Primerose
Primerose, opéra en trois actes, de Favières et Morel de Vendée [Vindé], musique de Daleyrac, 17 Ventôse an 6 [7 mars 1798].
Théâtre de l’Opéra-Comique, rue Favart.
Dès le 20 pluviôse [8 février], Primerose est annoncé dans un avenir proche. La première a effectivement lieu le 17 ventôse [7 mars] après avoir été annoncée presque chaque jour pendant un mois. Deuxième représentation le 18 ventôse, troisième le 20, quatrième le 22, cinquième le 25, sixième le 28, septième le 2 germinal [22 mars], huitième le 3 germinal, neuvième le 19 germinal [8 avril]. Et c'est tout. Primerose dont le Théâtre attendait beaucoup n'a pas tenu ses promesses. Elle attendra un an pour revenir sous un nouveau titre, Roger ou le Page, mais sans obtenir un meilleur sort.
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Titre :
Primerose
Genre
opéra comique
Nombre d'actes :
3
Vers ou prose ,
en prose, avec des couplets en vers
Musique :
oui
Date de création :
17 ventôse an 6 [7 mars 1798]
Théâtre :
Théâtre de l’Opéra-Comique, rue Favart
Auteur(s) des paroles :
Favières et Morel de Vindé
Compositeur(s) :
Daleyrac
Les divers comptes rendus rassemblés ici mêlent bien sûr éloges et reproches, mais ils paraissent convaincus de l'avenir de la pièce. Pourtant, dès l'année suivante, Primerose, issue du roman homonyme, est remplacé au même théâtre par un autre opéra comique dû cette fois à Marsollier et Favières, l'auteur du roman Morel de Vindé disparaissant du « générique ». La musique reste due à Dalayrac. Nouveau titre : Roger ou le Page. D'après la base César, 9 représentations au Théâtre Italien, salle Favart, du 8 mars au 22 juillet 1799.
Almanach des Muses 1799.
Primerose, fille de Raoul, comte de Beaucaire, doit s'unir à Florestan, fils de Gérard, duc de Tarascon. Raoul en fait faire la proposition à Gérard par son sénéchal qui revient sans réponse. Raoul se croit outragé, il déclare la guerre à Gérard. Les amans sont au désespoir de cette rupture subite, leur amour s'en accroît. Ils se jurent fidélité dans une chapelle antique du comte de Beaucaire ; celui-ci surprend sa fille et la fait renfermer dans une tour. Roger, page de Raoul, et tendre ami de Florestan,parvient à s'y introduire ; il apporte à Primerose une lettre et le portrait de son amant, et la décide à changer d'habit avec lui. Primerose, à la faveur de ce déguisement, s'est échappé de la tour. Raoul arrive ; il croit parler à sa fille, voit le portrait de son amant dans ses mains ; indigné de sa désobéissance, du refus qu'elle a fait d'un autre époux, il veut qu'on la conduise dans une retraite éloignée qu'il lui a choisie. Roger est entre les mains des gardes du comte de Beaucaire ; il est assez adroit pour tromper leur surveillance. Il court instruire Gérard de tout ce qui se passe ; Gérard se déguise en hermite, donne un rendez-vous à Raoul et à Primerose. Raoul ne reconnaît pas Gérard, mais il est ému par ses discurs ; il est enchanté sur-tout de ce qu'il est chargé de lui parler du mariage de Florestan avec sa fille. La colère de Raoul est appaisée ; Gérard a reparu sous les habits d'un chevalier français, le passé est oublié, et les deux amans sont unis.
De l'intérêt ; des situations dans les deux premiers actes, du vide dans le troisième. Musique d'un compositeur connu par un grand nombre de succès.
Courrier des spectacles, n° 380 du 18 ventôse an 6 [8 mars 1798], p. 2-3 :
[La pièce est l’adaptation du roman Primerose paru l’année précédente (le critique oublie de dire que l'auteur du roman est d'un des deux adaptateurs de la pièce, Morel de Vindé). Deux auteurs ont voulu en faire l’adaptation au théâtre et ont fini par collaborer à la même pièce. Ils ont choisi Dalayrac pour la musique. La première a été reportée par diverses indispositions, et tout le monde l’attendait avec impatience. Pourtant cette première n’a pas été sans nuages : impatience, mauvaise humeur, et même sifflets au troisième acte. Le critique trouve ces manifestations excessivement sévères, tout en reconnaissant que la pièce n’a guère d’intérêt. L’intrigue est très compliquée, et le critique a bien du mérite à ne pas se perdre dans tous ces personnages et tous ces rebondissements dans lesquels on reconnaît tous les ingrédients habituels des pièces dramatiques (entre autres, l’hermite, la prison, le geôlier, le déguisement). Le tout aboutissant bien sûr « aux flambeaux de l’hymen », ce qui ne peut surprendre. C’est ce que souligne ensuite d'emblée le jugement : le sujet « n’offre rien de très-neuf », tout en relevant « des situations attachantes, des détails heureux, des effets de théâtre, du spectacle ». Il y a juste quelques longueurs, qu’il faudrait supprimer pour rendre l’action plus rapide. Mais la pièce est destinée à durer. La musique est également bien jugée : « de la plus grande fraîcheur », « chantante dans les situations douces, forte et dramatique dans les chœurs et les morceaux d’ensemble », avec quelques romances comme Dalayrac sait si bien les faire. L’interprétation est elle aussi sans reproche, tous les acteurs cités étant excellents. Une mention spéciale à l’actrice qui joue le rôle du page et a su se travestir... en page déguisée en femme (« elle y porte les habits du sexe avec la gaucherie d’un homme travesti »). Même qualité dans les costumes et les décors : les costumes s’inspirent de dessins de la Bibliothèque nationale, les décors sont faits d’après des dessins du peintre Valenciennes. Avec tous ces atouts, la pièce ne peut qu’avoir « un succès constant », pourvu qu’on y fasse quelques coupures (mais quel critique ne réclame pas de coupures dans une pièce ?).
