Les Précieux du jour, comédie en deux actes, d'Armand Gouffé, 27 germinal an 5 [16 avril 1797].
Théâtre de la Cité.
Courrier des spectacles, n° 101 du 28 germinal an 5 [17 avril 1797], p. 3 :
[La pièce nouvelle était précédée d'un prologue, le Débat des comédiens, jugé assez sévèrement. « La seconde pièce », elle, suscite l'indignation du critique : traitée de « rapsodie », un terme apparemment fort injurieux, elle manque de tout : « ni sujet, ni conduite, ni liaison, ni intérêt, ni intrigue, ni marche, ni accord, ni dénouement » et traite de manière inadmissible les jeunes gens du temps. Son titre pouvait pourtant renvoyer à la pièce de Molière, les Précieuses ridicules, mais loin de se limiter à peindre les ridicules de la jeunesse, elle les montre comme « des agioteurs, des libertins, des fripons, des roués dans tous les genres « des agioteurs, des libertins, des fripons, des roués dans tous les genres ». « Quant au style de cet insipide ouvrage, il est impossible d’imaginer rien de plus trivial, de plus bas », et il n'est en rien la satire du style précieux. La première représentation a été houleuse, entre ceux qui huaient et ceux qui voulaient voir la fin. Et le critique pense que c'est rendre service à l'art de faire chuter « de si détestables ouvrages ».]
Ceux que le titre de la seconde pièce avoit attirés à ce théâtre, ont été bien attrapés. Avant le lever de la toile, nous nous faisions un vrai plaisir de voir dans les Précieux du jour une critique utile et raisonnable, une pièce enfin qui, sans être digne d’être la suite des Précieuses ridicules de Moliere, soutînt au moins l’opinion qu’avoit dû présenter son titre. Mais quelle a été notre surprise, ou plutôt notre indignation, en n’y trouvant ni sujet, ni conduite, ni liaison, ni intérêt, ni intrigue, ni marche, ni accord, ni dénouement. Nous n’entreprendrons pas de donner l’analyse d’une pareille rapsodie, dans laquelle nous n’avons pu trouver une seule scène ; nous nous contenterons de dire que c’est la caricature la plus dégoûtante et la plus insultante de la mise et de la manière de parler des jeunes gens de nos jours. Si l’auteur s’en fût tenu à peindre ces ridicules, on auroit pitié de la foiblesse de son ouvrage ; mais faire de ces mêmes jeunes gens, des agioteurs, des libertins, des fripons, des roués dans tous les genres, c’est laisser le choix entre le soupçon d’intentions perfides, et l’imputation de l’imprudence la plus grande.
Quant au style de cet insipide ouvrage, il est impossible d’imaginer rien de plus trivial, de plus bas. Et il ne faut pas l’excuser par le genre précieux, ce n’est pas celui de la pièce qui n’en a aucun, si ce n’est celui de l’ineptie.
D’ailleurs l’expression de Gobes niaise, les juremens de non d’un canon, non d’un tonnerre, n’ont rien de précieux, non plus que cette ingénieuse phrase :
Si la perruque commence à sortir des principes, il y aura bientôt anarchie de la tête aux pieds.
Tout est à-peu-près de la même force, et a excité les huées interrompues par les cris des curieux, qui prétendent qu'il faut voir la fin. Pour nous, nous pensons qu’il n’est rien de plus contraire à l’art, que de laisser finir de si détestables ouvrages.
L. P.
D'après la base César, la pièce est d'auteur inconnu, et n'a connu qu'une représentation, le 16 avril 1797.
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