Le Politique en défaut, comédie en un acte et en vers, finissant par un vaudeville, de Sewrin et Chazet, 26 février 1806.
Théâtre Français.
Almanach des Muses 1807.
Pièce de circonstance. Des vers heureux, des couplets fort jolis sur la paix, et les victoires de nos armées.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mme. Cavanagh, 1806 :
Le Politique en défaut, comédie en un acte et en vers ; Par MM. Sevvrin et Chazet. Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre Français, par MM. les Comédiens ordinaires de Sa Majesté l'Empereur, le 26 février 1806.
Courrier des spectacles, n° 3314 du 27 février 1806, p. 2-3 :
[On est à quelques semaines après Austerlitz, en plein triomphe de la France et de Napoléon, devenu maître absolu, et rendant obsolètes toutes les règles du monde plus de politique, de diplomatie, plus de ces « antiques formalités », le génie « s’élève sur ses ailes de feu au-dessus de tous les obstacles ». Les auteurs de la pièce nouvelle ont voulu montrer l’apparition de ce monde nouveau à travers une sorte de parabole, la victoire du nouveau monde, symbolisé par un jeune guerrier, sur le vieux monde, représenté par un vieux politicien de 50 ans. L’intrigue oppose les deux hommes autour de la main de la « jeune et intéressante » Caroline, et c’est bien sûr le jeune guerrier qui, par sa rapidité à revenir auprès de sa mère, obtient d’épouser celle que le politique convoitait. La jeunesse a triomphé de la richesse. La pièce finit par un vaudeville que le critique reproduit, pour souligner la portée politique de la pièce et rendre hommage à celui que tous ont nommé « le chef de la France ». C’est cinq couplets qui sont cités, tous à la gloire de la société nouvelle que représente l’Empire. Succès complet bien sûr : les auteurs ont été applaudis avec enthousiasme. La représentation avait commencé par une grande pièce, le Vieux célibataire de Collin d’Harleville récemment disparu. L’anecdote racontée à cette occasion est un hommage à une actrice qui lui a été chère, et qui a assisté à ses derniers moments. Et l’article s’achève sur quelques vers de Dumolard à propos du geste de Mlle Contat.]
Théâtre Français.
Le Politique en défaut.
C’est le caractère du génie de mettre en défaut l’habitude et la routine. Le génie se trace des chemins nouveaux et inconnus ; il s’élève sur ses ailes de feu au-dessus de tous les obstacles, et laisse derrière lui le tâtonnage et la médiocrité. Jamais la politique, la diplomatie et toutes les antiques formalités n’ont été plus complettement mises e déroute que dans la dernière campagne.
Le sujet de la pièce nouvelle se rapporte à ces grands événemens, mais il s’y rapporte d’une manière indépendante et indirecte. C’est un tribut d'hommages offert sans prétention, et d’autant plus agréable qu’il ne paroît pas avoir été préparé.
Mad. de St.-Yve, mère adoptive d’une orpheline jeune et intéressante, nommée Caroline, a pour voisin de campagne un certain d’Hermilly, politique renforcé, raisonnant à perte de vue sur les evénemens passés, présens et futurs. Malgré ses ridicules et ses cinquante ans, comme ce d’Hermilly a de bonnes qualités, et une grande fortune, Mad. de Ste.-Yve, qui n’est pas assez riche pour doter Caroline, se propose de l’unir à d’Hermilly. Sur ces entrefaites, elle reçoit une lettre de son fils Paul, qui arrive de l’armée et qui est retenu à Paris par quelques affaires.. Le Post-scriptum de cette lettre jette Mad de Ste.-Yve dans un grand embarras. Paul annonce à sa mère qu’il revient avec l’espoir d’épouser Caroline, dont il est depuis longtems épris ; cependant le contrat de mariage avec d’Hermilly est sur le point d’être signé. Mad. de St.-Yve, qui veut, avant tout, le bonheur de son fils, emploie la ruse, et propose au Politique un délai de six semaines, passé lequel elle signera, si son fils n’est pas revenu. D’Hermilly ne consent qu’à un délai de trois jours. Mad. de St.-Yve accepte ; Paul paroît ; le Politique a perdu la gageure ; on l’instruit de l'amour des jeunes gens ; il renonce à ses prétentions , et la pièce finit par un vaudeville.
Antoine.
Air ; de Léonce.
Celui qu’une commune voix,
A nommé le chef de la France,
A su par une heureuse absence
Aux ennemis dicter des loix.