Théâtre Favart.
Le joli roman de Primerose, publié l’année dernière, avoit fourni à son auteur l’idée d’une pièce de théâtre ; pendant que le cit. Charles Morel faisoit sa pièce, le cit. Favieres, connu par plus d'un succès, traitoit le même sujet pour la scène. Ces deux auteurs se rapprochèrent depuis, travaillèrent en commun ; choisirent pour faire leur musique le cit. Dalayrac, et cette association de trois auteurs estimés promit au théâtre Italien un bon ouvrage et un succès de plus. Cependant l’opéra de Primerose fut retardé par diverses indispositions : il étoit annoncé depuis long-tems. On savoit qu'on avoir fait beaucoup de dépenses pour le monter : tout cela piqua la curiosité du public, qui se porta hier en foule à la première représentation. Dirai-je que cette représentation a été aussi heureuse que tout le monde le désiroit ? Non : je ne puis taire que le public y a souvent manifesté de l’impatience, de la mauvaise humeur, et que des sifflets ont même accueilli violemment le troisième acte de cet ouvrage qui, s’il n’étoit pas satisfaisant en tout point, méritoit sans doute moins de sévérité. On verra dans l’extrait suivant du sujet de Primerose, que cette pièce ne comportoit pas un très-grand intérêt.
La scène est dans la Provence, et se passe dans le treizième siècle. Primerose, fille de Raoul de Beaucaire, a long-tems dédaigné les feux de Florestan, fils de Gérard de Tarascon. Gérard, prévenu contre Primerose, a renvoyé sans réponse le sénéchal de Raoul, qui lui demandoit la main de Florestan pour sa fille. Raoul prend le silence de Gérard pour une offense, il lui déclare la guerre, et veut même forcer Primerose à épouser Léon d’Alby, son allié. Primerose et Florestan sont désespérés ; et suivant la coutume de ces tems de chevalerie, ils viennent, pendant la nuit, se jurer une fidélité mutuelle dans une chapelle antique et révérée. Les amans sont aidés par la bonne Berthe, nourrice de Primerose, et par Roger, fils de Berthe ; mais Primerose n’en est pas moins découverte, au rendez-vous, par Raoul, qui la fait enfermer dans la tour du château de Beaucaire.
Là, il lui vient reprocher son amour pour le fils de Gérard ; il lui ordonne de donner sa main à Léon d’Alby, et lui annonce qu’il viendra chercher sa réponse dans une heure. Pendant ce tems Gérard a tout appris de Roger, jeune page, qui connoît son excellent cœur. Gérard, bon, sensible, mais singulier ; Gérard, l’homme aux surprises, tel qu’il est peint dans le roman, s’est décidé à éprouver Primerose, et à l’unir à son fils, s’il la trouve telle qu'il la désire : il retient Florestan à Tarascon, et envoie Roger à Beaucaire. Celui-ci pénètre dans la prison, sous prétexte d’y voir Berthe, sa mère, écarte le geolier, remet à Primerose le portrait de Florestant, et une lettre écrite par l’adroit Gérard au nom de son fils, dans laquelle lettre Florestan est censé inviter Primerose à se rendre dans un bois voisin de Tarascon, au pied d’un hermitage. Roger et Primerose changent ensuite de vêtemens ; Primerose fuit sous l’habit de Roger ; et celui-ci, sous l’habit de Primerose, revoit la visite de Raoul, ne répond rien à ses questions, et finit par l’enflammer de courroux, en baisant le portrait de Florestan qu’heureusement Primrose a oublié d’emporter. Raoul furieux, ordonne à ses soldais de conduire sa fille dans une autre forteresse.
Roger échappe aisément à-son escorte, dont le chef est son ami, et dont les soldats ne sont point incorruptibles : il rend compte de tout à Gérard, qui demande une entrevue à Raoul, et attend Primerose au rendez-vous indiqué. Primerose y arrive vêtue d’un simple habit de Bachelette. Gérard , sous les vêtemens de l’hermite du lieu, étudie son cœur, la met à plus d’une épreuve, l’amène jusqu’au sacrifice même de son amour, pour fléchir les deux suzerains, et empêcher la guerre qui va s’allumer. Quand il la trouve digne de Florestan, il la confie à Roger, pour la soustraire aux poursuites des soldats de Raoul, dont un pont tournant la sépare au moment où elle allait être saisie par eux. Raoul arrive à son tour au rendez-vous, croyant combattre Gérard ; celui-ci lui fait, avec des propositions d’union, une espèce de réparation de sa prétendue offense : Raoul s’attendrit, pardonne et retrouve sa fille, Florestan, Berthe, Roger, qui tous étoient dans l’hermitage : ainsi s’éteint la torche des combats, pour faire place aux flambeaux de l’hymen.
