Les Petits montagnards, opéra-bouffon en trois actes, en prose, mêlé d'ariettes, d'Aristide Plancher-Valcour, musique de Foignet, ballet de Beaupré, 28 nivôse an 2 [17 janvier 1794].
Théâtre Cité-Variétés.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, de l'imprimerie de Cailleau, 1794, vieux style :
Les petits montagnards, opéra-bouffon, en trois actes, en prose, mêlé d'ariettes, Paroles du Citoyen Aristide Valcour, Musique du Citoyen Foignet. Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la Cité-Variétés, le 28 nivôse, l'an deuxième de la République Française, une & indivisible.
Liste des personnages (elle ne donne pas de noms d'interprètes) :
PERSONNAGES.
LE JUGE DE PAIX de Sauzet-le-Froid.
GERVAIS.
THEODINE.
PETIT-JACQUES.
GEORGETTE.
DAME JEANNE.
ROSAMBEL.
Cinq VOLEURS..
L'AUBERGISTE.
SA FEMME.
DUBOIS, homme de confiance, attaché à Rosambel.
Trois autres HOMMES attachés à Rosambel , Personnages muets.
GENDARMES.
La Scène est à Sauzet aux premier & troisième Acte, & à cinq lieues plus loin au deuxième.
Décor de l'acte 1 :
Le Théâtre représente la montagne volcanique, nommée le Puy de Montagnard.
Au pied de ce Puy est le buron ou chaumière de Gervais.
Décor de l'acte 2 :
Le Théâtre représente une autre chaîne de montagnes. Sur le devant, à la droite du spectateur, une auberge avec enseigne ; de l'autre, une grange couverte en chaume ; un petit berceau, sous lequel on peut s'asseoir. Il y a une table pour manger, d'un côté, & un petit bois.
Le jour commence à baisser.
Décor de l'acte 3 :
Théâtre comme au premier acte.
Le décor permet de lever une ambiguïté : les petits montagnards sont des habitants des montagnes du Massif Central (Sauzet-le-Froid est une commune du Puy-de-Dôme). Mais le vaudeville final ne craint pas d'associer petits montagnards et Montagnards politiques.
L.Henry Lecomte, Histoire des Théâtres de Paris, le Théâtre de la Cité 1792-1807, Paris, 1910, p. 62-64 :
[Louis-Henry Lecomte résume longuement et avec précision une intrigue tout à fait romanesque (mère disparue, enfants errant à sa recherche, rencontre d'une pauvre femme, puis de bandits, arrestation de tout le monde, voleurs, enfants, pauvre femme, révélation : la pauvre femme est la mère des enfants, et elle retrouve à la fois ses enfants et son mari, tandis que le chef des voleurs, qui est fort riche, promet de réparer tous les torts qu'il a causés. Le jugement porté ensuite est très favorable : si l'intrigue est un peu confuse (et elle l'est effectivement), elle est émouvante, la musique est jolie, le ballet plaisant. Et il signale à la fin le lien fait dans le vaudeville entre enfants du Puy-de-Dôme et Montagnards politiques de Paris, pour lesquels le dernier vers réclame une « gloire immortelle ».].
28 nivôse (17 janvier) : Les Petits montagnards, opéra-bouffon en 3 actes, mêlé d'ariettes, par Aristide Valcour, musique de Poignet.
