Les Projets de divorce

Les Projets de divorce, comédie en un acte, en vers, de Joseph Dubois de La Maisonfort ; 19septembre 1809.

Théâtre de l'Impératrice.

Titre

Projets de divorce (les)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en vers

Musique :

non

Date de création :

19 septembre 1809

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Dubois de La Maisonfort

Almanach des Muses 1810.

Le comte de Sancourt a marié son fils Auguste avec Julie sa niece. Celle-ci, pendant l'absence du comte, qui est ambassadeur auprès d'une puissance du Nord, a négligé son époux. La douceur la ramenerait peut-être ; mais Auguste n'emploie vis-à-vis d'elle que la dureté. M. de Sancourt revient dans ces entrefaites. Hortense sa pupille l'instruit de ce qui se passe dans la maison d'Augute, et le projet du comte est de réunir les deux époux. Il entend les griefs de l'un et de l'autre, feint de consentir à leur séparation, et leur laisse un écrit à signer. Ils veulent du moins le lire ; quelle est leur surprise lorsqu'ils n'y voient que les reproches du pere le plus tendre, qui leur peint son malheur s'ils abandonnent sa vieillesse. Julie alors tombe dans les bras de son époux, et il n'est plus de projets de divorce.

Coup d'essai de l'auteur ; de jolis détails, une versification agréable, du succès.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1809 :

Les Projets de divorce, comédie en un acte et en vers, Représentée pour la première fois sur le Théâtre de S. M. l'Impératrice, à l'Odéon, le 19 septembre 1809. Par M. Dubois de L.***

Mercure de France, journal littéraire et politique, tome trente-huitième, n° CCCCXXVII (samedi 23 septembre 1809), p. 245-246 :

[Résumé de l’intrigue, avant de souligner que la dernière scène, celle de la réconciliation, était difficile à faire, et que l’auteur l’a bien conçue. Cette réconciliation est en effet rendue possible par l’absence de tort de l'épouse. Jugement favorable de la versification, de « jolis traits de dialogue ». Mais trop de vers sentencieux. Le jeune auteur doit se sentir encouragé par ce premier essai positif.]

Théâtre de l'Impératrice. — Première représentation des Projets de divorce, comédie en un acte et en vers. – Le comte de Sancourt, ambassadeur à une des cours du Nord, a uni le sort de son fils Auguste à celui de Julie, sa nièce. Pendant son absence, Julie, entraînée par le tourbillon du monde, a négligé son époux, qui, au lieu d'employer la douceur pour la ramener à ses devoirs, l'aigrit sans cesse par des reproches amers ; en un mot, la désunion la plus complète règne dans le ménage, lorsque M. de Sancourt revient à Paris. Instruit de tout par Hortense, sa pupille, il forme le projet de réunir les deux époux. Après avoir entendu séparément les prétendus torts qu'ils se reprochent, il feint de consentir à une séparation : il les rassemble et leur laisse un écrit qu'ils n'ont plus qu'à signer pour se rendre libres. Auguste veut au moins en prendre lecture : mais que deviennent-ils tous deux, lorsqu'au lieu du consentement de M. de Sancourt, ils y trouvent les doux reproches d'un bon père, qui se plaint de voir par eux sa vieillesse déshonorée ! à cette lecture, Julie tombe dans les bras d'Auguste, et les Projets de divorce sont abandonnés pour jamais.

Cette dernière scène était la plus difficile à traiter, puisqu'il fallait, dans le peu de tems qu'elle dure, ramener à des sentimens de tendresse deux époux prêts à se séparer. L'auteur s'est assez bien tiré de cette difficulté ; et en ne donnant aucun tort réel à Julie, il s'est ménagé le moyen de pouvoir décemment la réunir à son époux.

Cette comédie est agréablement versifiée, on y a remarqué de jolis traits de dialogue ; mais l'auteur, dont le style est bon en général, doit se tenir en garde contre le goût des vers sententieux.