Le défaut de cet ouvrage est dans son sujet même, qui n’offre rien de très-neuf, et dont l’exposition se fait successivement d’acte en acte, sur-tout au troisième, où Primerose dévoile tout-à-fait ses torts passés et son caractère. Cela posé ainsi, on ne peut plus qu’admirer des situations attachantes, des détails heureux, des effets de théâtre, du spectacle, en un mot, toute la magie de la scène que les auteurs de Primerose ont sçu employer avec art. Quelques longueurs de moins donnant plus de rapidité à l'action, cet ouvrage doit rester, et rester même avec éclat. La-musique est de la plus grande fraîcheur ; elle est chantante dans les situations douces, forte et dramatique dans les chœurs et les morceaux d’ensemble : on y trouve plusieurs romances, genre que le cit. Dalayrac sait si bien traiter.
Cette pièce est aussi très-bien jouée. La citoyenne St-Aubin y est placée dans Primerose comme dans tous les rôles qu’elle crée. Les cit. Chenard, Gavaudan, Dozainville y jouent parfaitement les personnages de Raoul, de Florestan, du geôlier ; et le cit. Granger y fait preuve d’un acte de complaisance, en même tems que de talens, en y remplissant le petit rôle de Gérard dont il s’est chargé par circonstances, et qu’il a scu, répété et joué en deux jours. Pour la citoyenne Carline, elle est toujours au-dessus des éloges dans le rôle du page Roger : c’est sur tout au second acte qu'elle est étonnante dans son travestissement en femme ; elle y porte les habits du sexe avec la gaucherie d’un homme travesti ; c’est pousser l’art à sa perfection.
On doit des éloges au zèle et au goût avec lequel les artistes de ce théâtre ont monté cet ouvrage ; les costumes du treizième siècle y sont de la plus grande vérité : ils ont été recherchés à la Bibliothèque nationale par les cit. Alexandre, Boucher et Fleuriot. Les trois décorations neuves de cette pièce font honneur au pinceau du cit. Mœnch, qui les a faites d’après les dessins de l’habile peintre Valenciennes : en un mot, rien n’a été épargné pour donner de la pompe, de l’effet et du spectacle à cet ouvrage qui doit obtenir un succès constant, si l'on veut y faire quelques changemens, et sur-tout des coupures adroitement ménagées.
Ducray-Duminil.
La Décade philosophique, littéraire et politique, an VI, IIe trimestre, n° 18 du 30 ventôse – 20 mars 1798, p. 549-553 :
[Comme la pièce a gardé peu de choses du roman dont elle est censée s’inspirer, il faut que le critique refasse un analyse, qui se révèle fort longue et fort minutieuse, avant-scène, puis acte par acte. Et avant le troisième acte, il signale ce qui est à ses yeux une lacune : il devrait y avoir une nouvelle exposition, dont l’auteur se dispense, sans doute pour éviter les longueurs, mais au détriment de la vraisemblance. Bien sûr à la fin tout s’arrange, mais le critique n’a pas ce qu’il attendait : en ne gardant pas grand chose du roman, il manque la catastrophe, le caractère bizarre d’un personnage, les surprises que ce personnage suscite ; en échange de ces absences, le second acte est inventif et « très piquant d'intérêt et de situations plaisantes ». Défaut majeur de la pièce : après un premier acte plein de fracas, l’intérêt retombe, et le troisième acte « est entièrement vide d’action », si bien que la pièce perd progressivement intérêt et force, ce qui est « une faute dramatique impardonnable ». Ce défaut important ne justifie pourtant pas la sévérité de l’accueil de la pièce, qui peut attirer le public par ses costumes et ses décorations. Petite déception aussi avec la musique de Daleyrac, « un peu plus faible qu’à son ordinaire », pas assez originale.]
Théâtre de l'Opéra – Comique.
PRIMEROSE, en 3 actes.
Le roman de ce nom, publié l'année dernière, a fourni peu de chose aux auteurs de la pièce : ils n'en ont pris que le titre, et conservé très-peu des situations et du coloris ; ce qui nous force à une nouvelle analyse.
Primerose, fille du Comte de Beaucaire, adorée de ses vassaux, riche, jeune et belle, avait mérité l'hommage de Florestan, fils du Comte de Tarascon, dont les possessions n'étaient séparées de celles de son père que par le Rhône ; mais, quoiqu'elle partageât intérieurement le penchant du jeune Chevalier, elle avait cru qu'un peu de fierté, de dédains et de caprices, seyaient à la beauté, et n'en consolideraient que mieux son triomphe ; elle avait en conséquence, par un premier refus, repoussé les propositions du Comte de Tarascon et désespéré son fils ; mais l'amour avait enfin triomphé de la coquetterie et mis fin à ce jeu cruel : le Comte de Beaucaire venait, à l'instigation de sa fille et de son amant, d'envoyer chez son voisin demander à renouer l'hymen rejeté quelques mois auparavant. C'est là que commence l'action de la pièce.
