse, en immolant ses penchans pour suivre la route qu'elle voudra lui faire prendre, & le conformer à ses goûts ?

L’auteur a été demandé; la pièce est du cit. Lemercier, jeune homme auteur de plusieurs ouvrages justement applaudis, & en particulier de la tragédie d'Agamemnon.

D'après la base César, la pièce a connu 5 représentations au Théâtre Feydeau, 4 les 3, 4, 6 et 8 décembre 1797, et 1 le 26 mars 1798.

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