Les Projets de divorce sont le coup d'essai de M. Joseph Dubois ; les applaudissemens qu'ils ont obtenus doivent l'encourager à poursuivre cette carrière.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 14e année, 1809, tome V, p. 133 :

[Le résumé de l’intrigue montre un vieux père utilisant « l’esprit de contradiction » pour amener son fils et sa bru à se réconcilier au lieu de se séparer. Pas de jugement sur l’intrigue, juste « une versification agréable, des scènes comiques », et « ce petit ouvrage » a réussi.]

Les Projets de Divorce, comédie en un acte et en vers, jouée le 19 septembre.

Deux époux s'ennuyent après deux ans de mariage, cela est assez naturel. Ils cherchent à s'amuser chacun de leur côté, et ne vivent, pour ainsi dire, plus ensemble. L'arrivée du père de notre mari ennuyé, change un peu la face des choses. Il employe une jeune et jolie cousine pour réveiller la jalousie de la femme, et quand les époux commencent à être fâchés de leur longue séparation, il propose sérieusement un divorce, pour cause d'incompatibilité d'humeur. L'esprit de contradiction opère, et les époux se raccommodent et s'embrassent.

Une versification agréable, des scènes comiques, ont fait réussir ce petit ouvrage de M. J. Dubois.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XI, novembre 1809, p. 267-271 :

[De ce compte rendu on peut tirer bien des informations sur la question, sensible en 1809, du divorce (le Code civil est revenu largement, en 1804, sur la liberté de divorcer que la Révolution avait instaurée en 1792, et 1809 est l’année du divorce de Napoléon et de Joséphine de Beauharnais, prononcé le 15 décembre). On peut y voir la complexité des sentiments du critique et ses hésitations face à une institution contraire à la loi catholique, mais aussi à l’idée qu’il se fait des relations au sein du couple. Après avoir parlé longuement du divorce, puis avoir résumé la pièce, il fait remarquer que la pièce n’est pas originale, puisqu’elle reprend l’intrigue d’une pièce allemande, avec toutefois une différence importante (c’est l’enfant du couple qui amène la réconciliation des parents) et qu’elle ressemble beaucoup également à Adolphe et Clara, ou les deux prisonniers. Ce qui est propre à l’auteur, « c’est le parti qu'il en a tiré pour des scènes agréables ; c'est son style où l'on trouve de l'esprit, peut-être avec un peu de prétention à l'effet ». Pour un début, la pièce, bien jouée, a été bien accueillie : tous les débuts ne sont pas de cette qualité.]

Les Projets de divorce.