Les vassaux du Comte de Beaucaire sont dans l'ivresse de la joie, et dans l'attente de la réponse. Ils témoignent leur attachement à Primerose, qui les comble d'avance de présens.
Elle se félicite de son bonheur futur et de l'amour de Florestan, au sein de sa bonne nourrice et de son frère de lait, jeune page de Tarascon, et grand ami de Florestan : mais au sein des transports de joie et d'allégresse, arrive le Comte de Beaucaire, furieux ; que vient-il annoncer ? le refus offensant du Comte de Tarascon, et la guerre qu'il se propose de déclarer sur-le-champ, pour venger cet outrage : il ordonne à sa fille de renoncer pour jamais à Florestan, et d'épouser un de ses rivaux, suivant l'usage. Les obstacles irritent l'amour ; Primerose n'en aime que mieux Florestan, Florestan n'en aime que mieux Primerose ; la nuit vient, les amans se rencontrent, et se jurent fidélité dans un des oratoires même du jardin du Comte de Beaucaire ; celui-ci surprend sa fille désobéissant à ses lois, et la fait conduire dans une tour de son château : premier acte.
Au second, Primerose enfermée avec sa bonne nourrice, se désole, mais jure de tout souffrir plutôt que de trahir son serment à Florestan. Le jeune page arrive avec le géolier, sous prétexte de voir sa mère ; à force d'espiégleries et d'adresse, il engage le geolier à se retirer, en lui promettant du vin et de l'argent. Dès qu'il peut s'expliquer, il remet à Primerose une lettre et le portrait de Florestan, que son amant lui envoie pour gage de sa foi ; lui propose ensuite de changer d'habillement avec lui, ce qui, après quelque résistance, s'exécute au moyen de deux cabinets séparés, et de la bonne nourrice, qui passant tour-à-tour les corbeilles d'un cabinet à l'autre, facilite l'échange, presque sous les yeux du geolier, qui boit complaisamment dans une pièce voisine.
A peine le page et Primerose ont-ils changé d'habillement, que le geolier qui entend venir le Comte de Beaucaire, fait sortir le faux page, c'est-à-dire Primerose. Alors, s'enveloppant dans son voile, le page véritable, sous les habits de Primerose, attend froidement le Comte de Beaucaire, ne répond rien aux propositions qu'on lui fait, paraît ainsi résister toujours aux volontés du Comte, se laisse surprendre même avec le portrait de Florestan dans les mains. Le Comte, convaincu par ce fait de la désobéissante obstination de sa fille, ordonne de la conduire dans une maison de réclusion hors de son appanage : second acte.
Il y a ici entre le second et le troisième une lacune assez forte qui, par le défaut de contexture exigerait une nouvelle exposition : je présume que les auteurs l'ont sacrifiée à la crainte des longueurs, mais en même tems ils ont atténué les vraisemblances ; car il m'a paru très-difficile de deviner comment Primerose et le Page se trouvent libres de l'autre côté du Rhône, dans les États du Comte de Tarascon. Ce qu'il y a de plus extraordinaire encore, c'est que de cette guerre terrible annoncée entre les deux suzerains, il n'y a pas l'ombre de vestige dans les États de Tarascon. Le père de Florestan se déguise, on ne sait pourquoi, en Hermite, cause avec Primrose, la rassure, lui promet même de l'unir avec son amant, attend le Comte de Beaucaire, à qui sans doute il a donné rendez-vous, lui annonce qu'il n'a refusé d'unir son fils à Primerose que par plaisanterie, et pour punir un peu la belle orgueilleuse de ses premiers dédains : tout s'explique, s'arrange, et les amans sont heureux.
Cette analyse doit faire voir qu'il n'y a que très-peu de choses empruntées du roman dont on n'a conservé ni la catastrophe peut-être un peu violente pour le théâtre, ni le caractère bizarre du Duc de Valence, ni les surprises intéressantes et presque magiques que celui-ci se plaît à causer successivement à Primerose, mais on y a supléé par un second acte d'invention assez neuve, très-piquant d'intérêt et de situations plaisantes.
Le vice essentiel de cet ouvrage est d'avoir fait un trop grand échaffaudage pour une trop petite construction. Le premier acte semble annoncer une prétention et un fracas auxquels les autres sont absolument étrangers.
Le troisième sur-tout est entièrement vide d'action, et c'est une faute dramatique impardonnable que d'aller toujours en décroissant ainsi d'intérêt et de force ; peut-être a-t-on le droit de trouver bizarre que pour le seul motif de punir un orgueil qui n'existait plus, et de faire une fausse peur à deux amans, le Comte de Tarascon ait risqué d'allumer la guerre, de rendre Primerose malheureuse et coupable, son fils rebelle, et qu'il fasse ensuite cesser tout ce grand mouvement, en disant que c'est un jeu. Une semblable composition ressemble un peu à ces dessins arabesques, dont le haut représente quelque chose de très-soigné , et qui se terminent par la pointe d'une aiguille. Mais malgré cette observation, on a droit de s'étonner de la sévérité prodigieuse avec laquelle on a accueilli cet ouvrage à la première représentation ; le second acte est un des plus jolis qui existent peut-être à ce théâtre ; et il fut un tems où l'on aurait couru seulement pour voir Carline jouer son rôle de page, et donner à son travestissement, qui pourtant n'en est point un pour elle, toute la physionomie gracieusement gauche d'un homme qui prend des habits de femme auxquels il n'est point accoutumé.