Le paysan Solanges jouit à Clermont d'une aisance modeste, quand il perd en même temps sa femme Théodine, enlevée par un séducteur, et sa fortune, confiée à un fripon. Ces deux malheurs lui font quitter Clermont pour aller vivre, sous le nom de Gervais, dans une montagne volcanique appelée le Puy de Monteynard. Il y réside depuis dix ans quand la pièce commence ; mais, malgré ses efforts, il ne peut oublier sa femme ni subvenir aux besoins croissants de sa fille Georgette et de son fils Petit-Jacques. Force lui est de se séparer d'eux ; il se confie au juge de paix de Sauzet, ville voisine, et ce magistrat, qui est un excellent homme, conseille aux enfants d'aller à la recherche de leur mère. Ils s'y décident avec peine et partent au milieu d'un orage, avec l'écu de six francs que leur donne le bon juge. On les retrouve, au second acte, dans une autre chaîne de montagnes. Harrassés [sic] par cinq lieues de route, ils demandent asile à un aubergiste qui les repousse durement. Ils ne veulent point entamer l'écu qui est leur seule fortune et se résignent à coucher en plein air. Une pauvresse soudain se présente à leurs yeux ; elle est si pâle et paraît si triste que les enfants lui offrent leur petit avoir. Par bonheur des passants surviennent, pour lesquels les enfants chantent ou dansent et qui leur donnent, en menue monnaie, juste l'équivalent de l'écu disparu. Enhardis par cette chance, les enfants frappent de nouveau à la porte de l'auberge et finissent par être accueillis. Ils commencent à dormir dans la grange où on les a enfermés, quand un grand bruit les réveille ; les citoyens que leurs chants ont intéressés sont des voleurs qui, pour dévaliser l'auberge, y mettent le feu. Des gendarmes sont près de là ; ils accourent et, sur la plainte de l'aubergiste, arrêtent Georgette et Petit-Jacques comme complices des bandits. C'est dans la chaumière de Gervais que se joue le troisième acte. Un inconnu s'est présenté au juge de paix de Sauzet et s'est fait connaître pour Rosambel, ex-ravisseur de Théodine, restée vertueuse. Le magistrat, qu'il émeut, le met en présence de Gervais qui va pardonner lorsque la gendarmerie amène à Sauzet deux voleurs, une femme et deux enfants enchaînés. La femme n'est autre que celle dont les petits montagnards avaient eu pitié, et Gervais reconnaît en elle sa Théodine tant pleurée. Un des voleurs, heureusement, justifie la mère et les enfants en disant qu'il les a rencontrés par hasard. L'aubergiste s'excuse et la famille, enfin réunie, s'embrasse avec transport. Rosambel, opulent, réparera ses torts en faisant le bonheur de ceux près de qui sa vie s'achèvera.
Tiré d'un roman de Ducrav-Duminil intitulé Petit Jacques et Georgette, cet ouvrage, bien qu'un peu confus, offre des situations émouvantes, une jolie musique et un ballet plaisant de Beaupré contribuèrent au succès des deux petits êtres que le vaudeville final associait en ces termes au parti dénommé comme eux :
Berlin, Londres, Vienne et l'Espagne
Prétendaient nous remettre aux fers,
Mais du sommet de la Montagne
Un Dieu planait sur l'univers !
Par sa fermeté, sa prudence,
Malgré leurs bataillons épars,
La Montagne a sauvé la France :
Gloire immortelle aux Montagnards
Bianchi Serge, « Le théâtre de l'an II (culture et société sous la Révolution) », in : Annales historiques de la Révolution française, n°278, 1989, pp. 423 :
Plancher-Valcour ne se contente pas d'être le rédacteur de la Montagne et le porte-parole officiel de la propagande jacobine. Il crée une pièce (Les petits Montagnards) et rédige un manifeste pour l'épuration du répertoire.
Vincenzo De Santis, “«À présent tout le monde se tutoye». Le tu républicain à l’épreuve du théâtre (1793-1798)”, Studi Francesi [Online], 169 (LVII | I) | 2013 :
[Dans deux pièces, Plancher-Valcour revient sur la division introduite dans la société par la généralisation du « tu » à la place du « vous » : le refus du tutoiement est un signe de refus des vertus républicaines.]
Les ouvrages dramatiques de l’an II rendent compte de cette humanité bipartite, de cette égalité exclusive. Dans Les Petits Montagnards ainsi que dans La Discipline républicaine, Plancher-Valcour continue sa propagande en insistant sur cette division: la première présente le tutoiement comme apparentant au langage de la fraternité et de la pietas, puisque les personnages qui recourent au vouvoiement sont en même temps dépourvus de vertus républicaines, affichées comme des valeurs universelles d’humanité; dans la Discipline, le vouvoiement appartient tout simplement au sociolecte des traîtres, des nobles et des ecclésiastiques37. Le théâtre dessine finalement deux communautés linguistiques, l’une formée par les Citoyens, l’autre par les ennemis de la République et le même cas de figure concerne plusieurs pièces patriotiques de cette période38.
37 A. [Plancher] Valcour (paroles), [C.-G.] Foignet (musique), Les Petits montagnards, opéra-bouffon en 3 actes, en prose, mêlé d’ariettes, théâtre cité-variétés, 28 nivôse an II, Paris, Impr. de Cailleau, 1794-an II; Id., La discipline républicaine, fait historique en un acte et en prose mêlé d’ariettes, Opéra-comique national, primedi, floréal an II, Impr. de Cailleau, 1794-an II.
38 C’est encore le cas de Marat dans le souterrain des Cordeliers (Paris, Maradan, an II), fait historique créé par Mathelin le 17 frimaire à l’Opéra-comique, où les ennemis des Sans-culottes vouvoient leurs interlocuteurs et utilisent encore le terme de monsieur, le mot «Citoyen» leur «écorchant la bouche» (p. 23).
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