J'ai toujours ouï dire qu'il ne faut pas mettre le doigt entre l'arbre et l’écorce ; cependant, si l'arbre et l'écorce se séparent d'eux-mêmes, on veut essayer de les réunir ; mais prenons-y garde, on court risque de les séparer davantage ; ou si les parties se rapprochent inopinément, on pourra se trouver pris comme il arrive à l'officieux M. Robert dans le Médecin malgré lui, pour avoir voulu empêcher Sganarelle de battre sa femme. Je veux qu'il me batte moi, dit Martine, et M. Robert est battu. Je ne m'y fierais pas. Pour entreprendre de raccommoder mari et femme, il faudrait savoir pourquoi ils se sont brouillés ; et qui peut le savoir, qui a pu assister au commencement de la querelle, qui a vu la suite des bouderies, qui pourra démêler les causes secrettes de l'aigreur toujours croissante ? Ceux qui se querellent, en savent-ils bien toujours eux-mêmes la raison ? Le mariage est le pays des querelles à propos de rien ; car la grande partie de la vie se compose de riens et deux époux la passent toute entière ensemble. Jugez combien de petits motifs doivent continuellement désunir deux moitiés d'un même tout, ayant chacune ses idées à part, ses volontés, ses fantaisies : en sorte que l'une veut marcher à droite précisément dans l'instant où il plairait à l'autre de marcher à gauche, et que celle qui cède aujourd'hui n'a guères d'autre consolation que de penser qu'elle le reprochera demain. Il n'est pourtant pas très-sûr que demain on se souvienne de ce qui a fâché hier; il est même possible que ce qui a fâché ne fâche plus ; on se féliciterait peut-être d'avoir fait ce qui dans le moment paraissait si désagréable : mais celui qui l'a exigé dans le moment où cela déplaisait n'en est pas plus excusable ; il l'est d'autant moins qu'il a eu raison, qu'on n'a rien à lui reprocher, qu'il faut être humilié vis-à-vis de lui d'avoir eu de l'humeur mal à propos, qu'on est obligé de le bouder par l'embarras de revenir, qu'on ne saurait absolument comment s'en tirer si son insultant triomphe ne vous remettait à votre aise, ne vous faisait retrouver le fil de votre colère. On respire alors ; c'est pour cela que j'étais fâchée, se dit-on ; suis-je assez déraisonnable pour m'opposer à une chose sensée ? Non; mais ce ton, cette manière ! Voilà comme vous êtes toujours, monsieur. Je ne dis pas que vous n'eussiez raison hier ; mais eussiez-vous eu tort, il en aurait été de même ; cela est dans votre caractère ; il y a certaines choses sur lesquelles il ne faut pas prétendre à vous persuader. — Pour vous, madame, il n'y en a aucune sur laquelle votre premier mouvement ne soit de me contrarier ; je ne parle pas d'hier, puisque vous avez fini par entendre raison. — Oui, monsieur, ne parlons pas d'hier. Et la querelle d'hier, qui s'arrangerait trop facilement, est écartée pour faire place à une autre qui laissera plus de latitude à l'humeur. Qu'un tiers arrive et veuille accommoder la chose, comment s'y prendre, comment lui expliquer les griefs ? Et si la querelle recommence demain, après-demain, s'il en résulte que les deux époux ne peuvent plus tenir ensemble, qui dira pourquoi ils se sont brouillés, et par conséquent comment on pourrait les raccommoder ? De toutes les causes de divorce qu'on avait trouvées dans le temps où le divorce était si commun, l'incompatibilité d'humeur était la plus usitée, parce qu'elle n'exige ni preuves, ni argumens, que chacun apporte pour pièces du procès sa propre déraison, grand moyen de défense de tous deux, car si l'un d'eux avouait qu'il fût raisonnable, on lui conseillerait de supporter ou de se corriger ; s'il offrait, dans son caractère un seul moyeu de conciliation, le devoir des juges serait de le mettre en usage. Si l'on appercevait seulement d'où vient le mal, on pourrait chercher le remède ; mais l'incompatibilité d'humeur cache tout, met à l’abri de tout ; le motif le plus concluant que puissent donner les deux contendans, c'est qu'ils ne savent pourquoi il leur est impossible de vivre ensemble. Mais, d'un autre côté, si la désunion vient de ce qu'après quelque temps de mariage les deux époux ne se soucient plus l'un de l'autre, malheureusement ils sauront bien pourquoi, et leur sentiment se trouvera tellement fondé en raison, qu'il serait bien habile de leur en faire changer.

Jules de Sancour et sa femme Constance se trouvent à-peu près dans le cas de l'épreuve. Constance s'est jettée dans les plaisirs, dans le tourbillon du monde ; ce n'est peut-être pas précisément qu'elle ne se soucie plus de son mari, mais c'est qu'elle se soucie en même-temps de beaucoup d'autres choses, et Jules qui trouve que dans la masse sa part est bien petite, a pris le parti, pour pouvoir s'en contenter, de ne se plus soucier de sa femme. Jusqu'ici ce serait Jules qui aurait été le plus loin, car Constance ne serait que coquette, et Jules est indifférent ; on revient moins de ce dernier parti que de l'autre. Au surplus, une femme coquette avec un mari qui ne s'en fâche pas, ne s'en tiendra guères à la coquetterie. Ce serait bien assez s'il était jaloux, car l'attente de la scène qu'on aura en rentrant chez soi, les soins qu'on prend pour l'éviter ou s'y préparer, fournissent, sans aller chercher plus loin, un intérêt suffisant pour l'occupation de la soirée ; mais un mari qui, d'une manière quelconque, n'a pas soin d'occuper l'imagination de sa femme au logis, ne sait pas jusqu'où elle pourra la porter ailleurs. Celle de Constance commence à se fixer sur un M. de Vernange,

Bon à tout, propre à tout et dansant comme un ange.