La pièce mérite d'ailleurs, malgré ses légers défauts, d'attirer la curiosité du public, par le charme des costumes et des décorations. La musique est du C. Dalayrac : elle m'a paru un peu plus faible qu'à son ordinaire, un peu réminiscente, mais souvent gracieuse, et rappellant toujours , la manière facile et spirituelle de son auteur.
Les paroles sont du C. Favières, uni avec l'auteur du roman même, le C. Morel-de-Vendé.
L- C.
Le Censeur dramatique, tome troisième (1798), n° 22 (10 Germinal an 6), p. 210-221 :
[Comme souvent, l’article est confié à un amateur (peut-être bien fictif) qui donné son sentiment sur la pièce, peut-être bien d’une manière plus libre que le critique officiel du Censeur dramatique. Son point de départ est la comparaison entre le roman et la pièce qui s’en inspire. Il constate qu’il y a de grandes transformations entre les deux, dont des transformations imposées par les nécessités théâtrales, de décence en particulier. Analyse donc de l'œuvre nouvelle, faite de façon minutieuse, avec des prises de position personnelle (sur la façon de déclarer la guerre, sur la réaction des habitants de Beaucaire à cette déclaration). Bilan de cette analyse : accueil assez favorable du public. C’est dû à la qualité de l’adaptation du roman qui a produit « plusieurs scènes intéressantes » et à la qualité de l’écriture, comme à la musique, que le public a beaucoup goûté (des couplets sont répétés à chaque représentation). Une musique « légère, chantante et dramatique ». De façon plus originale, l’article signale le travail très apprécié de quelqu’un que nous appellerions un metteur en scène, chargé de coordonner les mouvements des interprètes, nombreux dans une œuvre à grand spectacle. Deux acteurs ont droit à un paragraphe chacun, pour souligner la qualité de leur jeu, tandis qu’un ultime paragraphe cite plusieurs autres interprètes, pour dire... qu’il vaut mieux attendre avant de les juger.]
Pièce nouvelle *.
« LE 17 ventôse, on a donné la première Représentation de Primerose, Opéra en trois. actes, en prose mêlée d'Ariettes, par MM. Morel de Vindé et de Favières, Musique de M. d'Aleyrac.
» Le petit Roman de Primerose est entre trop de mains pour que l'on puisse s'empêcher d'en parler, quand il s'agit de rendre compte au Public d'un Ouvrage dramatique qui porte son. nom, et qui semble lui devoir la naissance. La vérité est cependant que les Auteurs de l'Opéra de Primerose n'ont guère pris du Roman que le nom de leur Pièce, ou quelques traits fort peu intéressans ; le surplus de leur Ouvrage, et même on peut le dire, ce qui y jette un peu d'intérêt, est purement de leur invention, et l'on doit leur en savoir gré, s'ils ont réussi à plaire au Public.
» En effet, dans une bonne partie du Roman, le caractère de Primerose est celui d'une jeune fille capricieuse, inconséquente et coquette ; dans le Drame, au contraire, elle est constamment bonne et sensible, puisque les Auteurs ne la montrent qu'après que l'amour a changé son caractère et l'a corrigée : enfin, le fait principal du Roman, qui est la perte de l'innocence de Primerose, et la manière dont elle a fait cette perte, ne pouvoit décemment faire le sujet d'un Ouvrage dramatique, et auroit nécessairement jeté quelque chose d'odieux sur le caractère du jeune homme ; il a donc fallu passer ce fait sous silence. Le caractère même de Gérard, bizarre et original à l'excès, grand amateur de surprises, et auquel on doit le dénouement et les passages les plus récréatifs du Roman, se trouve fortement altéré et réduit presqu'à rien dans l'Opéra dont on va parler. Il s'agit donc de voir quels nouveaux ressorts on a fait jouer, et par quelles nouvelles inventions on a soutenu pendant trois actes l'action d'un Drame qui n'a guère que le titre du Roman, dont on le croiroit tiré. Voici l'extrait du nouvel Ouvrage.
» Ce n'est point Gerardet, mais Florestan qui est le fils de Gerard, Duc de Tarascon, et le Héros de la Pièce ; les Auteurs ont craint sans doute que le nom de Gerardet ne fût pas assez noble, et qu'il prêtat au ridicule. Florestan donc est Amant de Primerose, fille de Raoul, Comte de Beaucaire. Raoul a fait faire à Gerard des propositions de mariage pour leurs enfans ; mais Gerard, prévenu contre Primerose et dont le caractère capricieux et la coquetterie lui inspirent quelques craintes, a renvoyé sans réponse le Sénéchal de Raoul, qui venoit lui porter les propositions, et se réserve d'examiner par lui même le caractère de celle dont dépendra le bonheur de son fils.