A son retour, sur son passage,
S'il trouva des cœurs satisfaits,
C'est qu’il sut, grâce à son courage,
Prendre le bonheur et la paix,
Pour ses compagnons de voyage.
Mad. de St.-Yve.
Au premier signal des combats,
Un guerrier, volant à la gloire,
Voulut qu’aux champs de la victoire
Sa compagne suivit ses pas.
Ce désir étoit noble et sage.
Un ami de l’humanité,
Montre toujours sur son passage
La bienfaisance et la bouté
Pour ses compagnons de voyage.
Paul.
A Vienne, du Héros Français,
L'honneur a suivi la bannière,
Il n’a plus qu’un voyage à faire
Pour le commerce et pour la paix.
Nous savons par plus d'un présage
Que ce trajet doit être heureux,
Puisqu’il aura sur son passage,
L’honneur, son étoile et nos vœux
Pour ses compagnons de voyage.
Joseph, vieux soldat.
La vie est, dit-on, un trajet ;
Malgré les faux pas qu’il nous coûte,
Pour ne pas m'ennuyer en route,
Je vais vous dire mon secret :
Sous les loix d’un guerrier, d’un sage,
Ami des arts, de l’équité,
N'ayant à craindre aucun orage,
Entre l’honneur et la gaîté
J’attendrai la fin du voyage.
Caroline (au Public.)
Du succès qu’on veut obtenir
La route est difficile à prendre,
Et l’auteur qui veut y prétendre
Sans vous ne peut y parvenir.
Notre guide est votre suffrage ;
En chemin cet espoir flatteur
Nous soutient et nous encourage.
Messieurs, pour l’auteur et l'acteur
Protégez la fin du voyage.
La pièce et le vaudeville ont obtenu un succès complet. Il n’est pas un couplet qui n’ait été redemandé, et les auteurs ont été nommés au milieu des applaudissemens unanimes. Ce sont MM. Chazet et Sewerin.
Avant la petite pièce, la Comédie Française avoit rendu un hommage à la mémoire de Collin-d'Harleville, en jouant son Vieux Célibataire. On a été touche de voir Mlle. Contat paroître en habit de demi-deuil, et cette circonstance a inspire aussi-tôt quelques vers à M. Dumolard, auteur dramatique. Mlle. Contat étoit liée d’une amitié étroitc avec M. Collin-d’Harleville ; elle a presque assisté à ses derniers momens, et par ses soins obligeans, son assiduité auprès de lui, et la grâce qui accompagne tout ce qu’elle fait, elle a sçu répandre encore quelque sérénité sur cet instant douloureux, et couvrir de quelques fleurs, comme le dit M. Dumolard, les bords de son cercueil :
Toi qui de l’aimable Thalie
Nous montras si souvent la piquante folie,
Le souris fin, le vif coup-d’œil,
Par un égard charmant à nos yeux embellie,
Tu viens de nous montrer ce soir Thalie en deuil,
D'un poëte sensible honorant le génie,
Et de fleurs couvrant son cercueil
Gazette Nationale ou le Moniteur universel, volume 21, n° 59 du vendredi 28 février 1806, p. 234 :
Le Vieux Célibataire a été suivi d'une piece nouvelle : le Politique en défaut. Ce personnage en effet a un très-grand défaut, celui de parler des événemens politiques et militaires en homme qui n'a pas lu une relation et regardé une carte ; et il a un très-grand ridicule, c'est à soixante ans passés de vouloir épouser un enfant de seize ans, passionnement aimée d'un jeune officier que la gloire couronne à la Grande-Armée des succès les plus brillans. Paul, c'est le nom de l'officier, n'a pas donné de ses nouvelles depuis un mois ; sa mere est dans les alarmes les plus cruelles, sa jeune amie, orpheline élevée par la mere de Paul, ne dissimule à personne son inquiétude et son amour. Le politique et riche M. Dervilly n'en poursuit pas moins le cours de ses galanteries auprès de l'orpheline, et de ses dissertations diplomatiques auprès de la mere de Paul. Il a une singuliere maniere d'entretenir cette mere et de lui être agréable, c'est de lui peindre les ennemis comme invincibles, notre armée comme battue, la paix comme à jamais éloignée, et par conséquent le retour de son fils comme impossible. Le château de la mere de Paul est le seul de toute la France sans doute où ne parviennent pas les bulletins de l'armée ; car aux savantes combinaisons du politique on n'oppose que des vœux pour le succès de la France, et la confiance qu'inspire son chef, et jamais un fait qui réponde aux rêveries de notre partisan des coalitions. Il presse son mariage plus que jamais, lorsque tout-à-coup un valet fidele, qui a suivi Paul à l'armée, paraît, annonçant que son maître est sur ses pas. Le jeune homme arrive bientôt et se précipite dans les bras de sa mere, dont il ne s'arrache que pour décrire lui-même ses propres exploits, dire en quel lieu il a combattu, combien d'ennemis il a terrassés et sur quels forts il a planté le drapeau de son régiment. L'auteur de la piece nouvelle, M. Chazet, manque ici de vérité comme dans quelques autres parties de l'ouvrage. L'expérience du tems present, et l'usage du monde a dû lui apprendre, s'il est des hommes qui parlent beaucoup de leur conduite à la guerre, ce sont ceux qui ne l'ont jamais faite, et qu'en général, ce qu'il y a de plus difficile à obtenir de nos plus braves officiers, c'est un entretien sur la part qu'ils ont prise aux glorieux événemens d'une campagne. Le récit des exploits de Paul pouvait être fait par son compagnon de voyage ; mais, dans sa bouche, il est déplacé.