J'en suis fâché pour les deux époux ; s'ils se raccommodent jamais, voilà un M. de Vernange qui pourra bien gâter leurs souvenirs : puisqu'on voulait tâcher de les rapprocher, on aurait mieux fait de s'en occuper lorsque Constance n'était encore coquette que pour tout le monde. Sa cousine Julie, excellente personne qui n'emploie qu'à de bonnes fins les talens qu'elle a reçus du ciel dans le même genre, imagine que ce qu'elle a de mieux à faire pour le bonheur de sa cousine, c'est de tourner un peu la tète à son mari. Cela pourrait être difficile si Jules avait pris le même parti que sa femme. Les coquettes n'ont pas beau jeu avec les étourdis, ils dérangent les calculs; et comme Nicole, quand elle porte des bottes a M. Jourdain , ils n'ont pas la patience d'attendre que l’on pare. Mais un sage laisse le temps de prendre toutes les mesures ; et quand c'est comme Jules un sage de vingt ans, on n'a pas de peine à en venir à bout. Malheur à la sagesse de vingt ans qui, pour se défendre, n'a pas le secours d'un peu de folie. La sagesse de Jules est donc au moment de succomber, du moins autant que le permet celle de Julie, quand Constance arrive, et la voilà jalouse. C'était bien ce que voulait Julie, et cela n’est peut-être pas mal imaginé pour faire oublier Vernange. Mais quand elle l'aura oublié, ne pourra-t-elle pas alors se souvenir du. moyen qu'a employé Julie ? Jules aussi ne pourra-t-il pas y penser quelquefois, et Julie elle-même est-elle bien sûre de l'oublier tout-à-fait ? Un homme qu'on a vu à ses pieds, s'il ne s'y est pas montré ridicule, pourrait bien donner envie de l'y revoir encore, et s'il lui prenait Ja fantaisie de s'y remettre, c'est bien le cas où je ne m'y fierais pas. Cependant le comte de Sancourt, père de Jules et oncle de Constance et de Julie. a approuvé le projet ; il n'y a donc rien à dire. Il profite du moment où Jules et Constance, irrités l'un contre l'autre, veulent demander le divorce, pour amener une explication. Quand des plaintes on en est venu, aux éclaircissemens, puis à l'attendrissement, on lit le papier que le comte leur a remis comme contenant le projet de divorce, et qui contient une exhortation à vivre en bonne intelligence ; comme la requête vient à propos on y fait droit ; et quant à présent les époux trouvent que, pour s'aimer de tout son cœur, il n'y a rien de mieux que d'avoir formé des projets de divorce ; mais je dis encore, je ne m'y fierais pas.

Cette petite pièce, déjà jouée, dit-on, en personne à Pétersbourg, se trouve en substance dans une scène d'une pièce allemande, intitulée, je crois, le Divorce. Mais là c'est un enfant qui, placé entre les deux époux par le père de famille, ne voulant les quitter ni l'un ni l'autre, les oblige à se réunir. Ce sujet se rapproche aussi de celui du joli opéra des Deux Prisonniers, et de plusieurs autres pièces ; ce qui appartient à l'auteur, c'est le parti qu'il en a tiré pour des scènes agréables ; c'est son style où l'on trouve de l'esprit, peut-être avec un peu de prétention à l'effet ; mais les spectateurs ne haïssent pas aujourd'hui que, pour aider leur intelligence, on leur marque l'endroit où ils doivent regarder. Ce petit ouvrage a été bien joué et bien accueilli ; c'est le coup d'essai de monsieur Joseph Dubois. Les coups d'essais ne sont pas toujours aussi heureux.

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