» Mais Raoul, d'un caractère fier et orgueilleux, a pris ce défaut de réponse pour une insulte, et en conséquence, et suivant les dignes usages de son pays et de son siècle, il imagine qu'il n'est pas de meilleur moyen pour venger cette insulte faite à son honneur, que de déclarer la guerre à Gerard, de ravager son pays, et de faire tuer de part et d'autre le plus d'hommes qu'il sera possible, toujours suivant les usages du temps. C'est ici que commence le premier acte.
» La proclamation de guerre se fait à la moderne, et les Hérauts d'armes du Comte de Beaucaire, accompagnés de Trompettes, d'un Corps d'hommes armés de piques, et des drapeaux, viennent signifier aux Citoyens de Beaucaire, qui sont là occupés à danser et à se réjouir, qu'il faudra incessamment se disposer à se battre contre le Duc de Tarascon ; ce qui ne paroît pas les contenter absolument, à en juger par la manière dont ils disparoissent après cette proclamation. Cependant Primerose qui se voit la cause de tous les malheurs que la guerre va produire et qui en gémit ; Primerose, enfin, que l'amour qu'elle porte à Florestan a corrigée, et dont le caractère est totalement changée, donne un rendez-vous à Florestan, et voulant dans son désespoir prévenir une séparation cruelle à laquelle cette guerre pourroit les contraindre, convient avec lui de se rendre la nuit même à une petite chapelle isolée pour s'y jurer une foi mutuelle. Les seuls témoins de cet acte religieux seront Berthe, Nourrice et Confidente de Primerose, et le jeune Roger, son fils, Confident de Florestan, quoique Page du Comte de Beaucaire.
» Malgré toutes les précautions qu'ils prennent pour n'être point surpris, Primerose est rencontrée et découverte par son père immédiatement après avoir fait ce serment de fidélité à son Amant ; elle avoue tout, et le père furieux la fait renfermer.
» Ici commence le second acte. Raoul, irrité de l'amour de sa fille, ne lui laisse que le choix ou d'un Couvent ou d'épouser Léon d'Alby, Guerrier farouche qui doit venir à son secours contre Gerard ; et Primerose, en digne Héroïne, ne manque pas de refuser ce dernier parti. Cependant le petit Page Roger vient à bout de pénétrer dans la prison, sous prétexte de faire ses adieux, avant de partir pour la guerre, et de demander quelqu'argent à Berthe sa mère, qui est renfermée avec Primerose. Il est secrètement envoyé par Gerard, père de Florestan, qui lui a communiqué son plan. I1 parvient à éloigner un moment le Geolier qui les surveille : alors il donne à Primerose le portrait de Florestan et une prétendue lettre de ce jeune homme qui donne à sa Maîtresse un rendez-vous dans un bois voisin de Tarascon et près d'un Hermitage.
» L'embarras pour Primerose est de sortir de sa prison pour aller à ce rendez-vous ; mais le Page, que rien n'inquiète et qui a tout prévu, propose à Primerose de changer d'habits avec lui, et de s'évader de la sorte : elle résiste long-tems, dans la crainte d'affliger son père, ou de compromettre la sûreté de Roger ; mais celui-ci parvient enfin à la décider au nom de son Amant, et dans l'espoir qu'il lui donne que cette démarche pourra réussir à éteindre la guerre prête à s'allumer ; elle cède donc, change d'habits avec Roger, et le Geolier, trompé par ce déguisement emmène avec lui Primerose qu'il prend pour le jeune Page.
» Cependant Raoul revient dans la prison pour faire un dernier effort sur sa fille et l'engager à lui obéir. Roger, qui se trouve à sa place, se cache le visage avec un voile pour n'être pas reconnu. Raoul l'interroge ; embarrassé, et pour ne pas se trahir, il ne répond pas jusqu'à ce que le Comte furieux ordonne qu'on conduise sa prétendue fille dans un Couvent voisin ; mais au moment du départ son cœur paternel s'attendrit ; ceux qui l'accompagnent veulent profiter du moment pour demander la grâce de Primerose. Raoul est sur le point de fléchir, et l'embarras du jeune Roger redouble ; il ne voit plus de moyens d'échapper à Raoul, et se voit sur le point d'être découvert ; le pressant danger lui fournit un moyen de s'en tirer. Il se rappelle le portrait de Florestan qu'il a apporté à Primerose et qu'elle a laissé dans son habit que porte le Page ; il prend ce portrait et le baise en se laissant appercevoir par Raoul qui, après lui avoir arraché ce portrait, et le reconnoissant pour être celui de Florestan, entre dans la plus grandie colère, et fait enlever par ses gardes le Page qu'il continue de prendre pour Primerose. Là finit le seconn acte.