Paul de retour, comment mettre fin aux prétentions du politique, comment l'emporter sur un rival riche et amoureux ? Tuer un vieillard ridicule serait sans gloire, le persuader est impossible : un pari seul peut tirer les jeunes amans d'embarras. La mere de Paul, après une très-courte conversation, conduit donc M. Dervilly à parier que son fils ne sera pas de retour dans tel tems. Le pari fait, Paul paraît ; le gain de la gageure le rend l'époux de celle qu'il aime, et sa mere n'a qu'un léger aveu à faire, celui d'avoir parié à coup sûr.
On voit combien est faible d'invention le cadre imaginé par l'auteur, pour y offrir le portrait d'un visionnaire politique, opposé à celui d'une famille dévouée à l'Etat. Le premier de ces portraits n'est point tracé d'une maniere comique, l'autre manque de vérité. Quelques mots heureux, quelques traits saillans sont remarqués dans le dialogue ; mais en général la versification est lâche, et trop peu soignée : il y a de la facilité dans cette versification, si on entend par cette expression qu'il doit être facile de rimer et de versifier ainsi.
Des couplets agréables terminent la piece, et ils l'ont soutenue. Ce n'est pas que ces couplets soient bien écrits ; mais en ramenant un refrein heureux, l'auteur a eu le talent d'exprimer assez bien les sentimens dont tous les spectateurs sont animés, et il n'est pas un de ces couplets que le parterre n'ait redemandé et applaudi avec enthousiasme. Ils sont, en effet, chantés avec beaucoup d'expression et de goût par les acteurs qui sont, non-seulement les meilleurs comédiens français, mais encore, et en cette qualité, d'excellens chanteurs de vaudevilles. Mlle Contat, Mlle Mars, Grandmesnil, Dazincourt, Michot et Armand ont très-bien joué cette petite piece ; à l'égard de Mlle Mars, toujours si précieuse dans les rôles d'ingénuités, nous ne pouvons taire une réflexion qui nous est suggérée à chaque piece nouvelle : quand cessera-t-on d'écrire pour cette charmante actrice des rôles ingénus tellement calqués les uns sur les autres, que sans aucun inconvénient elle pourrait placer dans telle piece le dialogue de telle autre, ou l'improviser de même au besoin ? Mlle Mars est déjà trop portée, par la nature de son talent, à donner à tous ses rôles le caractere de la naïveté et de l'ingénuité, pour qu'on doive prendre à tâche de l'entretenir exprès dans ce ton. Ce serait un service à lui rendre que de la forcer à varier le sien ; elle y est parfaite, il le faut avouer, mais c'est toujours la perfection dans le même genre, et ce n'est pas dans un genre seul qu'elle peut en être le modele.
Les Archives littéraires de l'Europe, tome neuvième (1806), Gazette littéraire, février 1806, p. xxxvj, disent que la pièce, jouée en même temps que d'autres pièces à la gloire de l'Empereur et des victoires récentes, n'a connu que deux représentations.
Louis-Henry Lecomte, Napoléon et l'Empire racontés par le théâtre (Paris, 1900), p. 143, affirme au contraire que « des scènes agréables, des vers alertes et de jolis couplets assurèrent le succès de cet ouvrage, hommage discret au héros d'Austerlitz et à ses troupes vaillantes. »
La Base La Grange de la Comédie Française indique que le Politique en défaut, créé le 26 février 1806, a connu quatre représentations, toutes en 1806.
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