» Le jeune Roger parvient bientôt à s'échapper, en corrompant ses gardes, ce qui lui est d'autant plus facile que leur chef est son ami : il se rend immédiatement après aux ordres de Gerard, à qui il rend compte de la manière dont il a rempli sa commission, et lui annonce l'arrivée prochaine de Primerose, qui vient en effet au rendez-vous indiqué, en habits très simples, et croyant y voir Florestan. Mais elle trouve en sa place un hermite, auquel elle offre le secours de son bras à cause de son grand âge et de sa peine à marcher ; elle lui conte ses chagrins ; l'Hermite la console ; bientôt il gagne sa confiance, et profite de cette longue conversation pour approfondir et apprécier le caractère de Primerose ; et même pour l'éprouver davantage il exige d'elle le sacrifice de son amour pour empêcher la guerre qui est sur le point de s'allumer entre Gerard et son père. Enfin, se trouvant totalement rassuré sur le caractère de Primerose, il la fait entrer dans l'Hermitage, où elle doit trouver Florestan, Peu de temps après Raoul, amené à un rendez-vous que lui a pareillement fait donner Gerard, croyant que ce rendez-vous a pour but un combat singulier, ne trouve pareillement que l'Hermite qui lui fait au nom de Gérard des réparations pour la prétendue offense qu'il en a recu, et des propositions de mariage. Raoul, après avoir long-temps combattu , finit par les accepter. Alors l'Hermite se fait connoître pour être Gerard lui même, en ôtant sa robe d'Hermite. Au même instant Primerose paroît, les deux pères ennemis se réconcilient et marient leurs enfans.
» Tel est l'Extrait de cette Pièce, à laquelle le Public fait un accueil assez favorable, surtout depuis quelques changemens heureux qui ont été faits en plusieurs endroits, qui, lors de la première Représentation, avoient paru exciter la Censure du Public. Grâce à ces corrections, faites à propos, le succès de Primerose ne paroît p!us équivoque. Les Auteurs de cet Ouvrage sont, ainsi que nous l'avons dit au commencement de cet Article, M. de Favières, Auteur de plusieurs autres Ouvrages avantageusement connus, et entr'autres des Espiègleries de Garnison, de Paul et Virginie, et enfin de Lisbeth, donnés successivement et avec succès sur le même Théâtre ; il partage ce dernier succès avec M. Morel de Vindé, Auteur du Roman de Primerose, qui lui a fait une réputation estimable en Littérature, et qui s'est joint à M. de Favières pour mettre cet Ouvrage à la Scène. On ne peut nier, à leur louange, qu'il n'y ait dans cette Comédie plusieurs scènes intéressantes, notamment dans le second acte ; le moyen du portrait employé par le jeune Page pour se tirer d'affaire, a produit un très bon effet, cette idée est vraiment ingénieuse, comique et dramatique, et bien digne d'un Page espiègle ; elle amène d'ailleurs un très beau chœur. Enfin, cet Ouvrage est bien écrit, et l'on y rencontre entr'autres choses des couplets extrêmement ingénieux.
» La Musique de Primerose, qui a beaucoup contribué à son succès, est de M. d'Aleyrac, Compositeur connu par une infinité de Compositions agréables, qui enrichissent depuis plusieurs années le Répertoire du Théâtre Italien. On sait que cet Artiste, qui marche sur les traces de M. Grétry, son maître, doit sa réputation en partie à une très grande quantité de Romances et de couplets agréables. Il a donné la preuve dans Primerose,qu'il n'avait rien perdu de ce talent ; on en peut citer pour exemple les trois couplets chantés par le petit Page au second Acte au sujet de la robe de Primerose, dont il est revêtu. Le Public, qui presque toujours fait répéter ces couplets, les couvre chaque fois de nombreux applaudissemens. On peut encore citer dans le même acte le morceau d'harmonie et le trio, dans lequel on annonce l'arrivée du farouche Léon d'Alby ; ce morceau a généralement fait plaisir par l'originalité de son chant, et la manière dont il est composé : l'harmonie en est belle, et rend avec beaucoup de vérité le caractère terrible du Guerrier, ainsi que la frayeur qu'il inspire aux jeunes gens. En général, toute cette Musique est légère, chantante et dramatique.
» M. Fleuriot, Artiste de ce Théâtre, et précédemment attaché à celui de la rue de Louvois, doit, aux yeux du Public, partager avec les Auteurs eux-mêmes les applaudissemens qui ont été donnés à Primerose, pour le talent avec lequel cet Ouvrage a été mis à la Scène sous sa direction. Les marches, les groupes, et généralement tout ce-qui concerne l'ensemble dramatique, sont du ressort de cet Artiste, connu avantageusement et depuis long-tems à Paris par ce genre de talent, dont le résultat n'a pas peu d'influence sur la réussite des Pièces à spectacles surtout, où il est de nécessité absolue que tous les détails soient combinés et calculés de manière à produire ce bel ensemble, sans lequel il ne peut y avoir de véritable illusion théâtrale.
» Enfin l'on doit encore de grands éloges aux différens Artistes qui ont dirigé et fait exécuter les habits et costumes de cette Pièce, et surtout au Décorateur qui, notamment dans le troisième acte, a donné au Public un échantillon d'un talent bien précieux dans la dernière décoration de cette Pièce, qui lui a mérité de très vifs applaudissemcns.
» Mme Saint-Aubin remplit dans cette Pièce le rôle de Primerose avec la supériorité de talens qu'on lui connoît. Cette Actrice intéressante joint à une physionomie très expressive une diction extrêmement exacte et variée, et une justesse d'intonation qu'une oreille délicate peut seule apprécier justement. Son jeu est plein de chaleur et de vérité. Elle joint enfin à ces différens talens une manière de chant extrêmement agréable, quoiqu'elle ne soit pas absolument moderne, en quoi l'on ne peut que la louer, puisque, par ce moyen, elle sait allier le bon sens aux grâces de la mélodie, ce qui n'arrive pas toujours, en suivant la méthode de chant que veulent introduire certains Novateurs en Musique, que pour toute réponse à leur nouveau système on devroit envoyer écouter le chant simple et expressif de Mme Saint-Aubin.
» Mlle Carline rend le rôle du petit Page avec une gaieté et une intelligence au-dessus de tout éloge ; c'est l'espièglerie d'un Page alliée avec la sensibilité d'un jeune homme qui commence à sentir ; la finesse de sa charmante figure anime chaque partie de son rôle, et y jette une variété puissante, qui le rend sans doute le plus saillant de la Pièce.
M. Gavaudan remplit le rôle de Florestan. Nous espérons trouver quelqu'occasion, sous peu de temps, de nous étendre sur cet Artiste, sur lequel il y a plusieurs réflexions à faire. Enfin, MM. Chénard, Dozainville, Granger et Mme Gonthier, sont chargés des autres rôles ; mais on doit attendre d'autres occasions pour analyser d'une manière précise le talent de ces différens Artistes ».
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1798 (vingt-septième année), tome IV (avril 1798, germinal, an VI), p. 194-196 :
[Un article plutôt enthousiaste, qui s’ouvre sur le résuùé d’une intrigu qu’on peut trouver compliquée et romanesque, mais que le critique aie beaucoup. Il n’a comme reproche quelques longueurs qui « ont un peu obscurci les beautés sans nombre » : quelques corrections, et la pièce « tiendra un rang distingué parmi les pièces estimables de ce théâtre ».]
THÉATRE DE L'OPÉRA COMIQUE.
Primerose.
Primerose, fille de Raoul de Beaucaire, naguère orgueilleuse, insensible & capricieuse, brûle enfin de la passion la plus vive pour Florestan, fils de Gérard, seigneur de Tarascon, qu'elle a long-temps accablé de dédains, & dont elle est tendrement aimée. Raoul a fait demander à Gérard de consentir à l'union de leurs enfans ; mais Gérard, qui chérit son fils, veut, avant de former ces nœuds, s'assurer s'il est vrai que l'amour ait changé Primerose : il refuse la proposition de Raoul, qui, dans son indignation, lui déclare la guerre. A cette nouvelle, les deux amans au désespoir, pour s'ôter tous moyens de former d'autres engagemens, se jurent, aux pieds des autels, un amour éternel. Surpris par Raoul, Floreftan s'échappe, & Primerose est conduite au château. Enfermée dans un des pavillons, elle essuye les menaces de son père, qui vient lui proposer de l'unir à Léon d’Albi, qui épouse sa querelle contre Gérard. Primerose résiste à ces menaces. Bientôt Roger, frère de lait de Primerose, page de Raoul & ami de Florestan & Gérard, s'introduit dans la prison de sa maîtresse, lui indique une chaumière où Florestan doit se rendre, enivre un geolier, & changeant d'habits avec Primerose , lui procure les moyens de s'évader ; le geolier lui même abusé, l'emporte hors de la prison. Raoul revient, & se trompant aux habits dont Roger est revêtu, il donne ordre de le conduire dans un couvent, dont sa sœur est abbesse. Ses ordres sont exécutés ; mais le page trouve le moyen de s'échapper, en corrompant ses gardes. Il vient raconter à Gérard tout ce qu'il a fait. Primerose arrive au lieu indiqué par Roger, est surprise de n'y point trouver son ami, l'appelle, quand Gérard déguisé en hermite, apprend d'elle tous ses secrets : son orgueil vaincu par l'amour, sa tendresse pour Florestan, son respect pour le père de son amant, pour le sien. Après s'être assuré que Primerose est telle qu'il la désire, il la fait conduire par Roger dans une cabane voisine. Raoul, provoqué par un billet de Gérard, arrive dans l'espoir d'un combat singulier ; il s'étonne de trouver un hermite, au lieu d'un chevalier ; mais bientôt, pressé par Gérard qui se découvre, il abjure son ressentiment, & consent à l'union de ses enfans qui embrassent ses genoux.
Telle est la marche de cet ouvrage, dont quelques longueurs, qu’il est aisé de faire disparoître, ont un peu obscurci les beautés sans nombre ; mais qui, au moyen de quelques légères corrections, tiendra un rang distingué parmi les pièces estimables de ce théâtre.
Les auteurs sont les CC. Favières, Charles Morel, auteur du roman, & d'Alayrac. Leur nom suffit à leur éloge.
* Cet Article est aussi de l'Amateur du Vaudeville. [c'était déjà le cas pour Gessner, la pièce dont le compte rendu précède celui de Primrose.]
Dans leur Dictionnaire lyrique ou Histoire des opéras, p. 545, Félix Clément, Pierre Larousse donnent comme auteurs des paroles Favières et Marsollier, et comme compositeur Dalayrac. L'absence de Morel de Vindé et la présence de Marsollier est surprenante.
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